RÉPERCUSSIONS PHONATOIRES DES STIMULATIONS AUDITIVES

selon Raoul Husson

(extraits, adaptation et commentaires de Bernard Auriol)

Il a examiné dans son ouvrage « Physiologie de la Phonation », publié chez Masson (en 1962), les résultats publiés par A. Tomatis (1953- 1959) concernant les répercussions des stimulations auditives sur la phonation.

Existe- t- il des répercussions de la phonation sur l’ audition ?

  1. Certains chanteurs produisent des intensités vocales très importantes, de l’ordre de 150 dB au bord des lèvres. De telles amplitudes sont considérées comme dommageables pour la cochlée lorsqu’elles proviennent d’un avion. Pourtant les chanteurs dont il est ici question ne subissent aucune gêne ou destruction par rapport à leur audition. C’est donc que la phonation met en jeu des mécanismes protecteurs.
  2. Tomatis affirme pourtant (1954) que, dans certains cas, les chanteurs à voix ultra- puissante pourraient traumatiser leur propre oreille.

Contrôle central de la hauteur d’une note chantée

Dans le chant, si le chanteur se représente mentalement, d’abord, à quelle hauteur il veut émettre, un contrôle cortical s'exerce sur les nerfs récurrents et stabilise sa voix, tandis que, s’il parle librement, la hauteur vocalique n’est pas tenue, mais fluctue (jusqu’à 12 %) d'une période à la suivante.

Sous des bruiteurs de Barany, le sujet ne peut plus en général émettre un son à hauteur voulue, mais il y parvient cependant à nouveau si, malgré le bruit, il développe en lui une représentation psycho-auditive suffisamment vive de la fréquence à émettre. Dans le même ordre d'idées, le Dr René Moreaux, de Nancy, a rapporté, en 1933, le cas d'un artiste lyrique qui, malgré une cophose complète (surdité massive), parvenait à chanter juste, grâce à un effort psycho-auditif intense et soutenu.

 
BARANY Noise Apparatus, with hard rubber ear olive

6833 Phillips Industrial Blvd; Jacksonville, FL 32256

Le réflexe tonique cochléo-récurrentiel

Un sujet émettant un son piano sous vision laryngo - stroboscopique, on envoie dans une de ses oreilles un son pianissimo de fréquence rigoureusement identique au son qu’il est en train de produire. On voit alors la corde homolatérale [1] se raidir, accusant un accroissement de tonus musculaire (expériences de Garde, Larger et Husson à l'Hôpital Boucicaut ; 1951). Ces expériences ont été refaites aussi à l'Hôpital La Grave de Toulouse (Birague, Bonpunt, Mailhac et Husson ; Pr Calvet).

Si l'intensité de la stimulation auditive croît progressivement, le raidissement gagne la corde hétéro- latérale (avec réduction de l'amplitude vibratoire) [2] . Si la fréquence de la stimulation auditive est un peu différente de celle du son émis par le sujet, des irrégularités vibratoires peuvent apparaître dans le comportement des cordes vocales.

Remarque sur l'épreuve de Lombard

Pour Garde, le mélange de fréquences graves et intenses envoyé dans les oreilles du sujet au cours de cette épreuve produit deux effets superposés

1)     un effet de masque sur toutes les fréquences audibles, effet bien connu et qui a pour résultat que le sujet ne perçoit plus sa propre voix;

2)     une hyperstimulation auditive qui, dès le niveau bulbaire, se déverse par la formation réticulaire sur tous les noyaux moteurs voisins et active notamment les centres respiratoires et la musculature adéquate.

L’épreuve de Lombard est la recherche de l'augmentation de l’intensité de la voix du patient induite par la perception d'un bruit d’intensité masquante.

En vue de prouver le bien fondé de cette interprétation, il a réalisé les deux expériences suivantes :

1.                    II assourdit un sujet normal à l'aide de boules « Quies » introduites dans les oreilles : le sujet ne s'entend plus que faiblement. C'est le contraire qui se produit : l'intensité vocale du sujet ne s'élève nullement et finit par décroître; […]

Critique : les bouchons d’oreille diminuent l’écoute aérienne et cela a pour conséquence un renforcement relatif de la conduction osseuse. Le sujet n’entend plus le monde extérieur, mais il entend très bien sa propre voix, qui peut même paraître amplifiée.

2.                    Autre expérience : il laisse les conduits auditifs du sujet entièrement libres (donc exempts d'assourdissement), mais provoque une stimulation auditive corrélative par voie osseuse par un diapason dont le pied repose sur le rocher. Puisque le sujet s'entend toujours parfaitement, aucune élévation de l'intensité de sa voix ne devrait se manifester, selon l'explication de Lombard. C'est le contraire qui apparaît : un accroissement net d'intensité vocale se réalise toujours (en conséquence d'une hyperstimulation cochléo- récurrentielle mesurée).

L'épreuve dite d'assourdissement de Lombard est donc en réalité une épreuve d'hyperstimulation auditive.


publicité non évaluée par le Dr Bernard Auriol

 

Comportement phonatoire glottique dans différents types de surdité

1.                    Observations réalisées sur les sourds- muets parlants (Bouche, Vuillemey et Husson, avril 1953). - Un certain nombre de sourds- muets parlants, rééduqués vocalement et conduits par leur professeur, M. Paul Vuillemey, furent examnés au laryngostroboscope en avril 1953 dans le service O.- R.- L. de l'Hôpital Boucicaut par le Dr Bouche et moi- même.

Chaque sujet, émettant un son sous vision laryngostroboscopique, présentait une image laryngée parétique typique : défaut d'occlusion à l'arrière, bords libres des cordes vocales mal tendus, amplitude vibratoire exagérée. Cette hypotonie habituelle provenait d'un déficit des afférences assurant le maintien du tonus glottique, privé ici de toutes les afférences d'origine auditive.

Remarque amusante : l'un des sujets examinés ne présentait pas l'image laryngée parétique typique. Un examen plus complet permit alors de découvrir qu'il possédait encore quelques restes auditifs, qui étaient passés jusquelà inaperçus. Lorsque la sirène du stroboscope était placée à sa droite ou àsa gauche, son oreille droite ou gauche recevait un supplément de stimulation, et sa corde vocale homolatérale, selon le cas, accusait un comportement amélioré.

2.                    Observations réalisées sur des sourds- centraux vocalement rééduqués (Bouche, Vannier, Vuillemey et Husson, avril 1953). - Trois sourds centraux (sourds- muets de naissance issus de parents eux- mêmes et des deux côtés sourds- muets de naissance), rééduqués vocalement et conduits par leur professeur M. Paul Vuillemey, furent examinés à la même époque et dans les mêmes conditions au laboratoire de physiologie de la Sorbonne. L'observation laryngostroboscopique de la glotte pendant l'émission des sons révéla comme ci- dessus une image laryngée parétique typique et constante. L'envoi dans les oreilles d'un son de 130 dB ne détermina aucune réaction des sujets (ni même de modification pupillaire), attestant la cophose complète. Mais cette épreuve fut, chose digne de remarque, trouvée légèrement positive au niveau du larynx chez l'un des trois sujets : ce sujet manifestait donc encore une certaine activité neurophysiologique cochléo- bulbaire, malgré une surdité corticale certaine.

3.                    Observation réalisée sur un sujet atteint de surdité cochléaire unilatérale (Vannier et Husson, janvier 1954). - Un sujet présentant une surdité unilatérale complète (rare) par destruction de la cochlée fut examiné à la Sorbonne en janvier 1954 par le Dr J. Vannier et moi- même. L'observation laryngostroboscopique montra qu'à l'état normal, la corde vocale homolatérale présentait une hypotonie permanente (avec amplitude vibratoire accrue). En chambre presque sourde, l'hypotonie semblait gagner partiellement la corde opposée. Au sein d'un bruit intense, la corde hétérolatérale recevait un tonus accru et se raidissait fortement, tandis que la corde normalement hypotonique recevait elle- même un supplément (moindre) de tonicité. Une observation de même nature avait été faite à Toulouse en février 1951.

4.                    Remarque. - Les faits relatés ci- dessus sont d'interprétation immédiate. Ils traduisent la mise en oeuvre d'un réflexe cochléo- bulbo- réticulobulbo- récurrentiel, certain, à prédominance homolatérale, susceptible de se diffuser à de nombreux noyaux bulbaires voisins (moteurs, sensitifs, végétatifs). Rappelons ici que la stimulation du nerf trijumeau produit des effets analogues.

Les expériences que nous allons décrire maintenant sont d'interprétation plus délicate et font parfois intervenir des niveaux réflectifs ou associatifs plus élevés.

Action des stimulations auditives sur les chronaxies périphériques. Expériences de Chauchard et Mazoué (1955), et de Chenay (1956).-

Le Dr P. Chauchard et H. Mazoué ont fait connaître, en 1955, que les stimulations auditives aiguës (de l'odre de 3 000 Hz et au- dessus) ainsi que les ultrasons provoquaient une diminution immédiate et sensible de nombre de chronaxies nerveuses périphériques et centrales ; leurs expériences avaient été faites sur l'animal. Le Dr C. Chenay reprit ces expériences sur l'homme et montra ce qui suit

a)      La stimulation auditive par des sons graves (inférieurs ou égaux à 500 Hz) diminue l'excitabilité récurrentielle ; 1a stimulation par des sons aigus (supérieurs ou égaux à 2 000 Hz) l'augmente : ces modifications se maintiennent plusieurs minutes après la cessation de la stimulation auditive ;

b)      Sur des sujets fatigués vocalement, ces modifications sont plus faibles, mais durent plus longtemps;

c)      La fatigabilité nerveuse qui survient après des stimulations auditives graves paraît rapide et importante, ce qui appelle de justes réserves relativement à l'emploi excessif de telles stimulations à la fois dans le test de Lombard et dans certaines épreuves audiométriques.

L'interprétation neurologique de ces résultats laisse encore place àquelques doutes. On peut invoquer des rapports plus étroits entre les noyaux cochléaires relatifs aux sons graves et la substance réticulée inhibitrice, et entre les noyaux relatifs aux sons aigus et la substance réticulée facilitatrice. Mais, sachant que les métachronoses périphériques sont sous la dépendance du noyau rouge, on peut également invoquer l'existence de liens associatifs différenciés entre cette formation et les tubercules quadrijumeaux postérieurs, sur lesquels une topographie tonale a été reconnue (existant d'ailleurs à tous les niveaux des voies auditives). L'existence de rapports tendant aux mêmes effets, à différents niveaux, est au surplus possible.

Action des stimulations auditives sur certaines aphasies

En 1955, Birch et Lee ont publié le résultat de très intéressantes expériences de stimulations auditives effectuées sur des sujets atteints d'un certain type d'aphasie (expressive aphasia), dont la genèse résulterait d'une inhibition corticale excessive permanente. Ces sujets étaient soumis à une stimulation auditive binaurale de 60 dB, maintenue durant 30 s, immédiatement avant que leur fussent posées des questions- tests. La stimulation auditive provoqua une amélioration immédiate de leur état, se manifestant par des réponses beaucoup plus rapides, et durant de 5 à 10 mn. Lâ répétition de l'épreuve n'augmenta jamais la durée de l'amélioration.

L'explication de ce phénomène est immédiate. La stimulation auditive charge la formation réticulaire facilitatice, et cette activation, par le système diffus ascendant de Moruzzi- Magoun, gagne tout le cortex. Les circuits descendants bénéficient de la même activation. Nous retrouverons de tels faits au chapitre IX.

Blocage des synapses bulbaires du nerf récurrent par des stimulus auditifs synchrones à déphasage variable (vannier, saumont, labarraque et husson, juillet 1953). –

Les expériences que nous allons maintenant relater sont peut- être les plus curieuses et les plus suggestives parmi toutes celles qui ont été réalisées au laboratoire de physiologie de la Sorbonne, entre 1953 et 1956, sur le problème des liens auditivo- phonatoires. L'idée centrale était la suivante : puisque les stimulus auditifs peuvent se diffuser au niveau du bulbe et venir dynamogénéiser les noyaux moteurs récurrentiels, serait- il possible, par ce procédé, de mettre ces derniers en état de u période réfractaire u, ce qui supprimerait on entraverait la vibration des cordes vocales (et par conséquent la formation de la voix) ?

La réalisation d'une telle expérience exigeait l'emploi de stimulus auditifs perturbateurs rigoureusement synchrones avec la voix : pour cela il fallait prendre la voix du sujet elle- même. Il fallait en outre que l'activité électrique perturbatrice diffusée par les noyaux cochléaires parvînt aux noyaux ambigus juste un dix- millième de seconde (environ) avant le départ des influx récurrentiels, afin d'annuler ces départs par un effet de réfractorité : il était nécessaire pour cela de faire varier à volonté la phase des influx auditifs (sans modifier leur fréquence). La seule difficulté du montage (mais sérieuse) était la construction d'un variateur de phase susceptible d'explorer un intervalle de 0 à 2 7r : elle fut surmontée par le D'' J. Vannier, à l'aide d'un variateur à deux étages explorant chacun une demi- période. Les observations laryngostroboscopiques furent faites par le Dr L. Labarraque, phoniatre parisien, et vérifiées par chacun de nous à tour de rôle.

Schéma de l'expérience de blocage des synapses bulbaires du nerf récurrent par des stimulis auditifs synchrones à déphasage variable (Vannier, Saumont, Labarraque Et Husson, Juillet 1953).

Sous vision laryngo-stroboscopique, un sujet émet un son tenu (voyelle fermée émise piano) qui est ramené dans l'une de ses oreilles (ou dans les deux à la fois) après avoir passé dans un a variateur de phase n qui modifie sa phase à volonté entre 0 et 2 p (pi). Un oscillographe cathodique à double trace, placé en dérivation, permet de suivre le déphasage imposé aux stimulations auditives. (Résultats expérimentaux décrits dans le texte.)

1)     Le sujet émet une voyelle fermée pianissimo en premier registre sur une tonalité assez grave (entre 100 et 200 Hz), sous vision laryngostroboscopique ; capté par un micro, le son traverse le variateur de phase, puis est retourné sur une seule oreille du sujet ; pendant que le sujet tient sa note longuement, un aide agit sur le variateur de phase de manière à faire varier la phase (qui parvient à l'oreille) de façon continue de 0 à 2 gis. On observe les deux phénomènes suivants

Pour un certain déphasage, toujours le même à fréquence donnée, la voix du sujet s'éraille, et celui- ci doit faire croître la pression sous- glottique pour maintenir l'émission ;

Pendant ce temps, l'observateur qui regarde le larynx voit la corde homolatérale présenter des irrégularités vibratoires : elle s'arrête en position médiane, repart, s'arrête, etc., l'autre corde vibrant normalement ;

2)     On place l'écouteur unique sur l'autre oreille du sujet, et on recommence l'expérience identiquement. On note les mêmes altérations de la voix, survenant pour le même déphasage, tandis que c'est l'autre corde vocale (donc toujours du côté stimulé) qui présente les mêmes irrégularités de comportement ;

3)     On place cette fois un écouteur sur chaque oreille du sujet, et on recommence l'expérience identiquement. On note les mêmes faits toujours pour le même déphasage ; mais les altérations vocales sont plus sérieuses, et le sujet a le sentiment que sa voix < se bloque I> par instants ; sur l'image laryngoscopique, on voit les deux cordes s'arrêter en position d'accolement, repartir, s'arrêter à nouveau, etc.

Sans aller plus loin dans la discussion des expériences (variées) qui furent faites, il est certain que le « gros n du phénomène est bulbaire et répond aux hypothèses de travail qui ont conduit à sa mise en évidence.

Premiers résultats d’Alfred Tomatis (1953)

Le Dr A Tomatis a publié, depuis 1953, de nombreux résultats nouveaux concernant la physiologie auditive. Nous rapporterons d'abord ceux relatifs à une action des stimulus auditifs sur le timbre de la voix émise simultanément par le sujet qui les reçoit.

Voici la première expérience décrite par Tomatis (1953) et mettant cette action en évidence. Un sujet émet une voyelle tenue (chantée) devant un micro ; la tension recueillie traverse deux filtres, l'un < passe- bas n réglé sur 500 Hz, l'autre « passe- haut n réglé sur 2 000 Hz, pouvant fonctionner séparément ; à la sortie des filtres, la tension est renvoyée à des écouteurs sur casque posés sur les oreilles du sujet (fig 105). Ceci posé, les deux faits signalés par Tomatis sont les suivants

1)     Si on ne laisse passer que les harmoniques inférieurs à 500 Hz, le sujet éprouve des difficultés d'émission : sa voix perd ses harmoniques aigus, son mordant ; ses poumons se vident rapidement, il s'essouffle. Au laryngostroboscope, nous avons constaté que le larynx présentait une forte hypotonie glottique. Elle explique les faits observés.

Schéma de la première expérience d’Alfred Tomatis (1953).

Le sujet émet des sons tenus (ou parle) devant un micro M, et reçoit dans ses propres oreilles les sons émis après que ceux- ci soient passés dans deux étages de filtre, susceptibles soit de supprimer tous les harmoniques supérieurs à 500 Hz, soit de supprimer tous ceux inférieurs à 2 000 Hz.

2)     Si on ne laisse passer que les harmoniques supérieurs à 2 000 Hz, le sujet éprouve une facilitation de son émission : sa voix s'enrichit en harmoniques aigus, devient mordante; le souffle est économisé. Au laryngo-stroboscope, nous avons constaté que le larynx présentait un tonus glottique très élevé.. II explique les faits observés.

Ces expériences mettent en évidence le fait que les stimulations auditives déclencheraient, au niveau du bulbe, des effets variables selon leur fréquence. Ils seraient inhibiteurs du tonus glottique au- dessous de 500 Hz, et excitateurs du tonus glottique au- dessus de 2 000 Hz.

Second résultats d’ Alfred Tomatis (1957)

1)     Tomatis est revenu à plusieurs reprises sur les expériences du type précédent, les a systématisées et en a finalement formulé les résultats globaux sous la forme condensée suivante : a La voix d'un sujet ne contient que les harmoniques que son oreille peut entendre. o

Cette proposition est certainement fausse, car un sourd complet ne saurait alors émettre aucune voix ; et par ailleurs, si un sujet a un scotome auditif tonal entre 1 500 et 1 800 Hz par exemple, on ne voit pas comment son larynx pourrait le « savoir o, et comment il pourrait supprimer électivement ces fréquences de sa propre fourniture. Les phénomènes sont donc moins simples que ne le laisse paraître l'énoncé ci- dessus.

2)     Dans le but d'élucider ce phénomène, nous avons réalisé, notamment au laboratoire de physiologie de la Sorbonne, des expériences de phonation avec self- audition à l'aide d'amplificateurs différentiels de fréquences, en faisant varier systématiquement

a)      Les sujets (à voix cultivée ou inculte) ;

b)      Les hauteurs tonales dans toute l'étendue des tessitures ;

c)      La ou les bandes de fréquences sur lesquelles nous faisions porter la diminution ou l'augmentation des amplitudes.

L'ensemble des résultats obtenus permet de donner l'explication suivante des phénomènes observables

Lorsque le sujet émet une fourniture F, transformée par filtrage en une fourniture FI, il reçoit dans ses oreilles la fourniture FI. Celle- ci, perçue par le cortex auditif, gagne les zones d'intégration où se réalisent les schémas corporels vocaux du sujet, et y éveille le schéma corporel vocal lié à FI. Ce dernier, en principe différent du schéma corporel vocal du son émis F, provoque des réactions d'ajustement adéquates pour FI et non pour F. Par voie de rétroaction, le sujet réalise ainsi (ou amorce) les régulations de posture pharyngo- buccale et les ajustements du tonus laryngien qui permettent la réalisation de la fourniture FI et non plus celle de F. L'appoint sensoriel auditif corrige ainsi automatiquement la régulation proprioceptive d'origine musculaire, comme il est constaté dans les corrections visuelles des phénomènes de l'équilibration.

3)     Cette explication rend compte des faits suivants, plus différenciés, qui définissent le domaine et les modalités d'application de la formule de Tomatis

a)      Si la fourniture FI imposée à l'oreille représente une voyelle réelle et acoustiquement voisine de F, les adaptations pharyngo- buccales et laryngées permettant de passer de F à FI se réalisent de suite, complètement et sans difficulté ;

b)      Si la fourniture FI imposée à l'oreille représente une voyelle trop éloignée de F, F évolue vers FI dans une certaine mesure seulement ou ne fait qu'amorcer cette évolution ;

c)      Si la fourniture FI imposée à l'oreille est trop différente de F, ou bien si elle ne représente pas un son physiologiquement réalisable, il ne se passe rien : le sujet continue à émettre F, avec un sentiment de gêne organique diffuse plus ou moins nettement perçue selon les sujets.

Les phénomènes décrits ci- dessus sont d'autant plus nets que FI est plus intense, et qu'elle efface la fourniture F perçue par voie osseuse. Si F' est trop faible, tout phénomène disparaît.

Bien que ces faits soient beaucoup plus restrictifs que ceux contenus dans la formule lapidaire de Tomatis citée plus haut, ils n'en sont pas moins intéressants, et nous avons cru devoir donner le nom d'effet Tomatis àl'ensemble des rétroactions exercées sur la phonation par les stimulations auditives dans les conditions restrictives strictement définies ci- dessus.

4)     L'analyse de ces phénomènes permet d'assigner une correspondance grossière, mais nette, entre les bandes de fréquences modifiées et les groupes musculaires sur lesquels s'exerce la rétroaction

a)      En augmentant l'intensité des harmoniques supérieurs à 2 500 cycles environ, le larynx répond seul par un accroissement du tonus d'accolement des cordes vocales, ce qui accroît le «c mordant » de la voix, donc l'intensité des harmoniques supérieurs à la fréquence de coupure du pavillon pharyngobuccal qui est précisément 2 500 cycles. Phénomènes inverses en agissant par diminution.

b)      En agissant sur les harmoniques inférieurs à cette fréquence de coupure, on ne détermine que des adaptations posturales du pavillon pharyngo- buccal. Si l'on supprime par exemple dans FI la bande de 1 200 à1 800 cycles, on nasalise F en déterminant un abaissement du voile ; et inversement. Si l'on augmente dans FI la bande correspondant au formant buccal de F, on déclenche une adaptation de la cavité buccale (que le sujet perçoit par un accroissement de ses sensibilités internes proprioceptives buccales) qui accroît la même bande dans F. Même chose pour la cavité pharyngée.

Nouveaux résultats postérieurement énoncés par Alfred Tomatis.

A. Tomatis a, par la suite, énoncé de nouveaux et nombreux résultats, mais sans les assortir de justifications expérimentales. Nous avons tenté d'en vérifier quelques- uns que nous allons passer rapidement en revue.

1)     […] A. Tomatis écrit que : « l'audiogramme d'un sujet reproduit son phonogramme », c'est- à- dire le spectre d'harmoniques de sa propre voix.

Cette assertion est fausse. […] Nous connaissons de vieux artistes lyriques (âgés de 70 ans et plus) dont l'audition des aigus au- dessus de 1 500 cycles est fortement diminuée, alors que leur voix est restée incroyablement timbrée et mordante, et contient toujours des harmoniques intenses jusque plus de 4 500 Hz.

2)     Selon A. Tomatis, l'oreille humaine pourrait avoir des caractéristiques […] nationales, se manifestant par des sensibilités auditives accrues dans des bandes de fréquence privilégiées.

[…] Les audiogrammes effectués sur de tels sujets ne nous ont jamais montré, jusqu'à présent, que des différences de type individuel.

3)     […]A. Tomatis en déduit par voie logique que l'acquisition éducative de certaines langues devrait être facilitée par des modifications appropriées (corrélatives) des zones de sensibilité de l'oreille du sujet.

Cette vue de l'esprit ne résiste pas à l'examen. Un s émis par un Russe a le même spectre acoustique qu'un s émis par un Italien ; et il en est de même pour toute consonne et toute voyelle, à des différences insignifiantes près. Nulle sensibilité auditive différentielle n'est requise pour l'audition de telle ou telle langue.

4)     A. Tomatis estime que les caractéristiques de sensibilité différentielles de l'oreille commanderaient la tessiture des différents sujets. Un chanteur serait une basse s'il a une « oreille de basse » , un ténor s'il a une « oreille de ténor » , etc. […] Nous sommes ici en plein roman. Les audiogrammes de basses ne présentent aucune différence systématique avec ceux de ténors : seules apparaissent parfois des différences individuelles. […]

L' oreille électronique d’Alfred A. Tomatis et ses effets physiologiques

1)     Structure de l'appareil: c'est un amplificateur différentiel de fréquences. Recevant la propre voix du sujet, il en atténue les harmoniques graves (inférieurs à 2 000 Hz par exemple) et en amplifie légèrement les harmoniques aigus (supérieurs à 2 000 Hz par exemple).

2)     Effets physiologiques : Réglé comme il est indiqué sur 2 000 cycles (environ), l'usage de l'appareil provoque une forte stimulation de la formation réticulée activatrice du sujet, activation qui élève le tonus des noyaux moteurs bulbaires voisins : récurrentiels, masticateurs, glossopharyngiens, grand hypoglosse, vago- spinaux, etc. (…) L'activation gagne aussi les voies ascendantes du système diffus ascendant de Moruzzi- Magoun (expériences de Birch et Lee).

3)     Effets nocifs éventuels d'un usage excessif ou inadapté de l'appareil : Si l'accroissement de l'intensité des harmoniques aigus est excessive, l'usage de l'appareil peut provoquer des fatigues auditives et méme des hypoacousies  (…). Si la stimulation auditive, même faible, est maintenue trop longtemps, des troubles (...) convulsifs pourraient survenir. Elles exigent la relaxation musculaire immédiate du sujet, comme A. Tomatis lui- même l'a remarqué (...)

En résumé, les effets nocifs éventuels d'un usage intempestif de l'appareil de A. Tomatis sont ceux de tous les bruitage aigus trop intenses ou trop longuement supportés. L'usage de l'appareil requiert un contrôle médical permanent et une appropriation très fine aux caractéristiques neuromotrices et neurosensorielles de chaque sujet : dans ces justes limites d'utilisation, son emploi paraît cependant pouvoir provoquer des effets physiologiques bienfaisants (…) sans inconvénients excessifs.

Interprétation générale des répercussions phonatoires des stimulations auditives.

(L’usage de ce type d’appareil fait) intervenir des niveaux réflectifs et associatifs situés à des étages plus élevés des voies auditives. Celles- ci en sont particulièrement riches, et les anatomistes ont notamment décrit des niveaux réflectifs bulbaire, lemniscal et quadrigéminal, auxquels se superposent les formidables possibilités associatives du niveau cortical. (…)

Ceci permet d’ expliquer les répercussions des stimuli auditifs sur (…) la fonction phonatoire (…) et sur toutes les motricités somatiques (voir les travaux de Fraisse, G. Oléron, Francès, etc.)  […] et sur nombre d'activités neurovégétatives.

Ces passages sont extraits ou adaptés par Bernard Auriol,

à partir de Raoul Husson

« Physiologie de la phonation »

Masson 1962

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Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

© Copyright Bernard AURIOL (email : )

19 Avril 2008

(C) R. Husson



[1] la corde du même côté que l’oreille visée : si le son est envoyé à l’oreille gauche, c’est la corde vocale gauche qui réagit.

[2] On peut l’interpréter ainsi : la stimulation d'un noyau cochléaire, au niveau du bulbe, se diffuse dans la substance réticulée et gagne en premier lieu les noyaux moteurs homolatéraux, notamment le noyau ambigu d'où partent les fibres motrices récurrentielles homolatérales. Si elle est assez forte, elle peut atteindre les noyaux moteurs hétérolatéraux. Ce réflexe est en réalité cochléo- bulbo- réticulo- bulbo- récurrentiel.