{Annexe 2 de : L’apport du découpage IDS dans la compréhension des aspects qualitatifs de la perception auditive et du contrôle de la boucle audio-phonatoire, Mémoire de fin d'Etudes soutenu par Charlie Sénécaut à l'École Nationale Supérieure Louis-Lumière, Section Son, rédigé sous la direction de Bernard AURIOL et Laurent MILLOT}
|
… se tenait toujours au premier rang. Tant que dura la guerre, tout alla ben. Mais quand vint la paix, on le congédia et son Capitaine lui dit qu’il pouvait aller où bon lui semblait. Ses parents étaient morts et il n’avait plus de foyer. Il alla chez ses frères et leur demnanda de lui accorder asile jusqu’à ce que la guerre éclata à nouveau. Mais ses frères n’avaient pas de cœur et lui dirent :
« Que veux-tu que nous fassions de toi ? Tu ne peux plus nous être utile. Débrouille-toi seul.»
Le soldat ne possédait plus que son fusil. Il le mit à l’épaule et s’appréta à partir pour le monde. Il arriva dans une vaste lande où l’on ne voyait rein d’autre qu’une rangée d’arbre plantée en cercle. Tristement il s’assit à leur ombre et médita sur son sort :
« Je n’ai pas d’argent », songeait-il, « je ne connaît pas d’autres métiers que la guerre. Maintenant que la paix est revenue, nul n’a besoin de moi. Je prévois qu’il me faudra mourir de faim. »
Tout à coup, il entendit un bruit léger. Comme il regardait autour de lui, il vit à ses côtés un homme vêtu de vert, de fort belle prestance mais qui avait un affreux pied de cheval.
« Je sais ce qui te manques », dit l’homme. « Tu auras des biens et de l’argent autant que tu pourras emporter en y mettant de toutes tes forces . Mais il faut d’abord que je saches si tu n’as peur de rien. Je ne veux pas dépenser mon argent en pure perte»
« Un soldat et la peur, cela ne va pas ensemble » répondit le jeune homme. « Met-moi à l’épreuve ! »
« Allons-y », dit l’homme. « Regarde derrière toi ».
Le soldat se retourna et vit un ours énorme qui fonçait sur lui en grondant.
« Oh, oh », dit le soldat, « je vais te chatouiller les narines à t’en faire passer l’envie de grogner .»
Il le mit en joue, tira et l’atteignit en pleine gueule si bien qu’il tomba et ne bougea plus.
« Je vois », dit l’homme, « que tu ne manques pas de courage. Mais il te reste encore une condition à remplir. »
« Si cela ne compromet pas ma vie éternel », répondit le soldat qui avait compris à qui il avait affaire, « d’accord. Sinon je ne marche pas .»
« Tu vera par toi même », dit l’homme. « Il faudra, qu’au cours des sept années à venir, tu ne te laves pas, que tu ne te peignes ni tes cheveux, ni ta barbe, que tu ne te coupes pas les ongles et que tu ne dises aucun « notre père ». En outre, je te donnerai un costume et un manteau que tu devras porter durant tout ce temps. Si tu me rends court ce ces sept années, tu seras à moi. Si au contraire tu survit, tu seras libre et riche jusqu’à la fin de tes jours. »
Le soldat songea à la grande misère dans laquelle il se trouvait, et comme il avait souvent affronté la mort, il accepta de la risquer une fois de plus. Le Diable enleva son habit vert et lui tendit en disant :
« Quand tu porteras ce costume, à chaque fois que tu mettras la main à la poche, tu l’en resortiras pleine d’or. »
Puis il dépouilla l’ours et dit :
« Cela te servira de manteau et aussi de lit. Car il faut que tu couches sur cette peau et tu n’auras le droit de t’étendre sur nul autre lit. Et à cause de cet assortiment, tu t’appeleras “Peau d’ours“ .»
Sur quoi le Diable disparu.
Le soldat revêtit l’habit vert et tout de suite mit la main à la poche et vit qu’on lui avait dit vrai. Il jeta la peau d’ours sur ses épaules et pris la route. Il était de bonne humeur et grâce à son argent il ne se laissait manquer de rien. La première année, tout alla bien. Mais au bout de la deuxième, il avait déjà l’air d’un monstre. Des cheveux lui couvraient presque tout le visage, la barbe semblait être un morceau de feutre grossier, se doigts portaient de véritables griffes et sa figure était si crasseuse que les cressons y auraient poussé si on en avait semé. Quand ils le voyaient, les gens s’enfuyaient. Mais comme il donnait partout de l’argent aux pauvres en leur demandant de prier pour qu’il ne mourut point au cours des sept années et parce qu’il payait tout ce qu’il achetait, il trouvait malgré tout le gîte et le couvert.
Au cours de la quatrième année il arriva à une auberge où le patron refusa de le recevoir. Il n’en accepta même pas de lui faire une place à l’écurie, tant il craignait que ses chevaux ne prirent la mort aux dents. Cependant quand Peau d’ours plongea sa main dans sa poche et quand il en retira plein de Ducas, l’aubergiste se laissa attendrir et lui donna une chambre dans un bâtiment de l’arrière cour. Peau d’ours du promettre de ne pas se faire voir pour qu’une mauvaise renommé ne jaillisse sur l’auberge. Le soir, comme Peau d’ours, tout seul dans sa chambre, espérait de toute son âme que ces sept années passeraient vite, il entendit que l’on se plaignait à haute voix dans une pièce voisine. Il avait bon cœur. Il poussa la porte et vit un vieillard qui pleurait à chaud de larmes en se tordant les bras. Peau d’ours s’approcha de lui. Mais l’homme, pris de peur, voulu s’enfuir. Cependant, quand il entendit qu’on s’adressait à lui avec un langage humain, il s’arrêta. Peau d’ours lui parla avec amitié et le vieux lui raconta alors les raisons de son tourment. Il avait perdu peu à peu tous ses biens. Lui et ses filles se trouvaient dans l’indigence. Il était si pauvre qu’il ne pouvait même plus payer l’aubergiste et on allait le mettre en prison.
« Si c’est là tout votre souci », dit Peau d’ours, « j’ai assez d’argent pour vous tirer d’affaire. »
Il fit venir l’aubergiste, le paya et remplit d’or la poche du malheureux par dessus le marché. Quand le vieillard se vit sauvé, il ne su comment témoigner sa reconnaissance.
« Viens avec moi », lui dit-il, « mes filles sont des merveilles de beauté. Choisis-en une pour femme. Quand elle apprendra ce que tu as fait pour moi, elle ne refusera pas. Tu as bien sûr l’air un peu bizarre mais elle saura te remettre en état. »
Cela ne déplaisait pas à Peau d’ours. Il l’accompagna donc chez lui.
Quand l’aînée des filles le vit, son aspect l’effraya si fort qu’elle poussa un cri et s’enfuit. La seconde resta bien là. Le regardant des pieds à la tête, me se fout pour dire :
« Comment pourrais-je épouser un homme qui n’a pas de figure humaine ? J’aimerais encore mieux l’ours rasé que l’on a vu ici un ours et qui se faisait passé pour un homme. Il portait du moins un manteau de hussard et des gants blancs. Bien qu’il fut laid, j’aurais pu m’habituer à lui. »
Mais la plus jeune dit :
« Cher père, celui qui vous a tiré du malheur ne peut être qu’un homme bien de bonté. Si vous lui avez promis une fiancée en retour, il faut que votre parole soit tenue. »
Il fut dommage que le visage de Peau d’ours fut couvert de crasse et de barbe. On aurait pu lire combien son cœur rayonnait d’entendre ces paroles. Il prit une bague à son doigt, la brisa en deux et en donna une moitié à la jeune fille. Il garda l’autre partie pour lui. Il s’inscrivit son nom dans celle qu’il avait remise et celui de la jeune fille dans la sienne. Il l’a pria de garder précieusement ce qui lui donnait. Sur quoi il prit congé en disant :
« Je serai parti encore pendant trois ans. Si au bout de ce temps je ne reviens pas, c’est que je serai mort et que tu seras libre. Mais prie Dieu qu’il me laisse la vie. »
La pauvre fiancée s’habilla de noir et quand elle pensait à son bien aimé, les larmes lui venaient aux yeux. De ses sœurs, elle ne recevait que sarcasme et moquerie.
|
… Toute sorte de gibier y vivait. En ce temps-là, il y envoya un chasseur avec mission d’y tuer un chevreuil. Mais le chasseur n’en revint pas.
« Il lui est peut être arrivé malheur », dit le Roi.
Et le lendemain, il envoya deux autres chasseurs dans la forêt. Ils étaient chargés de retrouver le premier. Mais eux non plus n’en revinrent pas. Le troisième jour, le Roi fit venir tous ses chasseurs et leur dit :
« Parcourez toute la forêt jusqu’à ce que vous les ayez retrouvés tous les trois. »
Mais de cela aussi, personne ne revint, et l’on ne revit aucun des chiens de la meute qui les accompagnait. Dès ce moment-là, personne ne voulut plus aller dans la forêt. Elle resta silencieuse et abandonnée, et on y voyait seulement de temps à autre, un aigle ou un vautour qui la survolait. Cela dura ainsi de nombreuses années.
Un jour, un chasseur étranger se présenta au Roi. Il cherchait du Travail et s’offrait pour pénétrer dans la dangereuse forêt. Le Roi n’y consentit pas. Il dit :
« La forêt est suspecte. Je craint qu’il ne t’y arrive quelque chose. Tu n’en reviendras pas. »
Le chasseur répondit :
« Seigneur, j’accepte le danger, je ne connaît pas la peur. »
Le chasseur partit dans la forêt avec son chien. Bientôt celui-ci trouva la piste d’un gibier et se mit à la suivre. Mais au bout de quelques pas, il tomba dans un bourbier et ne put continuer. Un bras nu en sortit qui le saisit et l’entraîna. Quand le chasseur vit cela, il recula et kiri (vit ?) trois hommes. Il leur demanda d’apporter des seaux et d’épuiser de l’eau. Quand il atteignirent le fond, ils aperçurent un homme sauvage dont le corps était comme rouillé, et dont les cheveux tombaient jusqu’aux genoux. Il le lièrent avec des cordes et l’emmenèrent au château. On s’en étonna fort. Le Roi le fit enfermer dans une cage de fer au milieu de la cour et interdit sous peine de mort que l’on en ouvrit la porte. Il ordonna que la Reine, elle même, garda la clef de la cage en sa surveillance. A partir de ce moment-là, on pu de nouveau pénétrer sans risque dans la forêt.
Le Roi avait un fils de huit ans. Un jour qu’il jouait dans la cour du château, sa balle tomba dans la cage. Le garçon y courut en criant :
« Rend-moi ma balle ! »
« Pas avant que tu m’aies ouvert la porte », répondit l’homme.
« Non », rétorqua l’enfant, « je ne le ferai pas. Le Roi l’a interdit. » Et il s’en alla.
Le lendemain il revint et réclama à nouveau sa balle. L’homme sauvage dit :
« Ouvre-moi la porte. »
Mais l’enfant refusa. Le troisième jour, comme le Roi était parti à la chasse, le garçon revint et dit :
« Même si je le voulait, je ne pourrait ouvrir, je n’ai pas la clef. »
L’homme sauvage dit alors :
« Elle se trouve sous l’oreiller de ta mère. Tu n’as qu’à l’y prendre. »
L’enfant qui tenait beaucoup à sa balle étouffa en lui le remord et apporta la clef. La porte s’ouvrit difficilement et il s’y pinça les doigts. Quand elle fut ouverte, l’homme sortit de la cage, donna la balle à l’enfant et s’enfuit. Le fils du Roi prit peur et cria :
« Homme sauvage, ne te sauves pas, on va me battre. »
L’homme sauvage revint sur ses pas, le souleva, le plaça sur ses épaules et partit avec lui dans la forêt. Quand le Roi revint, il vit que la cage était vide et demanda à la Reine ce qui s’était passé. Elle n’en savait rien. Elle chercha la clef. Elle n’était plus là. Elle appela son fils. Il ne répondit pas. Le Roi envoya ses gens à sa recherche mais ils ne le trouvèrent point. Et la cour tout entière fut plongée dans l’affliction.
Quand l’homme sauvage fut arrivé dans la sombre forêt, il déposa l’enfant à terre et dit :
« Tu ne reverras jamais ni ton père ni ta mère mais comme tu m’a libéré et que j’ai pitié de toi, je te garderai avec moi. Si tu fais tout ce que je te dit, tu t’en porteras bien. J’ai des tors et de l’or plus que quiconque au monde. »
Il fit à l’enfant un lit de mousse sur lequel celui-ci s’endormit. Au matin, l’homme le conduisit au bord d’une fontaine et lui dit :
« Tu vois cette source ? Elle est claire et transparente comme du cristal. Tu vas rester là à veiller à ce que rien n’y tombe et ne le profane. Chaque soir, je viendrai et je verrai si tu m’as obéit. »
L’enfant s’assit au bord de la fontaine. Il vit des poissons et des serpents d’or et prit garde que rien n’y tombe. A un moment donné, il eut si mal à un doigt qu’il le trempa involontairement dans l’eau. Il le retira bien vite mais il était devenu comme doré. Il eut beau le laver, ce fut en vain. Le soir, quand le rouillé vint ; il regarda l’enfant et dit :
« Qu’est-il arrivé à la fontaine ? »
« Rien, rien », répondit-il en cachant sa petite main derrière le dos pour qu’il ne la voit pas.
Mais l’homme dit :
« Tu as plongé ton doigt dans l’eau ! Pour cette fois je ne dirai rien mais prend garde que plus rien ne vienne y toucher. »
Le lendemain matin le petit garçon prit sa place au bord de la fontaine. Il eut de nouveau mal au doigt et le porta à sa tête. Par malheur, un cheveu tomba dans l’eau.
6 Septembre 2008