(d’après le Cours d’Algèbre de Roger Godement, Hermann, Paris, 1936, pp.38 ssq.)
Dans le système de N. Bourbaki ( Eléments de Mathématique) , on utilise sept signes fondamentaux, et des lettres.
Quatre signes fondamentaux que voici
ou, non, ,
sont de nature purement logique; les trois autres sont de nature mathématique à proprement parler, ce sont les signes
=, ,
,
Un
assemblage s'obtient en écrivant une succession de signes et de lettres,
certains des signes figurant dans un assemblage pouvant de plus
être joints à certains des signes
par des liens ___ ; par exemple, l'expression
est un assemblage.
|
Soit
A un assemblage, et soit x une lettre; nous allons indiquer un procédé pour
en déduire un nouvel assemblage qui ne contient plus la lettre x mais que
l'on désigne néanmoins par la notation .
On l'obtient en effectuant les trois opérations suivantes
a)
on
écrit l'assemblage A obtenu en faisant précéder l'assemblage
A
du signe
b)
on joint le signe placé devant A à chaque occurrence de la lettre
x par un lien;
c)
dans l'assemblage
obtenu, on remplace partout la lettre x par le signe . Si par exemple A est l'assemblage écrit plus haut, alors
est l'assemblage
L'opération faisant passer de A à est essentiellement
due à Hilbert; on en donnera plus loin la signification intuitive.
Nous allons maintenant énoncer les critères de formation des objets et des relations mathématiques; les voici
Objets :
- (OM I) : Toute lettre est un objet mathématique.
-
(OM 2) : Si A
et B sont des objets mathématiques, l'assemblage AB, qu'on
désigne pratiquement par (A, B), est un objet mathématique.
- (OM 3) : Soient A et T des objets mathématiques, x une lettre; alors l'assemblage (Alx)T déduit de T en y remplaçant partout la lettre x par l'assemblage A, est un objet mathématique.
-
(OM 4) : Soient
R une relation et x une lettre. Alors l'assemblage est un objet mathématique.
Relations :
- (R I) : Si R et S sont des relations, l'assemblage {ou RS}, qu'on écrit pratiquement (R ou S), est une relation.
- (R 2) : Si R est une relation, l'assemblage {non R} est une relation.
- (R 3) : Soient R une relation, x une lettre, et A un objet mathématique. L'assemblage (Alx)R est une relation.
- (R 4) : Soient A et B des objets mathématiques. L'assemblage { = AB }, qu'on écrit pratiquement A = B, est une relation.
-
(R 5) : Soient
A et B des objets mathématiques. L'assemblage { AB}, qu'on écrit
pratiquement {A
B}, est une relation.
Il n'y a pas d'autres méthodes, en Mathématiques, pour former des objets mathématiques et des relations; et, à l'exception de (OM4), qui ne s'utilise presque jamais directement, tous les critères précédents sont effectivement utilisés à chaque instant dans la pratique.
On
remarquera que les quantificateurs
et
et n'interviennent
pas dans ce qui précède : c'est parce qu'on va maintenant pouvoir (en utilisant
l'opération de Hilbert) les introduire comme simples abréviations.
De façon précise, soient R une relation et x une lettre; alors
sera, par définition, la relation
qu'on déduit de R en y remplaçant partout la lettre x par
l'objet mathématique
. Par suite, pour que la relation
soit vraie, il faut et il suffit que l'objet
vérifie la relation R, et ceci conduit
à l'interprétation intuitive de l'opération de Hilbert: celle‑ci consiste
à choisir une fois pour toutes, pour chaque relation R et chaque lettre x,
un objet vérifiant la relation R {x} (s'il en « existe »; dans le cas contraire
est un objet dont on ne peut rien dire). Il va de soi que ce « choix
» est purement fictif : l'intérêt de l'opération de Hilbert est de donner
un procédé parfaitement
artificiel mais purement mécanique pour construire effectivement un objet dont on sait seulement qu'il satisfait à des conditions imposées d'avance (dans le cas où de tels objets existeraient). On l'utilise aussi maintenant à la place de l'axiome du choix.
Dans la pratique courante, il est tout à fait exceptionnel d'avoir à utiliser l'opération de Hilbert qui ne peut évidemment conduire à aucun résultat « explicite ». Comme le Dieu des philosophes, l'opération de Hilbert est incompréhensible et ne se voit pas; mais elle gouverne tout, et ses manifestations sensibles éclatent partout.