Dominance et lateralite

Yamina Guelouet, PhD, MD, Psychiatre

Pars 2

Chap 1

 

 

Dans la première partie de cette thèse, nous avons traité des problèmes fondamentaux caractéristiques du son et de l'audition.

 

La deuxième partie de cette thèse va être consacrée aux problèmes  de la dominance hémisphérique en général, de la latéralité auditive en particulier.

 

Dans la perceptive de la mise en évidence de cette latéralité, le Dr AURIOL a effectué un certain nombre de travaux utilisant le test de l'écoute dichotique. La méthode a été introduite par BROADBENT pour étudier les limites de la mémoire à court terme chez des sujets normaux.

 



Un autre test utilisé est celui de MONTAUD et coll. qui consiste à handicaper une des deux oreilles et à étudier l'auto- contrôle élocutoire de la voix. La méthode a été affinée par 1 'utilisation de 1'IDS . I1 permet de mesurer les modifications spectrales de la voix lorsqu’on passe d’un auto- contrôle de la voix par l'oreille droite à un auto-contrôle par l'oreille gauche et vice - versa.

 

 

I. LE POINT SUR LES TRAVAUX ANTERIEURS.

 

La dominance hémisphérique.

 

La dominance cérébrale a été reconnue depuis environ une centaine d'années, vers 1865 par Paul BROCA qui a découvert que les f(o) du langage paraissent dépendre de façon prédominante de l'hémisphère gauche. Pendant assez longtemps on a pensé que la dominance cérébrale n'était pas un trait commun aux autres espèces animales. Nous commençons à la découvrir chez les autres espèces (dominance de l'hémisphère gauche chez certains oiseaux chanteurs) et que cette dominance peut être vue de la même façon que n'importe quelle autre caractéristique biologique apparemment sans rapport avec elle

 

- qu’elle évolue

- qu’elle est structurée

- qu’elle peut être modifiée au cours du développement.

 

Jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, on croyait qu'il n'y avait qu'un hémisphère dominant qui contrôlait le langage et la dominance des membres et qu'il y avait un hémisphère non dominant qui paraissait avoir très peu de fonctions importantes.

 

Nous nous sommes rendus compte depuis que cette conception était incorrecte et que la situation était tout à fait différente.

 

D'abord que le rapport entre la dominance des membres et la dominance du langage n'est pas aussi liée que l'on croyait : bien que l'aphasie, à la suite des lésions de l'hémisphère droit soit plus courante chez les gauchers que chez les droitiers, il est aussi évident que les aphasies sévères et définitives surviennent plus souvent à la suite de lésions de l'hémisphère gauche que de l'hémisphère droit chez les gauchers. Il est donc évident que la simple règle selon laquelle les gauchers auraient les f(o)de gage dans l'hémisphère droit est fausse. Il est admis actuellement que chez les gauchers, il y a un important degré de représentation bilatérale du langage. Par ailleurs, il est établi que ce ne sont pas tous les aspects du langage qui sont contrôlés par l'hémisphère gauche. La fonction de la prosodie c'est- à- dire la mélodie du langage parait être surtout localisée dans l'hémisphère droit.

L'hémisphère droit parait avoir un rôle important dans la reconnaissance du changement de l'accent tonique dans les paroles des autres, de plus important dans la reconnaissance du ton émotionnel, des stimulus musicaux, de la

production musicale. Depuis environ 30 ans, on reconnaît plusieurs talents distinctifs à l'hémisphère droit. Mais l'aspect le plus impressionnant de la f(o) de l'hémisphère droit est sa dominance pour l'émotion et l'attention

l'éveil et l'activation (les malades dont l'hémisphère droit est lésé montrent une insouciance spectaculaire par rapport à leur handicap). De même, ces lésions de l'hémisphère droit peuvent mener à des confusions, par troubles

de l'attention. En fait, l'hémisphère droit est attentif des deux côtés du corps : tandis que l'hémisphère gauche détecte les stimulus inconnus ou significatifs du côté droit, l'hémisphère droit détecte les stimulus inconnus ou significatifs des deux côtés et paraît être responsable de la médiation des réponses d'éveil et important dans la préparation de l'action des deux côtés du corps. Il libère ainsi l'hémisphère gauche des tâches d'attention et lui permet d'exécuter une activité cognitive de façon plus continue.

 

- Inter- actions sous calleuses.

 

En fait, la situation n'est pas simple.

 

Les localisations corticales ne sont pas seules en cause.

 

Des études récentes sur des patients SPLIT- BRAIN ont montré qu'il existe des interactions sous - calleuses. Concernant la répartition de l'attention, du processus sémantique et les mécanismes émotionnels, on a démontré de façon très claire que le cerveau gauche (ou droit) peut recevoir ou envoyer des renseignements à l'autre moitié du cerveau à travers des voies sous calleuses. Ainsi les fonctions cognitives de l'hémisphère gauche sont des qualités dérivées d'une capacité de "Software" plutôt qu'une spécialisation nerveuse.

 

Les conclusions sont basées sur des observations faites chez deux malades SPLIT- BRAIN qui ont acquis la capacité de parole dans l'hémisphère droit. De tels patients permettent de dissocier les contributions d'une capacité cognitive de celle de f(o) latéralisées et peut- être spécialisés d'une moitié de cerveau.

 

Syndrome de déconnexion intra - hémisphérique.

 

Ainsi, à l'occasion de syndrome de déconnexion intra - hémisphérique, l'accent est mis sur le rôle du Thalamus. Le Thalamus est en effet au centre d'un système de régulation de l'activité corticale ipsilatérale intervenant dans la réaction d'orientation, l'éveil moteur de l'hémisphère et l'intégration sensorielle. Ce système de régulation semble activé, d'une part à partir des afférences multisensorielles de la réticulée, d'autre part à partir des aires de projections primaires corticales (somesthésiques, auditives et visuelles).

 

Ainsi, à l'issue de lésions du thalamus ou de déconnexion thalamo - corticale, on constate

- un comportement de négligence pluri - modale par atteinte thalamique droite. Il s'agit d'un comportement de négligence dans le domaine moteur, somesthésique visuel et auditif,

- un comportement de quasi aphasie, désinvestissement du patient vis à vis du langage où le thalamus gauche apparaît comme le carrefour activateur de l'hémisphère gauche dans les activités de langage,

- comportement d'agnosie visuelle, troubles de l'identification ou de la reconnaissance des stimulis visuels par lésions temporo - occipitale unilatérale droite ou gauche.

 

Concernant le domaine émotionnel et cognitif, il a été établi clairement

qu’il existe un rapport très important entre la dominance cérébrale, le sexe et certains troubles du développement pendant l'enfance.

 

C'est un fait remarquable que tous les troubles du développement émotionnel et cognitif qui s'observent avant la puberté existent surtout chez les garçons et il est probable qu'ils ont tous une incidence plus élevée chez les gauchers (dyslexie, retards de langage, autisme, bégaiement) ce qui renvoie aux fondements biologiques par laquelle la dominance est déterminée.

Ajuriaguerra & coll. (1956) soulignent l’influence du sexe lorsqu’ils établissent leurs échelles d’évaluation du graphisme enfantin. Les garçons obtiennent des scores significativement moins bons que les filles qui acquièrent plus rapidement les gestes automatiques de l’écriture. En outre, la fréquence des dysgraphies est plus élevée chez les garçons que chez les filles. Ils expliquent ces résultats ainsi :

1. Développement psychomoteur général plus précoce chez la fille ;
2. Motricité manuelle fine supérieure chez les filles ;
3. Compétences verbales supérieures chez les filles ;
4. « scolarisation » plus marquée chez les filles ;
5. plus forte valorisation de l’écriture chez les filles.

Voir Benjamin THIRY : Application des variables médiatrices et modératrices : essai de construction d'un modèle de relations entre variables en jeu dans la personnalisation de l'écriture., DEA en psychologie, Année académique 2003 - 2004. Il cite ici => Ajuriaguerra de J., Auzias M, Coumes F, Denner A, Lavondes-Monod V, Perron R, Stambak M. L'écriture de l'enfant, tome I. Delachaux et Niestlé. Lausanne (1956) .

 

Il semblerait aussi que le langage soit moins cristallisé, plus dispersé chez la femme que chez l'homme. Les ethnologues évoquent une structuration du langage plus ancienne chez l'homme à cause de la chasse communautaire qui lui était réservée à la base de l'évolution du langage humain.

 

Il est aussi établi que les problèmes hormonaux, considérablement amplifiés par des modalités éducatives et environnementales radicalement différentes selon les sexes, ne sont que des aspects de l'individualité de chaque être, individualité qui prend une valeur de plus en plus essentielle au fur et à mesure que se vérifie l'universalité des processus chimiques de la vie.

 

Que ce soit au niveau génétique, neurochimique ou hormonal, nous fonctionnons tous selon les mêmes modalités qui se révèlent si complexes, que les humains quelque soit le nombre de leurs milliards de cellules, se présentent chacun comme un être d'une individualité saisissante et d'une singularité à glorifier.

 

En conclusion, on peut dire qu'à l'heure actuelle, le problème de la dominance hémisphérique est loin d'être épuisé.

 

On voit s'affronter :

- des partisans d'une localisation préférentielle des fonctions (langage dans l'hémisphère gauche, perception spatiale dans l'hémisphère droit).

 

- des partisans d'une thèse associationniste s'appuyant sur l'importance des connexions intra et inter - hémisphériques.

 

Entre les deux s'ouvre une voie suggérant la complémentarité des deux hémisphères

- gauche apte à traiter les informations d'une manière analytique

- droit plutôt d'une manière globaliste ou gesta1tiste .

 

La synthèse pourrait être la suivante :

 

Hémisphère gauche : cartésien, logique, analytique

Hémisphère droit : direct, globaliste (synthétique).

 

Le tableau ci- dessous donne une idée schématique de ce propos.

 

 

 

Domaine

Hémisphère droit

Hémisphère gauche

 

Cognitif

Spatialité

Simultanéité

Globalisme

Temporalité

Succession

Analyse

 

Attention

Vigilant

Fortuit

Inattentif

intentionnel

Emotion

Réponse

Affectivité

Impulsif

Neutralité

Réfléchi

 

 

 

En réalité les deux hémisphères participent aux deux f (o) simultanément mais l'un a plus de facilité que l'autre dans son domaine propre. Ceci au niveau central

 

Qu'en est- il au niveau périphérique dans le domaine auditif en particulier ?

 

2. - LA LATERALITE AUDITIVE.-

 

Généralités.

 

La prédominance latérale ou latéralité se caractérise par l'emploi préférentiel d'un côté du corps par rapport à l'autre. Elle s'établit au niveau des membres supérieurs , inférieurs et des yeux .

 

Elle est homogène si elle s’établit du même côté, hétérogène ou mixte si elle ne s'établit pas d'un même côté .

 

Elle renvoie au problème de dominance hémisphérique que nous avons déjà évoqué.

 

Parmi les nombreuses définitions qui en sont données ,nous avons retenu celle qui nous paraît faire référence à un fonctionnement plus global du corps : (définition donnée par ACK NIN et F . MASUREL dans leur thèse : La latéralité) "La latéralité ne semble pas limitée au choix de l'utilisation d'un œil, d'un bras, d'une jambe ou d'une oreille, mais elle est un principe organisateur dans l'utilisation des symétries   fonctionnelles celle du corps

dans l'espace et de l'espace intégré mentalement" - Cette définition renvoie à deux notions différentes :la latéralité elle même qui est le fait d'être droitier ou gaucher et la latéralisation qui est une connaissance subjective, une intégration des notions de droite et de gauche.

 

On peut se demander à quelle période de l'évolution humaine cette latéralité est apparue.

 

On a essayé de retrouver des causes génétiques, héréditaires, embryologiques et même obstétricales à l'établissement de la latéralité. Mais aucune de ces théories ne semble à l'heure actuelle faire l'unanimité des auteurs. Cependant une majorité d'auteurs s'accordent à penser que les influences socio- culturelles sont déterminantes dans l'établissement d'une latéralité préférentielle.

 

Il semble que de tout temps la société ait eu tendance à privilégier la droite.

 

     Depuis l'époque préhistorique jusqu'à nos jours, en passant par toutes les mythologies, la droite est le symbole de ce qui est positif, juste vertueux, le bien siéger à la droite des dieux est la récompense suprême. On jure, on officie, et on bénit avec la main droite - la gauche représente bien entendu le contraire de ce qui est droit c'est- à- dire le mal, ce qui est négatif - se lever du pied gauche est l'expression populaire qui illustre bien tout ce qui se rattache comme sentiment négatif à ce symbole, tous les préjugés de nos civilisations envers le côté gauche: le Haut et le Bas, le ciel et la terre, le spirituel et la matière, le dos et la face, la Droite et la Gauche,

autant de couples d'opposés fondamentaux que l'on retrouve aux deux pôles du monde mystique. On peut ajouter le père et la mère - le couple parental. L'image du père est synonyme d'action, d'autorité, de la domination, de la raison, du spirituel, de la droite, celle de la mère est symbole de passivité, d'irrationalité, de ce qui est intuitif, affectif, donc dangereux et dont il faut se défendre. La mère vécue comme dangereuse, omnipotente, à la fois nourricière et frustrante est investie à la fois de haine et d'amour au niveau le plus archaïque. Elle suscite l'angoisse. Pour se défendre de cette angoisse, l'homme va la confiner dans un rôle subalterne et négatif. Dans nos civilisations, le divin est masculin car "toute femme qui se fait mâle entrera dans le royaume des cieux". Il n'en est pas de même en Chine où il existe un équilibre entre le principe féminin et masculin - le yin et le yang - et il serait intéressant de voir si en Chine les problèmes de latéralité se posent de la même façon que dans nos contrées.

 

Mais droite ou gauche, une question se pose : pourquoi ce choix de gauche - mère, droite - père. On aurait pu bâtir l'inverse avec la même symbolique. Ce choix ne serait-il pas lié au fait que le cœur est à gauche. La notion d'asymétrie viscérale à la base de la latéralité a été soulignée par TOMATIS. Le côté du cœur est bien le côté affectif. Tout ce qui est du domaine émotionnel fait peur, et est donc craint, représente la mère, ce qui n'est pas de l'ordre de la logique, de l'esprit d'analyse, de capacité d'abstraction. Vertus attribuées généralement au père et dont les femmes en seraient dénuées. On imagine la gêne des filles, la difficulté d'être détentrices de ce qui est dévalorisé et en même temps voulant s’identifier à ce qui est le représentant de ces valeurs. La faiblesse narcissique des femmes est bien connue en psychanalyse. Elles se situent dans une sorte de hiatus, de contradiction face à l'impossibilité d'être l'autre, cet autre étant le père, et en même temps cette autre encore qui incarne ce qui est négatif, la mère, si bien que souvent elles ne trouvent à s'exprimer librement que dans le comportement dit hystérique ou dans les sciences occultes !

 

Dans l'art brut, c'est- à- dire dans ce qui est soustrait aux influences éducatives et socio- culturelles, les femmes sont autant créatives que les hommes. Dans 1’art culturel , leur production esthétique est quasiment nulle .

 

Les difficultés du couple parent 1 à assumer des rôles préétablis peuvent être perçues par l’enfant. Il va éprouver des difficultés d'identification, se trouver en désaccord avec ce qui est véhiculé à travers le langage et les images présentées d'où possibilité de troubles du langage et mauvaise latéralisation. Des études récentes ont montré qu'il existe 33% de gauchers actuellement. C'est dire que le pourcentage est assez important. En restant toujours dans le contexte socioculturel, on peut associer ce pourcentage important d'une part au fait que être gaucher n'est plus chargé de connotation aussi péjorative qu’il y a une décennie , qu’il y a moins de gauchers et que de plus les images parentales se sont modifiées ce qui pourrait expliquer l'augmentation de la latéralité préférentielle à gauche (des études récentes et rigoureuses ont retrouvé 1/3 de droitiers 1/2 de gauchers 1/3 d'ambilatéraux.

 

Droite ou gauche, oreille droite ou oreille gauche, le problème n'est pas simple. Nous allons en débattre en présentant quelques résultats d'études que nous avons déjà énoncés au début de ce chapitre.

 

Définition de l'écoute dichotique.

 

Alors que l'écoute binaurale utilise une présentation synchrone du même message aux deux oreilles, le principe de l'écoute dichotique consiste à délivrer simultanément des informations différentes à l'oreille droite et à l'oreille gauche.

 

Historique du test d'écoute dichotique.

 

Les lésions des aires auditives étant très rares, ce n'est qu'en 1917 que HENSCHEN affirme l'existence de la surdité corticale. Ainsi la reconnaissance des troubles centraux de l'audition est une acquisition récente.

 

Dans le cas de lésions temporales unilatérales (qu'il y ait ou non atteinte de la zone de Heshl), il est démontré par l'audiométrie que l'acuité auditive n'est pas altérée par un processus lésionnel central quel qu'il soit, comme peuvent l'être la motricité, la sensibilité, le langage ou le champ visuel. La raison évidente de cette absence apparente de déficit tient au fait que chacune des deux oreilles projette ses informations sur les deux hémisphères.

 

Avant la découverte de l'écoute dichotique, de nombreux auteurs se sont intéressés à l'effet des lésions centrales sur l'audition. Pour certains il n'y a aucune altération de l'audition.

 

Pour d'autres, il apparaît un défaut de reconnaissance des mots pour l'oreille controlatérale, soit après lobectomie temporale, soit à la suite d'une tumeur temporale.

 

Le test d'écoute dichotique a été introduit par BROADBEN, qui l'a utilisé pour étudier les limites de la mémoire à court terme chez des sujets normaux.

 

Il faut attendre le premier travail de D. KIMURA pour que le test d'écoute dichotique soit utilisé pour déterminer le rôle de chacun des lobes temporaux dans la perception du matériel verbal.

 

A partir des résultats obtenus, KIMURA admet :

 

- que les 2 lobes temporaux participent à la réception des stimulus présentés à une seule oreille,

- que le déficit perceptif n'apparaît que dans les conditions d'écoute dichotique.

 

Se référant aux travaux de ROSENZWEIG chez l'animal elle propose un modèle susceptible d'expliquer l’existence d'un déficit perceptif controlatéral à une lésion temporale en écoute dichotique.

 

Ce déficit est selon elle, imputable à une compétition entre les voies auditives croisées et directes, les voies controlatérales étant prédominantes et créant une sorte d'inhibition des voies ipsilatérales dans les conditions d’examen .

 

Par la suite, le test d'écoute dichotique va être utilisé pour préciser :

 

         1) Les problèmes posés par la dominance hémisphérique, après l'étude de l'asymétrie fonctionnelle hémisphérique chez l'adulte droitier et gaucher, et de son développement chez l'enfant, on l'a crédité d'être un bon indice de latéralisation du langage ; dans une population normale, la majorité des individus a le langage dans l'hémisphère gauche, la main droite dominante et l'oreille droite prévalente, on a donc cherché à savoir :

              • s'il existait une corrélation statistiquement significative entre la dominance manuelle et la prévalence de l'oreille.

              • si l'on pouvait établir une corrélation entre la prévalence de l'oreille, constatée au test          d'écoute dichotique, et la dominance hémisphérique pour le langage.

 

2) les perturbations de cette asymétrie en pathologie, qu'elle soit fonctionnelle ou organique.

 

En ce qui concerne le problème de la dominance hémisphérique et de l'oreille prévalente, il est bien établi tant par KIMURA que par de nombreux autres auteurs que l'oreille droite possède une dominance perceptive pour le matériel verbal et que l'oreille gauche possède une dominance perceptive pour le matériel non verbal (le matériel utilisé est soit des chiffres, soit des mots, soit des sons verbaux, inintelligibles, voyelles, syllabes).

 

Dans l'étude de la latéralité de l'écoute, il résulte de la plupart des travaux que :

 

- dans une population de droitiers et de gauchers moteurs, l'oreille droite est en moyenne prévalente.

- dans une population de gauchers, l'avantage de l'oreille droite existe encore, mais l'asymétrie est beaucoup moins nette que chez les droitiers, parce que dans l'ensemble, les gauchers ont des meilleures performances de l'oreille gauche.

- dans une population comprenant droitiers et gauchers, certains individus manifestent une supériorité de l'oreille gauche : il s'agit parfois de droitiers, beaucoup plus souvent de gauchers.

 

Dans ce cas, la prévalence de l'oreille gauche est en moyenne plus nette chez les gauchers que chez les droitiers et plus nette chez les gauchers familiaux que chez les gauchers non familiaux.

 

Le Dr TOMATIS, qui a étudié les problèmes de latéralité auditive affirme que c'est l'oreille droite qui conditionne une bonne écoute. Pour lui, tout langage bien structuré passe par une droite absolue qui entraîne dans sa dynamique le tout, s'incluant alors sans aucune préférence, l'écoute devenant le fruit de la convergence des deux oreilles. Ses expériences ont été réalisées avec des chanteurs d'opéra. Il les faisait chanter et se contrôler par réinjection de leur propre voix à l'aide d'un casque d'écoute.

 

L'analyse de la voix au sonagraphe donnait alors le schéma d'une voix normale, bien timbrée. Puis il mettait hors circuit l'oreille droite ou l'oreille gauche en l'éblouissant par des moyens électroniques. Lorsqu'il éblouissait l'oreille droite, il obtenait le schéma d'une voix où il y avait disparition de toute une série d'harmoniques. Lorsque c'est l'oreille gauche qui est mise hors circuit, il obtenait un schéma avec une gerbe importante d'harmoniques, plus fournie même que dans celle du schéma résultant de l'auto- contrôle par les deux oreilles. Ces résultats ont amené le Dr TOMATIS à penser que les deux oreilles n'avaient pas la même f(o) et que l'une d'elle a pour rôle de changer l'émission vocale. Il l'a dénommée "oreille directrice", affirmant par là l'existence d'une latéralité auditive prévalente à droite. Cette latéralité joue un rôle fondamental dans le contrôle psychophysiologique du circuit audition - phonation.

 

Ces constatations débouchent alors sur 3 lois :

 

La lère loi : la voix ne contient que ce que l'oreille entend

 

La 2ème loi : si l'on restitue à l'oreille traumatisée la possibilité   d'audition correcte   des fréquences mal entendues, celles - ci se trouvent rétablies dans l'émission      phonatoire instantanément et à l'insu du sujet.

3ème loi    : l'oreille impose au dispositif phonatoire les modifications d'audition qu'on lui impose artificiellement.

 

En corollaire à cette 3ème loi, TOMATIS affirme que l'audition forcée, alternativement entretenue et répétée, arrive à modifier à titre permanent l'audition et la phonation. C'est en se basant sur cette observation qu'il a fondé la méthode de rééducation et de thérapie qu'est l'audio psycho - phonologie.

 

Se basant sur cette recherche, des auteurs ont cherché par d'autres tests à démontrer les constatations précédentes. Ils utilisent le test audiométrique de AZZI décrit comme tel par PORTMANN dans son précis d'audiométrie clinique :

 

"Cet auteur utilise comme bruit masquant la propre voix du sujet. Celui- ci est prié de lire un texte tout fait. Sa voix est captée par un microphone puis retardée d'une fraction de seconde et reproduite avec l'intensité que l'on désire dans des écouteurs situés sur les propres oreilles du sujet. Même avec la plus grande volonté, il est absolument impossible de continuer à lire si l'on entend ainsi dans les écouteurs, légèrement retardées, ses propres paroles. En pratique, si le sujet est sourd, il peut poursuivre sa lecture. On augmente alors l'intensité du son des écouteurs jusqu'à l'obtention du bredouillement, le seuil obtenu donne une idée suffisamment précise du niveau de perte auditive du malade".

 

Ce test permet de dépister les surdités simulées car, lorsque l'intensité de la voix retardée atteint le seuil d'audition du sujet, elle entraîne chez celui- ci des troubles de la parole qu'il ne peut pas maîtriser. Ces troubles sont dus au contrôle audio –phonatoire.

 

On peut supposer que si l'une des deux oreilles exerce un contrôle plus attentif, la dé- synchronisation de ce contrôle sur cette seule oreille entraînera des perturbations majeures de la parole alors que la même désynchronisation appliquée à l'autre oreille n'en entraînera que de mineures.

 

On admet facilement que le fait de supprimer l'intervention de l’œil directeur dans la visée apporte une gêne plus importante que la suppression de l’œil non directeur. Cette constatation peut s'appliquer à la main et au pied et son extension au niveau de l'oreille a constitué une hypothèse de travail.

 

Dans l'épreuve AZZI, le retard est d'une fraction de seconde et l'intensité est augmentée progressivement jusqu'à l'obtention des troubles. Dans le test qui a été utilisé par MONTAUD, le retard de 250 ms paraît être le plus perturbant.

 

Le niveau d'intensité choisi est aux environs de 40 dB. Pour ce niveau, il y a un maximum de perturbations de latéralité. Il a été aussi procédé à des tests de latéralité psychomoteurs en vue d'établir une corrélation avec la latéralité auditive.

 

Il ressort de l'analyse des résultats obtenus que :

 

-          il existe une forte corrélation entre la latéralité manuelle et la latéralité auditive

-          d'autre part, l'évolution de la latéralité auditive suit dans son ensemble celle de la latéralité psychomotrice .

 

D'autre part, on constate une évolution des pourcentages d'homogénéité psychomotrice (main, oreille, pied) et une diminution de l'hétérogénéité sur des enfants du CP à la 3ème. Cette évolution semble traduire l'influence des facteurs socio - éducatifs et les processus de maturation neurophysiologiques entraînant une homogénéisation progressive de la latéralité.

 

Dans notre contexte socioculturel, cette homogénéisation se fait de préférence à droite.

 

Les pourcentages d'homogénéisation sont meilleurs pour les sujets en âge scolaire normal et plus faibles pour ceux qui sont en retard scolaire, tels les niveaux de latéralité associés.

 

L'écart entre ces deux groupes est important. Il y a en effet deux fois plus de droitiers homogènes totaux en âge normal (28,6 %) qu'en retard scolaire (12,3%).

 

(Droitiers homogènes totaux : DHT rend compte de la latéralité de la main, de l’œil, du pied, de l’oreille).

 

Il est à remarquer que le plus fort pourcentage d'homogénéité à droite a été retrouvé sur une population d'enfants Nord - Africains. Bien que les observations portent sur un nombre restreint de sujets (25) nous pouvons penser que les enfants d'origine nord - africaine ont une bonne organisation de la latéralité dans son ensemble main –œil –pied -oreille. Ce résultat suggère quelques idées sur l'établissement de cette latéralité à droite.

 

- Le contact des bébés avec leur mère dans ce type de population est beaucoup plus important en intensité et en durée (les mères maternent beaucoup plus leurs enfants, le contact avec le corps de la mère est très important et pendant une plus longue période. Il semblerait que ce contact soit moindre chez les mères en Europe et ne permette pas à l'enfant de vivre une certaine diversité de mouvement qui permettrait une meilleure appréhension de l'espace et l'enrichirait de perceptions multiples.

 

Mais cette constatation nous interroge à un autre niveau. Dans ce cas particulier, il semblerait que l'influence culturelle soit déterminante dans le choix de la droite.

 

Non seulement ce choix est lié à l'image du père qui représente tout ce qui est de l'ordre de l'autorité, de la justice mais au- delà du père, on retrouve la Loi, la représentation du divin, de ce qui est droit. Au terme de grande Loi, la chari'a est associé implicitement à la notion de Droite. Cette notion est véhiculée dans le langage courant, dans le quotidien. C'est un véritable bain sonore dans lequel est plongé l'enfant d'une manière qui représente ce qui doit être absolu au delà des interventions verbales et notamment ses interdictions, ce que Freud appelle les racines auditives du Surmoi. Cette remarque apporte un élément de plus en faveur de l'origine socioculturelle de l'établissement d'une latéralité à droite. L'auditif plonge profondément dans notre inconscient, rappelant invinciblement la voix maternelle, la vibration première perçue au cours de la vie fœtale.

 

Freud qui s'est intéressé à des formes d'art diverses prouve par sa haine de la musique, la puissance des affects liés à ce qui est sonore.

 

Les résultats du test audio - phonatoire avec voix retardée confirme l'existence d'une latéralité auditive

 

- plus ou moins bien établie

- plus ou moins en rapport avec la latéralité générale

     - que cette latéralité intervient dans l'acquisition du langage et dans le développement général   de l'individu.

Nous pensons que si la latéralité auditive est mal déterminée, elle peut être

à l'origine de troubles du langage, d'où il faut savoir en tenir compte, ne pas la

négliger qu'il s’agisse d'éducation ou de rééducation.

 

L'audio-psycho-phonologie, la sémiophonie, la mélodie thérapie sont des méthodes de rééducation qui tiennent compte de l'existence de cette latéralité. Est considéré d'une part le rôle essentiel de l'oreille et du contrôle qu'elle exerce dans la réalisation de la parole et le développement général de la fonction linguistique, d'autre part l'aspect affectif qui se manifeste dans le désir ou le refus d'écouter la parole, ce qui traduit en fait un conflit relationnel.

 

Il faut donc stimuler au départ les deux oreilles de l'enfant. C'est à lui de choisir son oreille directrice et à lui seul.

 

De cette étude, il ressort que les latéralités hétérogènes constituent un terrain fragile propice à l'installation de troubles de la latéralisation et des troubles du langage, même si une latéralité hétérogène n'est pas systématiquement impliquée dans ce type de troubles. En effet, de nombreuses études mettent en évidence dans les troubles du langage plus une mauvaise latéralisation qu'une latéralité non homogène ou la gaucherie pure, ce qui traduit bien un conflit relationnel. Une éducation de la latéralité auditive doit donc nécessairement s'intégrer dans le cadre d'une éducation générale

 

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©Yamina Guelouet