Mesure de la Densité Spectrale de la Voix.

Yamina Guelouet, PhD,MD,Psychiatre

Pars 2

Chap 3

3 – IDS-Voix

 

Nous avons voulu vérifier si le spectre sonore vocal se modifiait lorsqu'on passe d'un auto‑contrôle de la voix par l'oreille droite à un rétro contrôle par l'oreille gauche et vice versa. A. TOMATIS a en effet émis cette hypothèse, prétendant que tout le monde a "deux voix", l'une par contrôle auditif droit, l'autre par contrôle auditif gauche. Il ajoute que la voix droite est celle qu'il convient de favoriser et qu'elle comporterait une plus grande richesse harmonique que la voix gauche.

 

 



Afin de tester ces assertions, nous avons enregistré la voix de 36 sujets des deux sexes (18 hommes et 18 femmes) âgés de 5 à 55 ans dont la moitié entre 20 et 40 ans de la façon suivante : lecture pendant 5 minutes avec casque d'écoute réglé de telle sorte que l'oreille droite reçoive une ampli­tude supérieure à celle de l'émission et l'oreille gauche 1/10 de cette amplitude. Ensuite, lecture pendant une période équivalente mais en changeant de côté. Un sujet sur deux com­mençait par la lecture "droite" et un sujet sur deux par la lecture "gauche". L'amplificateur utilisé est celui de l'oreil­le TOMATIS réglée à ‑5 +5 et sans utilisation de la bascule électronique, le magnétophone, un Revox A77 pleine piste (Monopiste).

 

Les enregistrements ainsi effectués ont été ensuite analysés à travers un réseau A(I) grâce à l'Intégrateur de Densité Spectrale de LEIPP et SAPALY (Jussieu). Le fonc­tionnement a déjà été exposé.

 

LEIPP indique que, lorsqu'on parle devant le micro de l'appareil, il suffit de quelques secondes pour obtenir un affichage caractéristique du sujet qui enregistre, de tel­le sorte que si on poursuit l'expérience pendant un temps beau­coup plus long (par exemple dix minutes), on n'observe pas de modification sensible. Nous avons cependant tenu à vérifier si une fatigue vocale ne pouvait s'installer après une lec­ture de plusieurs minutes et nous avons comparé la première minute et la dernière minute d'enregistrement : nous n'avons observé que des variations aléatoires de telle sorte qu'aucun pattern de variation spectrale systématique n'affecte nos enregistrements lorsqu'on compare chaque sujet à lui‑même à deux moments différents.

 

Résultats : Etude comparative : on observe que le contrôle droit de la voix tend à favoriser les bandes FI, F2, F5, alors que la voix gauche favoriserait les bandes F7, F8. Ceci est plus net chez les femmes pour F2, F3, plus net chez les hommes pour FI, F5. Chez ces derniers, on observe une tendance à favoriser F4 et F6 en Voix Droite. Les femmes au contraire favorisent F4 et F6 en Voix Gauche ( cf tableau 6)

 

 

(I)                       Correcteur utilisé couramment en sonométrie.

 

 

Pour évaluer la valeur statistique de ces tendances, nous avons utilisé le test du Signe. Nous observons une dif­férence significative à P = 0,01 pour les variations de F3 et de F7 si nous considérons la première minute d'enregistre­ment de chaque épreuve. Après 3 minutes d'enregistrement les différences entre voix D et G s'estompent et il n'y a plus de différence statistiquement appréciable.

 

Tableau 6         

 

             

VD

VG

H+F

F1 F2 F3 F5

F7 F8

H

F4 F6

 

F

 

F4 F6

 

 

Tout se passe donc comme si les sujets s'accoutumaient rapidement à la nouvelle situation et parvenaient à réaliser un contrôle audio ‑vocal par une autre voie que la conduction aérienne (conduction osseuse ?).

 

 

Nos résultats contreviennent par ailleurs à l'hypo­thèse de TOMATIS selon laquelle la Voix à contrôle droit serait plus riche en harmonique.

 

Nous observons l'inverse (au moins quand on utilise un dispositif de renforcement des aigus pendant l'enregis­trement). Nous confirmons au contraire par là les résultats classiques (DEGLIN) qui ont montré que l'élimination fonc­tionnelle d'un hémisphère par électrochoc unilatéral ou par un autre moyen modifiait les qualités spectrales de la voix : la voix de l'hémisphère droit (ici oreille gauche) étant plus timbrée que la voix de l'hémisphère gauche (ici oreille droite) .

 

Quelques sujets, dans notre population se comportent cependant d'une manière différente : certains par exemple présentent un F3 favorisé en oreille gauche, ou/et un F7 favorisé en oreille droite. Ces sujets minoritaires sont‑ils gauchers, droitiers ou non latéralisés au test dichotique des deux histoires (Lileyre) dont nous avons parlé tout d'abord ? Comme les gauchers et mal latéralisés à ce test sont égale­ment minoritaires, nous supposions que nous trouverions une corrélation entre la "gaucherie" de l'écoute et un contrôle spectral latéralement inversé (CSI). Il n'en est rien. Si nous ne conservons que les sujets nettement latéralisés au test Lileyre nous observons (tableau 7) :

 

Tableau 7

 

F3

CSI

CSD

TLG

Ø

9

TLD

5

12

 

 

TLG = Gaucher dichotique

TLD = Droitier dichotique

CSI = composantes spec­trales inverses

CSD = composantes spec­trales directes

 

 

F7

CSI

CSD

TLG

Ø

8

TLD

5

12

 

 

Si nous poursuivons le parallèle avec les travaux classiques (DEGLIN), ces résultats tendraient à montrer que les sujets qui contrôlent leur voix par l'hémisphère gauche (contrairement à la majorité), utilisent également cet hé­misphère pour viser la signification du langage.

 

Réciproquement, les sujets qui visent le discours par l'oreille gauche (hémisphère droit), laissent à cette même oreille comme les droitiers le contrôle du timbre vo­cal.

 

Etude des audiogrammes.

 

Si on divise notre population en deux groupes : celui des déviants d'une part (ensemble des sujets minoritaires soit au TL soit pour le contrôle spectral) (C’est-à-dire CSI + TLG), celui des non‑déviants d'autre part (CSD + TLD) on observe chez les premières déviants des seuils plus pertur­bés à droite qu'à gauche pour les fréquences 500, 75° et 4000 (qui correspondent aux bandes F3 et F7 de LEIPP, zones enca­drant les fréquences vraiment importantes à la reconnaissance du sens), ceci aussi bien en conduction aérienne qu'en con­duction osseuse. La dissymétrie de l'audiogramme est plus accentuée en conduction osseuse chez les déviants vocaux. La capacité de percevoir une variation spectrale de l'ordre d'un demi octave a été mesurée pour tous les sujets, pour leurs deux oreilles et pour toutes les fréquences de l'audio­gramme. On observe que les déviants de la voix ont très fré­quemment de nombreuses erreurs à l'oreille droite pour ce test. Des déviants de l'écoute (TLG) ont fréquemment des er­reurs à l'oreille droite (plus souvent qu'à l'oreille gauche). Les non déviants semblent se comporter identiquement pour les deux oreilles à cette épreuve.

 

Les déviants de la voix montrent une moindre capacité à localiser les sons adressés par vibreur à droite que ceux adressés à gauche.

 

L'impression que donne notre investigation est que le déviant de la voix se montre plus compétent dans l'écoute des sons à gauche qu'à droite et ceci par détérioration de ses capacités à droite. Il en va de même, à un moindre de­gré pour le gaucher de l'écoute.

 

Une étude statistique de tous ces derniers résultats est en cours.

 

Cette dernière étude confirme les résultats classi­ques à savoir le contrôle du timbre par l'oreille gauche (donc hémisphère droit), l'existence d'une majorité de su­jets latéralisés à droite pour l'écoute du discours fluent. On remarque que les filles ont plus souvent que les gar­çons une latéralité hétérogène, plus souvent gauchères, plus souvent non homogènes. Est‑ce dû à une influence socio­culturelle, à des difficultés identificatoires ?

 

On remarque aussi que les sujets dits déviants, pré­sentent un audiogramme de l'oreille droite relativement détérioré. Il serait intéressant de poursuivre des études dans ce sens en vue de retrouver les causes de cette dété­rioration.

 

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©Yamina Guelouet