Eléments Semi-Conducteurs auditifs

Dr Bernard Auriol

 

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image de chaînes supramoléculaires auto-assemblées d’un semi conducteur organique

La Quinacridone sur Graphite.

Un semi-conducteur organique est un matériau organique qui a des propriétés semi-conductrices. Sa conductivité électrique, inférieure à celle des métaux, mais supérieure à celle des isolants, est une fonction croissante de la température.

Du point de vue de la théorie quantique, dans les semi-conducteurs[1], les électrons sont confinés dans certaines  “bandes d’énergie” et les autres régions leur sont interdites (cf. graphique et formule ci-dessous).


cité d’après Wikipédia

s      à Conductivité (avec s¥ à limite de s  aux très hautes températures)

DE    à Largeur de la bande interdite (DE  s’exprime en eV à électron-volt)

k      à Constante de Boltzmann (k≈ 1, 38.10-23 J/K Joules par Kelvin)

T      à Température absolue exprimée en kelvins (à t° + 273,15°)

e       à base des logarithmes népériens (avec e ≈ 2,718)

Dans les semi-conducteurs, on peut donc observer une forme de conduction électrique que l’on décrit sous diverses appellations : effet tunnel, états locaux, « gaps[2] » mobiles et sauts assistés par des phonons[1].

Pour que l’énergie électrique se déplace, il est nécessaire que l’électron, confiné dans la zone de covalence, reçoive une quantité d’énergie suffisante pour franchir la brèche (gap) et se retrouver dans la bande de conduction. L’énergie nécessaire dépendra de la structure du matériau considéré et de la température absolue. La structure du matériau est susceptible de faire varier la grandeur de la brèche (gap) et la conductivité sera d’autant plus faible que ce gap sera plus grand. La température aura un effet inverse, plus elle est élevée et plus la conductivité augmente.

Ces considérations peuvent s’appliquer, (tous deux étant des polymères semi-conducteurs) au collagène et à la mélanine. Par exemple, l’amplitude de la bande de Fermi prohibée[2] est liée à la couleur de la mélanine et l’effet conducteur de la mélanine serait ainsi d’autant plus faible que sa coloration serait foncée[3] (avec ce correctif que les fonctions imines et amines que l’on trouve dans des états plus ou moins oxydés de l’éméraldine foueront un rôle indépendant de la couleur).

*

Dans le cas de l’audition, ce qui nous intéresse sera le « phonon », « pseudo-particule » bâtie sur le modèle du photon, dont l’ordre de grandeur est de  1 eV [w=hν (ou ν est la fréquence et h » 6,626.10-34 Joule.seconde)]. La fréquence et l’amplitude (le nombre de phonons)  jouent toutes deux un rôle important pour favoriser le saut et permettre ainsi la transmission de l’information.

Les transporteurs typiques dans les semi-conducteurs organiques sont des trous et des électrons de type covalent (liaison π[3]-[4]). Quand les molécules constituantes du semi-conducteur ont des systèmes de liaison π conjuguées[5] (délocalisations électroniques[6]), les électrons peuvent se déplacer « à saute-mouton » (« hopping quantique par effet tunnel ») via la superposition des nuages électroniques.

On peut décrire ce phénomène[7]-[8] par l’expression  d’ effet tunnel quantique [7] qui dépend de la capacité probabiliste des porteurs de charge à sauter d'une molécule à l'autre [8]-[9] . L’énergie mise en jeu lors du transfert électronique d’un site vers un autre, est ici paradoxalement d’autant plus petite que la distance est longue[9]-[10] ! Cette loi déroge à notre perception habituelle de la dépense de l’énergie que nous assumons volontiers, non pas inversement proportionnelle, mais proportionnelle à la distance parcourue. Ce type de conduction contraste donc avec la conduction classique (dite par activation), qui fait que le porteur de charge ne se déplace que d’un site vers son plus proche voisin.

 

Le collagène est-il semi-conducteur ?

Vincent P. Tomaselli et coll.[11],  ont pu prouver[12] que le collagène se comporte comme un semi-conducteur dont la conductivité en courant continu () augmente exponentiellement avec l'hydratation (h) selon une équation du type :

 (h) = A exp (T-1h).

Ils montrent que tout se passe comme si, dans le cadre d’une semi-conduction électronique,  l’eau était une impureté « dopante » jouant le rôle de « donneur » de charge. Cet effet de l’eau est réversible et n’implique aucune altération chimique du collagène.

L’os est-il semi-conducteur ?

        On sait que la croissance et la forme de l’os vivant sont sous le contrôle d’une forme de bio - électricité liée à la piézo-électricité de sa matrice de collagène (Fukada and Yasuda[4]).

Gloria B. Reinish* & Arthur S. Nowick†, Piezoelectric properties of bone as functions of moisture content, Nature 253, 626 - 627 (20 February 1975)

 *Department of Electrical Engineering, Fairleigh Dickinson University, Teaneck, New Jersey 17666
Department of Material Science and Metallurgy, Henry Krumb School of Mines, Columbia University, New York, New York 10027

Fukada and Yasuda1 showed that dry bone is piezoelectric in the classic sense, that is, mechanical stress produces polarisation (direct effect) and application of an electric field produces strain (converse effect)2. The possibility that the mechanism for osteogenesis is electrical3 has aroused interest in an investigation of such effects in the more nearly physiological condition represented by wet bone. Recent developments in electrical stimulation of fracture healing4,5 have further emphasised the importance of characterising the piezoelectric properties of wet bone. As the piezoelectricity of wet collagen6 decreases to zero at a moisture content equal to 45% of the dry weight (which corresponds to almost 100% humidity)7, there is some doubt as to whether wet bone could be piezoelectric. Observations of voltages in wet bone under stress, have been made under conditions giving such ambiguous results that they suggested alternative concepts to that of classic piezoelectricity8−11. In view of the confusion about the nature of the voltage developed when wet bone is stressed, we have used a simple longitudinal stress system with sinusoidally varying drive, to measure both converse and direct piezoelectric coefficients of bone as functions of humidity (and ultimately of moisture content). The results show unambiguously that wet bone behaves as a piezoelectric material.

References

1.   Fukada, E., and Yasuda, I., J. phys. Soc. Japan, 12, 1158–1162 (1957).

2.   Cady, W. G., Piezoelectricity, 1, 183 (Dover, New York 1964).

3.   Bassett, C. A. L., Calc. Tiss. Res., 1, 252–272 (1968).

4.   Lavine, L. S., Lustrin, I., Shamos, M. H., Rinaldi, R. A., and Liboff, A. R., Science, 175, 1118–1121 (1972).

5.   Bassett, C. A. L., Pawluk, R. J., and Pilla, A. A., Science, 184, 575–577 (1974).

6.   Fukada, E., and Yasuda, I., J. appl. Phys., 3, 117–121 (1964).

7.   Bull, H. B., J. Am. chem. Soc., 66, 1499–1507 (1944).

8.   Cochran, G. V. B., Pawluk, R. J., and Bassett, C. A. L., Clin. orthoped. rel. Res., 58, 249–270 (1968).

9.   Anderson, J. C., and Eriksson, C., Nature, 218, 166–168 (1968); 227, 491–492 (1970).

10. Becker, R. O., Bassett, C. A. L., and Bachman, C. H., in Bone biodynamics (edit. by Frost, H. M.), 209–231 (Little, Brown, Boston, 1964).

11. Black, J., thesis, Univ. Pennsylvania (1972).

12. Fukada, E., J. phys. Soc. Japan, 10, 149–154 (1955).

13. Reinish, G. B., thesis, Univ. Columbia (1974).

14. Marino, A. A., and Becker, R. O., Nature, 253, 627–628 (1975).

 

A côté de la piézo-électricité, l’os possède d’autres propriétés électriques :

·      pyroelectricité (production de charges électriques sous l’influence de la chaleur)

SIDNEY B. LANG , Pyroelectric Effect in Bone and Tendon, Nature 212, 704 - 705 (12 November 1966);

Investigations have recently been made into the generation of electric potentials in bone subjected to mechanical stress1–5. Shamos, Lavine and Shamos5 and Fukada and Yasuda3 have suggested that the potentials are the result of a piezoelectric effect in the collagen of the bone. Fukada and Yasuda have also found a piezoelectric effect in the collagen of the Achilles tendons of a horse and a cow4. Other workers1,2 have suggested that the electric potentials in bone may be generated either by the bending of mucopolysaccharide molecules such as hyaluronic acid or by stress at the interface between collagen and hydroxyapatite. The polar crystal structure of the collagen molecule means that it could exhibit a pyroelectric effect as well as piezoelectricity. We have therefore investigated the existence and magnitude of the pyroelectric effect, and tried to find the origin of the electric potentials in stressed bone.

References

1.   Bassett, C. A. L., Sci. Amer., 213, 18 (October 1965). | ISI | ChemPort |

2.   Bassett, C. A. L., and Becker, R. O., Science, 137, 1063 (1962). | PubMed | ISI | ChemPort |

3.   Fukada, E., and Yasuda, I., J. Phys. Soc. Japan, 12, 1158 (1957). | ISI |

4.   Fukada, E., and Yasuda, I., Japan J. Appl. Phys., 3, 117 (1964). | Article | ChemPort |

5.   Shamos, M. H., Lavine, L. S., and Shamos, M. J., Nature, 197, 81 (1963). | PubMed | ISI | ChemPort |

6.   Müller, M., Helv. Chim. Acta, 30, 2069 (1947).

7.   Ramachandran, G. N., and Kartha, G., Nature, 174, 269 (1954). | PubMed | ISI | ChemPort |

8.   Shubnikov, A. V., Zheludev, I. S., Konstantinova, V. P., and Silvestrova, I. M., Étude des Textures Piézoélectriques (Dunod, Paris, 1958).

9.   Lang, S. B., and Steckel, F., Rev. Sci. Instr., 36, 929 (1965). | Article | ISI | ChemPort |

10. Lang, S. B., Cohen, M. D., and Steckel, F., J. Appl. Phys., 36, 3171 (1965). | Article | ISI | ChemPort |

11. Perls, T. A., Diesel, T. J., and Dobrov, W. I., J. Appl. Phys., 29, 1297 (1958). | Article | ISI | ChemPort |

·      ferroelectricité (http://en.wikipedia.org/wiki/Ferroelectric)

·      L’os est aussi un semi conducteur biphasique, semblable à une diode qui ne permet  le passage de l’électricité que dans un seul sens. Cette diode est constituée d’une part de collagène, semi-conducteur de type N et d’autre part d’apatite, semi-conducteur de type P, comme le fait une jonction positif-négatif (jonction PN).

Le collagène est piézo-électrique alors que l’apatite ne l’est pas, de sorte que l’électricité, produite par le collagène, ne peut se déplacer dans la jonction PN que du collagène vers l’apatite.

Si on s’intéresse au sulcus tympanicus, on en déduit que l’effet piézo-électrique engendre un courant électronique allant du tympan à l’os et non l’inverse. Ceci implique que l’information acoustique puisse se transmettre sous forme électronique, dans le cadre de la « conduction aérienne » , du tympan vibrant jusqu’à l’os qui l’enchâsse.

Au niveau du sulcus tympanicus, les vibrations dont est siège le tympan tiraillent les fibres de collagène radiales insérées sur l’os ce qui engendre, par effet piézo-électrique, des différences de potentiel microphoniques ; ces différences de potentiel agissent alors sur la jonction collagène/apatite. Ainsi l’apatite « accepte » les électrons fournis par le collagène (PN jonction). Ce « courant » est produit en quantité variable au rythme des ondes acoustiques frappant le tympan.

Par ailleurs, l’apatite est en contact avec d’autres fibres collagènes => cela constitue-t-il une NP jonction ; l’ensemble formant une NPN[13], structure de nature amplificatrice ?

La piézo-électricité fait basculer la polarité grâce aux signaux reçus du collagène à chaque cycle de tension-détente : la force du signal indique aux cellules osseuses quelle est la force de la tension, et la polarité, quelle est sa direction. Pour l’essentiel, la contrainte mécanique est convertie en signaux électriques.

Au niveau de la « stria vascularis » 

 

Un champ électrique peut accroitre le nombre d’électrons (-) ou de trous (+) dans un semi-conducteur et modifier ainsi sa conductivité en l’augmentant ou la diminuant (transistor à effet de champ[14] ou field effect transistor). Or on sait qu’ un champ électrique continu positif est créé du côté de la stria vascularis, ce qui suggère que cette région ait un effet d’amplification sur l’information électrique qu’elle recevrait du tympan par l’intermédiaire de l’os, pour la transmettre aux cellules ciliées externes.

Sources

 

·      Wikipédia anglais et français



[1] et les isolants

[2] Un « gap » est un terme anglais  (à en français « brèche ») adopté internationalement pour désigner  la bande interdite d’un matériau ; il mesure l’énergie nécessaire pour faire passer un électron de la bande de valence  à la bande de conduction ; ou inversement l’énergie émise si l’électron passe de la bande de conduction à la bande de valence

[11] Vincent P. Tomaselli, Morris H. Shamos,  Electrical properties of hydrated collagen. II. Semiconductor properties, Department of Physics, Fairleigh Dickinson University, Teaneck, New Jersey 07666, Biophysics Research Laboratory, Department of Physics, New York University, New York, New York; Received: 6 March 1974; Accepted: 17 July 1974 => http://www3.interscience.wiley.com/journal/107587300/abstract

[12] La conductivité en courant continu du collagène du tendon d'Achille bovin a été déterminée en fonction de son hydratation sur une gamme limitée de températures. À la température ambiante la conductivité passe de 10-15 ( cm)-1 à l'état sec à environ 10-8 ( cm)-1 lorsque la teneur en eau est de l’ordre de 24% du poids. A toutes les températures la conductivité augmente exponentiellement avec l'hydratation selon l’équation  (h) = A exp (h),h est une mesure de l'hydratation, A est indépendant de la température, et le paramètre   est à peu près égal à T-1. On montre que les données peuvent être décrites par un mécanisme de dopage dans lequel l'énergie d'activation efficace pour le processus dépend de la température et de l'hydratation. On assume que la conduction est électronique et que le dopage est produit par l’eau ayant le rôle d’une « impureté » en tant que donneur. À l’état solide, l'effet de l'eau sur la conductivité est réversible indiquant l'absence d’altération chimique du collagène hydraté.

[13] Bipolar junction transistors are formed from two p-n junctions, in either n-p-n or p-n-p configuration. The middle, or base, region between the junctions is typically very narrow. The other regions, and their associated terminals, are known as the emitter and the collector. A small current injected through the junction between the base and the emitter changes the properties of the base-collector junction so that it can conduct current even though it is reverse biased. This creates a much larger current between the collector and emitter, controlled by the base-emitter current.

[14] The MOSFET is the most used semiconductor device today. The gate electrode is charged to produce an electric field that controls the conductivity of a "channel" between two terminals, called the source and drain. Depending on the type of carrier in the channel, the device may be an n-channel (for electrons) or a p-channel (for holes) MOSFET. Although the MOSFET is named in part for its "metal" gate, in modern devices polysilicon is typically used instead.



[1] ou des photons

[2] B.J.R.Nicolaus, R.A.Nicolaus, Atti Accademia Pontaniana, Vol.XLV, 365, (1997); Rend.Acc.Sci.Fis.Mat.,Vol. LXIV, 325, (1998) ; www.tightrope.it/nicolaus/index.htm

[3] puisque la formule est une exponentielle dont l’exposant comporte un facteur inverse de la largeur de la bande de Fermi.

[4] Fukada, E., and Yasuda, I., J. Phys. Soc. Japan, 12, 1158 (1957) ; Fukada, E., and Yasuda, I., Japan J. Appl. Phys., 3, 117 (1964). | Article | ChemPort |