Quelques allusions à l’onychophagie dans la littérature


citations colligées par Bernard Auriol.


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1230-1285

Rutebeuf, Tome 1

Elle se taillait les ongles avec ses dents. On aurait dit qu'elle n'avait pas de ventre
parce qu'elle n'y mettait jamais de nourriture.
Ses pieds étaient crevassés par dessus, blessés par dessous autant qu'ils pouvaient l'être.
Elle ne se gardait pas des épines et ne cherchait pas à suivre les sentiers.
Quant une épine la piquait, joignant les mains, elle priait Dieu.


1553

Joachim Du Bellay, Oeuvres poétiques

Souvent, pour un vers allonger, il te faut les ongles ronger

Quant à moy, je ne veux pour un vers allonger, frapper dessus ma table, ou mes ongles ronger.

 

1572

Montaigne , Essais, Livre Premier

Par coutume, dit Aristote, aussi souvent que par maladie, des femmes s'arrachent le poil, rongent leurs ongles, mangent des charbons et de la terre.

… de m'être rongé les ongles à l'étude de Platon ou d'Aristote, je ne l'ai jamais fait …

 

1648

Scarron, Virgile travesti

pauvre Didon insensée, combien de fois tu joignis à ta faible voix, qui faisait mille plaintes, de tes ongles les incisions, sans parler des contusions!


 

1698

Mme d'Aulnoy, La bonne petite souris

Cependant le geôlier vint dans la chambre de la reine ; il vit qu'elle n'était plus grosse ; il fut le dire au roi, qui accourut pour lui demander son enfant mais elle dit qu'une fée, dont elle ne savait pas le nom, l'était venue prendre par force.
Voilà le méchant roi qui frappait du pied, et qui rongeait ses ongles jusqu'au dernier morceau : " Je t'ai promis, dit-il, de te pendre ; je vais tenir ma parole tout à l'heure. " En même temps il traîne la pauvre reine dans un bois, grimpe sur un arbre, et l'allait pendre, lorsque la fée se rendit invisible, et le poussant rudement, elle le fit tomber du haut de l'arbre ; il se cassa quatre dents.

1760

Denis Diderot dans La Religieuse, dépeint l’usage des ongles pour s’agresser soi-même :


Il y avait au fond du jardin un puits profond. Combien de fois j'y suis allée! combien j'y ai regardé de fois!
combien de fois, dans le tumulte de mes idées, me suis-je levée brusquement et résolue à finir mes peines! Qu'est-ce qui m'a retenue?
Pourquoi préférais-je alors de pleurer, de crier à haute voix, de fouler mon voile aux pieds, de m'arracher les cheveux, et de me déchirer le visage avec les ongles?

 

1761

Denis Diderot, dans le neveu de Rameau (1761/1772), dépeint les affres de l’écrivain devant la page blanche :

L'abbé disait: "La marquise de Pompadour me prend sur la main, me porte jusque sur le seuil de l'Académie; là elle retire sa main. Je tombe et je me casse les deux jambes." L'homme du monde lui répondait: "Eh bien, l'abbé, il faut se relever et enfoncer la porte d'un coup de tête." L'abbé lui répliquait: "C'est ce que j'ai tenté; et savez-vous ce qui m'en est revenu? une bosse au front." » Après cette historiette, mon homme se mit à marcher la tête baissée, l'air pensif et abattu; il soupirait, pleurait, se désolait, levait les mains et les yeux, se frappait la tête du poing, à se briser le front ou les doigts, et il ajoutait:
« Il me semble qu'il y a pourtant là quelque chose; mais j'ai beau frapper, secouer, il ne sort rien. » Puis il recommençait à secouer sa tête et à se frapper le front de plus belle, et il disait: « Ou il n'y a personne, ou l'on ne veut pas répondre. » Un instant après, il prenait un air fier, il relevait sa tête, il s'appliquait la main droite sur le coeur; il marchait et disait: « Je sens, oui, je sens. » Il contrefaisait l'homme qui s'irrite, qui s'indigne, qui s'attendrit, qui commande, qui supplie, et prononçait, sans préparation, des discours de colère, de commisération, de haine, d'amour; il esquissait les caractères des passions avec une finesse et une vérité surprenantes. Puis il ajoutait: « C'est cela, je crois. Voilà que cela vient; voilà ce que c'est que de trouver un accoucheur qui sait irriter, précipiter les douleurs et faire sortir l'enfant. Seul, je prends la plume, je veux écrire. Je me ronge les ongles, je m'use le front. Serviteur; bonsoir, le dieu est absent; je m'étais persuadé que j'avais du génie; au bout de ma ligne, je lis que je suis un sot, un sot, un sot.

 

1766

Louis-Antoine de Bougainville (1729-1811), in Voyage autour du monde (1766-1769)

Explique que les tahitiens garderaient les ongles longs sauf celui du majeur de la main droite...


1829

Honoré de Balzac (1799-1850), in Les Chouans (1829) ou La Bretagne en 1799

suggère un lien entre les ongles et l’argent, l’avarice (?). « que tes écus ne soient pas rognés, ou nous te rognerons les ongles au feu ». Se ronger les ongles serait alors à la frontière de l’oral « sadique » et de l’ « anal » …


1831


Victor Hugo, Notre-Dame de Paris

Esmeralda aurait dû se laisser arracher les ongles plutôt qu'une telle parole.

 

1838

Honoré de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes

Elle mit un de ses ongles tout ganté sous la plus jolie de ses dents, et fit ce geste assez connu dont la signification énergique veut dire: rien du tout!

 

1843-1845

Honoré de Balzac, Etudes de moeurs. 3e-4e livres, Scènes de la vie

Le pédicure : - Nous voulons qu'il n'y ait plus de gens manquant de tout, et des millionnaires, des suceurs de sang et des victimes !
- (Gazonal) en attendant que vous puissiez couper la tête aux aristocrates...
- Je leur rogne les ongles, dit le pédicure

 

1844

Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires

D'Artagnan, qui pendant une heure s'était rongé les ongles d'impatience, commençait à attaquer la chair.


1863

Théophile Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863


Madame, ou plutôt reine et déité, que peuvent être des paroles fardées, des flammes contrefaites, des confetti imaginés à froid par des poètes qui se rongent les ongles, de vains soupirs poussés aux genoux d'une Comédienne barbouillée de rouge et dont les yeux distraits errent parmi le public, à côté de mots jaillis de l'âme, de feux qui brûlent les moelles, des hyperboles d'une passion à laquelle tout l'univers ne saurait fournir d'assez brillantes images pour parer son idole, et des élans d'un coeur qui voudrait s'élancer de la poitrine où il est contenu pour servir de coussin aux pieds de l'objet adoré?

Vous daignez trouver, céleste marquise, que j'exprime avec chaleur l'amour dans les pièces de théâtre, c'est que je n'ai jamais regardé une actrice, et que mon idée va toujours au-delà vers un idéal parfait, quelque dame belle, noble, spirituelle comme vous, et c'est elle seule que j'aime sous les noms de Sylvie, de Doralice et d'Isabelle, qui lui servent de fantômes. » En disant cela, Léandre, trop bon acteur pour oublier que la pantomime doit accompagner le débit, se penchait sur une main que la marquise lui abandonnait et la couvrait de baisers ardents.


1865

Jules Verne, De la terre a la lune

Barbicane, les bras croisés, l'oeil interrogateur, la bouche muette, regarda fixement le passager de l'Atlanta.
Au milieu de la foule, il ne restait jamais en place, gesticulant, tutoyant tout le monde et rongeant ses ongles avec une avidité nerveuse.

 

1868

Alphonse Daudet, dans “Le Petit Chose” nous dépeint la nervosité de Jacques Eyssette lors d’une conversation avec son frère Daniel :


Le dîner est très gai. M. Daniel Eyssette (de l'Académie française) montre beaucoup d'entrain, et encore plus d'appétit. Le repas fini, on se hâte de remonter dans le clocher ; et tandis que M, l'académicien fume sa pipe à califourchon sur la fenêtre, Jacques, assis à sa table, s'absorbe dans un grand travail de chiffres qui paraît l'inquiéter beaucoup.
Il se ronge les ongles, s'agite fébrilement sur sa chaise, compte sur ses doigts, puis, tout à coup, se lève avec un cri de triomphe: « Bravo!... j'y suis arrivé.
- A quoi, Jacques ? - A établir notre budget, mon cher. Et je te réponds que ce n'était pas une petite affaire. Pense ! soixante francs par mois pour vivre à deux!...


1874

Victor Hugo, Quatre-Vingt-Treize

Robespierre s'était remis à se ronger les ongles. Il ne pouvait, lui, ni rire, ni sourire. Le rire, éclair de Danton, et le sourire, piqûre de Marat, lui manquaient.

 

1881

Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet

Pour l’étude des germes :
Tour à tour Bouvard et Pécuchet mirent sur la plaque du microscope de verre des cheveux, du tabac, des ongles, une patte de mouche. Mais ils avaient oublié la goutte d'eau, indispensable.

 

1911

Alfred Adler (1911), Le tempérament nerveux, Éléments d’une psychologie individuelle et application à la psychothérapie.

Les opiniâtres habitudes anormales, telles que l'incontinence nocturne, l'onychophagie, l'habitude de sucer les doigts, le clignement d'yeux, le bégaiement, la masturbation, etc., se laissent toujours ramener à cette attitude, caractérisée par l'entêtement et l'esprit de contradiction. Ce sont là des moyens dont se sert le faible pour diminuer la distance qui le sépare du fort et supprimer le sentiment qu'il a de sa propre infériorité. Ils servent, en dernière analyse, à annihiler une autorité et fournissent aussi des prétextes qui permettent de se soustraire à une décision, de l’ajourner. Tous les phénomènes plus ou moins prononcés de cette catégorie sont déjà par eux-mêmes des traits de caractère ou peuvent être considérés comme des symptômes névrotiques, c'est-à-dire comme des expressions de la tendance à la sécurité, comme des manifestations de la force de compensation, déclenchée par le sentiment d'infériorité.


1967

Marcel Aymé "La fabrique et autres histoires"

Il y avait dans la ville de Blémont, dans la rue de la Ferronnerie, une petite fille de six ans prénommée Valérie, qui se rongeait les ongles. Son oncle Alfred lui dit: "Si dans quinze jours tes ongles n'ont pas commencé à repousser, ce n'est pas la peine de mettre tes souliers dans la cheminée. Noël ne viendra pas."
Valérie fit un grand effort de volonté et les ongles se mirent à pousser.
Le matin du 25 décembre, à quatre heures et demie, elle s'éveilla les doigts dans la bouche et put vérifier que, pendant son sommeil, elle avait rongé tous ses ongles. Elle eut un mouvement de retraite, et se retrouva en 1845, au même endroit, non pas dans la maison de ses parents, mais dans celle qu'avait détruite le bombardement.

 

1975

Natalie Babbitt, la source enchantée (Titre original : Tuck Everlasting)

Il était évident que ses malheureux parents ne pouvaient pas songer à inclure toutes les hypothèses possibles dans leur liste d'interdictions. Winnie en riait, à cette idée; il lui semblait déjà les entendre : 'Il ne faut pas se ronger les ongles. Il ne faut pas couper la parole à autrui. Il ne faut pas se rendre à la prison sur le coup de minuit pour prendre la place d'un détenu..."
généralités
Dans la compulsion il y a mentalisation avant le passage à l'acte
Dans l’addiction c’est directement l'agir sans mentalisation
Tout ce qui peut être utilisation d'une conduite, dans le but d'apaisement, de plaisir peut devenir addictif : tentatives suicidaire du foulard, kleptomanie, pyromanie, onychophagie, trichotillomanie, et sexualité addictive.

 

L’escapiste

Demandons-nous maintenant comment peut se comporter l’individu placé en face d’obligations contradictoires
l’individu réagira soit par l’agression (hyperactivité), soit par le retrait (passivité totale).
L’escapisme ( décision de se soustraire à une société trop forte pour qu’on lui résiste) peut être strictement individuel : l’escapiste se réfugie dans l’accomplissement de rites qui lui apportent de la sécurité: c’est le cas de Bouvard et Pécuchet, les deux gratte-papier de Flaubert qui, après avoir voulu se mêler au monde et à la vie de l’esprit, retrouvent la paix en se remettant à leurs écritures. Extrait de http://anpalm.pagesperso-orange.fr/TER/Definition.htm

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Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

© Copyright Bernard AURIOL (email : )

20 Avril 2013