La Méditation Accès à l'Essentiel de l'Etre et du Désir
Dr Bernard Auriol


 

Méditation & Psychothérapie

(Spiramed, Lyon, 19 et 20 Mars 1994, congrès organisé par J.M. Mantel)

La méditation, quelle que soit la méthode employée, partage avec la relaxation certaines caractéristiques physiologiques qu'on retrouve aussi dans une psychothérapie comme le rêve éveillé de Desoille. Je vous propose de prendre aussi en considération un aspect plus psychologique, ou même plus nousologique. C'est cet effet " spirituel " de la méditation et de la relaxation, qui a conduit chacune des civilisations que nous connaissons à créer sa propre forme d'accès à cet éveil paradoxal !

Etymologies

Etymologie de Méditation

Ce terme vient du latin " meditari " et signifie " s'exercer ", " réfléchir ". Le terme latin lui-même vient d'une racine indo-européenne *med- qui signifie " penser ", " réfléchir ". On peut le relier aussi à " mederi " qui veut dire soigner et nous a donné " médecine ", " médecins " et " médicaments ".

Il est vrai que les méthodes de méditation supposent l'exercice et qu'il soit répété et toujours répété, sans jamais se suffire jusqu'à le négliger. Cependant, c'est avec juste raison, à mon sens, mais je n'espère pas changer l'usage qui prévaut parmi nous, c'est à juste raison que les auteurs de la théologie mystique laissent seulement à la méditation de désigner un effort imaginatif et réflexif. Ils emploient d'autres mots pour la nommer lorsqu'elle aboutit au silence des puissances de l'âme : par exemple contemplation ou oraison (terme dérivé de " oratio, oro, orare " qui désigne la prière, la solennité de la parole)...

On retrouve cette opposition (méditation / contemplation) dans d'autres binômes comme (ascèse / mystique, vie purgative / vie illuminative : St Bonaventure).

Etymologie de Relaxation

Relaxation vient du latin. Il est composé du préfixe " Re- " : signifiant le retour ou l'arrière.

" - laxatio " est lui même dérivé de " laxus " : laissé, lâché, mou, tombant, flasque.

Ce terme se rattacherait au grec " " (= " lègo "): cesser, abandonner, finir, se reposer, se calmer ".

Laxus a donné Laxatio qui signifie " lieu abandonné, espace vide ".

On peut donc traduire " Relaxatio " par " retour à un espace vide " . Dans le bas latin et dans ses premières occurrences en français (XVII° siècle), " relaxation " prend un sens juridique qui signifie " élargissement d'un prisonnier ".

On peut en tirer que " me relaxer " c'est libérer le prisonnier que je suis, sortir de l'esclavage, lâcher prise.

C'est aller vers une forme mineure de libération, celle des tensions musculaires, des angoisses qu'elles traduisent, du passé qui s'est figé en ces tensions.

Passé qui pèse, enserre, contraint, détourne d'une action unifiée, établissant des barrières et des murs, non seulement entre soi et Soi, mais aussi entre soi et l'autre. Il s'agit donc de s'affranchir de ces frontières qui obèrent les échanges à l'intérieur de soi-même, ces transactions qui me constituent comme une Unité Fonctionnante, une Unité Structurée; échanges hors desquels je ne peux qu'aller vers la poussière, l'éparpillement des agissements réduits à n'être que des Réactions.

A partir de ce lâcher prise psychophysiologique la personne peut s'ouvrir à une perception plus vaste, à une simplification plus grande, à un silence plus général et plus profond; jusqu'à s'abandonner en tant que moi localisé, à la fois réduit et enflé, pour accéder dans la méditation, à son être de Sujet, source insaisissable, jaillissement intarissable, sans maîtrise ni servitude.

Le fait que tel ou telle soient victimes de conflits internes nuisant à leur adaptation sociale ne saurait bloquer cette démarche, s'ils cherchent à l'entreprendre. Ces conflits trouveront plutôt, dans la méditation, un apaisement qui favorisera leur résolution par les moyens appropriés (par exemple une forme reconnue de psychothérapie).

La Libération

(en sanskrit " Moksha ") peut être perçue selon au moins trois modalités:

1) libération par rapport aux conditions

2) libération par rapport aux désirs

3) libération par la vacuité

Ces trois modalités, nous les transposons aisément dans les sens étymologiques du mot " Relaxatio ":

1) affranchissement des soucis et conditions du moment,

conscience de l'impermanence de toutes les formes,

2) prise de distance, prise de hauteur par rapport à toutes les formations internes ou externes,

renoncement aux fruits de l'action,

3) retour à l'espace vide,

prise de conscience de l'insoutenable légèreté des êtres...

Evolution historique

Relaxer au XIV° s a pris le sens de " Remettre à plus tard ": ceci nous convient bien pour décrire la condition première de ce quatrième état de la conscience, l'éveil paradoxal tel que l'esprit et le corps demeurent vifs sans se focaliser sur les soucis du moment. Il s'agit de " remettre à plus tard ", se donner un délai dans le cours de l'action, aussi importante soit-elle, mettre une distance, prendre un recul, entrer dans un renoncement, attendre, en quelque sorte que le Faire se ressource dans l'Etre faisant. On oublie alors d'être Mal ou Bien Faisant pour se replacer dans le droit fil de la Source du Faire. C'est plus que la " purification des intentions " qui se donne juste un petit recul, c'est carrément la disparition des intentions. Autre nom du Renoncement.

Nous n’avons aucune communication à l’être, parce que toute humaine nature est toujours au milieu, entre le naître et le mourir, ne baillant de soi qu’une obscure apparence et ombre, et une incertaine et débile opinion ; et si de fortune vous fichez votre pensée à vouloir prendre son être , ce sera ni plus ni moins que qui voudrait empoigner de l’eau ; car tant plus il serrera et pressera ce qui de sa nature coule partout, tant plus il perdra ce qu’il voulait tenir et empoigner. Ainsi, vu que toutes choses sont sujettes à passer d’un changement en autre, la raison, qui y cherche une réelle subsistance, se trouve déçue, ne pouvant rien appréhender de subsistant et permanent parce que tout ou vient en être et n’est pas encore du tout , ou commence à mourir avant qu’il soit né… « O la vile chose et abjecte que l’homme, dit un témoin de même condition , s’il ne s’élève au dessus de l’humanité ! » Voilà un bon mot et un utile désir, mais pareillement absurde , car de faire la poignée plus grande que le poing, la brassée plus grande que le bras, et d’espérer enjamber plus que l’étendue de nos jambes, cela est impossible et monstrueux ; ni que l’homme ne monte au dessus de soi et de l’humanité, car il ne peut voir que de ses yeux, ni saisir que de sesprises. Il s’élèvera si Dieu lui prête extraordinairement la main; il s’élèvera, abandonnant et renonçant à ses propres moyens et se laissant hausser et soulever par les moyens purement célestes . C’est à notre foi chrétienne, non à sa vertu stoïque, de prétendre à cette divine et miraculeuse métamorphose. (Michel de Montaigne, Chap. XII).

Refluer un moment de ce vers quoi nous tendons, ce détail du moment et du lieu, vers ce qui sous-tend cette démarche, l'être-source. Comme Dom Chautard le prétend dans " L'Ame de Tout Apostolat ", agir sans méditation pourrait conduire à toutes sortes de mots loin de la Parole et d'actions loin de l'Acte.

Actions qui ne font rien, Mots qui ne disent mie; coques vides, habitées de pacotilles, aboutissant à l'émiettement et à l'absence.

Dans l'histoire de la Spiritualité européenne nous devrions examiner la contribution des Béghards, de Molinos, des Quiétistes comme Mme Guyon, qu'on mettra en regard de courants plus orthodoxes: Saint Denys l'Aréopagite, Saint Bonaventure, Saint François de Sales, Fénelon, etc..

En vieux français, " begart " et " beguin " (XII° et XIII° s) signifient " hérétique niais ". Le mot viendrait du néerlandais " beggen " (mendiant) ou du vieil allemand " begum " (prier). On a donné ce nom, orthographié " Beghard " a un mouvement qui fut à l'origine du quiétisme. Remarquons ce lien de la prière et de la pauvreté : tout laisser des objets et des êtres avec l'espoir d'atteindre le souverain bien, l'Etre. De très grands spirituels et leurs disciples, dans notre culture occidentale (cf. François d'Assise et les " ordres mendiants "), moyen-orientale (les anawim, les foqqara) ou dans la culture orientale (les sadous). Les Béghards sont raillés et qualifiés de niais, de simplets. Ce fut le sort de bien des mystiques qui, atteignant la joie parfaite n'en avaient cure.

Certains des béghards virent leurs principes condamnés au Concile de Vienne de 1311-1312. Marguerite Porée fut même brûlée vive en 1310. Il s'agit de doctrines molinistes avant la lettre dont voici les principales assertions condamnées par l'Eglise Catholique:

1) les rites et prières extérieures n'ont aucune valeur : seule compte la prière muette

2) l'homme peut jouir ici-bas de la béatitude finale par la contemplation acquise

3) la déification de l'homme peut-être, ici-bas, entièrement effectuée

4) tout est pur pour l'homme réalisé, y compris les relations sexuelles hors mariage

Au XVII° s le mouvement quiétiste se voit concrétisé et condamné tout spécialement dans l'oeuvre de Michel de Molinos qui affirmait que:

1) la connaissance de Dieu est uniquement de nature négative

2) il faut adopter une attitude passive lorsque survient la tentation

ainsi que 66 autres propositions jugées hétérodoxes.

On voit que plusieurs de ces assertions concerneraient aussi bien certains grands de l'hindouisme. Mais, en tant que thérapeutes, il ne nous revient pas de dire qui, sur le plan philosophique, est porteur de vérité ou d'erreur.

Mystique

Le terme " Mystique " est attesté dans la langue française dès le XIV° siècle et vient de bien plus loin encore puisque les latins emploient " mysticus " et les grecs "  " (mustikos). Il dérive de " mystère ", " mysterium ", "  " (musterion) et finalement de " " (mustès) qui signifie " initié aux mystères ". Le Sanskrit nous donne " mustika " avec le sens " qui appartient à une secte ou un clan ".

L'usage de l'Eglise Catholique réfère ce terme à l'une des deux grandes voies de la Vie Spirituelle. Par opposition à la Théologie Ascétique qui décrit les méthodes de purification active et de maîtrise de soi, la Théologie Mystique s'intéresse aux expériences spirituelles en tant que telles, dont l'accès correspond à une attitude plutôt réceptive, voire passive (Vie contemplative).

En fait, la vie mystique se retrouve dans toutes les Cultures et dans tous les cultes, jusques et y compris dans l'Athéisme comme en a témoigné Geneviève Lanfranchi et, sous un autre angle, l'oeuvre de Georges Bataille.

Selon le philosophe André Lalande, " ce qui semble propre à ces états, c'est d'une part la dépréciation et comme l'EFFACEMENT des symboles sensibles et des notions de la pensée abstraite ou discursive; c'est d'autre part le contact direct et l'immédiation de l'esprit avec la réalité possédée à même ".

Il s'agit d'une démarche aussi bien affective qu'intellectuelle, un véritable VOYAGE vers la connaissance selon la métaphore de Parménide et de Lao Tseu.

On distingue une mystique d'immanence et une mystique de transcendance.

Il s'agit à mon avis de concepts théologiques et idéologiques qui ont tendance à se confondre au niveau du vécu, comme en témoigne Henry Le Saux, même si l'idéologie dans laquelle s'inscrit l'orant le conduit à décrire son expérience tantôt comme une enstase tantôt comme une extase. Le même phénomène de contamination par le discours se fait sentir chez les spirituels qui se demandent s'ils sont entrés en contact avec la Cause Transcendante de toutes choses ou seulement avec sa " transcription terrestre " (sorte d'intermédiaire qu'on appellera " fine pointe de l'âme ", " caverne secrète du coeur ", etc...).

Mystique et Psychose

1) il existe des expériences d'allure mystique chez certains délirants

2) les grands mystiques eux-mêmes ont vécu parfois des expériences de type hallucinatoire

3) ils décrivent des motifs, des moyens, des étapes, des états de conscience, des effets physiologiques de leur pratique

1) il existe des expériences d'allure ou de nature mystique chez certains délirants.
Je ne veux pas aborder ici le mysticisme dans la pathologie. Je signalerai cependant qu'on a eu jusqu'à ce jour, trop tendance à rabattre les critères théologiques ou religieux sur l'appréciation médicale ou psychologique des phénomènes. De notre point de vue, les critères qui permettent de séparer le " saint mystique " de celui qui s'est fourvoyé ne nous concernent qu'à demi: pour autant qu'ils incluent une référence à l'adaptation ou non adaptation sociale. Qu'ils aient pour conséquence la piété ou l'impiété, que leur auteur reste fidèle ou non à une orthodoxie, etc ne constituent pas des traits pertinents...
2) les grands mystiques eux-mêmes ont vécu parfois des expériences de type hallucinatoire
Ce deuxième point nous confronte aux hallucinations chez les mystiques qualifiés d' " authentiques " (avec les réserves que nous venons de mettre); elles sont généralement considérées comme accessoires, bénéfiques ou nocives selon le cas. Elles réalisent bien souvent, comme le rêve de Freud, les désirs de l'individu qui les éprouve. A la différence du rêve, le désir en question, en son premier degré au moins, est bien souvent conscient : " je désirais un fruit et j'ai senti que son jus emplissait ma bouche, que je l'avalais, que j'en jouissais pleinement " (cependant, le plus souvent, les muscles restent immobiles).

On y peut rattacher les voix, les visions et l'ensemble des phénomènes généralement qualifiés de " surnaturels ", allant jusqu'aux stigmates ou aux mouvements du corps (" sauts de grenouille ", " lévitation ", etc...).

Ces expériences sont vécues parfois comme privatives et nous n'en prenons connaissance qu'au travers de compte rendus destinés à notre instruction quant à la voie. Elles sont parfois, tout au contraire, proclamées et revendiquées à titre d'instruction publique que l'individu se sait en devoir de publier: révélations édifiantes, visions-rendez-vous de Bernadette avec la Dame, des trois enfants de Fatima avec Marie, etc...

Si conviction délirante il y a, nous devons remarquer qu'elle est attendue et valorisée par le groupe social. Il définit des " vraies révélations " et d'autres qui ne le sont pas et que, selon les époques on attribue à Satan ou à l'Hystérie. C'est le Système Social qui suggère l'expérience, la promeut et s'en valide: comme lorsqu'il s'agit de Bouter les Anglais Hors de France, proclamer, dans un même mouvement, le dernier dogme venu (Immaculée Conception) et l'Infaillibilité papale qui va avec, ou s'assurer qu'on évitera la " tentation du communisme " puisqu'on doit Prier pour la Russie.

Mais la pieuse Cantianille (XIX° s) entraînera dans la réprobation générale l'évêque qui accepta ses " révélations " sur les " moeurs horribles " des prêtres du diocèse (Tanquerey, N° 1502).

3) les mystiques décrivent des motifs, des moyens, des étapes, des états de conscience, des effets physiologiques de leur pratique
invoqués sont liés au plaisir éprouvé ou à la béatitude convoitée et aux angoisses fuies. Quant au plaisir - de nature divine s'entend - nous en reparlerons. C'est quand même assez spécial. Pour l'angoisse elle est coupable: karma accumulé lors d'innombrables vies antérieures pour l'hindouiste, péché originel, faille essentielle chez les monothéistes, etc...

Et thème de l'exil !

employés sont très variés mais se laissent regrouper autour de quelques types: Pratiques physiques (postures, respirations, etc), Pratiques psychologiques (usage de sons, de prières, d'imagerie mentale). De très nombreuses recherches, ces vingt dernières années, ont permis de montrer que la plupart de ces pratiques conduisaient à des états modifiés de la Conscience (Altered States of Consciousness: A.S.C.) caractérisés par ce que je propose d'appeler un Eveil Paradoxal.

L'Eveil Paradoxal

Cet état de conscience connaît de multiples modalités qui sont décrits, du point de vue INTROSPECTIF dans la littérature extraordinairement abondante des adeptes de toutes les spiritualités.

Du point de vue Physiologique, les études étant encore à leur début, on a tendance à mêler tous ces états et tous ces niveaux. On aboutit alors à remarquer leur extrême proximité avec ce que la littérature médicale nomme RELAXATION, qu'il s'agisse du Training Autogène, de la méthode de Jacobson ou d'autres formes encore.

J'ai pu montrer, dans l' " Introduction aux méthodes de Relaxation ", que cet état correspondait à un profond repos (plus accentué peut-être que dans le Sommeil) doublé d'une Vigilance parfaitement maintenue. Lorsqu'il est profond cet état procure d'intenses satisfactions comportant plus que la " Sérénité " ce qu'on est bien contraint de nommer " Béatitude ".

Un tel résultat ne s'obtient que par une pratique régulière, généralement bi ou tri-quotidienne, pouvant aller de quelques minutes à plus d'une heure par séance.

Peut-on parler d'addiction méditative ?

Chaque Société a sa (ses) drogues (de l'opium à l'alcool en passant par le Kif ou le thé); elle a aussi sa (ses) mystique et peut valoriser ce type d'expérience au point d'entretenir d'innombrables moines pour une activité peu ou non rentable. Sorte de potlatch de l'activité humaine, sacrifice d'une " part maudite " de la pensée, brûlée " en pure perte ", pour quelque Grand Etre autochtone. Quitte à ce que ces hommes et ces femmes voués à l'expérience du Non-Agir, de la Contemplation, de la Prière, de l'Amour Gratuit ou du Vide, rebondissent en actions impressionnantes de par leur productivité inattendue : Thérèse d'Avila, François Bernardone, Gandhi et tant d'autres....
Les utilisateurs réguliers de ces techniques, après plusieurs mois, avouent qu'ils ressentent un malaise subtil, une sorte d'inconfort et d'inquiétude s'il leur arrive d'omettre une séance. Spontanément, leur interlocuteur pose la question " n'est ce pas une drogue dont vous ne pouvez vous passer ? ".

Question impertinente qu'il nous faudra pourtant examiner. D'autant qu'on y ajoute l'observation de certains effets sociologiques qui, PARFOIS, (heureusement pas toujours) l'environnent. Notamment cette dévotion au gourou. Tel Jésus, il peut tout demander. Et même demander TOUT: jusqu'à renoncer à son père, à sa mère, à ses frères, voire à sa femme (Luc XVIII, 29)...

Sectateur d'une chapelle infime ou moine d'une Confrérie plus officielle se comportent de même et - y arrivent-ils ? - qu'ils soient bouddhistes tibétains, trappistes catholiques ou sadous de Rishikesh, renoncent tout uniment au sexe, à l'argent, au pouvoir,.... choses bien mesquines au regard de l'Absolu qui vaut le " FaNA " (terme qui N'EST PAS à la racine de notre mot " fanatique " dérivé pourtant du culte , celui de Cybèle, la Grande Mère) , ce qui signifie " anéantissement " pour les soufis.

C'est dire qu'ils s'adonnent, s'addictent, se vouent à leur chef spirituel. Certains prétendent qu'ils feraient mieux de le faire à un produit, quel qu'il soit; ce serait, parait-il, moins grave.... Nous voilà au péché mortel puisqu'il vaut mieux, dit-on, sacrifier sa vie sur l'autel héroïque que tomber entre les mains du Grand Satan de la Secte.

" Addictus " pour les romains (cf. Dictionnaire de Félix Gaffiot) signifiait " corps donné, esclavage, pour dette ". Mais il y a toutes sortes de maîtres et de relaxateurs. L'expérience transmise est souvent très bénéfique, voire merveilleuse; que ne donnerait-on pas pour la parfaire ? Comment résister à celui qui a donné (?) tant et qui promet plus ? Avatar du transfert avant la lettre. Ethique de son bon usage...

L'élève fera bien d'évaluer l'attitude du maître qu'il compte se donner !

Drogue spirituelle ?

Les exercices de la spiritualité, la méditation sont elles des drogues ?

L'initié répondra généralement qu'il n'en est rien; que le besoin qu'il ressent est lié au " plus " de sa pratique; que l'omettre le fait redescendre du plan qualitatif où le porte cet état de conscience particulier.

Plus que cela ! Le mystique est un amant. L'Amour est une ivresse.

Comment pourrait il se contenter de solitude et abandonner le Graal ? Témoin le " Cantique des Cantiques ", le Tantra Asana et les poèmes de la mystique soufi qui seront à l'origine des " Cantigas de Santa Maria " (J.B. Trend) et, selon certains historiens, de tout le courant (au moins méridional) de l'Amour Courtois.

A l'origine soufi, La femme symbolise tout simplement l'Unique sans second, l'Absolu, Allah. Pour Lacan (cf. L'Ethique) elle incarne La Chose freudo-heideggerienne.

Il inclut dans cette quête avec juste raison, Aristote, St Bernard, la béguine Hadewijch d'Anvers et " des gens doués comme St Jean de la Croix (...). (Comme lui), on peut aussi se mettre du côté du pas-tout. Il y a des hommes qui sont aussi bien que les femmes. Ça arrive. Et qui du même coup s'en trouvent aussi bien. Malgré, je ne dis pas leur phallus, malgré ce qui les encombre à ce titre, ils entrevoient, ils éprouvent l'idée qu'il doit y avoir une jouissance qui soit au delà. C'est ça, ce qu'on appelle des mystiques. " (...) " C'est comme pour Ste Thérèse - vous n'avez qu'à aller regarder à Rome la statue du Bernin pour comprendre tout de suite qu'elle jouit, ça ne fait pas de doute. Et de quoi jouit-elle ? Il est clair que le témoignage essentiel des mystiques, c'est justement de dire qu'ils l'éprouvent, mais qu'ils n'en savent rien. " (Encore, 70-71).

Cette jouissance serait-elle " une affaire de foutre " comme le refuse Lacan ou d'hormones de style " endorphines " ? Le tantrisme décrit deux courants d'énergie, nommément sexuelle. L'une liée au " Linga " (phallus) et l'autre au " Yoni " (sexe féminin symbolique), toutes deux présentes sous différentes formes et en différents lieux de la topologie humaine, sans distinction quant au sexe réel. Les étapes du chemin spirituel conduiraient, en dernière analyse, à la conjonction des deux énergies, des deux jouissances. Celle d'en haut et celle d'en bas, celle des formes et celle de l'indifférencié, celle des catégories signifiantes et celle de la quête fusionnelle.

Les écrivains spirituels et les théologiens occidentaux qui se sont occupés de ces questions distinguent nettement le cheminement vers l'Union Divine, qui pourrait être de l'ordre de la Jouissance du côté du " pas-tout ", et les accidents ou ornements du parcours au long duquel fleurissent les " consolations " et les " aridités ". Ces phénomènes, les plus visibles il est vrai, seraient la marque de la composition " corporelle " de l'être humain; les anges, selon eux, ne pourraient qu'en être exempts.

Mais que nous enseigne la physiologie?

Diminution du cholestérol sanguin, d'autant plus importante qu'il était élevé au départ, normalisation des sécrétions thyroïdiennes lorsqu'elles étaient en hypo ou en hyper, diminution de la sécrétion de cortisone, diminution du taux de la prolactine, diminution des catécholamines. Je ne connais pas d'étude biochimique concernant une éventuelle sécrétion d'endorphines. Je pense qu'il y a là une piste intéressante et facile à mettre en oeuvre. Sous l'hypothèse d'une telle augmentation des endorphines, conviendrait-il de ranger ces pratiques dans le chapitre des conduites addictives ?

Personnellement je soutiens, depuis quelques années, l'idée que la culture de cet état d' " Eveil Paradoxal " (par symétrie avec le " Sommeil Paradoxal "), non seulement n'est pas nocive, comme le serait l'usage d'alcool, de DBZ, de tabac ou d'héroïne, mais encore qu'il est plus que bénéfique, véritablement indispensable à une bonne harmonie de notre organisme.

Qui plus est, ce genre de démarche conduit, statistiquement parlant, à l'abandon des excès en tous genres, spécialement ceux qui concernent l'usage des stupéfiants ou du tabac comme la consommation immodérée d'alcool...

Si on veut parler d'addiction pour la méditation, il s'agirait, dés lors, d'une addiction pas plus néfaste que celle qui nous oblige à dormir, rêver, manger, boire ou respirer ! Dans cette conviction Shabistari murmure: " En un instant, échappe au temps et à l'espace. Mets le monde de côté et deviens un monde en toi-même. " C'est la grâce que je nous souhaite... chaque matin et chaque soir...
 

La Méditation, accès à l'essentiel du Désir :

On pourrait dire tout bonnement " la méditation, accès à l'essentiel ". Non qu'il soit besoin d'un chemin particulier, complexe, aride, malaisé. Plutôt faut-il écarter les obstacles du jour comme ceux de la veille, ceux de la lune et ceux du soleil.

Les trois voies n'en font qu'une, même si leur triplicité insiste sur les étapes. Bonaventure : la voie purgative, illuminative, unitive.

Voie purgative

C'est abandonner les vieilles détresses qui n'ont plus cours. Renoncer aux anciennes souffrances, aux anciennes rancoeurs, aux anciennes peurs.

Par le chemin de la méditation, cette catharsis !

Ou par ceux, mieux connus des thérapeutes : analyse, psychodrame, rebirth, etc...

Catharsis, les soubresauts de tensions inutiles, les cris atroces qui accréditent et absolvent quelque souffrance primale, les amours illusoires et dévotes dont Freud a su nous prémunir.

Catharsis, purifier les ratiocinations mortifères de nos défenses têtues, les explosions passionnelles qui n'offrent de plénitude que celle des ballons d'enfants à la rencontre d'une cigarette incendiaire, les sourds agissements de la chair en combat contre soi-même...

Simplement s'asseoir et méditer ?

Oui. Tous les jours. Plusieurs fois.

S'il le faut, une technique, un maître.

Un thérapeute ? Pourquoi non ? Pas forcément aussi monastique que ceux dont nous parle Philon. Pas nécessairement aussi libéré que Jean des Entomeures. Car il est encore certains frères en rupture de clôture : analystes troussant la patiente, plus enclins à discourir, interpréter et scansionner qu'à entendre, doctes sages, mystérieux, stupéfiants d'ignorance.

Le psychothérapeute peut-il s'autoriser à être un maître ? un guru ? un directeur spirituel ? A mon avis, ce mélange des genres n'est pas forcément de bon augure. Surtout si le patient peut créditer son thérapeute de l'aura dont jouit celle ou celui dont on dit qu'il est réalisé. Ce n'est d'ailleurs pas une faible tentation pour ce dernier. De le laisser penser, sinon de le dire ou le faire croire. Même s'il finit par le payer par un oedème des chevilles, la mystification - si involontaire, si innocente qu'elle soit, peut avoir oeuvré sévèrement chez l'interlocuteur souffrant.

Certes, comme le souhaite Charles Baudouin, le médecin, et même l'analyste, serait dans l'illusion s'il prétendait se passer de la suggestion. Non seulement il se priverait d'un levier utile à certains moments de la cure, mais aussi il ignorerait sans le supprimer, un important aspect de son action qui intervient y compris à son corps défendant : dans ses paroles, ses actions, ses omissions et... ses pensées !

Aussi me parait-il sage de viser à la position médiane que décrit Schultz : " les états d'absorption autogène, d'un point de vue profond ne servent qu'à faciliter l'accomplissement de notre plus belle mission, celle de conduire nos patients à leur auto-réalisation. Il y arrivent par un approfondissement et un élargissement de leur vie intérieure, au degré supérieur par une autodétermination promouvant leur personnalité par un travail approprié, l'enrichissant (...). Si dans ce cas un monde authentique d'expériences religieuses se forme dans l'auto-réalisation, le médecin, conscient de ses responsabilités, devient alors un guide plein d'égards et doit se sentir obligé à la plus complète discrétion dans ce domaine normal tout à fait personnel. "

Catharsis méditative

La Catharsis méditative est douce, pénétrante, parfois instantanée, abrupte, inattendue, jamais brutale ni exaltée. Pas dans le Trop; fut-il trop peu. Elle peut s'imposer comme changement radical, véritable métanoïa.

Dans le voisinage de la Paranoïa. Malheur à ceux qui prétendent. Ceux qui se tendent, s'oublient, se prennent pour l'Autre. Ils ne cherchent plus. Ils ont trouvé la plénitude, la Vérité. Ils sont perdus pour un temps. Jusqu'à ce que l'amertume de leur certitude les ramène au sol qu'ils n'auraient pas du quitter si vite. Trop bien.

La voie purgative pleine de ressources doit se garder des abus de jouissance : ascèse du jeûne pas de l'anorexie, discipline de vie et non esclavage mesquin, canalisation des passions et pas dessèchement du coeur, écoute détendue mais non silence assassin, connaissance assurée et non dogmatisme enraidi, ouverture au transcendant et non ébahissement niais.

Nous utiliserons la méditation sans crainte ni simplisme. Elle nous est indispensable, essentielle, à nous thérapeutes, à nous patients, à nous humains. Elle a montré ses pièges, ses embûches et nous tâcherons de nous en prémunir, d'en préserver nos patients, de les épargner à tous. Non que nous prétendions être plus loin, plus haut, meilleurs... Seulement plus critiques, avec les armes de la critique positive : celle qui permet de lire les textes, d'en aimer la substance sans croire que Mathusalem a vécu si vieux ni que les Védas recèlent toutes les vérités de la physique quantique.

Purgation diafoiresque s'il s'agit d'en faire recette. Rencontrer son Désir, au dessous des désirs, son aspiration, la pulsion des pulsions ne suppose aucun prescription particulière. En discourir comme nous tentons de le faire est sans doute une vanité; mais peut-être est-il un temps pour parler après le temps où nous devions nous taire.

La Méditation, accès à l'essentiel de l'Etre :

Voie Illuminative

La méditation ne se suffit pas d'être cathartique, elle offre sa lumière, éclate les frontières, diffère les certitudes, construit la paix. A l'inverse du rêve qui nous enrichit de diversifications, d'hypothèses, du bruit pertinent des désirs ancestraux, des désirs d'hier et de ceux de demain, à la suite de l'action vigilante qui nous permet de gagner notre pain, de construire la cité et peut-être d'espérer, la méditation élimine les cendres inutiles, taille dans l'anarchie des rêveries stériles, positionne notre pensée et notre action... sa musique fait écrouler les murs sans valeur, élimine les ordures ménagères, détruit les ennemis que nous entretenions en notre place. Elle nous permet alors d'y voir plus clair et d'éprouver la subsistance permanente de l'être sous les oripeaux de l'apparence. En plusieurs langues, selon plusieurs Thoras, pour diverses races, " Tu es cela ", murmure-t-elle,... dans un souffle !

Conscience que l'être est. Que c'est l'essentiel. Que c'est suffisant pour vivre, pour chanter, même dans la fournaise de l'angoisse ou le schéol de la dépression...

Voie unitive

L'aiguillon lancinant du manque a fait le lit du vide : la place est nette, ouverts tout grand le coeur, la tête, les pieds; la pensée rencontre l'Etre, l'action rejoint l'Acte, Eros retrouve Agape.

Pour d'autres développements, voir l'ouvrage Yoga et Psychothérapie, Introduction aux Méthodes de relaxation (à paraître chez Erès) et autres textes du même auteur.

Voir aussi :l'Association Française du transpersonnel

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Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

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8 Février 2008