Analyse critique de la Thèse pour le doctorat en Médecine du Dr Bernard Auriol (1970) « Prolégomènes à une Yogathérapie de Groupe »,
in « Vie Sociale et Traitement », Revue des CEMEA

C. Leguillet, Bonneval, 1970

Dans "Le Yogi et le "Commissaire", Arthur KOESTLER note qu'il existe, ce qu'il appelle, "le mouvement de pendule", mouvement qui amène les époques tantôt vers la voie de la recherche extérieure qui est celle du commissaire, tantôt vers celle de la recherche intérieure qui est celle du yogi.

Pour ces dernières années, il semble plutôt que le pendule s'oriente en France vers la voie du yogi puisque pour la première fois à notre connaissance, nous voyons apparaître des recherches sur le Yoga en milieu psychiatrique. En effet, alors que nous-mêmes participons à une expérience de Hatha Yoga dans le Service du Docteur BARTE, à l'Hôpital Psychiatrique de BONNEVAL, nous sommes aujourd'hui amenés à connaître celle de Bernard AURIOL.
Ayant pratiqué "le Yoga comme méthode de préparation à la concentration religieuse alors qu'il était étudiant en théologie", Monsieur AURIOL prend conscience de l'aspect thérapeutique de la méthode. Aspect noté déjà par de nombreux autres auteurs.

S'interrogeant sur l'utilisation thérapeutique éventuelle du Yoga chez des malades mentaux, Bernard AURIOL l'introduit alors dans deux services psychiatriques où il était Interne, d'abord au Quar¬tier Psychiatrique de Montauban puis à l’Hopital Psychiatrique Marchand de Toulouse. Sa thèse de 235 pages rapporte les résultats de cette application.

Dans la première partie, il donne un rapide aperçu théorique du Yoga dans sa forme traditionnelle.

Dans une seconde partie, il expose l'expérience proprement dite. Il raconte ainsi que le Yoga fut introduit dans les services à son initiative, comme une technique de rééducation, dépouillé de son contexte métaphysique, philosophique et religieux.

La pratique se déroulait à un rythme à peu près quotidien, dans un climat de détente et de non compétition. Les malades étaient invités à acquérir dix postures choisies par l’auteur "en raison de leur compensation réciproque et de la mise en jeu de l'ensemble des possibilités corporelles".

Des exercices centrés sur la respiration, maîtrise, respiration alternée, constituent le deuxième pôle de l'entraînement.

Le troisième est réalisé par des exercices d'expression corporelle, d'exploration de l'espace et de communication non verbale, exercices inspirés de la sémantique générale de Korzibsky. Ces exercices terminent en général les séances qui ne dépassent pas une heure.
Une autre modalité a été utilisée, notamment à man, par l’auteur. Sous la direction d'une infirmière expérimentée, les séances dans les 45 premières minutes étaient consacrées à des postures et à des exercices de respiration rythmés par un gong. Le quart d'heure final était utilisé par la monitrice pour recueillir et susciter des échanges verbaux entre les participants.

AURIOL note que la plupart des malades ont participé facilement à son expérience. Ainsi, presque une centaine de patients ont été touchés par cette expérience. La motivation des participants était en général celle du désir de guérir.
Sur le plan nosographique, retenons une observation de l'intéressé qui note que les schizophrènes adoptent volontiers des postures régressives alors que les postures en extension semblent plus faciles pour les malades hystériques. Ce fait, en soi, confirme l'expérience clinique de la psychiatrie classique. Mais Bernard AURIOL indique que si ces postures vont dans le sens de la symptomatologie de ces malades, un dosage rigoureux des exercices peut facilement combattre la possibilité d'une recrudescence des symptômes. Quoi qu'il en soit, il n'est point contre-indiqué d'autoriser les malades à conserver ces postures.

Dans la troisième partie de son ouvrage, Bernard AURIOL recherche les modes d'action du Yoga. Il note ainsi les points similaires de sa technique avec les différentes autres méthodes de restructuration du schéma corporel, en premier lieu les méthodes de relaxation et celles de rééducation psychomotrice. Il fait ainsi un bref rappel des méthodes de Schultz, Jacobson, Vittoz et Alexander.

Son expérience se déroulant en groupe, AURIOL fait appel dans l'explication des modes d'action à des phénomènes de dynamique de groupes, de transfert, et de non directivité. Il semble d'ailleurs bien entendu insister beaucoup plus sur cet aspect psychologique que sur l'aspect biologique, physiologique même du Yoga. Ces derniers aspects ne sont à vrai dire mentionnés chez lui qu'à travers les travaux d'autres chercheurs tels que Thérèse BROSSE et HENROTTE.

L'auteur conclut son expérience en disant que les indications du Yoga en milieu psychiatrique sont très larges, que cette méthode peut être employée sans inconvénient par des malades de tous les âges, de 10 à 70 ans et même au-delà. Un niveau mental faible ne constitue pas une contre-indication formelle. Sur le plan des malades, la seule réserve sera celle des malades en période délirante aigue. La chimiothérapie, bien entendu, a toujours été maintenue pour les malades. Quoiqu'il en soit, si l'effet thérapeutique lointain peut rester encore incertain, dores et déjà, pour l'auteur, et à travers notre propre expérience, nous pouvons dire que le Yoga possède une action immédiate pendant la séance et les heures qui suivent, notamment dans le sens d'un apaisement de l'anxiété, de l'émotivité et de l'irritabilité.

La lecture de la thèse de Bernard. AURIOL est ainsi extrêmement enrichissante pour ceux qui veulent s'intéresser aux problèmes du Yoga. Elle est d'autant plus captivante qu'elle est illustrée par un certain nombre de très belle photographies. Toutefois, nous devons faire un très léger reproche à l'auteur qui a rendu son ouvrage touffu et diffi¬cile à suivre par la trop grande richesse des éléments fournis.

Le vœu formulé par l'auteur que de pareilles recherches pourront désormais être effectuées en milieu psychiatrique semble en quelque sorte avoir été écouté puisque nous espérons bientôt aussi vous apporter notre propre contribution.