Histoire de Joseph

Lise Durand, PhD, psychanalyste

( Académie Baroque de Toulouse, le 2 novembre 1987 )

« Israël aimait Joseph plus que tous ses autres enfants car il était le fils de sa vieillesse et il lui fit faire une tunique à longues manches. Ses frères virent que son père l'aimait plus que tous ses autres fils et ils le prirent en haine, devenus incapables de lui parler amicalement. ».

La préférence pour le petit entraîne la haine des frères. Israël est gagnant sur tous les tableaux; il maintient Joseph dans la dépendance et détourne l'agressivité de ses autres fils sur le dit Joseph. Les frères sont leurrés, mais Joseph l -est bien plus car il croit à l'amour de son père et ne se rend pas compte que son père est responsable du peu d'amabilité des frères. Israël aime-t-il réellement Joseph ? Nous répondrons qu -Israël est ambivalent à l -égard de Joseph puisqu -il l -expose à l -agressivité des frères par sa conduite. Et le cadeau que fait Israël à son fils symbolise bien cela : une tunique. Joseph est envié, non pas pour la réalité de l'amour du père (qui est ambivalent comme nous venons de le voir), mais pour l'apparence de cet amour: la tunique. Il est bien connu que l -habit ne fait pas le moine (le moi) et qu'une tunique comme tout vêtement a aussi pour fonction de cacher, y compris par son côté ostentatoire. Le vêtement cache une réalité ( le corps sexué adulte, signe d'autonomie par rapport au père) pour en montrer une autre ostentatoire ( les grandes manches) et donc fausse: la tunique (l'amour ambivalent du père ) .La tunique n'est-elle pas tunique de Nessus ?


Mais Joseph se croyant le préféré s -enfle (mégalomanie). Ses deux rêves que sa famille interprète, à tort ou à raison, comme une volonté de domination sur eux, le montrent. Les frères décident alors de tuer Joseph. Ruben intervient et les frères se contentent de dépouiller Joseph de sa tunique puis ils le vendent aux Ismaélites. Les frères ont récupéré l -apparence de l -amour du père, la tunique, et éliminé le frère en le vendant, leur culpabilité les empêchant de le tuer : « il est notre frère et de la même chair que nous », à moins que ce ne soit la loi qui parle (tu ne tueras point).

Jacob croyant son fils mort fit le deuil de son fils; en fait, Jacob n -a pas vu le corps de son fils, mais uniquement la tunique tachée du sang du bouc égorgé par les frères ( le bouc émissaire ?); ce que pleure donc Jacob et ce dont il fait le deuil c -est la tunique, mais il ne le sait pas; pour lui Joseph et la tunique dont il lui a fait cadeau ne font qu -un.

Joseph avait été emmené en Egypte. Yahvé assista Joseph à qui tout réussit.( la force des « préférés » c - est d -avoir été aimés, et de trouver des substituts à la figure paternelle protectrice, Dieu en particulier ). Mais Joseph, à nouveau, perd tout par le fait de la femme de son maître qui l -accuse de tentative de badinage et ce faussement. Il y a répétition de l -événement traumatique: Joseph est mis en prison ( les frères avant de le vendre l -avaient dépouillé de sa tunique puis l -avaient jeté dans une citerne). Mais Yahve assiste Joseph; le geôlier chef (transposition du père de Joseph ) confie à Joseph tous les détenus (les frères ).

Joseph en prison interprète deux rêves : un signe de vie et l'autre de mort ( répétition de ses deux premiers rêves, le second étant peut être un signe de mort car menaçant pour le père ); mais il précise « C -est Dieu qui donne l -interprétation » ( soumission à la figure paternelle ? ). Il entre ainsi en contact avec Pharaon et Pharaon dit « C -est toi qui seras maître du palais, et tout mon peuple se conformera à tes ordres, je ne te dépasserai que par le trône »..... « et il ( le pharaon ) le revêtit d -habits de lin fin et lui passa au cou le collier d -or ». Joseph est à nouveau le préféré et la tunique réapparaît.

A la suite de la famine les frères viennent en Egypte et ne reconnaissent pas Joseph (répétition). Suit une longue histoire dont Benjamin le plus jeune frère est l -enjeu, répétition simulée par Joseph de sa propre histoire. Les frères ont alors le sentiment d -expier :  « En vérité nous expions ce que nous avons fait a notre frère » et disent à Joseph ( toujours non reconnu ) :  « Tu es vraiment comme Pharaon » ( figure paternelle ). Joseph pleure et se fait reconnaître. Il dit « Ainsi ce n -est pas vous qui m -avez envoyé ici, c'est Dieu ! et il m -a établi comme père pour Pharaon  ». Joseph devient un père pour Pharaon, mais l -attachement de Jacob pour son fils n -était ce pas en partie la projection de son attachement ambivalent à une figure paternelle ?... Et puis tout va bien ; c -est la réconciliation générale et les lignées qui se perpétuent...

Ainsi la boucle de l'ambivalence du monde extérieur à l -égard de Joseph, qui reproduit l'ambivalence du père à son propre égard et peut-être l'ambivalence de Joseph l'égard de son père fut défaite. Ce qui est remarquable, c'est que c'est l'interprétation de deux rêves par Joseph qui provoque l'ouverture. On peut dire que Joseph c 'est en quelque sorte le triomphe de la psychanalyse (en tant qu'interprétation [note de B.A.]) sur la névrose. Et d'ailleurs c'est Dieu qui donne l'interprétation; Dieu n'est ce pas l'inconscient qui envoie Joseph en Egypte. Au début c'est la famille de Joseph qui interprète les rêves, ensuite ce sera Joseph, en bon analysant, analysé, analyste ? et l'histoire simulée autour de Benjamin n'est ce pas le revécu de la cure avec ses pleurs ? Enfin la mégalomanie initiale de Joseph, n'est-ce pas le danger que court celui qui interprète les rêves ou aide à les interpréter avec l'aide de Dieu (Dieu comme l -inconscient ou comme figure paternelle protectrice intériorisée). Alors si je devais donner un titre à cette courte réflexion je l'intitulerais volontiers « Joseph ou l'émergence d'un psychanalyste » sauf que les psychanalystes ça n'existe que depuis Sigmund Freud .

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3 Novembre 2005