De l'inexplicable

Dans le n° 8, Décembre 2004 de "Cerveau & Psycho",

Jean-Pierre Deconchy se demande ce qui se passe « Lorsqu'on veut expliquer l'inexplicable… ».

résumé par DAVID ROSSONI

 

 

Les faits apparemment « inexplicables » (miraculeux, surnaturels, paranormaux) excitent paradoxalement notre besoin d'explication. De nombreux systèmes de croyances (religions, superstitions, parasciences) font l'hypothèse que de tels faits se sont réellement produits. Lorsque le débat s'anime autour de ces questions, les uns et les autres cherchent donc des explications possibles à ces phénomènes « anomaliques ».

L'équipe de Jean-Pierre Deconchy, un socio-psychologue de l'université de Paris X-Nanterre spécialisé dans l'étude expérimentale des croyances et des idéologies, a mis au jour certains mécanismes cognitifs à l'œuvre lorsqu'on
en donne soit des explications prosaïques soit des explications impliquant d'autres croyances « secondaires ».


Les chercheurs sont partis de l'hypothèse qu'une explication par croyances demanderait alors moins d'effort mental, moins de « ressources cognitives », qu'une tentative d'explication « rationnelle ». Lorsqu'une personne dispose de ressources cognitives importantes, on s'attend en effet a priori à ce qu'elle fournisse une explication « rationnelle ». Afin de tester cette hypothèse en laboratoire, des sujets ont été mis dans des situations dites de contrôle cognitif ou de non-contrôle cognitif.

En substance, un sujet en situation de non-contrôle cognitif ne parvient plus à assembler en un tout cohérent les données d'un problème. Dans ce cas de figure, « au plan affectif, on ressent anxiété et sentiment d'impuissance ; au plan motivationnel, on renonce à résoudre le problème et, enfin, d'un point de vue cognitif, on ne parvient plus à se concentrer et l'on est moins apte à analyser les données ». En fin de compte, quelle que soit l'intelligence de la personne, celle-ci ne peut, sur le moment, qu'en mobiliser une partie.

Que se passe-t-il alors :

- si l'on place des individus en situation de contrôle cognitif et qu'on leur présente le récit d'un fait « inexplicable » sous une forme factuelle (= simple déroulement des faits) ?
- si l'on place des individus en situation de non-contrôle cognitif et qu'on leur communique le même récit cette fois sous une forme fantastique (= ajouts imagés, symboliques ou lyriques) ?
- si l'on combine situation de contrôle cognitif et rhétorique fantastique, situation de non-contrôle cognitif et rhétorique factuelle ?

Au final, l'histoire en question a été davantage expliquée en faisant appel à d'autres croyances par les personnes mises au préalable :

- en situation de contrôle cognitif, lorsque le récit a été communiqué avec une rhétorique fantastique.
- en situation de non-contrôle cognitif, lorsque le récit a été communiqué avec une rhétorique factuelle.

Pour comprendre le phénomène, les auteurs ont ensuite essayé de déterminer si les différents participants traitaient l'information contenue dans le message d'une façon systématique (analytique et raisonnée) ou heuristique (approche plus superficielle).

Les résultats peuvent surprendre :

- les hommes utilisent un traitement systématique quand ils sont en situation de contrôle cognitif et que le fait « anomalique » est rapporté sur le mode fantastique. Dans les autres cas, ils se bornent à un traitement heuristique.
- au contraire, les femmes privilégient le traitement systématique lorsque l'histoire est relatée sur le mode factuel. C'est aussi parfois le cas des sujets en situation de non-contrôle cognitif à qui est conté le récit sur le mode fantastique.

Autrement dit :

- les hommes et les femmes réagissent à l'opposé face à une croyance.
- le contrôle cognitif ne favorise pas toujours le traitement systématique de l'information.

Mais le résultat essentiel est que, chez tous les sujets, le recours à des croyances pour expliquer l'inexplicable est associé à un traitement de type analytique… ce qui infirme l'hypothèse de départ. Ces résultats ne semblent toutefois valables que pour les « croyances sauvages » (par exemple la télépathie, dans nos sociétés). Aucun des effets décrits n'a en effet été retrouvé lorsqu'on les remplaçait par des « croyances socialement régulées » (religieuses en premier lieu).

 

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27 Décembre 2004