AURIOL B. - Le problème des récepteurs bêta-adrénergiques en psychiatrie. Etude critique de la littérature et observations cliniques. Mémoire pour l'obtention du C.E.S. en psychiatrie. Université Paul Sabatier, U.E.R. de sciences médicales, Toulouse III.

Critique

par Cyrille KOUPERNIK

Concours Médical, 15 Juin 1974, 96-24, p.3923

 

Ce mémoire est tricolore, une partie bleue, étonnamment mobile et qui évoque l'attaque de la prestigieuse équipe brésilienne de football au sommet de sa gloire. Rien n'est épargné pour essayer de glisser les bêta-bloquants dans le club pourtant vaste des médicaments à visée psychiatrique. On y parle donc de tout, de l'acide lactique et de ses effets sur l'anxiété, des acides gras libres du sérum, des effets qénéraux des bêta-bloquants, de leur action sur la cellule langerhansienne et sur la névralgie faciale, de l'A.M.P. cyclique, dont les vicissitudes par des voies relativement obscures pousseraient à prévenir les rechutes de maladies maniaco-dépressives par de faibles quantités de neuroleptiques. Il est même question de L-dopa et de disulfiram, et l'on ne peut que regretter évidemment une telle dispersion, tout en trouvant l'enthousiasme sympathique.

 



 

Il est encore plus difficile de tirer une conclusion quelconque de la partie blanche, celle des observations cliniques. Non qu'elles ne soient nombreuses, mais elles sont tellement disparates, tellement riches elles aussi en thérapeutiques variées, car enfin, il est étonnant de voir utiliser, à côté d'un véritable florilège de médications diverses, de la lévodopa à dose croissante chez une femme divorcée de 55 ans et qui délire sans que jamais il ait été question de maladie de Parkinson. Rectification : dans la partie bleue on a signalé rapidement que dans certains cas de parkinsoniens traités par lévodopa, on aurait observé une amélioration de l'humeur. Autre exemple de prescription en apparence aberrante de lévodopa chez une femme de 55 ans qui avait des accès dépressifs ou des syndromes confusionnels. Elle paraît débile d'après les résultats du Wechsler Bellevue, et l'on ne peut même pas invoquer le rôle probablement calmant sur l'anxiété des bêta-bloquants. Elle se plaint de céphalées et elle est apragmatique. Le pindolol paraît déclencher un état d'excitation hypomaniaque, qui peut d'ailleurs s'expliquer également par la prescription d'un anorexigène, et c'est à ce stade que brusquement on la met à six gélules de lévodopa. Les pages jaunes enfin s'efforcent de réaliser une difficile synthèse. Il faut dire d'ailleurs à la lecture de ces pages bleues, blanches ou jaunes, que les conditions idéales pour une expérimentation rigoureuse étaient loin d'être réalisées, qu'il y avait des " conflits de hiérarchie ", que c'est à la suite d'une réunion d'équipes de soignants qu'on prenait la décision de prescrire du pindolol, ce qui est pour le moins surprenant. Il faut noter enfin que 52 cas avaient été traités à Montauban, dont 18 avaient été des francs succès, soit un tiers (voire un peu plus), cependant que des 18 cas traités à Marchant il n'y a eu que deux succès à +++. c'est-à-dire un neuvième. Et l'auteur dit, fort justement dans ces pages jaunes, que le contexte relationnel dans lequel se trouve placé le patient soumis à cette chimiothérapie a probablement joué un rôle important. L'idée n'est pas inintéressante, et il est certain que chez bien des malades ayant des manifestations de la sphère cardiaque au cours d'un état névrotique (le terme de névrose cardiophobique, comme l'avait fort bien dit notre maître Léon Michaux, est exécrable, car il tendrait à signifier qu'on a peur de son propre coeur) bêta-bloquant peut donner des résultats satisfaisants. Il y a souvent intérêt à atténuer un symptôme qui constitue par lui-même une sonnette d'alarme, un foyer d'excitation pour employer une phraséologie politico-pavlovienne ; de là à élever les bêta-bloquants au rang des grandes médications psychotropes, il y a un pas qu'il ne faudrait pas franchir trop vite. L'idée générale des mémoires de C.E.S. me paraît excellente, mais ne pourrait-on pas faire guider les travaux enthousiastes de candidats qui n'ont jamais fait de recherche par quelque cornac expérimenté, rigoureux et avare d'affirmations prématurées?

 

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29 Mai 2001