Thèse de doctorat : Soutenue le 16/02/2001 à l'Université de Turin.
Résumé
La relation entre une mère et son enfant ne commence pas au moment de la naissance: en effet ses bases existent déjà durant les périodes pre et périnatale.
Dans ce texte sont pris en considération certains aspects du lien précoce mère enfant dans ses étapes jugées essentielles, et un hypothétique rôle du véhicule musical dans ce milieu relationnel.
Le point de départ est la tentative de comprendre ce que représente l'enfant dans les différents périodes qui correspondent à des étapes psychologiques fondamentales pour la femme: avant la grossesse, c'est à dire le désir de maternité, la grossesse, l'accouchement et le puerpéral.
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Chacun de ces moments est caractérisé par des processus psychologiques différents, dont le déroulement aura une influence sur les étapes suivantes, de la même façon ou il a été influencé par les précédents.
Etre mère est la plus "naturelle" des expériences dans la vie d'une femme, mais en même temps il s'agit d'un événement riche de significations latentes et de conflits, qui renvoie au passé mais projette indubitablement vers le futur, et qui représente un moment de crise (dans le sens évolutif du terme) et de passage.
Dans cette perspective, quelques facteurs qui risquent de compromettre la relation à ses débuts et qui pourraient mener à sa perte temporaire ont pu être mis en valeur.
Ma réflexion s'est basée sur les possibles éléments et interventions visés à rétablir le lien, en particulier la musique, en s'appuyant sur un model de référence qui la considère en tant qu'outil relationnel pour ses qualités expressives et communicatives. (Lecourt, E., 1980)
Le choix d'être mère n'exclue pas l'existence de conflits et demande une réorganisation du monde intérieur de la mère et la création d'espaces mentaux pour accueillir l'enfant. (Cfr.Langer, M., 1951, Ferraro, F., 1985, Soifer, R., 1985, Brustia, P., 1996)
Dans l'analyse des étapes de la relation que l'on considère fondamentales, il semble important réfléchir d'abord sur l'origine du désir de maternité, avec de supports théoriques de la littérature psychoanalitique comme point de départ (Jones, E., 1927, Klein, M., 1928, Freud, S., 1931, Horney, K., 1933, Deutsch, H., 1945).
Ces auteurs donnent des différentes interprétations du désir d'être mère, mais ils le reconduisent dans la plus part des cas aux expériences qui remontent à des phases cruciales du développement, avant et pendant la période œdipienne.
Dans ce cadre, c'est facile de remarquer que le désir d'être mère est souvent identifié à l'instinct maternel, par conséquent considéré comme une qualité innée, à base psychobiologique. C'est pour cette raison que la définition de sentiment maternel semble plus complète, puisqu'on y retrouve l'ambivalence typique des sentiments humains. (Ferraro, F., 1985)
S'il est vrai que le parcours qui conduit à la maternité ramène aux expériences enfantines, et que presque personne ne peut se souvenir de son enfance comme d'une période de bonheur absolu et inconditionnel (Brazelton, T., Cramer, B., 1991), même la maternité désirée peut être caractérisée par des conflits et des angoisses.
Ces dernières ont fait l’objet de nombreuses réflexions: elles sont plusieurs et d'origine différente; en général elles se manifestent en en parallèle avec les changements corporels de la grossesse. (Cfr. Soifer, R., 1985)
Il est possible de considérer la grossesse comme une période de préparation psychologique à la naissance, très liée à l'évolution physique.
Afin de surmonter les angoisses et les sentiments ambivalents, la future mère mobilise des défenses. Elle commence à idéaliser son bébé: le travail effectué pour lutter contre les forces négatives intensifie les désirs positifs et les ambitions concernant l'enfant. (Brazelton, T.B., Cramer, B., 1991)
C'est de cette façon que commence le processus de création de l'enfant imaginaire, né à partir des désirs et des projections, dont l'image devra se superposer après la naissance à celle de l'enfant réel.
La difficulté à superposer ces deux images (il est improbable que le nouveau né soit égal à celui rêvé), est considéré comme une possible cause de perte temporaire de la relation. (Ibidem, Schaffer, H.R., 1977, Bowlby, J., 1983)
Un cas où la différence entre fantasme et réalité s’avère être particulièrement accentuée est celui d’un accouchement prématuré, dans lequel on retrouve d’autres facteurs responsables de l’interruption temporaire du lien, notamment l’isolement du bébé et le sentiment de culpabilité de la mère. (Soifer, R., 1985, Brazelton, T.B., Cramer, B., 1991)
Lors d’une réflexion sur les conditions pendant et après la naissance qui pourraient favoriser ou constituer un obstacle à la relation, sont analysés : l’importance de l’environnement qui encercle la mère et son enfant, les possibles conséquences psychologiques de la séparation anatomique au moment de l’accouchement, une éventuelle dépression puerpérale et le déroulement de l’allaitement.
Après avoir envisagé un vécu ou une effective perte du lien, l’accent est mis sur la façon de le rétablir, c'est-à-dire sur les conditions pour récupérer la relation.
C’est dans cette perspective que nous pouvons envisager un emploi de la musique : en effet, après l’analyse de quelques références théoriques, il semblerait que la musique constitue un médiateur qui possède un pouvoir affectif tout à fait particulier lié à la précocité du développement auditif par rapport aux autres sens. (Lecourt, E., 1980)
Le moyen sonore serait tout à fait adapté à la communication avec le nouveau né, qui est en mesure de percevoir les sons déjà durant la vie intra-utérine : sois les sons qui proviennent du corps de la mère comme le battements du cœur, sois les stimuli sonores externes.
(cfr. Eisenberg, 1976, dans Delalande, F., 1982, Tomatis, A., 1983, Brazelton,T.B., 1991).
Selon certains auteurs (Delalande, F., Dumaurier, E., 1982) nous avons tendance à donner peu d’importance aux moyens de communication sonores pendant le stade préverbal, alors que le nouveau-né est capable de reconnaître la voix de sa mère parmi d’autres sons, et d’attribuer à sa voix une qualité familière.
Le développement précoce de la fonction auditive (l’appareil auditif commence à se former à la huitième semaine de grossesse et au cinquième moi son développement est complet, cfr. Uziel, 1992 et Wolff, 1999), peut donc être interprété comme un facteur qui favorise la communication (Lecourt, E., 1980, Tomatis, A., 1983).
Il y a des études récents qui montrent que le nouveau-né est capable de reconnaître des mélodies écoutées par sa mère durant la grossesse (voir notamment l’expérience de Feijoo, sur le thème de Pierre et le loup de Prokofiev dans Wolff, 1999).
L’apport de la musique à la relation mère enfant est variable : cela peut aller de sa qualité pour certains unique pour endormir le petit, jusqu’à sa fonction en tant que moyen de communication ; ce qui compte n’est pas vraiment l’emploi d’un outil parmi d’autres, mais le fait que l’on prête attention à l’aspect relationnelle lors d’une intervention pour la maman et son bébé.
10 Février 2004
(C) G. Talarico