Bernard
Lechevalier
Editions
Odile Jacob
A propos du génie de
Mozart, dans son essai intitulé Le
Cerveau de Mozart publié chez Odile Jacob, Bernard Lechevalier rend compte
des données les plus récentes sur le fonctionnement du cerveau en ce qui
concerne la musique et tente une explication de ce qui ferait la spécificité du
génie dans l’organisation de l'activité cérébrale.
C'est le développement
du cerveau de l'imagerie fonctionnelle cérébrale qui a permis de mieux comprendre
l'implication des différentes structures cérébrales, réparties dans les deux
hémisphères, dans la perception, la mémorisation, l'exécution et la composition
de la musique.
Cet essai incomparablement érudit de neuropsychologie musicale est en fait agréablement accessible car rédigé sur le ton d'une conversation savante dans un style élégant et d'une remarquable clarté.
Bernard Lechevalier,
professeur de neurologie, praticien hospitalier, chercheur en neuropsychologie
(Inserm), membre de l'Académie de médecine est aussi musicien : organiste
titulaire de l'église SaintPierre de Caen. A ces différents titres professionnels,
il était particulièrement désigné pour étudier "le cerveau de Mozart"
à partir des témoignages de sa vie et de son œuvre.
Dans sa préface, le professeur
Jean Cambier souligne que pas plus que Flaubert ne fut "l'idiot de la
famille", Mozart ne fut "le pitre invétéré au comportement attardé"
que d'aucuns se sont plu à représenter. Dans le cours de son ouvrage, Bernard
Lechevalier revient sur les fréquentes attitudes « absentes »de
Mozart qu'il explique par les mécanismes de sa mémoire et de son élaboration
créatrice. De même, rapproche-t-il de la liberté de ton qui avait cours à
cette époque dans sa famille et à Salzbourg son goût pour les plaisanteries
scabreuses ou scatologiques.
Quand on dit de
Wolfgang Amadeus qu'il est un enfant prodige, c'est son existence même qui
constitue le prodige. Aucun musicien en Occident n'a réuni dans sa personne
autant de capacités dans son domaine et ne les a exprimées aussi précocement.
Le choix de Mozart comme figure emblématique de
l'activité musicale paraissait donc s'imposer. Et Bernard Lechevalier ne
cachant pas sa vénération pour ce génie, c'est en quelque sorte à sa rencontre
qu’il nous invite, rencontre au cours de laquelle nous découvrons l'existence
d'un "cerveau musical chez tout le monde, plus ou moins capable de
s'améliorer par l'entraînement, et quelque peu différent du "cerveau des
musiciens". Quant à Mozart, son fonctionnement cérébral, support et
acteur de son génie, diffère encore de celui d'un virtuose..
L'ouvrage s'ouvre sur
une performance inouïe, un véritable exploit, du jeune Wolfgang qui
retranscrit intégralement de mémoire après l'avoir entendue à la Chapelle
Sixtine une œuvre pour deux chœurs d'une durée de quinze minutes, à l'écriture
particulièrement complexe, dont la partition était tenue secrète : le Miserere
d'Allegri célèbre dans toute l'Europe. Cet exemple permet à l'auteur de montrer
qu'il existe, distincte de la mémoire habituelle, une mémoire musicale où entre
en jeu la structure de l’œuvres musicale elle‑même.
Les études menées avec
la caméra à positions et l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle
(IRMf) ont permis d'inventorier les différentes structures du cerveau impliquées
dans la perception de la tonalité. Elles sont différentes chez les sujets
possédant l'oreille absolue qui n'utilisent pas les mêmes circuits pour
identifier les sons que les autres musiciens. Par ailleurs la mélodie, le
timbre, le rythme sont traités séparément dans des zones distinctes réparties
dans les deux hémisphères. « L’intelligence musicale » qui permet de
coordonner l'ensemble de ces activités intéresse la globalité du cerveau. Plus
sera précoce l'éducation musicale, et l'on sait que Mozart fut baigné dans une
ambiance musicale dès sa vie fœtale, meilleures seront les performances du
sujet quelques soient ses dispositions héréditaires. Les musiciens virtuoses,
comme les experts en d'autres matières, se distinguent par un fonctionnement
cérébral particulier. Pour une même tâche qu'un non expert, ils activent de
nouveaux processus corticaux qu'ils sont les seuls à recruter. Mais le génie ne
se réduirait pas à des conditions quantitatives, il a une qualité propre dont
Mozart offre un exemple éloquent. Sa musique nous touche parce qu'il exprime
par elle toute la vérité de sa personne : sa vie, ses émotions, ses
sentiments.
Finalement la
puissance de son imagination créatrice conserve une part de son mystère bien
qu'on puisse avoir des raisons de supposer qu'elle se soutient de l'activité
des structures et des circuits cérébraux dévolus aux émotions.
En annexe, Bernard
Lechevalier consacre un chapitre qui n'est pas le moins intéressant de son
livre aux maladies et à la mort de Mozart.
Une bibliographie de
près de 200 auteurs référencés et un index font également de cet ouvrage un
instrument de travail.
C.Tolédano