Blaise d’Auriol

« Comte es lois » et recteur de Labège

ROGER ARMENGAUD

Blotti en bordure des nouveaux lotissements de l'Innopole, Labège conserve la mémoire d'un de ces « inconnus célèbres » qui eurent le bonheur de vivre durant le « Siècle d'or » de la Renaissance toulousaine. Il se nommait Blaise d'Auriol . Originaire de Castelnaudary, venu dans la capitale de la Province probablement dans sa jeunesse, il enseignait le droit à l'Université et possédait les bénéfices de la cure paroissiale du village appelé La Bega dans un document du xve siècle.

On ne saurait rien, pourtant de sa manière de concevoir ses obligations ecclésiastiques, si l'un des collaborateurs de la Revue Historique de Toulouse ne nous avait appris que Blaise d'Auriol, « recteur de Labège » avait décidé de reconstruire l'église locale en 1518. Resta-t-il fidèle à ses engagements ? On peut en douter ; à la lecture d'un acte reproduit dans la Revue il semble bien qu'il ait négligé de fournir les matériaux nécessaires à l'exécution des travaux et laissé à son vicaire le soin de les mener à bonne fin avec l'aide de ses paroissiens. Vingt ans plus tard, (en 1538, très exactement), l'état des bénéfices ecclésiastiques, (i. e, le Pouillé du diocèse), dressé par l'Archevêché, indique que Blaise d'Auriol possédait toujours ses lettres de régence et encaissait à titre de recteur de la cure 240 livres tournois ainsi que la moitié des dîmes, partagées entre le chapitre de Saint- Etienne, les bénédictins de la Daurade et lui- même.


Nanti de sa rente, dispensé de résidence à Labège, Blaise d'Auriol avait, en toute bonne conscience, le droit d'occuper à Toulouse un logis à son nom, construit en 1504. Robert Mesuret nous apprend, en effet, qu'il habitait l'un des hôtels de la ville rose appelé encore aujourd'hui la Tour d’Auriol. Ce vénérable élément du patrimoine toulousain « situé dans l'ancienne rue. du Vieux-Raisin » dénommée par la suite « rue du Languedoc » (n°23), ajoute l'auteur, contient un des escaliers les plus larges de la ville et se pare à l'extérieur « de trois fenêtres gothiques enserrées dans des constructions plus récentes ».

Possesseur d'un beau domicile particulier, il paraît donc normal que cet honorable personnage « docteur régent de l'Université et maître es jeux floraux » ait connu son heure de gloire lors de la venue à Toulouse, dans le courant du mois d'août 1533, du roi François ler. L'Université jouissait alors, nous rappellent les historiens, d'une excellente réputation. Elle recrutait des étudiants dans toutes les provinces et même hors du royaume. Durant son séjour à Toulouse le roi confirma ses anciens privilèges et accorda aux régents des quatre facultés « celui de créer, ériger et promouvoir à l'ordre de la Chevalerie » tous les enseignants possédant le titre de docteur et ayant témoigné de leur fidélité à la profession.

Blaise d'Auriol remplissant toutes ces conditions fut donc le premier à être créé chevalier. « La cérémonie s'en fit avec beaucoup de pompe, nous disent les témoins de l'époque. Le premier septembre suivant, Pierre Daffis, docteur régent, lui donna l'épée, la ceinture, le baudrier, les éperons dorés, le collier où était le cachet et les armes » du récipiendaire. Le texte auquel il est fait, ici, référence ajoute en substance : le chevalier promit de ne pas employer les armes pour les choses profanes mais seulement pour la conservation de l'Église et de la foi chrétienne.

C'était bien la moindre des choses pour un homme d'Église et de loi qui se démarquait du courant humaniste apparu suspect à l'époque dans le milieu universitaire et le Parlement ! Ses confrères lui en gardèrent- ils rancune ? Plusieurs détails de son existence inscrits dans les ouvrages d'histoire régionale amènent en tout cas, à s'interroger. Il a été accusé de plagiat et raillé par ses contemporains pour des « initiatives ridicules ». Dernier trait de ce portrait peu flatté, il inaugura, assure Dumège dans sa réédition de l’Histoire du Languedoc, « le genre d'écrire sur le droit, en français, que personne n'avait connu auparavant » . En fait, on constate que l'usage s'en répandit vers 1520. Il fut adopté ensuite par le Parlement, les Capitouls. Les délibérations du chapitre de Saint- Etienne furent à leur tour rédigées dans la langue du Nord en 1539. C'est l'année où parut l'ordonnance de Villers-Cotterets imposant la substitution de la langue d'oil aux idiomes locaux et au latin employés jusque là par les tabellions et les institutions consulaires.

Le recteur de Labège était-il encore vivant pour assister à la condamnation de la lengua mairala ? On prétend qu'il professait encore en 1540- 1541. Tout ce que l'on peut dire avec certitude, c'est que ses restes, bien oubliés, reposent dans la chapelle N.- D. de Pitié du Musée des Augustins fréquenté de nos jours par des visiteurs étrangers à la ville et les amoureux du vieux Toulouse.

Bibliographie

CONTRASTY (J.), Pages d histoire toulousaine, Imp. Berthoumieu, 1935.  `

CONTRASTY (J.),« De quelques églises rurales et de leur état- civil », Revue historique de Toulouse, 81, 1938, pp. 38- 40.

LESTRADE (J.), « Le Pouillé du diocèse de Toulouse en 1538 », Revue historique de Toulouse, 69, 1935, p. 89.

MESURET (R.), Évocation du vieux Toulouse, Laffite reprints, Marseille, 1978, p. 102.

RAMET (H.), Histoire de Toulouse, rééd. « Le périgrinateur », 1994, p. 356.

VIC et VAISETTE (D.D.), Histoire du Languedoc, augmentée par Dumège, rééd. C. Latour, Nîmes, 1994, Tomes vii- viii.

WOLF (Ph.) (sous la direction de), Histoire de Toulouse, 1974, notamment Ben­nassar et Tollon, chapître vl, pp. 264- 266.

 

ROGER ARMENGAUD

Extrait de l’ « Organe de la Société ‘Les Toulousains de Toulouse et Amis du Vieux Toulouse’ »,

7 rue du May, 31000, Toulouse (tel 05 62 27 11 50)»

 

 

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3 Janvier 2006