Nous allons ébaucher, comme nous l'avions annoncé au départ, une approche de l'espace psychique étayé sur le monde sonore, pressenti dans l’antiquité et par maints acousticiens, musiciens, chanteurs et psychologues. Nous pouvons avancer que l'espace psychique sonore est d'une part vectorisé, les sons graves affectant le bas du corps, (50-125 Hz), les aigus, le haut du corps (4000-12000 Hz) ; il est d’autre part polarisé, le matériel sonore n'étant pas identiquement traité par nos deux hémisphères cérébraux.
|
Avec Édith
Lecourt (1985), nous pouvons donner quelques caractéristiques du monde sonore
: « L'absence de limites dans l'espace : le son nous atteint de toutes parts,
il nous entoure, nous traverse et en dehors de nos productions sonores volontaires,
des sons vont jusqu'à s'échapper subrepticement de notre propre corps ».
L'absence
de limites dans le temps : il n'y a pas de répit pour la perception sonore,
active de jour comme de nuit, elle ne s'éteint qu'avec la mort ou la surdité
complète.
Le sonore
se caractérise par l'absence de concrétude. Le son reste insaisissable, seule
la source sonore peut être repérée, modulée, voire fabriquée. Le son-objet est
la construction des acousticiens, non un fait d'expérience. Parallèlement au
repérage objectivant de ces derniers quelques espaces peuvent cependant
être décrits. P. Schæffer (1966) définit le champ acousmatique en analogie
avec l'expérience que Pythagore faisait éprouver à ses élèves qui, pendant cinq
années, écoutaient ses leçons, cachés
derrière un rideau, sans le voir, et en observant le silence le plus rigoureux.
|
Figure 14
|
Cette
situation interdit symboliquement tout rapport avec ce qui est visible, touchable
et mesurable et définit un espace subjectif de la perception : cet espace pédagogique
évoque aussi l'espace psychothérapeutique défini par un cadre et des limites
qui sont aussi celles de notre espace psychique, décrit par Anzieu (1974)
par l'intermédiaire des enveloppes psychiques comprenant l'espace sonore et Freud n’a-t-il
pas évincé la pulsion scopique pour
pouvoir écouter les sujets parlants ? Nous décomposons par ailleurs l’audiogramme
en courbe osseuse reflétant la résonance spécifiquement à l’intérieur du sujet,
et la courbe aérienne reflétant l’écoute adressée à l’Autre dans l’espace virtuellement extérieur.
Il existe
de nombreux modèles de l'espace psychique dont celui, en psychiatrie de Henri
Ey, élaboré à partir du modèle de H. Jackson de l'organisation des niveaux structuraux
de l'être psychique ; notons aussi les modèles d'évolution et de complexification
de la conscience de Teillard de Chardin (1955) Mac-Lean (1990) ainsi que "l’appareil psychique",
selon Freud, constitué des trois sous-systèmes que nous connaissons (Ça, Moi,
Surmoi), probablement élaboré a partir
du modèle de Platon qu’il admirait,
selon le ternaire :
A moins
que ce ne soit à partir du modèle de la mystique juive acheminé par les cours
andalouses à partir du 12eme siècle (voir
Chapitre12).
La représentation
graphique que celui-ci en fait prend
forme de "vésicule" et comporte, sur son sommet, selon certaines éditions,
la calotte acoustique (centre de l'audition) surmontant le Surmoi. L'image du
corps n'est cependant pas très flatteuse… et, à l'instar de la tradition, nous
dotons le petit homme de membres, nous
l'érigeons sur ses pieds… nous l'équipons d'un axe vertébral… et le latéralisons
(fig.14).
Nous pouvons
maintenant nous interroger sur une spécificité métamérique (un métamère est
un étage du corps centré sur une vertèbre) : "vibrons-nous" différemment
selon ce que nous "ressentons" au niveau de la gorge, du bassin ou
du dos ? Quelle lecture de l’audiogramme de telles considérations peuvent-elles
nous inspirer ? Plus spécifiquement, qu'en est-il de notre oreille lors
de sollicitations corporelles ou sensorielles intempestives n'ayant pas donné
lieu à un phénomène de symbolisation lors du traumatisme de l’intrusion d’un
signifiant. Nous référant aux différents étages vertébraux, nous distinguons
plusieurs plans, qui sont non seulement des plans résonantiels mais aussi des
plans psycho-somatiques, des plans de l'organisation de l'être psychique
que nous aborderons sur le mode pluridisciplinaire et dont nous donnerons la description en fin d’ouvrage page
.
précédent |