Dr Bernard Auriol
1-600
L'hypothèse de Shildkraut (125) lie les troubles de l'humeur aux
variations affectant le niveau des catécholamines cérébrales :
dépression = déficit
/ excitation = excès
Les études cliniques, basées sur le dosage des catécholamines et de leurs
métabolites urinaires n'ont pas toujours apporté la confirmation de cette
hypothèse, puisque bien souvent, on retrouvait un taux de monoamines plus
élevé que la normale dans les urines de malades déprimés.
Cependant, chez les malades atteints de psychose maniaco-dépressive, l'élimination urinaire des catécholamines est
plus élevée que la normale dans les phases maniaques, plus faible dans les
phases dépressives (136 bis), ce qui est tout à fait en accord avec l’hypothèse.
D'autre part, l'augmentation, apparemment contradictoire du taux des
amines excrétées dans les psychoses aiguës dépressives et les états dépressifs
névrotiques pourrait s'expliquer si on admettait que ces états dépressifs
s'accompagnent d'une réaction exagérée à tout stimulus reçu comme stress et
s'accompagnent dés lors d' une décharge périphérique de catécholamines
surrénaliennes fréquente masquant éventuellement des phénomènes différents ou
même inverses au niveau du système nerveux central (27 bis). Le mélancolique
centré sur ses sentiments d'échec total se comporterait à cet égard comme si
aucun stress nouveau ne pouvait l'atteindre. D'un autre côté il est très
possible qu'il soit nécessaire de différencier nettement, au point de vue
génétique, physiopathologique et biochimique, les états dépressifs de la
P.M.D. et les états dépressifs névrotiques ou psychotiques en dehors de la
P.M.D.
Notons encore qu'il faudrait tenir compte du débit sécrétoire des
catécholamines plus que de son débit excrétoire, et même du débit fonctionnel
plus que du débit sécrétoire, Tout cela au niveau central plutôt qu'au niveau
global.
Enfin avec R.Tissot (142) et de très nombreux auteurs, il semble que
l’on doive accepter l'idée que les troubles de l'humeur sont corrélés à la
perturbation d'un ensemble neuro- physiologique plus qu'à la seule
variation d'un composé défini. On devrait notamment s'attacher aux
perturbations du rapport sérotonine / catécholamines, plus qu'au taux du
numérateur ou du dénominateur isolé.
Par rapport à ce dénominateur (catécholamines), notre étude suggère qu'il
pourrait être vu comme un rapport fonctionnel entre dopaminergie, alpha-ergie
et bêta-ergie...
On peut d'ailleurs prévoir que les autres médiateurs connus, au au
moins certains d'entre eux, ont de l'importance : GABA [Gamma Amino Butyric
Acid], GHBA [« Gamma Hydroxy Butyric Acid » ou Gamma-OH],
tryptamine, acide glutamique, etc. Nous avons même cru observer dans un cas la
guérison d'un accès mélancolique en trois jours par administration à chaque
réveil de doses suffisantes de GHBA.
Avec Tissot (142) nous pensons qu’aucune médication ne puisse être le
"sirop
typhon" de l’état dépressif et il devient impératif d’essayer de
distinguer les états dépressifs en fonction des rapports fonctionnels perturbés
et cela afin de pouvoir sortir du pur empirisme thérapeutique.
Il serait pour cela utile de faire davantage usage des dosages biologiques de métabolites des médiateurs, d'être équipé pour pouvoir le faire au niveau de la pratique hospitalière courante, d'expérimenter davantage en fonction des données de la biochimie à la recherche des mécanismes en jeu. L’usage des précurseurs, des faux précurseurs, des inhibiteurs, etc... pourrait permettre d'avancer rapidement en thérapeutique et cela paraîtrait plus efficace que d'improviser des variations sur des formules déjà connues et éprouvées. Mais bien entendu, L’un n'exclut pas l’autre !...
Texte de 1973