L. Bassou
Chapitre I
"Broderies psychologiques
sur un canevas physiologique"
I. Pavlov (in Leontiev : le
développement du psychisme
Ed. Sociales, 1976, p. 185)
A. Une mise en relation entre
processus moteurs et/ou sensoriels et processus cognitifs se justifie - t -
elle ?
1.
Aspects opératifs et figuratifs de la connaissance : leur genèse.
2.
Opérations
logico - arithmétiques et opérations infra - logiques.
3.
Variabilités intra - individuelles et inter - individuelles de
développement.
B. Délimitation du champ
d'investigation.
1.
Sujet
épistémique et code opératoire.
2.
Définition du cadre de recherche.
Chapitre I : Latéralités
motrices et/ou sensorielles et processus cognitifs.
De nombreuses recherches,
depuis une dizaine d’années notamment, sont basées sur des expérimentations
mettant en relation des groupes de sujets contrastés par leur latéralité (le
plus souvent manuelle, parfois oculaire et manuelle) et les résultats obtenus
par ces sujets dans des tâches de type verbal, (Wheeler et Watkins, 1977 ; Broman, 1978 ; Bradshaw et Gates, 1978 ;
Pynte, 1979) ; spatial (Mines, 1975 ; Kemp et
Hande, 1979 ; Meyer, 1981) ; de mémoire (Klein, 1980 ; Riege et al, 1980 ; Leiber, 1982 ; Lempert et
Kinsbourne, 1982 ; Brion et al, 1983) ; d'habileté intellectuelle
( Hardyck,
1977 ; Bryden, 1978 ; Gorden et al 1982,... )
Les neurologues utilisant une
procédure plus individualisée basent une part de leur diagnostic sur les
réactions comportementales de leur sujet dans des tâches définies
spécifiquement en fonction du type de lésion ou de déficience qu'ils cherchent
à cerner. Le plus souvent cette lésion ou cette déficience sont latéralisées.
L'énumération des travaux récents serait longue. Luria (1978) décrit longuement
les différentes épreuves qu'il utilise pour appuyer son diagnostic.
Les ergonomes, au départ, se
sont intéressés à l'aspect moteur de la latéralité : posture de l'ouvrier en
activité, plan de travail latéralisé etc... Avec l'introduction sur le lieu de
travail d'appareils de visualisation -
à surveiller notamment - leur attention
s'est portée sur la prise d'information (Ochanine, 1978 ; Vermersch P., 1979 ;
Fassima - Weill, 1979 ; Strizenec, 1981,...).
Les handicaps
sensoriels : cécité, surdité, surdi - mutité envisagés dans une optique
développementale ont orienté les recherches vers le rôle de la vision, de
l'audition, de l'auditif articulatoire dans l'épigenèse ou la genèse des
structures opératives ou figuratives de la connaissance (Oléron 8, 1957 ;
Hattwell, 1966 ; Deleau, 1978 ; Paour, 1978 ...).
L'éducation et la thérapie
ont bénéficié du large développement de la psychomotricité orientée vers
l'analyse des habiletés motrices (Le Camus, 1976) ou vers des tentatives de
rénovation pédagogique, tentatives qui ont soulevé bien des critiques. (cf. Le
Camus, 1978,1979)
L'approche de la
"dominance" hémisphérique par des méthodes de vision tachitoscopique
et d'écoute dichotique a débouché sur des découvertes intéressantes :
recherches de Kimura notamment sur les voies auditives. On trouvera dans
Bertelson (1982) une revue de questions très détaillée des différents travaux
portant sur les différences latérales comme reflet de la latéralisation
fonctionnelle du cerveau, sur les problèmes conceptuels et méthodologiques
qu'ils posent. De telles études soulèvent la question de la comparabilité de
conduites relevant de domaines différents.
A - La mise en relation
entre processus moteurs et /ou sensoriels et processus cognitifs se Justifie -
t - elle ?
La plupart de ces recherches
mettent en relation, ou utilisent d'une part des résultats, le plus souvent
qualitatifs, basés sur des comportements moteurs et/ou sensoriels, d'autre part
des résultats, quantitatifs bien souvent obtenus à partir de processus
cognitifs (prise et traitement d'une information).
Cette utilisation ou cette
mise en relation sont - elles légitimes ? Si elles peuvent se justifier, il
reste encore à poser la question :
-
de la
latéralisation de ces mêmes processus moteurs et/ou sensoriels comme facteur
déterminant dans la réalisation spécifique des processus cognitifs concernés,
du niveau ou du degré de cette détermination ;
-
du choix d'une tâche impliquant ces processus cognitifs, tâche qui
devrait être la mieux adaptée au type de relation que l'on désire mettre en
évidence ;
-
du choix ou de la prise en compte de l'âge des sujets, car comme le
fait très justement remarquer Messerli (1980, p. 278) « ce qui est vrai
pour la formation d'une notion ne l'est plus, nécessairement, pour son
utilisation, ce qui revient à dire que ce qui est vrai pour l'enfant, en son
développement, ne l'est pas forcément pour l'adulte ».
L'objectif visé ici n'est pas
d'administrer la preuve des relations entre champs psycho biologique et
psychologique mais de montrer que les deux domaines ne sont pas étrangers l'un
à l'autre.
La psychologie, avec wallon
et Piaget notamment, s'est intéressée aux aspects figuratifs et opératifs de la
connaissance.
Nous verrons qu'avant de
déboucher sur les concepts de fonction symbolique et d'opérations, le champ
d'investigation a largement débordé le plan psychologique pour chercher dans le
champ psycho biologique les racines premières.
L'intelligence, envisagée du
point de vue de l'observateur, est essentiellement action. La multiplicité des
comportements contribue à la formation de schémas divers : schémas d'action,
perceptifs, etc .... Après l'âge de deux ans, la pensée comporte deux aspects
différents :
« Un grand nombre
d'opérations logiques, mathématiques et physiques se développent, en majeure
partie spontanément, chez l'enfant de 6 - 7 ans et sont complétées dès 11 - 12
ans par des opérations propositionnelles ». (Piaget 1972 p. 80)
Nous allons présenter
comment, Piaget et Wallon notamment, envisagent la genèse et les relations
réciproques de ces deux aspects de la connaissance.
Pour Piaget les structures[1]
cognitives procèdent d'une construction dont la source est à chercher dans les
processus d'autorégulation - ou
d'équilibration - qui gouvernent les
actions du sujet. Dans le champ inter - relationnel qui nous préoccupe, la
sensori - motricité est à la fois la base et le point nodal de cette genèse.
-
La base car c'est à partir de la sensori - motricité que vont se
développer par assimilations et accomodations successives, les structures
opératoires dérivant des schèmes d'actions.
-
Le point nodal car grâce, essentiellement à l'imitation, sera assurée
la transition entre une intelligence agie et une intelligence réfléchie.
Le rôle de l'action est
primordial "c'est de
l'action que procède la pensée" (1950, I, p. 20). Piaget reconnait que
"la logique est liée au discours" mais l'étude doit déborder
le plan verbal pour remonter aux sources de la pensée, dans la direction de
l’action (1947, p. 5). Les opérations sont des actions intériorisées,
intériorisables, réversibles et coordonnées en structures totales (1950, p.
45).
Débutant par
une action à sens unique, "la connaissance est d'abord centrée sur
l'activité propre" (égocentrisme) puis les actions se coordonnent et
s'intériorisent en opérations, les groupements opératoires décentrant l'action
propre en l'insérant dans des systèmes de transformations réversibles (1947, p.
10). Il y a donc une logique de l'action avant celle de la pensée.
Piaget
distingue (1947, p. 157) l'expérience mentale,"simple imagination ou
imitation de la réalité telle qu'elle est perçue" (c'est - à dire
irréversible) de "l'expérience logique, série de raisonnements en vue
de constater non ce qui se passera dans la réalité mais dans quel état de
satisfaction ou d'insatisfaction se trouvera la volonté qui dirige la pensée'.
"Les jugements des enfants sont reliés à la manière de nos mouvements,
sans conscience des liaisons, sans implication consciente, ni liens
démonstratifs. A ce stade (7 - 8 ans) l'implication constitue un phénomène
moteur plus qu'un phénomène de pensée[2]".
Ce n'est que vers 11 - 12 ans
que l'expérience logique (dérivant du processus d'expérience mentale),
intervient : effort pour prendre conscience de ses propres opérations (pas
seulement de leurs résultats) et pour voir si elles s'impliquent entre elles ou
si elles se contredisent (1947, p. 186).
Les informations tirées de la
perception imitation, imagerie mentale, fournissent un support indispensable
aux opérations issues de la coordination des actions mais n'en guident pas la
construction. Au contraire, la structuration des aspects figuratifs est
subordonnée à la construction des opérations.
L'image, en tant que symbole,
est imitation
intériorisée, elle est imitation de la perception[3] et non son prolongement
résiduel en ses aspects sensoriels (1966, p. 8).
L’image anticipatrice qui se
forme avec l'aide des opérations est indispensable pour la reconstitution (des
mouvements et) des transformations (1966, p. 457). Elle est « l'imitation
dune opération » (Sinclair de Zvart, 1967. p. 165).
L'image sert de support au
raisonnement s "toute pensée verbale n'est pas formelle et il est
possible d'obtenir des raisonnements corrects portant sur de simples énoncés
dès le niveau de 7 - 8 ans pourvu que ces énoncés correspondent à des
représentations suffisamment concrètes" (in Inhelder, 1955, p. 221).
Ce n'est que plus tard qu'une
inversion de sens s'opère entre le réel et le possible. "Le possible
n'est plus le prolongement du réel ou des actions exécutées sur la réalité mais
le réel se subordonne au possible" (ibid, p. 220).
Les prises de conscience des
actions propres permettent le passage du "savoir - faire", forme
pratique de connaissance, à la pensée. Ce passage consistant "en une
conceptualisation, c'est - à - dire une transformation des schèmes d'action en
notions et opérations " (1974, p. 6).
La conceptualisation fournit
à l'action "un renforcement des capacités de prévision et la
possibilité, devant la situation donnée, de se donner un plan d'utilisation
immédiate.., avec accroissement du pouvoir de coordination déjà immanent à
l'action" (1974, p. 234).
Donc rôle prépondérant de
l'action chez J. Piaget à qui H. Wallon reproche (1970, p. 45) "de
ramener aux facteurs purement individuels de la motricité des pouvoirs comme
l'usage du symbole et l'expression de la pensée qui ne peuvent appartenir qu'à
un être essentiellement social".
Il "reproche aussi
d'exclure explicitement de l'évolution psychique de l'enfant le rôle de la
maturation, c'est - â - dire l'intervention dans les effets constatés de procès
qui se seraient développés jusque là en dehors du plan psychique et sans
interférer visiblement avec lui. Ainsi des procès physiologiques, ainsi des
structures nerveuses qui continuent de se constituer longtemps encore après la
naissance et qui deviennent fonctionnellement disponibles chacune à son heure"
(ibid, p. 47). A lire cette critique, on comprendra aisément pourquoi, dès
1925, H. Wallon appelait son laboratoire "laboratoire de psychobiologie de
l'enfant" (Galifret, 1979).
H. Wallon (1970, p. 96)
souligne que "chez l'enfant les centres nerveux de la vie
intellectuelle, c'est - à - dire les régions et les systèmes de l'écorce
cérébrale les plus récemment évolués et qui sont les derniers à se myéliniser, c'est
- à - dire à pouvoir fonctionner, laissent longtemps une sorte d'autonomie aux
activités sensorimotrices et affectives, qui devront tomber sous leur contrôle.
L'objet de la psychologie
peut être, au lieu de l'individu, une situation" (ibid p. 50).
Avant
l'intelligence qui opère sur des représentations et des symboles, existe une
intelligence des situations où l'action et les choses fusionnent. Le
dédoublement du réel et de sa représentation viendra par la suite.
L'intelligence des situations
est basée sur "l'intuition des rapports qui existent ou pourraient
exister dans l'espace" (ibid p. 52). Mais lorsque l'enfant commence à
parler il apprend la succession ordonnée, le langage se détaillant dans le
temps. "Cette succession ordonnée suppose une simultanéité initiale,
une intuition globale des parties qui auront à se distribuer d'une certaine
façon dans la durée et qui doivent déjà occuper certaines positions réciproques"
(ibid, p.80).
L'espace représentatif est un
espace où l'ordre spatial, d'origine sensori - motrice est modulé par le
langage et les "aptitudes intuitives" modelées par la sociabilité.
La fonction tonique "assure
l'équilibre nécessaire à l'exécution de chaque geste ... la forme du geste
étant déjà dessinée par la répartition du tonus dans l'appareil musculaire...
(et) à cette accomodation en vue du mouvement se combine étroitement celle de
l'appareil perceptif qui n'est pas moins tendue vers le but (vers l'objet) que
celui - ci soit présent ou seulement attendu, pressenti et comme dessiné (lui
aussi) dans l'attitude (du sujet)". (ibid, p. 148).
L'attitude, état combiné de
sensibilité et de mouvement possède "le double caractère d'être
simultanément ou alternativement préparation à l'acte et attente, prémouvement
et préperception " le sujet étant en " état d'imprégnation
perceptivo - motrice" (ibid,p. 149).
« L'imitation n'est
pas copie trait pour trait d'un modèle dont l'image serait présente soit aux
yeux, soit à l'esprit. Elle devance la représentation. Elle est ajustement des
gestes à un prototype, qui n'est pas une figure mais un besoin latent[4] né d'impressions multiples » (ibid, p. 150).
L'activité au lieu d'être
uniquement "tournée vers le monde extérieur pour en modifier les
rapports, devient une modification du sujet lui - même... La conversion qui
s'opère est celle de l'activité immédiatement utilitaire vers l'activité
spéculaire" (ibid, p. 151).
H. Wallon estime "comme
passage capital pour l'avenir intellectuel de l'enfant... celui qui le prend à
sa fusion dans la situation ou l'objet... et qui l'amène au moment où il peut
leur donner un équivalent fait d'images, de symboles, de propositions, c'est -
à - dire de parties
articulées dans le temps et graduellement mieux décomposables dans leurs
éléments individuels[5]" (ibid, p. 155) .
La représentation est le
fruit d'un travail dont l'imitation peut être tenue pour le prélude et aussi
pour l'antagoniste. C'est la réduction en une sorte de résultante unique" qui rapproche l'imitation de la
représentation. "Toute image, toute idée consistent à fondre dans la
simplicité d'un moment unique de la conscience un contenu multiple
d'impressions" (ibid, p. 160).
La bonne réussite d'une
imitation ne s'obtient qu'au moment où l'acte devient "capable de se
résoudre en fractions provisoires et successives sans laisser oublier en cours
de réalisation, sa totalité ni son devenir".
Dans l'imitation littérale,
"l'acte visible a pour guide un pouvoir d'intuition, de prévision et de
distribution qui oppose à l'espace empirique du geste le milieu idéal où se
dessinent les rapports à réaliser" (ibid, p. 164).
L'ordre de la pensée n'est
pas donné par les évènements. Il est à réaliser mentalement. Une pensée normale
doit pouvoir se détailler, s'analyser, devenir discursive pour subsister et
s'utiliser. Les rapports des représentations entre elles ne sont possibles que
par leur retour dans la durée.
Et des difficultés semblables
à celles de l'imitation surgissent. "C'est la même implication mutuelle
des termes qui devraient ne succéder, la même impuissance, non seulement à
trouver l'ordre où les placer mais à les détacher les uns des autres, à les
dissocier entre eux" (ibid, p. 165).
"Imitation et
représentation sont la réduction d'impressions plus ou moins éparses en une
sorte de formule unique et comme intemporelle. A toutes deux, il incombe de
résoudre ensuite cette intuition globale en termes successifs" (ibid,
p. 167).
La distribution dans le temps
de ce qui se présente comme simple intuition momentanée, "le pouvoir d'organiser
la durée en fonction de la représentation mentale est une condition
fondamentale de la parole" (ibid, p. 195).
"Quand les relations
des objets dans l'espace sont devenues étrangères à celui qui les perçoit,
elles peuvent être sublimées et devenir un pouvoir latent de distribuer devant
soi non seulement les choses mais encore les moments de la pensée"
(ibid, p. 197).
Les aptitudes de l'esprit à
grouper, classer, connaître résultent "d'une intégration mutuelle entre
son activité déployée hors de lui et cet espace mental conquis sur l'espace
perceptif, comme celui - ci l'a été sur les expériences sensori - motrices et
sur les structures nerveuses qui leur servent de trame" (ibid. p.
229).
Les schèmes moteurs sont donc
les éléments de base de la représentation, elle - méme support de la vie
intellectuelle. "Pour qu'il y ait représentation il faut qu'à la
réalité s'ajoute son double et qu'il ne se confonde pas avec sa matérialité
présente avec les réactions motrices ou perceptives qu'elle est actuellement en
train de susciter" (ibid p. 42).
Nous retrouvons cette analyse
des rapports entre aspects figuratifs et opératifs chez les phénoménologues et
les psychologues de l'école soviétique.
Chez les premiers "perception
et motricité sont à considérer comme deux aspects d'un méme phénomène".
"Tout mouvement se
déroule sur fond perceptif et toute sensation implique une exploration motrice
ou une attitude du corps... Toute conduite instinctuelle ou intelligente se
déroule sur un fond de perception d'une situation". (Merleau - Ponty
1964, p. 175). Pour lui (1945 p. 16) "il n'y a pas de définition
physiologique de la sensation et plus généralement il n'y a pas de psycho -
physiologie. Psychologie et psycho - physiologie ne sont pas deux sciences
différentes mais deux déterminations du comportement : la première
concrète, la deuxième abstraite".
Pour l'école soviétique et
Leontiev[6]
en particulier (1976 p. 175 et 55), le rôle de l'entourage est fondamental pour
l'enfant dont les actions extérieures s'élaborent avec l'aide de
l'adulte : imitation (imitation réflexe, échokinésie, écholalie, puis
formes d'imitation supérieure), réaction d'abord au mot comme signal, puis au
langage. Les actions déployées à l'extérieur sont intériorisées par passage au
plan verbal.
Les modifications se
reproduisent par un processus d'appropriation qui constitue le mécanisme de
"l'hérédité" sociale (ibid, p. 185).
« Les organes des
sens eux - mêmes sont le produit d'une adaptation aux influences du milieu
extérieur et sont donc par leur structure et leurs propriétés, adéquats à ces
influences ».
Ils n'accomplissent leur
fonction "qu'à la condition qu'ils reflètent fidèlement les propriétés
objectives de ce milieu" (ibid, p. 196).
Pour qu'il y
ait reflet, il faut activité du sujet relativement à la réalité reflétée, et
c'est ce dernier processus, qui grâce à son assimilation aux paramètres
indépendants de la réalité, en porte le reflet.
Ainsi (p. 238) pour produire
une image visuelle il ne suffit pas... "d'avoir l'objet devant les yeux"..,
il est nécessaire que se réalise le travail actif du système perceptif visuel
avec la participation de ses chaînons efférents (la "rétine de l'oeil
éduqué est à proprement parler la rétine d'un oeil initialement instruit par
la main" d'après Setchénov).
Pas question pour Leontiev
(ibid, p, 240) d'expliquer la présence du reflété devant le sujet lui - même
par un homuncule contemplant, même par l'auto - réflectivité des structures
nerveuses. C'est du côté de l'activité "laborieuse" qu'il faut
chercher.
Le travail accomplissant le
processus de production s'imprime dans son produit "ce qui était du
mouvement apparait maintenant dans le produit comme une propriété en repos"
(citation de Marx).
En plus "l'image
intérieure, régulatrice de l'activité du sujet, s'imprime, elle aussi, dans le
produit. Maintenant, cette image, sous sa forme reflétée en dehors,
extériorisée, devient elle - même objet du reflet. Et c'est la juxtaposition
dans le cerveau humain de l'image incarnée et du reflet de l'objet qui l'a
incarnée en soi qui fait naître la prise de conscience de l'objet". Et
ce dont on a pris conscience est toujours verbalisé.
Le rôle de l'action dans la
constitution des opérations tirant leur source du schématisme sensori - moteur,
l'interaction entre activités motrices et activités perceptives dans le passage
du plan physique (le réel) au plan de la représentation ont été soulignés par
tous les auteurs. A ce dernier niveau interviendront deux modes de représentation
symbolique selon Paivio (1971 ; 1975)[7],
l'un de nature imagée, l'autre de nature verbale, conçus comme des systèmes
cognitifs interconnectés mais fonctionnellement distincts[8].
Comme nous venons de le voir,
cette représentation symbolique trouve son origine dans les systèmes
perceptifs et surtout moteurs. « Elle permet aussi, ou du moins
renforce considérablement l'intériorisation des actions », Piaget
(1972, p. 78). Nous pourrions en conclure qu'une mise en relation à partir de
leurs productions observables entre, d’une part, les processus moteurs et/ou
sensoriels et, d'autre part, les processus cognitifs où interviendraient
opérations et modes de représentation symbolique dérivant, en leur genèse. de
ces mêmes processus moteurs et/ou sensoriels, est clairement justifiée.
Mais nous avons à être
beaucoup plus prudent : autre chose est l'activité extériorisée, autre chose
l'action intériorisée ; autre chose la prise d'information, autre chose le
traitement de cette information. Il faudra donc avant tout bien situer où
s'effectue la mise en relation et préciser quels sont les objectifs visés. Ce
qui nous amène à distinguer très schématiquement deux plans dans les processus
cognitifs :
a)
l'un de prise (de saisie), puis de réception de l'information : c'est
donc au niveau périphérique des organes des sens que nous nous adressons, même
s'il est difficile de dissocier toute la chaîne nerveuse; et par le processus
de latéralisation nous savons qu'un organe peut être "directeur" par
rapport à l'autre, dans la recherche et la saisie d'une information ;
b)
l'autre de traitement de l'information, faisant appel aux opérations
et aux systèmes de représentation et/ou de mémorisation. C'est donc à un
niveau plus central que cela se passe, et par le processus de latéralisation,
nous savons qu'un système de représentation ou de mémorisation peut, sous
certaines conditions, être prévalent par rapport à l'autre.
S'il nous parait légitime, au
plan psychogénétique, d'effectuer une mise en relation entre processus
psycho - biologiques et processus cognitifs, l'utilisation, par exemple,
d'une latéralité de « direction » au sens de (a) pour justifier un
traitement au sens de (b) nous parait quelque peu abusive. Nous préciserons ce
point de vue dans le chapitre II.
Si nous nous intéressons
maintenant aux actes d'intelligence comme tels par opposition à leur expression
symbolique, il nous faut distinguer dans l'aspect opératif, qui d'après
Piaget, prolonge la motricité comme telle, deux types d'opérations : les
opérations logico - arithmétiques et les opérations infra - logiques.
Les opérations qui se
constituent aux alentours de 7 - 8 ans sont, selon Piaget, de deux
ordres :
-
les opérations concrètes de caractère logico - arithmétiques portant
"exclusivement sur les ressemblances (classes et relations symétrique),
les différences (relations asymétriques) ou les deux à la fois (nombres), entre
objets discrets, réunis en ensembles discontinus et indépendants de leur
configuration spatio - temporelle" (1972, p. 534).
-
les opérations concrètes de caractère infra - logique ou spatiotemporel
"sont des opérations constitutives des objets eux - mémes, objets
complexes et cependant uniques tels que l'espace, le temps et les systèmes
matériels". (ibid)
Bien que leurs structures
soient semblables (à la classification, sériation, dénombrement dans les
premières correspondent le placement le déplacement et quantification ou mesure
dans les secondes), bien que toutes deux relèvent également du groupement et du
groupe, bien que leur construction soit parallèle et synchronique et leur
développement commun et solidaire, une distinction s’impose : les opérations
logico - arithmétiques peuvent être considérées comme la forme dont le contenu
est constitué par des opérations spatio - temporelles.
De plus, celles - ci se
développent en s'engageant dans la construction d'un univers rationnel tandis
que les premières participent à la constitution d'une logique générale.
Les opérations spatio -
temporelles ont la particularité d'être accompagnées d'images mentales
relativement adéquates et de pouvoir se traduire par des représentations
figurées alors que ce n'est pas le cas pour les opérations logico -
arithmétiques.
Cette distinction, à
l'intérieur du champ des opérations concrètes, nous intéresse d'un double point
de vue :
-
du point de vue du sujet d'abord : bien que l'âge chronologique ne
corresponde pas toujours à l'âge mental, il est important, à notre avis, de
signaler, de façon précise, l'âge des sujets testés. En l'occurrence c'est à 9
- 10 ans, que les opérations spatio - temporelles atteignent leur plein
développement alors qu'à 7 - 8 ans, elles étaient encore confondues avec les
opérations logico - arithmétiques. Qu'en est - il de la latéralisation motrice
et/ou sensorielle des sujets à cet âge là ?
-
du point de vue de la tâche ensuite : le traitement cognitif porte - t
- il sur un matériel exigeant un seul type d'opérations ? ou exige - t - il les
deux ? et même s'il n'en demande qu'un seul, à quel niveau se situe l'exigence
?
Bien sûr, nous admettons
qu'il sera difficile de trouver un matériel idéalement libéré de toute entrave
soit figurative, soit opérative. Cela ne doit pas nous empêcher de préciser
quels sont les aspects de la tâche que nous tentons d'analyser ou de maîtriser.
Notre expérimentation porte
sur des opérations spatiales.
Nous allons justifier ce
choix.
Notre première attitude a été
d'ordre négatif : écarter les tâches exigeant une expérimentation physique ou
logico - mathématique et les opérations essentiellement logico - arithmétiques.
Bien que des recherches très
poussées aient été faites en certains domaines (Longeot, 1969), la complexité
de leur utilisation demeure, car elles peuvent faire appel à différents plans
de connaissance et à différents niveaux opératoires, sans qu'il soit possible
de mettre en évidence ces niveaux.
De plus la verbalisation y
joue un rôle important. Mais nous ignorons le poids de la verbalisation interne
dans cette verbalisation extériorisée. Et le poids de cette verbalisation
interne en tant que système de représentation par rapport à d'autres systèmes
de représentation : imagés par exemple.
D'où une double difficulté
surgissait
-
celle de l'indifférenciation des rapports figuratif - opératif, toute
expérience physique ou logico - mathématique comportant une part de figuratif
parfois difficile à déterminer ;
-
celle de l'indifférenciation des systèmes de représentation, la
verbalisation jouant chez certains sujets un rôle prépondérant, rôle joué chez
d'autres sujets par une représentation imagée (ou motrice,...)
Cette double
indifférenciation grevait dès le départ toute tentative de mise en relation
avec des comportements moteurs et sensoriels latéralisés.
Le choix d'un matériel
spatial était, à nos yeux, beaucoup plus positif pour deux raisons,
a)
l'une tenant aux caractéristiques mêmes du matériel en rapport avec les
opérations qu'elles exigent,
b)
l'autre tenant au stade génétique de développement des sujets de notre
échantillon.
L'espace constitue très tôt,
dès le niveau sensori - moteur, l'interface entre la réalité extérieure et les
opérations du sujet en "sa double nature d'étendue des objets et de
géométrie du sujet" Piaget (1977, p. 298).
Pour Wallon (1970 p. 219)
"l'espace n'est pas primitivement un ordre entre les choses, c'est
plutôt une qualité des choses par rapport à nous - mêmes et dans ce rapport
grande est la part de l'affectivité, de l'appartenance, de l'approche ou de
l'évitement, de la proximité ou de l'éloignement".
La représentation de l'espace
(Verpillot, 1972, 1974) est élaborée à partir de la motricité grâce aux
activités tonco - posturales, activités d'exploration, déplacements du corps
propre, mais estime - t - elle (1974, p. 129) "dans la genèse de
l'espace l'activité cognitive joue un rôle au moins aussi important que
l'activité sensori - motrice".
L'espace perceptif résulte de
la perception et de l'activité sensori - motrice qui dirige et coordonne les
mouvements : « les domaines moteur et perceptif constituent la
substructure des constructions représentatives » Piaget (1972, p.
526). Les formes perçues sont à la fois des indices sensoriels et des produits
de la motricité puisque (ibid, p. 527) dans une forme vue en perspective par
exemple, il intervient des "rapports virtuels" qui sont un produit de
la motricité, l'élément sensoriel actuel remplissant à leur égard la fonction
d'indice. Avec la fonction symbolique apparaît l'espace représentatif :
imagination et action comme telle continuent à y jouer leur rôle, la
représentation spatiale étant une action intériorisée. "On ne peut pas
réduire l'intuition de l'espace à un système d’images puisque les réalités
intuitionnées sont essentiellement les actions "signifiées" et non
pas remplacées par l'image" (ibid p. 532).
Seules les transformations
spatiales peuvent être imaginées sur le méme plan relativement adéquat de la
représentation imagée que les états spatiaux (ce qui n'est pas le cas dans les
autres domaines) : les images des "états" sont des figures de
l'espace tout comme le sont les transformations spatiales. Piaget
(Beth, 1961, p. 233).
Ce dernier point nous parait
extrêmement important : la même représentation imagée pourrait être
utilisée par le sujet pour imaginer des états spatiaux, donc des formes
statiques, et des transformations spatiales, donc des opérations effectuées
sur ces formes.
Chez un sujet donné,
l'utilisation, en principe, d'un unique système de représentation pour la
perception des formes et pour les opérations portant sur ces formes, de formes
perçues qui sont à la fois des indices sensoriels et des produits de la
motricité, facilitait, à nos yeux, l'approche des comportements latéralisés.
C'est la raison pour laquelle nous avons choisi le matériel spatial comme
matériel pour notre expérimentation. Une autre raison, et non des moindres,
était la possibilité de ne pas utiliser la verbalisation externe, ni pour le
traitement, ni pour l'expression de la réponse.
La tâche exigée des sujets
sera la reconstitution d'une forme à deux éléments, vue au tachistoscope, à
partir d'un seul élément présenté en vision libre. Selon les cas il y aura
perception et complètement par reproduction, ou bien perception et
tranformation avant la reproduction.
Pour passer de la perception
à la représentation du résultat final il faut, à la fois, exécuter une action
mentalement et coordonner les points de vue en pensée.
"A la base des
structures qu'un individu peut réaliser mentalement il y a l'aptitude à
disposer des relations dans l'espace d'après Wallon, pouvoir de les disposer et
d'en disposer" Guillain 1979. Pour Piaget (1972, p. 331) "les
actions qu'il s'agit d'intérioriser pour résoudre le problème ne consistent pas
seulement en actions relatives à l'objet mais aussi en actions relatives au
sujet et consistant à relier les uns aux autres les divers points de vue et à
les mettre en correspondance avec ce point de vue unique qui est celui du plan
de développement".
Or c'est à 9 - 10 ans que
s'achève l'espace représentatif (Vorpillot 1974, p. 74), que l'acquisition du
système de coordonnées rectangulaires marque l'achèvement des opérations
concrètes spatiales avec coordination des perspectives (Piaget, in Beth 1961 p.
198), que la représentation projective s'impose à l'enfant (Piaget, 1972, p.
315), le sujet parvenant à prévoir les changements dus à la perspective (Piaget
1975 p. 112), que la déduction devenue immédiate s'accompagne d'emblée d'une
représentation correctement imagée (Piaget, 1973, p. 312), que "l'avènement
du symbolisme opératoire et ses catégories intellectuelles marque le moment où
s'achève la double différenciation de la forme et du contenu de la pensée et
où débute leur intégration, rendant possible le dépassement de la connaissance
purement empirique vers la connaissance rationnelle des choses"
(Wallon, 1945 p. 217). C'est aussi pour Gesell (1959, p. 43) "l'âge
d'or de l'équilibre du développement".
Les formes
spatiales que nous utiliserons présenteront des structures orientées droite -
gauche, haut - bas. Pour le sujet percevant la forme, la reproduisant ou la
transformant, une structuration de cette forme sera nécessaire tenant compte des
directions : il y aura construction d'un système de coordonnées. Dix ans
marque l'achèvement de la structuration des directions, la mise en place des
opérations infra - logiques projectives portant sur un objet relativement à un
point de vue.
Dix ans représente aussi la
période d'achèvement du stade des opérations concrètes, les opérations spatio -
temporelles étant complètement maîtrisées. C'est l'âge que nous choisirons
pour le premier groupe de notre échantillon. Le deuxième groupe sera constitué
avec des enfants de 11 ans 6 mois, maîtrisant comme les premiers les opérations
spatio - temporelles (infra - logiques) mais débutant, en principe, dans le
stade des opérations formelles. Le problème de démarrage dans un stade de niveau
supérieur ne devrait pas peser dans la résolution des items de notre
expérimentation puisqu'elle exige des opérations spatio - temporelles que les
sujets des deux groupes doivent maîtriser.
Nous émettons l'hypothèse
que, malgré les 18 mois d'écart, dans des conditions d'expérimentation
identiques, la réussite des sujets des deux groupes sera identique.
Matériel spatial, opérations
spatiales d'identification, de reproduction et de transformation de formes
ayant été choisis, il restait à déterminer le choix des stimuli élémentaires.
Ce choix devait répondre à cinq conditions :
D'où l'avantage dune
structuration a priori identique, et pour la perception et pour la mémorisation
;
L'introspection exigée en fin
d'expérimentation devant permettre l'approche des processus de traitement, les
indices introspectifs devaient être peu nombreux et assez prégnants pour que le
sujet puisse verbaliser de manière la plus pertinente et la plus précise
possible ce qu'il avait effectué réellement.
Les stimuli qui répondaient
le mieux à ces cinq exigences étaient ceux présentant une structuration haut -
bas ; droite - gauche ; (exemple ou
- …)
Ces formes dérivées d'un item
du test Reversal de Edfeldt (1970) ont été utilisées par J. Cambon (1978, 1980
a,c) dans le cadre d'une analyse des processus cognitifs mis en oeuvre dans le
passage d'une orientation à une autre.
C'est ce même matériel que
nous avons utilisé dans notre recherche préliminaire de 1980 (cf.
introduction).
L'intérêt est qu'il fait
appel à des notions projectives relatives au point de vue du sujet, notions qui
ne sont pas facilement maîtrisées par les enfants et qui ont fait l'objet de
nombreuses recherches. A l'origine de ces recherches, les problèmes
d'apprentissage de la lecture : confusion entre certaines lettres,
renversements de positions (Davidson, 1934, 1935 ; Deich, 1971 ; Asso et Wyke,
1971 ; Nelson et Wein, 1974) dont seraient responsables les orientations droite
- gauche qui produisent beaucoup d'erreurs et d'autant plus que leur présentation
est en alignement horizontal (Huttenlother, 1967 ; Vogel et Loughlin, 1978).
Edfeldt (1970) dans
l'étalonnage de son test Reversal note 80 % de fautes imputables à l'orientation
droite - gauche avant 6 ans ; ce qui lui permet d'affirmer que la possibilité
de distinguer le symétrique de l'identique est un élément important de la
"reading readiness" : appréciation de la maturité requise pour
l'apprentissage de la lecture.
Verpillot (1972) consacre
tout un chapitre à ces problèmes et montre que les transformations exigeant une
distinction droite - gauche apparaissent plus difficiles que celles concernant
la distinction haut - bas. Cette difficulté est retrouvée par Cambon (1980 a).
Lurçat (1976, p. 136) signale que "la persistance de la désignation par
translation jusqu'au CM 2 pour le couple gauche - droite tandis que la rotation
s'impose pour le couple devant - derrière, met en évidence l'existence d'une
projection du schéma corporel par réflexion analogue au reflet dans un miroir."
Piaget (1947, p. 81 et 55)
fait allusion à la difficulté d'acquisition de la relativité de certaines
notions, notamment de la gauche et de la droite, situe vers 8 ans l'abandon du
point de vue propre et souligne les problèmes posés dans la formation des
images mentales "la facilité ou la difficulté des anticipations
intervenant dans les images, dépendent surtout de la complexité des relations
en jeu dont les principales nous sont apparues être constituées par les références
d'ordre, ... aux cadres et les voisinages polarisés (gauche et droite)"
(1966 p. 121).
"Ce pouvoir de
réalisation spatiale peut se montrer plus ou moins déficient chez l'enfant à
qui des indications données même concrètement par l'exemple (haut - bas,...)
peuvent donner de sérieux embarras". C'est Wallon (1945, p. 438) qui
l'écrit en précisant les coordonnées de l'espace euclidien selon les trois
sortes de rapports simultanés (haut - bas ; droite - gauche ; devant -
derrière). Pour Rock et al (1981) la perception des formes étant le résultat
final d'un processus figuratif, tout changement d'orientation qui altère la
localisation perçue des côtés de la figure, affecte la description. Pufall et
Shaw (1973) estiment que, même à l'âge de 10 ans, le système de référence
personnel continue à fonctionner lorsque les codes topographiques sont absents.
Freeman et Kelham (1981) le remarquent avec des enfants plus jeunes influencés
par l'orientation d'un cadre externe de référence.
Dans une perspective plus
neurophysiologique nous rappellerons la théorie d'Orton (Hurtiz et Rondal,
1981, p. 358) pour qui les discriminations haut - bas ont à voir avec la force
gravitationnelle (asymétrique), les discriminations droite - gauche ont à voir
avec l'organisation symétrique des excitations des deux hémisphères cérébraux,
la perception de la figure symétrique droite - gauche entrainant le même modèle
d'excitation, mais inversé entre les deux hémisphères. D'où l'hypothèse que la
difficulté sera maîtrisée lorsque apparaîtra une dissymétrie fonctionnelle des
hémisphères, en particulier lorsque un hémisphère contrôlera le langage.
Achim et Corballis (1977), à
partir de travaux sur le singe, émettent l'hypothèse que la commissure
antérieure reliant les deux hémisphères, peut être responsable du processus de
renversement interhémisphérique de l'image en miroir tandis que les traces
mnésiques tendent à être reflétées en miroir autour du plan sagittal, que la
représentation mnésique soit topologique ou abstraite ; d'où le traitement des
images en miroir gauche - droite comme si c'étaient des images équivalentes.
Utilisant des carrés ouverts
sur un côté, Sekuler et Pierce (1973), montrent, à partir des temps de réponse,
que les difficultés différentielles de discrimination droite - gauche ; haut -
bas ; sont à analyser en termes de relations entre représentations corticales
des stimuli. L'étude des performances en fonction des champs visuels n'apporte
pas d'éléments convaincants : supériorité du champ visuel gauche mais seulement
pour les verticales d'après Ellis et Sheplerd (1975) qui ne peuvent affirmer
que le système de reconnaissance spécifique aux figures n'est pas sensible à
l'orientation ; supériorité du champ visuel gauche aussi pour Haun (1981) mais
seulement dans les temps de réponse et la précision en fonction du degré de
complexité de la tâche. La supériorité de l'hémisphère non dominant pour le
traitement de l'image en miroir est reconnu par Garren et Gehlsen (1981), par
Dide in Hecaen (1978, p. 172). Les problèmes directionnels sont une source
supplémentaire de difficultés pour les enfants dyslexiques (Fischer et al,
1978), la confusion d'identification gauche - droite étant impliquée comme
signe de dyslexie plutôt que la dominance croisée main - œil. Mandas et al
(1971) n'ont pas trouvé de différences entre sourds et entendants concernant
ces problèmes directionnels ; Ruggieri et al (1981) travaillant sur le style
cognitif notent une corrélation négative entre renversements de perspective et
résultats au test des figures emboitées (Embedded Figures test).
Les formes orientées offrent
la possibilité d'être tournées mentalement pour une comparaison avec une autre
forme (Wahn et Foster, 1981). Mais la translation d'une forme sur l'autre
demeure possible comme la saisie globale de la première forme à comparer à la
deuxième.
C'est la rotation qui a été
le mieux étudiée.
Farrell et Shepard (1981)
démontrent l'existence de tendances mentales compétitives pour préserver la
structure rigide d'un objet en transformation.
Pour Corballis et Mc Laren
(1982) image et percept apparaissent occuper quelque espace interne commun, la
rotation mentale possédant les qualités de la véritable rotation.
Pour un temps de présentation
rapide, le temps des réponses correctes augmente de façon monotone en fonction
de l'angle de rotation d'après Jones et Anuza (1982) qui ne découvrent pas de
différences entre sujets classés d'après leur sexe ou la latéralité manuelle.
Le temps requis pour vérifier
un symbole comme étant ou bien normal ou bien reflété en miroir semblerait être
une fonction de l'orientation du symbole.
Eley (1982) constate que la
rotation mentale n'est pas effectuée par tous les sujets. Il trouve des
variations entre sujets et reprenant l'hypothèse de Corballis selon laquelle
la rotation mentale n'est pas normalement requise pour l'identification de
symboles tournés estime que l'identification par extraction de traits est plus
rapide et plus efficace que la rotation mentale (sujets : des étudiants adultes).
Pour Cooper (1975) les sujets
comparent initialement la représentation de la forme de test mentalement
transformée avec une image de mémoire de la version standard de cette forme
dans l'orientation pointée, le temps de réponse augmentant avec l'angle de
départ, la rotation mentale se poursuivant au taux constant de 460° par
seconde.
Mais ses formes sont très
complexes et le fait de presser un bouton avec la main droite, l'autre avec la
main gauche pour donner la réponse est susceptible de modifier les temps de
réponse à partir desquels, à notre avis, il n'est plus possible d'échafauder
des hypothèses.
Certains auteurs (Palmer 1980
; Palmer et Bucher, 1981) utilisent des triangles pour créer un effet
directionnel : un triangle équilatéral est vu pointant dans trois directions
mais seulement dans une à la fois. Ils retrouvent des dispositions verticales
plus prégnantes que les horizontales, un arrangement linéaire produisant des
prédispositions , les caractéristiques d'orientation des éléments contextuels
influençant le pointage perçu. Bien que le cadre de référence soit visuel, ils
admettent que des références linguistiques ont été utilisées par certains
sujets. La technique est intéressante, mais les figures constituées de petits
triangles alignés ne sont pas sans quelque ambiguïté quant à leur analyse.
Des recherches sur les
problèmes d'orientation droite - gauche en liaison avec la mémoire ont été
menées par Corballis et al (1971), Vogel (1980), Shall et Egeth (1981), Dee et
Rannay (1981). Ces derniers soulignent que les facteurs mnémoniques sont
importants dans la production d'asymétries cérébrales. Pour les premiers,
utilisant des pointes de flèches orientées, la symétrie droite - gauche ne peut
être liée à la symétrie bilatérale du système visuel, le renversement image -
miroir interhémisphérique étant dû à un transfert de mémoire plus qu'à un
transfert perceptif (temps de présentation du stimulus 100 ms, âge des
sujets:18 à 25 ans). Vogel (1980) travaillant avec des enfants de 4 à 5 ans (temps
de présentation : 200 ms) sur la mémoire des orientations droite - gauche
durant les premières 2500 ms après la réception des stimuli indique leur
difficulté à "encoder" ces orientations dans une mémoire à court
terme, à les retenir quand ils se concentrent sur d'autres caractéristiques en
même temps ; d'où l'hypothèse que cette information est "à basse
priorité". L'intérêt de cette recherche est de montrer aussi que la
présentation de figures de comparaison arrête le traitement de l'information
sur l'orientation droite - gauche non encodée en mémoire à court - terme. Si
la réponse exige la recherche de la forme - cible parmi plusieurs formes
présentées simultanément, cette réponse pourrait traduire des effets autres
que ceux réservés au traitement de l'information : le mode de réponse introduit
ainsi un artefact non contrôlable. Sholl et Egeth (1981) refusent aussi la
symétrie bilatérale comme explication de la confusion droite - gauche. Pour
eux, (sujets adultes, temps de présentation 200 ms) un stimulus est mis en
code à l'intérieur de chaque hémisphère dans ses formes véritables (via input
contralatéral).
Comme conséquence,
l'orientation droite - gauche du stimulus est perdue dans le système de mémoire
à long terme. L'intérêt de leur recherche tient à l'étude des effets de
l'étiquetage verbal (utilisation d'une rose des vents) et à montrer que les
"labels" égocentriques droite - gauche sont en correspondance avec
les "labels" est - ouest.
Peu de recherches se sont
attachées à étudier le rôle de la verbalisation implicite ou explicite dans
une telle tâche. Hormis Palmer (1980), Palmer et Bucher (1981) déjà cités,
Pynte (1973, p. 82) signale l'identification de stimuli visuels avec l'aide
d'hypothèses perceptives effectuées sur le plan vocal, l'acte de
"synthèse verbale" s'accompagnant de production d'hypothèses
perceptives.
Nous avons choisi des bâtons
horizontaux plutôt qu'obliques pour ne pas apporter de difficulté
supplémentaire au traitement de la forme, les obliques et leur position dans
l'espace étant moins facilement perçues que les verticales (Rudel et Teuber
1963 ; Royer, 1981).
Ces recherches
sur l'orientation droite - gauche de stimuli visuels apportent des informations
très diverses et d'un grand intérêt, mais elles font apparaître certains
problèmes : l'utilisation de stimuli complexes, les temps de présentation assez
longs, provoquent chez les sujets l'émergence de stratégies dont la complexité
d'analyse est justement fonction de celle du matériel ou des procédures
utilisés.
Par contre les formes que
nous utilisons (exemple : ou
)
nous paraissent répondre aux cinq exigences déjà formulées :
Nous avons défini dans ce
paragraphe 2 ce qui justifiait, à nos yeux, l'utilisation d'un matériel spatial
et le choix d'une population d'enfants de 10 et 11 - 6 ans.
Pourquoi avoir choisi une
tâche aussi simple que celle d'une identification et complètement de formes ?
Pourquoi, pour un âge donné, avoir choisi la population "tout venant"
et ne pas avoir fait un tri parmi les sujets ? Nous allons tenter de justifier
la réponse à ces deux questions ?
Les décalages intra -
individuels de développement cognitif traduisant certains aspects du
fonctionnement cognitif ont été étudiés par Lautrey (1980, 1981, a, b,) : à
l'intérieur de la période concrète, pour un même sujet, existent plusieurs
niveaux de complexité opératoire, certains items sont réussis plus ou moins
tôt selon le nombre de dimensions de transformations que requiert leur
maîtrise ; certaines compositions réversibles opératoires deviennent assez
cohérentes pour que le rôle de l'image cesse d'être indispensable alors qu'en
des domaines voisins les formes d'intuition d'origine figurative y jouent un
rôle "abusivement prépondérant".
Les sujets sont rarement au
même stade dans toutes les épreuves de tests. Longeot (1967) trouve par exemple
que 16 % de son échantillon présente des écarts de plus d'un stade entre
différents items de ses épreuves opératoires et différentielles.
L'existence de ces
asynchronismes pourrait être due au rôle plus ou moins grand joué par les
configurations perceptives.
Pour Marquer (1978), Desprels
- Fraysse et al (1979), apparaît aussi une interaction entre modes de présentation
des données et stades de développement opératoire.
Pour Netchine (1981, p. 417)
"plan de réponse manifeste et plan de mode d'obtention de la réponse
entrent en interaction et constituent un système de relations dynamiques dont
l'analyse est interprétable dans les termes d'une "négociation"
permanente entre respect des consignes de précision et aménagement des
contraintes externes. Dans cette négociation chaque individu réalise son propre
compromis, dont la teneur résulte d'une multitude de facteurs". Pour
Paillard (1976, p. 45) "la variété des stratégies mises en oeuvre pour
accomplir une même finalité comportementale n'implique pas la création de
structures de connexions nouvelles mais simplement une vicariance de stratégies
alternatives préexistantes dans le système". Reuchlin (1978, p. 134)
développe l'idée que chaque individu disposerait de plusieurs processus
vicariants pour s'adapter à la situation dans laquelle il se trouve. Pour un
individu donné, certains des processus seraient plus facilement évocables que
d'autres.
Reprenant l'idée de Piaget
(1972, p. XII) que "les travaux actuels sur les limites de la
formalisation montrent assez qu'au delà et par conséquent en deçà de la
formalisation existent des réalités "intuitives" dont il faut bien
dégager les rapports avec les structures formalisées, si puissantes que soient
devenues ces dernières", Reuchlin définit un processus de réalisation
(1973, p 393) "qui aurait pour fonction de générer des contenus, c'est
- à - dire des blocs unitaires d'information, non articulés, non sécables,
susceptibles de fournir dans certains cas des modalités d'adaptation plus
économiques que celles qui sont réglées par la formalisation".
Le fonctionnement de la
pensée naturelle pourrait dépendre des deux processus, celui de formalisation
au sens défini par Piaget, celui de réalisation au sens défini, ci - dessus,
par Reuchlin. Chaque individu pourrait, selon la tâche, utiliser, l'un plutôt
que l'autre. Ce qui expliquerait la variabilité intra - individuelle de comportement
cognitif.
Mais il est possible aussi
que les sujets se différencient les uns des autres en ce qui concerne leur
tendance à privilégier tel processus plutôt que tel autre.
Les phénomènes
d'hétérochronie diffërentielle ont été largement étudiés depuis les recherches
de Witkin (Witkin et al, 1978) sur les styles cognitifs.
Définis en termes de
processus se rapportant aux différences individuelles dans la manière de
percevoir, penser, résoudre des problèmes, c'est surtout au niveau des
performances dans les épreuves perceptives où il s'agit d'isoler un élément de
son contexte, que leur utilisation parait la plus pertinente.
Les informations en
provenance de l'extérieur peuvent être traitées plus ou moins activement en
fonction d'informations intériorisées d'où les notions de dépendance et
d'indépendance à l'égard du champ. (Damusis et Desjarlais, 1977 ; Huteau, 1980
a, b ; Ohlman et Mendelsohn, 1982).
Les différences individuelles
peuvent jouer sur le traitement opéré à différentes étapes du processus
cognitif de manière telle qu'une corrélation positive entre performances
finales peut apparaître alors que les processus spécifiques qui les ont
engendrées étaient complètement différents (Perrucheti 1981).
Les différences individuelles
se grefferaient sur des différences précoces de développement, chaque individu
développant ses capacités dans un domaine particulier.
Cette richesse dans la
variété de comportements, chez un individu donné, ou entre individus, pour un
âge donné, nous a incité à choisir un test cognitif très simple. Cherchant à
comprendre les processus et non à établir des constats de performances, le
nombre d'étapes de ces processus devait être le plus restreint possible. Cette
variabilité aurait pu faire l'objet d'une approche à l'aide de tests
appropriés. Nous y avons renoncé pour 4 raisons.
Pour conclure, nous décidons,
aux âges considérés 10 ans et 11 – 8 ans
-
de prendre la population "tout - venant" et d'analyser
comment se comporte cette population ;
-
de ne pas faire passer de test supplémentaire de type général
(détermination du Q.I)[9]
ou de type plus spécifique (tests de performance, ou spatial, ou, sur un autre
plan, perceptivo - moteur par exemple).
Nous venons de définir un
certain nombre de choix méthodologiques et les postulats sous - jacents à ces
choix. Nous allons maintenant délimiter le champ d'investigation de notre
recherche.
Noua avons vu que schématisme
opératoire, perceptions, puis plus tard systèmes de représentation et
opérations, sont dépendants de l'activité du sujet, de ses actions mentalisées.
Les systèmes moteurs et sensoriels à l'épreuve dans la construction du sujet
devraient l'être dans celle de ses composantes comportementales face à une
tâche cognitive.
Il nous parait donc légitime
de tenter une mise en relation entre processus moteurs et/ou sensoriels
latéralisés et processus cognitifs.
Mais il nous parait tout
aussi important de souligner que nous ne pourrons le faire que dans un cadre
très strict, en spécifiant, chaque fois, les contraintes méthodologiques que
nous nous imposons et en reconnaissant les limites de notre entreprise.
Rechercher les bases d'une
éventuelle relation entre champs psychobiologique et psychologique exige que
l'approche des processus analysée soit la plus "primaire" possible,
libérée de toutes les formes de comportement qui pourraient émerger d'activités
trop complexes ou trop élaborées exigeant de la part du sujet des stratégies
elles - mêmes complexes et très élaborées.
Dans cette perspective nous
sommes amené à faire deux remarques concernant a : le sujet, b : son
comportement opératoire.
a) Sujet psychologique et sujet épistémique
Piaget (Beth, 1961, p. 329)
fait une distinction épistémologique entre deux sortes de sujets :
-
"le sujet psychologique centré sur le moi conscient dont le rôle
fonctionnel est incontesté mais qui ne constitue la source d'aucune structure
de connaissance et
- le
sujet épistémique (partie commune à tous les sujets de même niveau de
développement) dont les structures cognitives dérivent des mécanismes les plus
généraux de la coordination des actions".
Donc, ajoute Piaget, "s'il
existe une liaison entre structures logico - mathématiques et activités du
sujet, c'est dans la direction du sujet épistémique". Pour lui, c'est
en voulant dégager une logique de la coordination générale des actions qui
caractérise le sujet épistémique que "l'analyse génétique rejoindra
les problèmes de structure des coordinations nerveuses".
Bien que notre recherche soit
basée essentiellement sur l'utilisation des systèmes de représentation, c'est
à cette partie épistémique du sujet réel que nous tenterons de nous adresser.
b) Codes opératoires ou stratégies
Sous une forme très imagée,
Koestler (1965, p. 29) prenant comme exemple l'araignée, fait la distinction
entre la matrice : technique de fabrication de la toile qui peut s'adapter aux
circonstances et les règles du code, obligatoirement observées, imposant une
limite à la flexibilité de la matrice. Le choix des points d'attache par
l'araignée relève de la stratégie et dépend du milieu, la forme de la toile
sera toujours un polygone déterminé par le code, le code de règles fixes, inné
ou acquis, opérant partiellement ou totalement au niveau de l'inconscient.
S'intéressant aux troubles de
la résolution des problèmes, Luria (1967, p. 7) distingue un schéma - général
ou "stratégie" de la résolution et à partir de cette
"stratégie" des opérations ou "tactiques" conduisant à la
solution.
Pour Vion (1981, p.88) les
stratégies en tant que procédures de traitement comportent une dimension
décisionnelle, l'intérêt étant focalisé plus sur les performances globales des
groupes de sujets que sur la performance individuelle.
Pour Cambon (1978, p. 237)
stratégie est synonyme de modèles représentatifs, de programme d'action et
implique une dialectique du sujet et de l'objet déterminant un rapport de
connaissances et un système de rapports entre les structures perceptives et les
structures intellectuelles.
Les stratégies relèvent déjà
de conduites élaborées. Où ces conduites trouvent - elles leur origine ?
Pour réaliser une tâche, le
sujet dispose donc d'un code opératoire[10]
que nous devrions trouver dans sa partie "épistémique", ce code étant
la règle du jeu déterminant ce qui est permis. Parmi l'ensemble de choix possibles
offerts au sujet, et à partir de ce code, un choix sera fait parmi les autres
et ce choix sera une question de stratégie.
Cette distinction entre code
opératoire et stratégie nous parait importante pour situer les études de mises
en relation de processus moteurs et/ou sensoriels latéralisés avec des
processus cognitifs.
S'agit - il
d'études sur les latéralités, au sens large, considérées comme variables
indépendantes ? Nous sommes dans le domaine des stratégies et les conclusions
qui découleront de l'expérience devront tenir compte de leur diversité comme
des réactions psychologiques des sujets au milieu expérimental. Elles
permettront de déterminer des sous
- groupes de sujets présentant
certaines caractéristiques communes : les droitiers manuels se comporteront de
telle ou telle manière par rapport aux gauchers, par exemple.
Si nous recherchons une
relation avec un processus cognitif particulier, il sera nécessaire de
préciser les caractéristiques de ce processus, les raisons qui pourraient
justifier le choix vis à vis de la relation qui nous préoccupe et surtout
définir des modalités expérimentales permettant une approche du code opératoire
du sujet, c'est - à - dire cet ensemble de règles auxquelles le sujet obéit de
manière plus ou moins consciente.
Mais Reuchlin (1978, p. 143)
estime que si l'on simplifie indéfiniment les situations expérimentales, on ne
retrouve plus un certain niveau d'organisation et une certaine finalité
adaptative impliquée dans toute conduite car les processus en oeuvre ont été
montés au cours de la phylogenèse et de l'ontogenèse dans le contexte de
situations "naturelles", c'est - â - dire complexes.
Nous sommes entièrement
d'accord avec lui quand il s'agit d'analyser une conduite. Ce que nous ne
cherchons pas à faire, du moins directement. Tenter d'aborder un code
opératoire, impliqué lui - même dans une certaine conduite, exige des
situations expérimentales simples.
Certaines recherches se sont
déjà orientées vers l'utilisation de techniques électro - physiologiques très
sophistiquées comme moyen d'une approche différentielle en psychologie de
l'enfant (Netchine, 1981).
Les techniques de
tachistoscopie ou d'écoute dichotique, au plan présentation des stimuli,
permettent aussi cette approche des "franges infra - conscientes des
conduites" (Netchine, 1981).
Elles sont généralement
utilisées pour déterminer une "dominance" hémisphérique. Nous
préférons dire qu'elles touchent au code opératoire (code de base) du sujet, ce
qui se justifie d'un point de vue psychologique puisqu'il y a résolution d'un
problème, mais aussi d'un point de vue psycho - biologique puisque, nous le
verrons sous II, le concept de dominance a
évolué, passant d'un cadre rigide et absolu à celui plus souple et relatif
d'une "dominance" pour une tâche donnée, à un moment donné.
Mais les
techniques de présentation des stimuli, aussi sophistiquées soient - elles, ne
sont qu'un instrument méthodologique. Elles placent le sujet dans des
conditions expérimentales contrôlables par le chercheur. Elles ne renseignent
celui - ci qu'indirectement.
Pour rester dans l'optique
d'une approche du code du sujet il devient nécessaire - et nous avons déjà dit que les systèmes de représentation se
situaient à un autre niveau que les systèmes perceptifs - d'affiner les méthodes de détermination des
asymétries motrice et sensorielles.
Car nous ne pouvons pas
raisonnablement mettre en relation le "fait" de taper dans un ballon
avec le pied droit, de brosser le veston avec sa main droite, de regarder dans
un flacon avec l'oeil droit et celui de résoudre de telle ou telle manière une
tâche à caractère verbal ou spatial, même si nous pensons que cette utilisation
préférentielle répétée n'est pas complètement étrangère à l'émergence des
stratégies constatées.
Dans les chapitres III et IV
nous décrivons respectivement les tests moteurs et sensoriels que nous avons
utilisés pour déterminer les asymétries et nous essaierons de justifier notre
choix.
En conclusion, il nous reste
à définir, à présents notre cadre de recherche.
Choix méthodologiques et
postulats sous - jacents sont repris dans le tableau synoptique ci - dessous.
échantillon
"tout - venant" |
richesse
de la variabilité intra et inter - individuelles |
|
|
10 ans e
t 11 - 6 ans |
maîtrise
des opérations spatiotemporelles |
|
|
matériel
spatial |
- formes
comme indices sensoriels et produits de la motricité, -
adéquation des représentations des formes et de leurs transformations -
verbalisation externe exclue |
|
|
formes à structures
orientées droite - gauche |
- appel à
la représentation projective - indices simples * de
représentation * de
mémorisation *
d’introspection -
verbalisation implicite pour certains |
|
|
présentation
tachistoscopique |
approche -
du code opératoire du sujet -
de sa "mémorisation" sensorielle |
|
|
réponse
dessinée |
verbalisation
externe exclue temps
mesurables - de réflexion
- de dessin |
|
|
Notre recherche se situant
sur un plan psychologique et non psycho - physiologique ou neurophysiologique,
l'expérimentation devait placer le sujet dans une situation proposant des
conditions de travail les plus naturelles et les plus proches possibles de
celles exigées par une tâche quotidienne.
Bien sûr, l'utilisation du
tachistoscope est une procédure artificielle. Mais dans toute prise
d'information, les premiers instants pourraient être considérés comme
primordiaux et cela ne peut être mis en évidence qu'avec une présentation de
très courte durée.
-
Bon nombre de tâches intellectuelles, chez l'adulte comme chez l'enfant,
se réalisent à partir de données recueillies grâce à la lecture de documents
présents sous les yeux du sujet. La lecture, ou la prise d'information, en
pareil cas, exigent la vision de près, et une vision binoculaire. Nos sujets
travailleront en vision de près, le stimulus étant présenté dans la partie
centrale du champ visuel, avec des dimensions telles que, seule, la zone
fovéale de la rétine des deux yeux sera stimulée.
Au moment de la stimulation il fallait éviter une saccade oculaire et une vocalisation interne. Le temps de présentation choisi de 25 millisecondes reste nettement en dessous du temps nécessaire à des saccades oculaires (100 ms d'après Fraisse, 1968) et à une vocalisation interne (200 ms d'après Fraisse et Florès, 1966, entre autres auteurs).
-
Nous désirons savoir quel type d'information est utilisé par le sujet
après la disparition d'un stimulus présenté très brièvement. D'où le problème
de la représentation sensorielle et de ses prolongements en mémoire à court - terme.
Pour l'étudier nous proposerons un test de mémoire sur des formes spatiales
avec présentation pendant cinq secondes. Nous traiterons cette question dans le
chapitre IV.
-
La verbalisation externe sera exclue. La perception visuelle d'un
stimulus spatial pose, en elle - même, assez de problèmes concernant la
latéralisation éventuelle des processus concernés pour que nous n'y ajoutions
pas celle d'une verbalisation explicite.
Ce qui n'exclut pas que certains sujets puissent utiliser une verbalisation
implicite. C'est d'ailleurs l'intérêt des structures orientées que de pouvoir,
soit être traitées globalement, soit être traitées analytiquement. Et dans ce
traitement analytique la verbalisation intérieure pourrait jouer un rôle
prépondérant chez certains enfants.
La verbalisation interne est à base audio - articulatoire et porte sur
des représentations. Est - elle latéralisée ? Certains tests auditifs, qui
restent à définir, devraient répondre à cette question.
-
Il n'y aura pas de séances d'apprentissage.
Le
sujet choisira son mode opératoire sans qu'il ait à l'expliciter en cours de
test et, sans qu'il sache s'il est vraiment efficace ou non, l'introspection
ayant lieu en fin de test et aucun jugement n'étant porté, par l'examinateur,
sur les réponses du sujet. Simplement, avant la passation, quelques items
permettront la familiarisation avec le matériel et avec la procédure, sans
qu'il soit précisé au sujet comment il devrait faire si des difficultés
surgissent (voir procédure).
-
Le sujet
dessinera la réponse en utilisant sa main préférentielle, en principe celle qui
sert à l'écriture. Nous ne l'obligerons pas à jouer avec sa latéralité manuelle
comme il est de règle lorsqu'il doit appuyer sur un bouton avec une main, sur
un autre bouton avec l'autre main.
Nous venons de définir une
certaine procédure et un cadre dans lequel elle évolue.
Notre hypothèse générale sera
la suivante :
Prise d'information,
traitement de cette information, modalités de réponse pourraient être en
relation avec la latéralisation de certains comportements moteurs et
sensoriels du sujet. |
-
Existe - t - il des tests permettant d'approcher ces asymétries
éventuelles ?
-
A quel niveau de latéralisation faudra - t - il se situer ?
Ces problèmes feront l'objet
du chapitre II.
[1] "Ces structures n'existent pas à titre de notions distinctes dans la conscience du sujet mais constituent les instruments de son comportement. C'est l'observateur qui les remarque en ne référant à un modèle et non le sujet". Piaget (Beth, 1961, p. 195)
[2] C'est nous qui soulignons.
[3] C'est nous qui soulignons
[4] Nous soulignons
[5] Nous soulignons
[6] Analyse dans Savoyant (1979), Youtsinas (1980).
[7] cf. M. Denis (1979, p. 39).
[8] De manière beaucoup plus large, Pavlov décrit deux systèmes de signalisation : le premier commun aux animaux et à l'homme celui des signaux externes ; le deuxième spécifique à l'homme celui des signaux issus du langage.
[9] J. Cambon (1980 a, p. 71) signale que dans sa recherche utilisant un matériel proche du notre "la division en QI élevé et QI bas n'est pas un critère pertinent".
[10] opératoire au sens très large du terme.