Test de Mesker et Latéralité grapho-motrice

Dr Jean Raynaud (traduction et commentaires)

(remise en forme M Mbaye)

 

Introduction

 

Le livre de P.MESKER qui porte originellement le titre « la main humaine » a fait l'objet d'une traduction  dans le cadre de l’Association Française d’audio-psycho-phonologie.

Le Docteur J. Reynaud  fait à son propos les remarques suivantes :

"Ce livre fonde une pratique et il pose un certain nombre de questions essentielles que j’ai essayé de préciser. En premier lieu celui du développement psychomoteur qui doit être centré sur l’exécution motrice. Il révèle l’importance du bilatéralisme et pose la question fondamentale de la dominance cérébrale. Il permet une évaluation du degré de maturité cérébrale donc motrice et met en évidence l’importance du corps calleux, le grand oublié des méthodes pédagogiques actuelles. Il permet de comprendre les raisons principales les plus fréquentes des échecs scolaires si nombreux et souvent si catastrophiques pour l’avenir d’un certain nombre d’enfants, dont les plus défavorisés socialement mais aussi ceux qui le sont le moins. Il pose le problème d’un renouveau pédagogique ou la question du rapport à l’écriture serait traitée de façon cohérente à partir des réalités du fonctionnement neuro- psychologique, c’est à dire impliquant réellement le corps global et l’exécution de la trace écrite.


Enfin par l’efficacité de l’utilisation des épreuves de ce qui est au départ un test dynamique de latéralité, il propose une méthode rééducative de la plupart des dyslexies-dysgraphies.

Il se fonde là sur les apports nouveaux des méthodes de focalisation sensorielle, dont l’impact doit être évalué bien au-delà des effets immédiats sur les apprentissages scolaires.

Il permet de vérifier qu’il n’est pas contradictoire, en améliorant la capacité d’expression motrice inhérente à la parole, d’obtenir un mieux être qui concerne le fonctionnement psychoaffectif et le rapport à l’autre.

Je dois préciser qu’il ne s’agit pas de la traduction littérale de P.MESKER car je l’ai agrémentée de mes opinions et de mon expérience de la pratique du test dans sa portée rééducative."

 

Jean RAYNAUD


 

LA MAIN HUMAINE

MESKER P.

"DE MENSELIJKE HAND" (la Main Humaine).

DEKKER et VANDEVEGT, NIJMEGEN, 1977, (Pays-Bas).

 

 

UNE ETUDE DU DEVELOPPEMENT DE L'AGILITE MANUELLE EN RAPPORT

AVEC L'ORGANISATION CEREBRALE D’ENFANTS DYSLEXIQUES

 

Le Docteur P. MESKER est l'auteur de cette étude dans un livre publié sous ce titre en 1977 après dix ans de travaux personnels, en marge de la Faculté. Après plusieurs années de mise en pratique des idées et méthodes pro­posées dans cet ouvrage, il nous a paru primordial d'en exposer clairement les présupposés, les indications testologiques et rééducatives qui s'en dégagent, compte tenu de l'efficacité incontestable de la pratique ainsi instaurée, des problèmes aussi suggérés par rapport à la pédagogie ordinairement pratiquée en France dans sa méconnaissance quasi totale du corps en fonction.

En effet les études et découvertes récentes sur les hémisphères céré­braux qu'il convient de rappeler, montrent la pertinence des travaux de MESKER qui s'intègrent totalement dans les apports récents concernant leur fonctionnement et celui du corps calleux. Le fait dominant de la recherche de MESKER est d'être centré sur la main de l'homme et de montrer la primordialité du fonctionnement bi- hémisphérique et l'importance de considérer la main latéralisée comme organe moteur du cerveau bi- hémisphérique où joue de façon essentielle au plan développemental, le corps calleux.

 

Il est intéressant de s'intéresser aux présupposés de MESKER compte tenu de leur originalité, de leur pertinence, et des ouvertures qu'il suggère concer­nant les problèmes d'apprentissage. MESKER souligne qu'il s'intéresse en premier lieu à la main de l'enfant. C'est dire qu'il s'intéresse d'abord à l'être en développement, plus spécialement au problème de la latéralisation corporelle, vieux problème anthropologique et pé­dagogique qui est encore l'objet de discussions voire de disputes qui ne sont pas encore éteintes.

 

MESKER souligne d'emblée l'importance de l'expérience acquise à tra­vers les mains par l'enfant, notamment pour ce qui concerne la parole. Il en arrive à la formulation suivante : la main parle par l'écriture « Il y a le grand miracle de la main qui prend le rôle de la voix et de la bouche et qui parle par l'écriture. » Pour lui en effet il est vide de sens de séparer l'écriture et la lec­ture et de ne pas prendre en compte dans ces apprentissages, l'expérience naturel­le acquise par la motricité oculo-manuelle d'un enfant normalement porté à la parole.

L'objet de sa tentative est de découvrir les origines des troubles dyslexiques et dysgraphiques et de les traiter. Il propose ainsi dans son livre une méthode pour tester la latéra­lité vis- à- vis de la trace écrite mais ses travaux suggèrent directement grâce au matériel de test et à son utilisation, une possibilité rééducative dont l’intérêt a paru essentiel.

 

Il n'hésite pas à parler pour ce qui le concerne de "possibilité thérapeutique". S'agit-il réellement de maladie ? Nous aurions tendance à penser à de simples troubles fonctionnels du développement moteur, toujours curables, représentant, il faut le dire, l'aboutissant de tout un système éducatif et de ses fondements théorico-philosophiques appliqués par les parents et les maîtres d'école en général à des enfants immatures sensori-moteurs pour la plupart, si l'on considère la tâche à eux proposée et la façon dont elle est proposée. Nous sommes d'accord avec MESKER pour penser qu'il s'agit dans sa tentative de l'établissement d'une véritable séméiologie tout à fait pertinente du développement psychomoteur, plus exactement psycho-graphomoteur.

 

GENERALITES

 

MESKER souligne que dans son titre il utilise le mot main au singulier. Il souligne également qu'une main d'adulte indépendante dans sa liberté de mouvement reste cependant tout à fait dépendante de l'autre main dans son développement. C'est dire que cette organisation sensorimotrice symétrique l’amène à des considérations tout à fait intéressantes et surprenantes si l'on s'en tient à ce qui est ordinairement admis.

 

Dans un premier temps, MESKER considère les choses sur le plan phylo­génétique. Il oppose dans cette sensorimotricité symétrique l'antagonisme muscu­laire dorso-ventral aux mouvements plus primitifs qui sont des mouvements de tor­sion latérale qu'il nomme mouvements de ballant (par référence à la trompe de l'éléphant par exemple, qui se balance de gauche à droite et de droite à gauche pendant la marche, se contractant d'un côté pour se relâcher de l'autre, comme l'ensemble de son corps).

 

Si l'on considère le ver de terre, il peut se déplacer dans le plan horizontal en se contractant unilatéralement et alternativement à droite et à gauche pour avancer. C'est un mouvement de ballant. S'il s'agit de quitter le plan horizontal pour monter ou descendre, il utilise des mouvements antagonistes qui sont cette fois dorso-ventraux et non alternatifs. 

Si l'on considère l'homme dressé sur ses jambes, sa motricité plus complexe que celle du ver lui permet des mouvements de torsion alternatifs droite et gauche qui sont ceux de la marche, du ramper lorsque l'enfant est encore en quadrupédie comme l'animal, mouvements concernant les quatre membres dans les deux cas.

Mais dès que les membres supérieurs sont libérés totalement, ceux-ci bien que participant encore à la marche sur le mode du ballant, c'est-à-dire de l'antagonisme droite-gauche, sont aussi capables de mouvements dorso-ventraux. Il s'agit ici de schèmes de mouvements symétriques en adduction - abduction au cours de mouvements pour embrasser ou prendre. Il s'agit d'un pro­grès considérable, les mouvements du bras et de la main étant liés au regard convergent.

 

MESKER montre que ce système dorso-ventral acquiert un développement supérieur chez les anthropoïdes et l'homme, par la motricité symétrique des mains et du regard correspondant à un cortex particulièrement développé. L'on peut ajouter à ces considérations phylogénétiques, celles qui différencient les anthropoïdes de l'homme et qui touchent plus particulièrement

 

1 - La forme du crâne et sa position par rapport à la colonne cervicale permettant chez l'homosapiens des cavités bucco- pharyngées, rendant possible l'émis­sion des phonèmes de la parole.

2 - La capacité d'opposition du pouce aux autres doigts qui jouent comme le notera plus loin MESKER un effet tout à fait déterminant dans la struc­turation bilatérale du cortex cérébral et des gnoso-praxies manuelles.

 

MESKER réfère bien sur à une structuration du système nerveux direc­tement en rapport avec l'environnement à travers les possibilités sensori-motrices de l'enfant puis de l'homme. Il se réfère implicitement là à la thèse réflexologique telle que l'ont bien exposée les soviétiques, Setchenov, Luria, Pavlov notamment. Il insis­te comme eux sur l'aspect tout à fait déterminant de la motricité. Il souligne notamment que l'expérience sensorielle ne peut être dissociée de la motricité. Il souligne également que l'effet rétroactif du mouvement est tout à fait essentiel à la structuration du système nerveux donc à la sensation donc à la capacité cognitive.

 

Il ne nous parait pas possible de ne pas citer ici des expériences tout à fait significatives de ce point de vue et qui soulignent l'importance du fonctionnement réflexologique du système nerveux et partent du conditionnement opérant qui est une dimension quotidienne de l'homme face à sen environnement naturel. Les travaux du Pr. IMBERT Michel à PARIS ont montré que, chez le chaton, la rétine, donc sa vision ne se développait pas, non seulement si l'on coupe ou paralyse les muscles de l’œil mais aussi si l'on empêche, par section des nerfs uniquement sensitifs le retour au cerveau des sensations proprioceptives nées du mouvement lui-même des muscles oculaires qu'on laisse fonctionner.

THOMSON, un chercheur américain a élégamment démontré que la mise en mémoire motrice se ferait dans le cervelet et surtout que la mémoire des réflexes conditionnés établis à partir du réflexe inné du clignement de l’œil, grâce à un son chez le lapin, se situerait au niveau du noyau dentelé dans le tronc céré­bral, structure nerveuse qui se rencontre aussi chez l'homme.

 

Le problème de la motricité et de ses effets rétroactifs dans la struc­turation cérébrale est au premier plan de tous les problèmes d'apprentissages, notamment pour tout ce qui concerne les problèmes scolaires de la lecture écriture. Se pose en effet ici la question de la réaction motrice latente à tou­te stimulation de l'environnement, notamment au son, et à la parole dans l'écoute, problème psycho- neuro- sensorimoteur majeur à considérer, notamment dans les pro­blèmes des mots entendus et de l'écriture. Le problème de la motricité, de ses effets rétroactifs, est au centre de la programmation cérébrale des mouvements, donc de la mémoire.

 

LES MOTS

 Ainsi si l'on parle d'écriture et de motricité, il faut aussi parler des mots.

 

Les conceptions de MESKER traitant du bilatéralisme revêtent un inté­rêt tout particulier. Il souligne l'importance de la structuration des champs cor­ticaux par le rejeu bilatéral de la motricité conjuguée mise en jeu par l’enfant, dans ses mouvements des deux mains vers les objets, origine de schèmes sensori-moteurs.

 « A partir de ce moment (où l'enfant découvre sa main) la main devenue objet, rendra objet tout ce qu'elle touchera. La main par ses schèmes de mouvements automatiques obtenus à partir des "contre mouvements" des objets du monde, leur donnera la "gestalt" et la forme. Elle isolera les objets du monde extérieur comme des discontinuités et elle apprendra de ces discontinuités l'organisation de l'expérience qui lui est propre : le lien conditionnel entre la sensation et un schème de développement automatique".

 

Il faut noter ici que le langage de l'enfant commence surtout à partir de dénominations de personnes ou d'objets extérieurs à lui. MESKER souligne l'importance de la stimulation poly-sensorielle et mo­trice des champs corticaux pour la mémoire.

 ''Lorsque je vois quelque chose de rond et d'orange sous une armoire, je ne reconnais pas en cela, mais en moi- même, une orange, car en moi- même sont la consistance palpable, l'odeur et le goût et toute la situation de l'orange et de moi-même".

 Pour MESKER il y a les formes primaires de mots qu'il assimile à ces formes, ces gestalt, expériences sensori-motrices vécues et inscrites par mécanisme de conditionnement au niveau des structures corticales.

''Nous appelons cela la forme primaire du mot orange. Ce que nous appelons la forme secondaire de ce mot est un tissu fait de l'expérience de mouvement de la parole et de l'expérience de son de ce mot lors­que nous le prononçons ou l'entendons. La forme secondaire du mot dépend de ma possibilité d'entendre le mot et de le répéter. La forme de mot secondaire doit être "tissée avec" la forme de mot pri­maire mais ceci n'est possible que si cette forme de mot primaire existe".

 

A propos de l'établissement de la forme de mot secondaire, MESKER insiste sur l'importance de l'expérience identificatoire c'est-à-dire de la ten­dance naturelle de l'enfant à répéter ce qu'il entend. Mais il décrit essentiellement une expérience d'identification glo­bale, au corps entier de l'interlocuteur, expression essentiellement sociale.

 

 

 

 

 

Il assimile ici,

-      d’une part ce qui se produit chez l'homme primitif, des civili­sations avant l'écrit pour lesquelles le corps est lieu d'expression sociale dans le discours ou les pratiques sociales communautaires,

-      d’autre part ce qui se passe chez le jeune enfant lui aussi mineur de l'adulte comme l'a si magnifiquement étudié Marcel JOUSSE. « A l'origine le moyen d'expression a été un mouvement corporel total, une conduite de toute la façon d'être, une danse où le sens de l’expression était accentué par la répétition. »

 

Finalement MESKER insiste sur l'importance du rejeu et de la répétition dans l'acquisition de la forme de mot secondaire, c'est-à-dire de la parole. Il insiste sur le fait que chez le primitif comme chez l'enfant, le rejeu moteur est toujours accompagné d'une sonorisation qu'il s'agisse de chant ou de danse ou qu'il s'agisse d'échange verbal ordinaire. "Les relations de mouvement que nous établissons avec les objets lors de la perception, donnent de deux façons une possibilité de reproduction. La repro­duction de la forme de l'objet expérimenté dans le mouvement automatique dans un geste descriptif et la reproduction du bruit produit par l'objet en mouvement. Nous pouvons insister ici sur le fait que, à l'origine, chaque bruit reproduit est, en soi (per se) onomatopoïétique". Ainsi, au temps de la locomotive à vapeur, l'enfant avançait en accélérant progressivement sa cadence, tournait ses poings fermés imitant les bielles et en faisant ''Tchouk - Tchouk''.

 

MESKER pose ici le problème du symbolisme sonore qui est une ques­tion majeure qui ne peut être limitée selon nous à l'aspect onomatopoïétique, qui devrait traiter par exemple de ce que l'on pourrait appeler le geste consonantique, faisant des bruits consonantiques déjà des significations expressives et analytiques dans leur association aux voyelles, sons périodiques, support de la rythmo-mélodie de la voix.

 

MESKER parle ici d'une phase de création corporelle et vocale sonore appelée par les psychologues « Syncrétisme de perception et d'action au syncrétisme perceptivo-moteur. » Face à un signifié complexe à exprimer, il y a chez l'enfant rejeu et sonorisation : c'est le passage fondamental selon nous, du son au sens.

 

L'enfant est ici pris entre une double réalité : entre la sponta­néité universelle et originelle du monde, de l'homme vivant et de la vie et son monde social-familial qui n'a pas forcément préservé cette spontanéité fonda­mentale.

 

La capacité symbolique de l'enfant prend sa source là, dans sa façon de reproduire globalement par le corps et la voix les interactions du monde dont il est le témoin-acteur. Cette capacité serait ainsi d'abord et de façon primordiale, celle de la parole agie.

Il n'est pas évident que cette capacité soit préservée dans notre système scolaire où est privilégiée de façon absolue la linguistique sausurienne centrée sur l'arbitraire absolu du signe linguistique et les théories de CHOMSKY où l'élément sonore et corporel est considéré comme secondaire au regard de l'aspect syntaxique. Dans un tel système, priorité est donnée très tôt à l'écriture latéralisée, dans l'espoir fallacieux et erroné que les idées viennent direc­tement des mots silencieux de l'écriture, c'est-à-dire que l'on postule une pensée innée et préexistante à la parole.

 

Les conceptions de MESKER qui donnent la priorité aux expériences corporelles et sonores globales privilégient la parole comme au fondement de la capacité symbolique de représentation, impliquant que l'on ne peut isoler la pensée de la parole et penser arbitrairement que l'une préexiste à l'autre.

 

S'il en est bien ainsi, l'éducateur devrait privilégier au moins au début de la vie le rejeu corporel et le bilatéralisme, la capacité de sonoriser les actions du corps global, la parole individuelle et les expériences particulières à chaque enfant, le temps nécessaire pour arriver à une maturité suf­fisante. Le système scolaire ne va pas tout à fait dans ce sens, il contraint l'enfant, dès l'âge de 5 ans, parfois avant, à une confrontation silencieuse à des actes graphiques unilatéraux qui s'adressent à des mots le plus souvent dé­pourvus d'expériences existentielles suffisamment vécues par eux.

 Ainsi plutôt que de privilégier l'écriture avant six ans, vaudrait- il mieux, comme le faisaient les Grecs antiques qui étaient pourtant de grands pen­seurs, privilégier l'animation du corps de l'enfant par la musique, la danse et le chant que de le forcer d'un côté ou de l'autre à des exercices sur des mouve­ments unimanuels, qui dessèchent sa spontanéité et sa capacité de communication en tant que sujet ouvert aux expériences existentielles diverses offertes par le monde à son corps global et à ses sens. "Les mots expriment les expériences et doivent présenter un rapport entre eux, un rapport qui correspond à la relation avec l'expérience. Les mots doivent donc présenter un lien associatif provenant d'une situation d'expériences"

 

L’ECRITURE

 

L'écriture se fait avec une seule main et laisse une trace d'où il s'ensuit que l'écriture ne peut arriver à se développer que si la véritable "unimanualité" s'est développée et que, en plus, la trace de ce mouvement manuel n'a de sens que s'il est suivi par le regard dans le sens du mouvement manuel.

Les mouvements d'écriture de la main sont en effet totalement liés à ceux du langage et aux expériences de sons et en plus ils sont liés à la forme pri­maire des mots :

Et cela signifie que s'est développée une véritable dominance cérébrale de l'hémisphère correspondant à la main qui écrit.

« Un enfant qui doit apprendre à écrire dans la première classe de l'école primaire, doit déjà posséder une facilité de parole normale. Mais la petite main qui doit apprendre à écrire est encore un moyen d'expression totalement inadéquat quand il s'agit d'imiter le langage sur du papier".

 « Une bonne position de la main, du poignet, de l'avant- bras, du tronc, du cou avec une détermination exacte des points d'appui sur le sous-main et une bonne prise souple de stylo et du crayon, doivent être apprises à l'enfant ».

 

Il est important que, à chaque répétition, ne soit exercé et donc gravé uniquement ce dont l'enfant est capable : l'on ne doit pas imposer d'exercice à l'en­fant dont la motricité ne serait pas suffisamment évoluée pour y faire face".

Il faut ici souligner que si l'on adopte les critères du test de laté­ralité de MESKER, de nombreux enfants se trouveraient quotidiennement dans cette situation, souvent pendant plusieurs années.

 

Un autre précepte de MESKER a aussi sa valeur. « On doit considérer que l'enfant doit apprendre à identifier sa main avec la main du maître qui écrit ».

Le corollaire immédiat est que l'on doit montrer au gaucher avec la main gauche.

MESKER attire d'autre part l'attention sur la nécessité de considérer que l'écriture est "un mouvement de progression se déroulant rapsodiquement, analogue de ce point de vue à la parole".

Pour faciliter cela, il est souhaitable que l'enfant, une fois l'habileté de sa main obtenue, apprenne en grande partie à écrire ce qu'il aimerait dire.

Hélas, dans la pratique quotidienne, un enfant apprend surtout en géné­ral à écrire ce qu'un autre lui dit.

Chaque écriture, aussi petite et futile soit- elle, doit être précédée par la parole sous forme de parole intérieure.

 

Il semble, hélas, que l'école française tout au moins prenne le parti de considérer que pour lire, la verbalisation ne sert à rien, dissociant en cela de façon radicale l'acte d'écrire de celui de lire, considéré comme pouvant être obtenu seulement par un entraînement oculaire. 

MESKER dénonce de son côté l'influence destructrice de l'écriture sur la parole en rapport avec le fait que "dans nos écoles primaires avec l'apprentis­sage de la lecture et de l'écriture s'arrête en même temps la poursuite de l'appren­tissage de la parole".

Comment pour nous, ne pas s'arrêter sur ce propos qui dénonce effecti­vement la finalité d'un enseignement, d'une Education (Nationale) essentiellement centrée sur le rapport à la trace écrite alors que toute éducation, digne de ce nom, ne peut être centrée que sur la parole, c'est-à-dire, l'affirmation personnelle et consciente de soi face aux problèmes existentiels et à celui des valeurs.

 

Mais est- il encore possible en France, d'imaginer que l'enfant, quoti­diennement puisse être considéré à l'école par autre chose que sa réussite, souvent relative vis-à-vis de la trace écrite, lue par l’œil ou écrite par la main. Pourrait-on imaginer que l'éducation puisse être un apprentissage de la parole ou plutôt vers la parole, où la portée initiatique de l'intervention du maître d'école revêtirait son authentique caractère, au lieu de se limiter à la fonc­tion de répétiteur de la lecture-écriture.

 

D'ailleurs malgré l'état de fait actuel, le maître d'école (ou plus sou­vent la maîtresse) ne se trouve-t-il pas de toute façon interpellé par la parole de l'enfant, notamment hélas par ceux qui parlent le moins... ou pas du tout, ou mal, ou entre eux ?

MESKER souligne que l'archéologie de l'écriture passe par les peintures rupestres, début d'une écriture murale centrée sur des expériences existentielles et profondément vécues.

Les hiéroglyphes et les idéogrammes chinois constituent une évolution significative.

 

Notons ici qu'il y a passage d'un concrétisme manifeste des représen­tations vivantes du monde et du corps, aux idéogrammes sophistiqués qui vont évaluer vers une sorte d'hermétisme par abandon de représentations schématiques du monde ou du corps de l'homme vers un abstractionnisme qui permet le pouvoir au scribe, au clerc, si l'on en croit l'élève de JOUSSE que fut TCHANG, victime du Maoïsme et de ses prisons où l'on meurt.

 

Pour MESKER, la véritable fonction de la lecture ne s'est développée qu'en même temps que l'écriture en lettres pures représentant des sons. Il insiste sur le rapport étroit de la lecture à l'écriture dans son exécution motrice, calligraphiée, la rapsodie de cette forme de motricité rappe­lant celle de la parole et étant selon lui un préalable indispensable à la lecture des lettres d'imprimerie. Pour lui « l'écriture est comme la parole toujours un geste, un mouve­ment concernant tout notre corps » et il précise : « Nous ne devons pas arrêter de penser que l'écriture doit servir la parole et non l'inverse. »

 

 

 

 

 

SYMETRIE ET ASYMETRIE

 Le problème est de traiter ici le développement psychomoteur des fonc­tions manuelles jusqu'au stade de développement de dominance normal.

 

Deux processus se déroulent parallèlement :

1 - Le développement de la latéralisation, c'est-à-dire l'unimanualité. Le point final en est l'opposition des pouces aux autres doigts.

2 - Le développement à partir de l'antagonisme gauche-droit ou mouve­ment de ballant vers la motricité symétrique qui repose sur un antagonisme dorso­ventral, permettant une information sensori-motrice résultant de la motricité symétrique.

 

MESKER expose en premier lieu les influences qui favorisent la latéralisation. Il souligne que la prédominance statistique de la main droite et de l'hémis­phère gauche dans la population normale, s'exprime par un décalage vers la droite de la pointe de la courbe de Gauss classique de la répartition des gauchers et droitiers. Il souligne par ailleurs que chez les enfants débiles mentaux (selon le Dr J.W.H.M Rutten) le déplacement de la courbe de probabilité vers la droite est ralenti de façon considérable, phénomène qui est couramment vérifié.

 

Il note que des différences congénitales ou acquises peuvent atteindre l'utilisation que fait le sujet de son hémisphère gauche :

 - soit lésions ou maladie de l'hémisphère ou du corps lui- même

 - soit méfiance ou expérience de tabou vis- à- vis de ce même hémicorps, parfois fixation de la main à un stade primitif de plaisir proprioceptif ou oral.

 

Dans les fonctions favorisant la latéralisation, MESKER donne de façon évidente la priorité aux facteurs exogènes, c'est-à-dire relevant du milieu, ce qui est à peu près admis par tous.

MESKER admet également l'opinion générale qu'une influence congénitale peut participer à la gaucherie mais également le fait admis par tous de la grande plasticité des hémisphères, tout à fait démontrée par l'aphasie de l’enfant qui montre qu'avant 15 ans, en cas de lésion cérébrale d'un hémisphère, notamment le gauche, c'est le droit qui peut le suppléer au niveau de l'établissement du centre du langage et de la latéralisation corporelle, alors qu'après 15 ans ces suppléances ne se produisent plus.

 

Pour ce qui est des facteurs freinant la latéralisation, il y aurait selon lui.

1 - L'opposition entre la prédisposition à la latéralisation et les fac­teurs favorisant la latéralisation.

Ce serait la droiterie forcée par le milieu d'un enfant à préférence manuelle gauche, ou bien la gaucherie forcée d'un enfant à préférence manuelle droite qui évolue du fait d'un tabou psychologique ou une méfiance de l'hémicorps droit dans une latéralisation gauche.

 

2 - Un trouble organique atteignant l’hémisphère correspondant à l'hémi­corps qui tend à la latéralisation spontanée.

 

3 - Un trouble de développement de l'hémisphère cérébral ou de l'hémi­corps qui est forcé par les conditions du milieu vers la latéralisation chez des enfants appartenant à ceux qui sont dans la portion médiane de la courbe de gauss.

 

Un point important souligné par MESKER est le passage de la motricité de ballant vers la motricité symétrique et sa signification. Il donne beaucoup d'importance à la convergence oculo-manuelle pour comprendre ce passage de la motricité de ballant à la motricité symétrique. Pour indiquer comment se constitue le stade de ballant il paraît utile de considérer l'évolution naturelle de la motricité conjuguée chez le nourrisson normal.

 

Dès la naissance l'on observe le réflexe tonique du cou (Gesell) : le bras et la cuisse sont étendus du côté où tourne la tête. C'est comme si l'enfant en regardant d'un côté contractait son hémicorps correspondant au côté vers qui se tourne le cou, par opposition l'autre hémicorps est relâché.

 

A cette organisation monolatérale, correspond une immaturité importante de l’œil : seul l’œil du côté activé s'oriente vers la source de stimulation, l'autre œil garde son alignement de repos ou suit le premier : c'est une organisa­tion monolatérale avec monoocularité. A. 20 semaines, l'enfant plus tonique tient mieux sa tête dans le plan médian et présente un réflexe symétro-tonique : placé sur le dos il rapproche les deux bras et souvent les deux jambes vers la ligne médiane : organisation duolatérale. Les deux yeux peuvent ici converger vers la ligne médiane c'est la bi-ocularité, leur fonctionnement est simultané.

 

L'enfant continue à se maturer et devient capable de passer un objet d'une main dans l'autre, de même qu'il accède à la marche à quatre pattes, contro­latérale. La coordination des deux yeux est meilleure, ils coopèrent, en accord avec les deux mains : c'est le stade de binocularité, c'est l'approche bilatérale que l'on peut considérer comme l'instauration du stade de ballant.

 

 

 

Des restes de cette motricité de ballant peuvent se rencontrer chez l'enfant d'âge scolaire :

A l'épreuve des marionnettes, il n'est alors pas capable de dissocier les mouvements de rotation des deux avant- bras, les agitant toujours en sens inver­se l'un de l'autre, donc de façon alternative. Quand on lui fait serrer une main, il étend sans le vouloir les doigts de l'autre qui ne peut rester fermée. Le stade de la motricité symétrique est celui de l'apparition des mou­vements conjugués en abduction - adduction (fermer et ouvrir les bras ensemble) des deux bras ou faire les marionnettes est possible de même que les synergies en ex­tension d'une main par rapport à l'autre disparaissent.

 

Ce stade de symétrie conduit l'enfant vers la stéréo ocularité, la coordination oculaire devient plus souple et il se dégage un œil directeur. Pour MESKER, la caractéristique de la phase de symétrie est qu'elle repose sur des mouvements identiques des deux moitiés du corps (à l'opposé de la phase de ballant où les mouvements sont à l'inverse, contraction, détente inver­sée des groupes musculaires en cause). Ces mouvements identiques sont en miroir, c'est-à-dire en image réfléchie comme par un miroir d'un côté à l'autre du corps. Ici donc ces mouvements dès leur début impliquent les deux hémisphères de façon symétrique. La convergence oculaire, qui parallèlement au mouvement de préhension manuelle notamment, informe également les deux hémisphères, collabore activement à la structuration en miroir de ceux- ci. Il faut ici attirer l'attention sur la particularité du fonctionnement oculaire pour la structuration en miroir des hémisphères cérébraux et sans doute celle du fonctionnement du corps calleux.

 

Soulignons seulement avec le docteur BERRONDO qui s'est signalé par des travaux tout à fait pertinents sur la motricité conjuguée main - œil direc­teur à propos des strabismes et de la gaucherie notamment, les faits suivants : La commande du regard vers la droite se fait par l'hémisphère gauche, comme les mouvements des membres du même côté et inversement. Au plan de la sensation visuelle, il faut signaler que chaque œil transmet des informations par la rétine à l'hémisphère droit et à l'hémisphère gauche, par chaque hémichamp visuel vertical par lesquels les choses vues et les mouvements se projettent dans chaque hémisphère, grâce à l'entrecroisement des fibres du chiasma optique.

 

BERRONDO fait remarquer que lorsque le sujet en phase de symétrie passe entre deux objets, le temps du passage d'avant l'objet à après l'objet après être passé à hauteur, il enregistre dans son cerveau deux mouvements de rotation : s'il est tourné vers l'objet à droite de lui, celui-ci est ressenti comme effectuant un mouvement de rotation dans le sens des aiguilles d'une montre, à l'inverse l'autre objet donne la sensation de tourner en sens inverse. Il souligne qu'à ce stade de symétrie le sujet ne peut distin­guer encore la rotation à droite de la rotation à gauche.

 

MESKER souligne l'importance de cette phase de symétrie, permettant un bilatéralisme vrai, où les deux côtés sont vécus de façon parfaitement symé­trique, permettent les mouvements conjugués des deux mains et donc l'identifi­cation à l'adulte. Quand cette phase ne s'établit pas et que l'enfant reste dans la phase de ballant, il présente un défaut grave d'expression corporelle, notamment de pos­sibilités d'identification à l'autre, une sensibilité pauvre et une indigence des formes de mots primaires, c'est-à-dire de l'investissement pycho- sensorimoteur des objets du monde et de l'espace.

 

Pour souligner l'importance de cette phrase de symétrie, MESKER pro­pose l'expérience suivante :

L'on écrit sur une porte en verre à deux battants devant la fente de la porte, une main écrivant sur chaque battant, un sujet normalement latéralisé écrira automatiquement avec la main droite en écriture normale et avec la main gauche en écriture miroir. Le sujet lira plus facilement l'écriture de la main droite. S'il tra­verse la porte entre les deux battants et se retourne, il pourra lire facilement, car en écriture droite, la trace effectuée par la main gauche.

 

Il souligne à ce sujet que la trace d'un mouvement de la main n'est intelligible que si je la vois et la vis du début à la fin dans le sens dans le­quel la main s'est déplacée, seule la trace des mouvements de la main qui écrit possède la signification de l'écriture.

Dans le cas de troubles du développement de la latéralisation, notam­ment d'une stagnation à la Phase de symétrie où un enfant se trouve encore dans l'expérience de l'identité fonctionnelle de l'image réfléchie des deux mains, le « b »et le « d » sont intervertis, de même le"12"et le"21".

Ces enfants présentent en lisant et en écrivant des métathèses, ont tendance à lire à la fois de gauche à droite et de droite à gauche. Ils écrivent certaines lettres en miroir, ne peuvent se rappeler une suite logique, sont désor­donnés, confondent droite et gauche, est et ouest, ne peuvent comprendre une carte de géographie, confondent les sens de rotation.

 Ils finissent par développer une aversion pour la lecture, écriture.

 

LA DOMINANCE

 

MESKER définit la dominance à partir du tout fonctionnel formé par l'hémisphère et l'hémicorps controlatéral qui en dépend de façon prévalente. Pour lui cette dominance de l'hémisphère se définit à partir d'une main, vécue comme susceptible d'atteindre un but, grâce au développement de l'op­position des pouces, cette main représentant les deux mains.

 

Cela implique qu'à ce stade existe une possibilité d'information inégale pour les deux hémisphères : l'information obtenue par cette main sera plus variée et plus gravée dans le cerveau par la répétition que celle de l'autre main. Cette main va commencer à écrire, un mouvement manuel représentera alors un son et un schème de mouvement de parole, c'est-à-dire que les formes de mots se­condaires se lieront de façon croissante aux formes de mots primaires.

 MESKER souligne que la conséquence en est que dans l'hémisphère corres­pondant à la main qui écrit, tous les champs corticaux en question sont concernés dans une organisation sensori-motrice où écrire, lire, parler et entendre seront impliqués.

Cet hémisphère va de ce fait devenir prévalent et le risque est que l'autre hémisphère ne se développe plus à cause du manque d'appel fait à ses fonc­tions corticales si ce n'est par l'intermédiaire du corps calleux.

 

Cet effet a été parfaitement montré par MAC LUAN au plan psycho­sociologique dans la distinction qu'il a pu faire entre le fonctionnement psycho-­corporel et cérébral des peuples sans écriture par rapport aux peuples industria­lisés où l'écriture joue précocement un rôle trop important.

 Les études actuelles de TSUNODA sur le cerveau des japonais où prédomine l'hémisphère gauche, valent dans le même sens, marquant en outre l'importance décisive de l'aspect sonore de la langue parlée.

Et, n'y a- t- il pas au fond de ce problème, toute la question des diffé­rences entre le Nord et le Sud, du racisme de l'homme civilisé dans sa superbe, de celui de l'homme du tiers monde dans son particularisme outrancier ?...

 Et il est certain que si dans les deux cas l'on examine les systèmes éducatifs chez les uns et chez les autres avec leurs conséquences sur le fonction­nement cérébral, l'on s'aperçoit que chacun à sa préférence hémisphérique, ce qui marque, s'il en était besoin, l'importance déterminante des stimulations éducatives et des soubassements idéologiques qui les sous- tendent.

 

Quoi qu'il en soit pour MESKER les conditions nécessaires à établisse­ment harmonieux de cette dominance sont :

 1 - Une période suffisamment longue de motricité symétrique des 2 mains

 2 - Une latéralisation non perturbée

 3 - Une fonction du corps calleux normalement développée

 4 - L'opposition du pouce doit être possible d'où une véritable uni­manualité

 5 - L'écriture doit se faire avec la main latéralisée

 

Peut être un moyen parmi d'autres de rapprocher les extrêmes.

 

 

 

LA FONCTION DU CORPS CALLEUX

 

Chapitre tout à fait important où MESKER nous indique sans doute une question anthropologique tout à fait fondamentale, jusque- là entièrement négligée dans notre système éducatif.

 

Il part de l'expérience suivante :

 On met un droitier, normalement latéralisé, avec dans chaque main un morceau de craie devant un tableau noir et on lui demande d'essayer d'écrire un mot :

 - d'abord avec la main D seule de G à D donc dans le sens normal de l'écriture

 - ensuite avec la main G seule de D à G.

 Ce droitier remarquera qu'il sera gêné de sa main G, ayant tendance avec cette main à tourner ses lettres dans le même sens que le faisait la main D.

 - Si par contre on lui demande d'opérer les 2 mains en même temps, ce même droitier remarquera que sa main G n'est gênée à aucun moment.

 

De plus les caractéristiques de l'écriture de la main G dans ce cas ­là seront les mêmes que celles de la main D, ce qui n'est pas le cas au 1er test.

Nous savons par ailleurs qu'une lésion du corps calleux chez des droi­tiers peut entraîner une apraxie du côté gauche.

 

Ces faits montrent que l'hémisphère gauche a chez les droitiers, par l'intermédiaire de la commissure du corps calleux une influence organisatrice très remarquable sur les fonctions des champs corticaux de l'hémisphère droit.

 

Si maintenant on propose à notre droitier de faire les gestes d'écrire un mot en l'air, on peut faire les constatations suivantes :

1 - S'il forme le mot avec la main D dans le sens de l'écriture : le mouvement est exécuté sans problème, rapsodiquement.

2 - S'il forme le mot avec la main G dans le sens de l'écriture. Le sujet essaie ici d'imiter l'image visuelle du mot qu'il connaît, le geste d'écriture n'est pas facile, les mouvements de la main doivent rester sous le contrôle du regard.

3 - Si on lui propose d'écrire le mot avec la main D en écriture en miroir : sa main droite a beaucoup de mal à opérer les mouvements de rotation né­cessaires à l'écriture dans le bon sens, la main a tendance en permanence à aller de G à D au lieu de D à G.

4 - Si on lui propose d'écrire avec la main G en écriture en miroir : le mouvement est ici plus harmonieux, rapsodique et il tourne de façon plus correc­te qu'avec la main D.

5 - Si le sujet tenant une craie dans les 2 mains en même temps écrit en l'air des 2 mains dans le sens normal de l'écriture, le sujet remarque qu'il réussit mieux s'il ne fait attention qu'à sa main D. S'il ne prête pas attention à celle- ci, il tend à tourner incorrectement dans le sens du mouvement en miroir.

 6 - La même expérience d'écriture des 2 mains en même temps en écriture en miroir c'est-à-dire de D à G, montre que le sujet éprouve de grandes difficultés pour penser uniquement à sa main G. Il a une forte tendance à tourner incorrecte­ment son écriture dans le sens de la direction normale de G à D. Il échoue la plu­part du temps à cette épreuve.

 7 - Si on lui demande d'écrire avec la main D dans le sens de l'écriture, avec la main G en écriture en miroir (C'est-à-dire dans un sens opposé d'une main à l'autre), il note que la main G, dans un mouvement presque rapsodique ne montre que peu de tendances à tourner incorrectement.

8 - Avec les 2 mains, écrivant en l'air, la main D en écriture de miroir, la main G dans le sens de l'écriture donc dans un mouvement symétrique l'une par rap­port à l'autre).

 

L'on prend ici un mot court car les 2 mains vont l'une vers l'autre et ont tendance à se chevaucher. Le sujet fera difficilement quelques mouvements cor­rects. Il ne saura pas à quelle main faire attention et échouera systématiquement.

 

 

On peut tirer les conclusions suivantes :

 Lorsque la main D a un but, la main G peut dans un mouvement en miroir effectuer sans réfléchir ce mouvement lorsque les 2 mains opèrent en même temps.

 La main G accompagne en miroir les mouvements de la main D.

 

Le test 6 montre que la motivation de la main D est dominante alors que le test 2 montre que, si la main G veut faire les mouvements de la main D c'est-à-dire en écriture normale, non en miroir, elle doit essayer de les faire sous le contrôle du regard, ce qui signifie que la main G ne possède pas du tout l'habileté de la main D si ce n'est en écriture de miroir.

 

Les tests 5 et 6 proposent un véritable mouvement de ballant, c'est ­à dire d'antagonisme G - D , ils sont très difficiles à exécuter, sauf entraînement spécial, car dans la droiterie ordinaire, habituelle, qui repose sur un anta­gonisme dorso- ventral, la motivation d'une main domine sur les mouvements en miroir de l'autre main.

 

Il faut ici présumer que le corps calleux joue aussi un grand rôle dans le fonctionnement de l'écriture. 

C'est ici l'occasion pour MESKER de préciser des indications tout à fait significatives sur ce problème de la collaboration des deux mains. Pour lui, les formes les plus significatives de coopération des mains reposent très clairement sur les structures sensori- motrices de la motricité de ballant, c'est-à-dire des contractions dissymétriques, en mouvements d'opposition de la main D et de la main G.

 

Il faut noter ici que l'adulte droitier, bien latéralisé, garde bien sûr cette possibilité de mouvement de ballant : par exemple tourner le volant d'une voiture (la main G se lève par contraction du deltoïde, le pectoral étant relâché, la main D se baisse, le pectoral est contracté, le deltoïde relâché, pour tourner à droite et vice versa).

 

D'autres exemples pourraient être trouvés : éplucher des pommes de terre, se frotter les mains, rentrer une corde, essorer du linge, dévisser u couvercle et essuyer la vaisselle...

 Il faut noter que l'enfant encore au stade de ballant se différencie de cet adulte bien latéralisé par un dissynchronisme encore présent entre les deux mains, ne permettant pas la facilité de ces divers mouvements différenciés de cha­que main.

 

A l'opposé d'autres mouvements impliquant des formes de coopération primitive, reposant sur une motricité symétrique, peuvent être cités : la prise à deux mains pour étrangler, tirer sur une corde, lever, soulever un poids, re­pousser des deux mains.

 

L’exemple du chef d'orchestre pris par MESKER est très significatif. Il peut diriger en mouvements de va et vient, se balançant d'un pied sur l'autre du haut du corps. Cela correspond à la motricité de ballant, MESKER souligne que ces mouvements sont très empathiques pour le spectateur. Mais le chef d'orchestre peut aussi avec ses deux mains à la fois faire des mouvements tout à fait symétriques. Il apparaît alors comme celui qui, d'une façon impassible, dicte le rythme : l'on n'est plus ici dans l'empathie mais dans l'information cérébrale. Enfin le même chef peut, dans une motricité tout à fait asymétrique imposer d'une main le "diminuendo" à certains instruments et appeler de l'autre un nouveau thème. Il est alors dans la bimanualité pure : à ce moment, il est celui qui manipule l'orchestre, ce ne sont plus des mouvements d'accompagnement, ce n'est plus un professeur cérébral, il joue de son orchestre à deux mains.

 

Pour MESKER l’antagonisme G.D, la motricité de ballant a un effet in­discutablement empathique qui favorise l'identification kinesthésique. Il note que cette identification envers le chef d'orchestre a un caractère sympathique et ne fait appel qu'à des mouvements exécutés de manière irréfléchie. Pour lui ces mouvements de ballant proviennent d'un niveau très archaïque, ne faisant pas appel aux fonctions corticales. On retrouve selon lui des iden­tifications kinesthésiques de la motricité de ballant dans le test de Rorschach.

 

Pour lui dans les mouvements de ballant, il faudrait supposer une pos­sibilité de fonctionnement du corps calleux entre les deux hémicorps mais qui se ferait à un niveau sous- cortical. Il souligne en effet que l'on doit constater à partir de l'évolution de cette motricité de ballant, qu'elle se produit sans réfléchir, sans être apprise analytiquement mais seulement par identification kinesthésique.

 

Lorsque la motricité symétrique se met en œuvre, cela concerne d'abord des structures sensori-motrices assez grossières où les mains ensemble peuvent se lever, prendre quelque chose en l'entourant. Ici l'on entre avec les deux mains dans des expériences de forme. De plus les mains peuvent en mouvements symétriques en touchant, modelant ou en pé­trissant, concevoir, créer des formes. Ces mouvements font plus directement appel à l'organisation corticale et aux possibilités commissurales que présente le corps calleux.

 

Mais alors que l'objet manipulé, formé peut être vécu comme une forme conçue, les deux mains qui alors coopèrent peuvent intégrer, sans que la réflexion intervienne, des possibilités sensori-motrices de la motricité de ballant, issues l'identification kinesthésique, comme le fait de tourner quelque chose entre les mains, le tordre dans un sens au dans l'autre ... les mêmes choses pouvant être faites entre pouce et index, possibilités qui participent aussi au niveau cortical à la fonction en miroir des hémisphères cérébraux à travers la structuration du corps calleux.

 

Ainsi naissent dans la coopération des deux mains, des mouvements de ballant au niveau cortical mais cela n'est possible qu'à la suite du développement de la motricité symétrique. Mais si c'est la main D qui se latéralise, c'est-à-dire que c'est elle qui va en permanence viser le but, l'ébauche de la forme et la collaboration du pouce et de l'index de la main G seront complètement organisées et dépendantes du fonctionnement de la main D et de l'hémisphère G (chez un droitier bien entendu).

 

Tout cela, c'est-à-dire la latéralisation - dominance de la main, sera possible grâce à l'opposition fonctionnelle du pouce, par laquelle cette main pourra représenter seule les deux mains. MESKER insiste à nouveau sur l'importance du développement de la motri­cité symétrique et partant du plein développement des possibilités commissurales de communication inter-hémisphériques par le corps calleux.

 

En effet si cette phase n'est pas normalement développée, l'organisa­tion en miroir ne se développe pas.

De ce fait même, il n'y aura pas non plus intégration satisfaisante de la motricité de ballant au niveau cortical. On en arrive à une détérioration de la capacité pour l'enfant à s'in­tégrer kinesthésiquement : les efforts thérapeutiques développés à propos des en­fants psychotiques ou autistiques montrent qu'effectivement il y a en permanence chez eux une atteinte grave de ces capacités d'identification et partant des défi­cits plus ou moins importants au plan intellectuel - cognitif.

 

MESKER insiste sur l'importance qu'il y a à constater au point de vue rééducationnel si la latéralisation - dominance s'est faite et si l'hémisphère correspondant à la main latéralisée s'est normalement rendu maître par l’intermédiaire du corps calleux de l'organisation en miroir des fonctions cérébrales de l'autre hémisphère.

 

Si cet état n'est pas réalisé, cela implique que l'on revienne obligatoirement à la phase de motricité symétrique, où l'on fait fonctionner simultané­ment les hémisphères cérébraux, d'une façon équivalente en miroir et où ainsi le corps calleux n'est plus utilisé sur le mode d'une circulation à sens unique.

 

 

 

 

 

 

 

L'OPPOSITION DES POUCES

 

Tout le monde connaît, selon MESKER, le schéma de PENFIELD et BOLCHEY qui donne une vue claire du fait que le champ cortical du pouce est presque aussi grand que celui correspondant au reste de la main. Cette constatation anatomique impose ainsi que si le champ cortical du pouce possède une telle dimension, l'organisation de ce champ cortical et sa signification pour la fonction de la main, doit jouer un rôle très important dans le développement fonctionnel de l'unimanualité.

 

MESKER souligne que le nouveau-né présente un réflexe de préhension très net : si l'on gratte la peau de la main, l'on constate que le pouce fonctionne à l'inverse des autres doigts. Ceux- ci se ferment normalement sur la paume de la main, par contre le pouce se met en flexion dorsale c'est-à-dire qu'il se met sur le même plan que la paume. Il s'agit donc d'une structure sensori-motrice d'origine réflexogène qui, selon MESKER, va disparaître pour s'organiser plus tard au niveau cortical.

La même chose se produit au niveau du pied sous la forme du signe de BABINSKI présent chez les nouveau- nés et qui disparaît ensuite : ici aussi par sti­mulation de la plante du pied en provoque une flexion des quatre derniers doigts vers la plante, par contre le gros orteil se fléchit dorsalement vers le dos du pied.

 

MESKER souligne aussi que plus tard le jeune enfant qui s'agrippe par les mains à une barre, le fait toujours en reprenant cette même position archaïque à savoir, les doigts et le pouce sur le même côté de la barre et non en opposition.

 L'évolution de l'enfant et de ses structures sensori- motrices précédem­ment décrites pour les hémicorps se retrouve ainsi au niveau de la main. Quand l'enfant arrive à une préhension normale de la barre, c'est- à­-dire qu'il agrippe la barre, le pouce étant en opposition avec les autres doigts, c'est-à-dire que le pouce passe sous la barre, l'on peut dire que l'on est passé ici aussi de la motricité de ballant, dérivée du réflexe archaïque de préhension, à un antagonisme dorso-ventral pur : il y a ici opposition en antagonisme dorso­-ventral.

 

L'on peut ici conclure avec MESKER que dans le développement de la motricité, le pouce se rapporte aux doigts comme un hémicorps par rapport à l'autre et que ce rapport entre le pouce et les autres doigts existe déjà avant qu'il soit question de la motricité symétrique. Bien sûr reste valable ici ce qui a été dit sur la fonction du corps calleux, permettant la collaboration des mains, comme la coopération du pouce et des doigts. En effet là où les deux hémicorps, surtout en ce qui concerne les mains, grâce aux possibilités commissurales que présente le corps calleux, peuvent par des mouvements en miroir et simultanés arriver à une collaboration gnosique et praxique, nous pouvons attendre la même chose pour le pouce et les doigts.

 

Cela n'est possible que si le pouce peut fonctionner en même temps que les doigts, en miroir, dans les mêmes structures sensori-motrices. L’unimanualitè véritable : une seule main représente fonctionnellement les deux mains.

Zone de Texte:   

1 - Direction corticale directe des mouvements de la main.

2 - Dans la motricité Symétrique les deux champs manuels S’organisent mutuellement en image de miroir fonctionnelle.

3 – Le champ manuel controlatéral organise le champ du pouce homolatéral dans une image de miroir fonctionnelle du champ manuel homolatéral.

4 – Direction corticale directe des mouvements du pouce en image de miroir des mouvements manuels.

 Une telle fonction en miroir du pouce, n'est concevable que si le champ cortical est organisé en miroir à partir du champ cortical controlatéral de la main.

Une telle organisation du champ du pouce à partir du champ controlatéral de la main, doit utiliser la fonction du corps calleux et ne peut s'établir que grâce au développement de la motricité symétrique.C'est ce développement de la fonction praxique et gnosique du pouce, dans laquelle le pouce se charge de la fonction de la main controlatérale qui rend possible la latéralisation vers le stade de dominance et vers l'unimanualité.

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20 Janvier 2005