Discussion de la Littérature scientifique au sujet des bêta-bloquants (ou bêta-bloqueurs)

Dr Bernard Auriol

 

Chapitre 5

 

 

1- 500

 

On ne trouve, dans la littérature, que peu d'indications par rapport à l'action sur le sommeil humain, des bêta- bloquants. Citons seulement l'étude de Dunleavy et coll. (41). Ils administrent 120 mg de propranolol à trois hommes au moment du coucher pendant plusieurs nuits, et d'autres fois, l'association de propranolol et d'amphétamines, ou d'isoprénaline ou d'imipramine. A cette dose et pendant la durée de leurs mesures, le propranolol n'avait aucune influence mesurable sur aucune des variables mesurées = durée totale de sommeil, proportion de sommeil profond et de sommeil paradoxal, etc. Il semble donc que les différentes phases du sommeil ne sont pas sous la dépendance directe d'un mécanisme, bêta - adrénergique ; cela, d'autant que l'action de l'amphétamine ou de l'imipramine sur les variables mesurées n'est pas antagonisée par le propranolol.

Le disulfirame qui inhibe la transformation de dopamine en noradrénaline (§ 1- 251), entraine une raréfaction des périodes de sommeil paradoxal et une augmentation du temps de sommeil lent chez le chat (1096) Certains auteurs avaient déjà émis l'idée que la nor- adrénaline cérébrale joue un rôle éminent dans la production du sommeil paradoxal ; cette étude confirme cette hypothèse.

 

 

1- 502

 

Plusieurs des sujets malades ou sains, traités par le pindolol, ont éprouvé des insomnies du milieu de la nuit ou totales, avec impatiences, besoin de remuer (en particulier les jambes), mémorisation plus intense des rêves dans quelques cas. Il convient d'insister sur le fait que cette insomnie s'observe chez le sujet non hospitalisé (cf, § 3- 35 & 3- 42), indemne auparavant de symptômes psychiques ou somatiques identifiables.

 

Certains auteurs avaient déjà signalé que le propranolol est susceptible d'augmenter, sinon la quantité de rêves, au moins l'intensité de leur mémorisation (76) et les cas d'hallucination qu'on lui attribue (76) (116) ne sont peut-être pas tellement différents de ces phénomènes oniriques. Nous avons nous même été appelé en consultation pour une malade chez laquelle il fallait attribuer au pindolol la survenue de phénomènes hypnagogiques qui avaient revêtu un tel caractère d'intensité vécue que l'hospitalisation en urgence avait été décidée par le médecin traitant. Ce phénomène avait d'ailleurs été sans lendemain. Ces faits ont quelque chose de paradoxal dans la mesure où les catécholamines sont censées augmenter la vigilance (36) ; à courte vue il faudrait en conclure que le propranolol ou le pindolol peuvent avoir un effet nor- adrénalino- mimétique dans certains cas... Un examen plus attentif invite à se demander si

a)    les bêta- bloquants ne produiraient une insomnie qu'en démasquant un effet alpha qui serait habituellement compensé par un effet bêta de sens inverse (effet alpha de vigilance accrue, effet bêta de vigilance diminuée). L'étude de l'effet sur le S.N.C. nous donne un argument (encore à discuter), contre ce point de vue : en, effet, la clonidine est sédative sans être inductrice de l'hypnose. Mais les conditions sont différentes, puisque la comparaison de la clonidine et du proprarnolol montre une action similaire de ces deux produits dans des conditions d'expérimentation pharmacologique voisines...

b)    la dopamine a probablement un rôle important à jouer dans la motricité ; le bêta- blocage libèrerait cette action qui deviendrait plus manifeste et le bêta- bloquant devrait alors induire une insomnie d'un type particulier car essentiellement sensible aux dopamino- bloquants (du type halopéridol par ex ; nous tenterons de vérifier si ceux de nos malades qui ont été soumis â une association {bêta- bloquant + neuroleptique incisif} sont nettement moins insomniaques que ceux qui recevaient {bêta- bloquant + hypnotique}

 

les bêta- bloquants induisent une diminution de la sérotonine dans plusieurs aires sous corticales (tout comme  le disulfirame) (cf. § 1- 263 et 1.251e)

 

 

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A la lumière des travaux sur le disulfirame (cf § 1- 501), on peut se demander si l’insomnie des bêta-bloquants (ou au moins liée à 1’administration de pindolol) n’est pas liée davantage à une raréfaction des phases paradoxales, entraînant un besoin de rêve impossible à satisfaire pour autant que le sujet reste soumis au traitement.

 

 

1-504

 

Plusieurs malades traités au pindolol ont éprouvé des impatiences musculaires, surtout localisées aux membres inférieurs, une plus grande fréquence de rêves mémorisés dans certains cas.

 

Cette augmentation apparente, des rêves pourrait correspondre à une augmentation réelle si la fonction onirique était liée à un mécanisme alpha- mimétique cela ne contredirait pas les travaux cités à propos du disulfirame et devrait entraîner une plus grande quantité de rêves sous alpha- mimétiques (par exemple sous clonidine) ou sous L- DOPA.

Alpha- mimétiques et L- DOPA devraient alors se comporter en hallucinogènes si on admet que les phénomènes hallucinatoires sont en continuité biochimique avec les phénomènes oniriques.

 

 

1- 505

 

Insomnie et hallucinations s’opposent à 1’effet sédatif reconnu aux bêta- bloquants ou à certains d’entre eux comme le propranolol ( 1) ou l’alprénolol (124 bis). C’est avec une certaine surprise que nous avons pris connaissance du travail de Scharbach (124 bis) qui a observé une action remarquable de l’alprénolol sur l'insomnie de malades psycho- fonctionnels. Notons que chaque malade était observé pendant un laps de temps réduit (15 jours ou 3 semaines) ; c’est après un temps du même ordre que nous avons souvent observé l'insomnie provoquée par le pindolol chez le psychotique, le névrotique grave ou le sujet indemne de trouble psychique identifiable. Cette latence d’apparition de l’insomnie explique sans doute en partie que les cardiologues n'en aient pas fait état et suggère qu'il faut l’attribuer non à un effet bêta- bloquant (qui devrait se manifester très vite) mais à un effet sur les taux d'amines cérébrale (excès relatif de dopamine dans le mésencéphale, diminution de la sérotonine dans tout le sous cortex).

 

 

1- 506

 

Il convient de se souvenir ici qu’un des lieux de concentration maximum en nor- adrénaline est le locus caeruleus (142) dont on sait que son excitation électrique produit l'inhibition musculaire contemporaine physiologiquement des phases de sommeil paradoxal. L'inhibition de cet effet - s'il est de type bêta - par le pindolol pourrait expliquer le réveil du sujet lors de certaines phases paradoxales, en raison d’une mise en jeu musculaire, indue à ce moment là, avec pour conséquence une exagération des stimuli proprio et extéroceptifs entraînant le réveil : ainsi s’expliquerait simultanément la plus grande mémorisation des phases de rêve et l’insomnie de la fin ou du milieu de la nuit qui est la forme d'insomnie apparaissant chronologiquement la première dans plusieurs observations,

 

 

1- 507

 

L'action anti- dépressive du pindolol sur la mélancolie pourrait dés lors être rapprochée des travaux concernant le traitement des mélancoliques par privation totale de sommeil pendant plusieurs nuits (le but des auteurs était de créer un rebond de sommeil paradoxal, possiblement thérapeutique) (127) Les travaux de Bourgeois (21) mettent en évidence la fréquente diminution des P.M.O. chez les dépressifs et voient dans l’électrochoc un "équivalent biochimique de P.M.O.".

 

Mais d'ans notre étude la guérison du mélancolique survient dans plusieurs cas avant l’apparition de l’insomnie ! La poursuite du traitement lors des jours et des nuits d'insomnie ne permet pas le "rebond" invoqué...

 

Il est peut être préférable de s’intéresser ici aux rythmes biologiques.

 

L'alternance veille/Sommeil/P.M.O est perturbée chez la plupart des malades mentaux. La privation de sommeil prolongée rétablirait un rythme normal.

 

Quant au pindolol, il semble avoir urge action sur le rythme circadien veille/sommeil/P.M.0. : en effet certains malades devenaient somnolents le jour et insomniaques la nuit... Il serait intéressant dans cette optique d'entreprendre une étude sur les modifications de ce rythme en fonction de différents horaires d’absorption du médicament.

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Texte de 1973
quelques notes le 18 Décembre 2007