NOTES DE LECTURE A PROPOS DE

S. Freud

Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci

(Chap.1, idées/ Gallimard réédition. de 1977)

Le génie n'interdit pas l'étude des mécanismes psychanalytiques.

Il existe une sorte de compétition entre la création artistique (peinture et sculpture), et la recherche de connaissances (expérimentale et scientifique avant la lettre). La création artistique s'accompagne de joie de vivre et d'extraversion. Elle triomphe dans la première partie de la vie de Léonard, la démarche heuristique s'accentue dans la deuxième partie de sa vie et coïncide avec une attitude plus austère et isolée. Le caractère d'instabilité, de lenteur et d'inachèvement attribué à ce génie tiendrait à son souci de réalisation parfaite, inspirée et justement «  achevée  ».

Son originalité de pensée s'allie à une conduite bien personnelle: humeur pacifique, éloignement de toute lutte de parti, de toute querelle. Il était doux et affable envers tous. Végétarien par amour des êtres vivants, il condamnait la guerre mais se laissait dépasser par son goût pour l'invention et imaginait maintes machines de combat.


Freud remarque chez lui une profonde inhibition sexuelle, qui porte sur les organes de la reproduction (« dégoûtant »), sur l'objet ( refoulement de l'hétérosexualité ) et sur le passage à l'action (homosexualité qui semble se limiter à un platonisme).

L'amour comme l'agression doivent être réfléchis et abandonnent leur caractère passionnel au profit d'une conduite soumise à une éthique non conformiste : amour de l'idéal.

1.     Freud fait l'hypothèse que la passion s'est localisée au désir de savoir dans une perspective spinozienne (qui élimine l'existence d'un bien et d'un mal extérieurs à la structure du désir lui même).

2.     Autre hypothèse : la mutation du sexuel en artistique se ferait en conformité avec le deuxième principe de la thermodynamique (loi d'entropie).

3.     Troisième hypothèse: la contemplation du sublime conduirait à une désinflation égotique, et à un désinvestissement de l'action.

4.     Quatrième hypothèse: la passion du savoir est un cas particulier de « tendance dominante ». Toute tendance dominante remonte à la tendre enfance. Toute tendance dominante doit, au moins en partie, à un renforcement de nature sexuelle, de l'être devenue.

Toutes sortes de tendances non dominantes individuellement, mais valorisées socialement utilisent le mécanisme de sublimation. La SUBLIMATION consiste en ce que la tendance abandonne son but immédiat en faveur d'autres buts non sexuels. Preuve clinique: tendance forte aux activités sexuelles qui se laisse relayer chez l'adulte par une conduite, en grande partie, d'orientation non sexuelle.

La SOIF DE SAVOIR se manifeste chez l'enfant par le stade des « pourquoi » (vers trois ans) dont l'objectif est de connaître le fonctionnement de la procréation[1].

Au cours de l'évolution ultérieure (latence): il y a un refoulement sexuel qui peut entraîner avec lui un refoulement de la curiosité intellectuelle (amoindrissement névrotique des capacités).

Il peut aussi demeurer relativement isolé, l'intelligence hérite d'énergie, de jouissance et d'angoisse sous forme d'obsessionnalisation. Une troisième voie est de métamorphoser la libido en passion de connaître. Léonard en serait le parfait exemple.

Léonard le souvenir:

le vautour qui le frappe de la queue entre les lèvres

hypothèse: pour l'essentiel c'est un fantasme rejeté dans l'enfance (qu'il y ait quelque base dans la réalité, ou non, à ce « souvenir ») comparaison des « souvenirs d'enfance » et des légendes et mythes qui évoquent l'avant-histoire. La technique psychanalytique permet de remonter de la légende à ce qui l'a produite.

Traduction du souvenir:

·        queue => pénis

·        pénis dans la bouche => fellation (fellation non active de la part du fellateur )

·        fellation => succion du mamelon de la nourrice (ce qui explique le rejet « au temps du berceau » de ce fantasme )

·        vautour => mère (cf. hiéroglyphes. Les égyptiens pensaient qu'il n'y avait chez ces oiseaux, que des femelles fécondées par le vent; légende décrite par Hermès Trismégiste et les Pères de l'Eglise pour faire admettre la conception virginale de Marie (laquelle a été fécondée par « l’esprit saint», autrement dit le « souffle » de Dieu ; ce que Léonard a pu lire).

·        « Mout », {vautour/mère} égyptien possédait comme Isis et Hathor, comme Neith/Athéna, comme Aphrodite et comme toute mère pour l'imagination de son enfant, un phallus.

·        pas de père => enfant naturel. Semblable à Jésus rédempteur de toute l'humanité. On peut raisonnablement suggérer qu'il a vécu quatre ou cinq ans, seul, chez sa mère pauvre.

Freud décrit cette étape de la théorie sexuelle chez le jeune garçon, et l'explique par son ignorance de l'anatomie sexuelle de sa mère: cela paraît lié à la pruderie du début du siècle. En fait, la fille comme le garçon et aujourd'hui (malgré le règne du « nu ») comme hier, cette théorie sexuelle infantile constitue un passage quasi obligé, qu'il faut donc expliquer autrement que sociologiquement.

Le jeune garçon édifie pour la fillette la théorie du pénis petit qui deviendra grand ou de la castration qui remplace le membre viril par une blessure.

Curiosité pour VOIR le pénis de la mère. Fétichisme du pied et de la chaussure.

Analyse du statut des organes sexuels à l'époque de Freud très éloigné de ce même statut dans d'autres cultures (Inde), y compris très « raffinées » et de nos jours en Occident. Il fait appel à l'adage biologique, qu'il psychologise, selon lequel l'ontogenèse récapitule la phylogenèse. Ici le développement de l'enfant au niveau psychologique récapitulerait l'histoire de la civilisation.

Refus des théories selon lesquelles l'homosexualité pourrait être considérée comme congénitale. Cette orientation selon les recherches cliniques de Freud est liée à une tendresse excessive d'une mère « énergique » et à un effacement du père dans la vie concrète. Dans une deuxième état, « identification partielle à la mère et choix d'objet de type narcissique ».

Cette genèse de l'homosexualité est présentée comme une explication parmi d'autres. Elle suppose probablement l'intervention d'autres facteurs : constitutionnels par exemple, arguments en faveur de l'amour de Léonard pour ses beaux élèves et sa vieille mère (les comptes obsessionnels). Ces traits d'analité ne font pas ici l'objet d'un commentaire montrant leur très profonde connexion à la pulsion scoptophilique, dès le stade anal et très visiblement dans la passion de découvrir et de représenter visuellement le monde.

Freud déduit du rôle actif de l'oiseau les « baisers passionnés » de la mère (on pourrait avec une vraisemblance similaire invoquer « l'enfournement » du mamelon dans la bouche de l'enfant déjà rassasié).

Le sourire de Mona Lisa traduirait réserve et esprit de séduction, tendresse dévouée et sensualité avide, incarnerait l'idéal féminin et pour tout dire la mère du jeune Léonard. Il commente dans le même sens le tableau de Ste Anne, Marie et Jésus. Il suppose que Anne et Marie représentent, en fait, sa mère et sa belle mère.

On retrouve (d'après Pfister) le vautour sous forme d'image-devinette dans le manteau bleu de Marie.

note relative à la mort du père obsessionnalisée, rappel de la « noblesse » affichée de Léonard comme manifestation de rivalité avec son père, paternité de l'artiste sur son oeuvre : Léonard comme son père néglige les oeuvres qu'il a engendrées.

Sa révolte contre le père se traduit par son non conformisme intellectuel, son inventivité « qui s'appuie, dans la controverse, sur l'autorité, ne travaille pas avec l'esprit mais avec la mémoire ».

Freud réduit la croyance en Dieu au complexe paternel (besoin de la sécurité que donne l'autorité) et la dévotion à la Nature au complexe maternel (besoin de la sécurité que donne la tendresse). Ces deux attachements sont refoulés parce que culpabilisés; la religion les prend en charge en les déculpabilisant.

L'incroyant, lui, doit « se débrouiller seul ».

Léonard conteste la plupart des « fausses vérités scientifiques » énoncées parla croyance de son époque (mobilité du soleil et fixité de la terre, création en sept jours, déluge universel, ...), il raille différentes attitudes chrétiennes (culte des saints, culte de la mort du christ) tout en professant une attitude théiste digne du siècle des lumières ou des philosophes indiens et bouddhistes que Freud rapproche avec beaucoup de raison du Spinozisme.

Le rêve de Léonard est avant tout de voler. Pour Freud, voler désigne le désir ardent d'être apte aux actes sexuels.( Il est à noter que la sexualité, sublimée en soif de savoir, échappe pour sa plus grande part, au refoulement, tandis que la portion refoulée induit une homosexualité platonique de type plus ou moins pédophilique. Une troisième part de la libido reste fixée à l'image maternelle et nous vaut le sourire de Mona Lisa.

Freud souligne les limites de ce type de travail et fait une place à la liberté... déclarant « la psychanalyse reste impuissante à expliquer sa tendance extrême au refoulement des instincts et son extraordinaire capacité à la sublimation des instincts primitifs ». Il fait appel aux bases organiques du caractère et semble faire droit à quelque don inné..., il évoque les théories de Fliess sur l'androgynie et la latéralité manuelle.

Il rejette l'idée de Providence qui fait dépendre le fonctionnement de l'Univers d'une misérable biographie, actuelle ou à venir, individuelle. Profonde conclusion de Freud, citant Léonard qui annonce, aussi, la pensée si moderne de E. Morin, H. Atlan, etc....

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29 Mai 2001