Pour une Approche Multifocale en Psychiatrie

Dr Bernard Auriol

( paru dans Psychologie Médicale,17, 85 )

 

 

English Summary :

this contribution briefly presents our research on a poly-systemic theoretical and practical approach of patients.

 

Un certain nombre de thérapeutes, rejetant le Dogmatisme et les Anathèmes, cherchent à prendre en considération les aspects multiples de la maladie et les nombreuses façons d'y répondre

Les travaux épistémologiques de Von Bertalanffy (L. Von Bertalanffy, 1968) et de son école (H. ATLAN 1979),La Revue de Biomathématique, etc... Les prolongements cliniques apportés par l'école de PALO-ALTO à cette théorisation et jusqu'aux développements de la thérapie familiale à référence Freudienne, constituent une avancée d'une grande importance scientifique.

Ce point de vue permet d'intégrer dans une démarche réellement cohérente les tentatives très variées et d'apparence disparate auxquelles se livrent nombre de patients : démarche analytique, travail corporel, recherche spirituelle, médecines douces, telles que homéopathie et acupuncture, sessions de groupe, etc...

Le texte présenté ici, tendra à montrer la nécessité formelle et l'intérêt thérapeutique de cette réflexion holistique, dans laquelle le médecin ou l'analyste n'a plus seulement un rôle technique neutre, mais se trouve radicalement impliqué dans ce qu'il observe et sur quoi il cherche à agir.

Nous soulignerons d'abord l'évolution actuelle de la thérapie vers un pragmatisme faisant appel à plusieurs approches distinctes.

Puis nous évoquerons la nécessité formelle du point de vue systémique élargi.

Enfin nous tâcherons de dégager l'intérêt thérapeutique de cette approche: il réside déjà en ceci que l'effort diversifié des patients en vue d'obtenir leur plein épanouissement peut être intégré dans un processus d'ensemble homogène. il réside aussi en cela que l'investigation du thérapeute pour s'ouvrir à de nouvelles perspectives et aider son patient sans "zone de dédain" peut avoir lieu, loin de toute -fausse- culpabilité.


Evolution de la thérapie vers un pragmatisme faisant appel à plusieurs approches distinctes.

Depuis quelques années, un certain nombre de thérapeutes, rejetant le Dogmatisme et les Anathèmes (J.P.Cornu 1984), cherchent à prendre en considération les aspects multiples de la maladie et les nombreuses façons d'y répondre.

Cette attitude fut d'abord celle de quelques isolés, en général mal compris et tenus pour fantaisistes sans rigueur. C'est ce qui arriva, par exemple, à C. Baudoin malgré - ou à cause de - son très intelligent essai de synthèse intitulé "De l'instinct à l'esprit" (Baudoin 1950).

A partir des années 60, cet état d'esprit devient plus fréquent, pour se généraliser aux USA dans les années 70.

Depuis lors, quatre courants principaux se partagent la faveur des thérapeutes , qui refusent de choisir, pour se cantonner dans un pragmatisme parfaitement syncrétique.

Les eaux ainsi mêlées sont celles des différentes écoles analytiques, des démarches propres au mouvement du potentiel humain, du behaviourisme skinnérien, de la biologie psychiatrique, etc...

On observe que les praticiens, en thérapie individuelle ou collective, utilisent tour à tour une interprétation freudienne, un exercice reichien ou un argument paradoxal... sans parler de l'habituel recours aux grands moyens: chimiothérapie, sismothérapie, insulinothérapie, chirurgie cérébrale, etc...

Cet éclectisme, autrefois limité à l'Amérique du Nord, se manifeste maintenant en Europe. Voici, par exemple, quelques conclusions de l'article de C. Dessaux que nous ferons suivre du tableau qu'il a proposé : "La prise en charge des jeunes autistes, ainsi que l'aide aux familles et aux professionnels justifient le recours à plusieurs modèles théoriques dont l'articulation est difficile. Aux risques du dogmatisme lié à un support théorique univoque, l'éclectisme clinique et thérapeutique oppose une utilisation plus rationnelle de nos connaissances et une prise en compte plus lucide de l'étendue de nos ignorances".

Psychanalyse
Systémie
Anthropologie médicale
Psychologie cognitive
Travail de la demande; établissement d'une alliance thérapeutique
+
++
++
+
Bilan développemental et diagnostique
+
+/-
+/-
+++
Soins précoces
++
+/-
+/-
++
Organisation des soins dans l'Institution
++
++
+/-
++
Travail en individuel
+
+/-
+/-
+++
Travail sur l'implication émotionnelle des soignants
+++
+/-
++
+/-
Traitement des troubles du comportement
+
+
+
++
Aide à la famille
+++
++
+
+
Travail avec le réseau
+/-
++
++
+

Champs de pertinence des supports théoriques du traitement pédopsychiatrique de l'Autisme
(Cf. Marcelli, 1982)

 

 

En traversant l'Atlantique la "cure" s'agrémente d'aiguilles chinoises ou de remèdes hahnemaniens ...

Une telle mixture semble bien indigeste. Cependant, même les plus purs ne se privent pas d'en user, en jouant au besoin, les Ponce Pilate : ils se déchargent simplement de la partie qui n'est pas de leur ressort.

Il doit ici être très clair que le persiflage ne concerne pas celui qui, pratiquant sa technique, admet que d'autres outils puissent participer au combat de la thérapie et souhaite simplement ne pas s'occuper de ce qu'il ignore ou maîtrise mal. De même, j'exclue du débat la nécessité d'une certaine 'asepsie' relationnelle invoquée dans le cadre d'une psychanalyse réglée.

Après avoir été la scandaleuse, cette dernière fut tellement prude qu'elle se refusait à tous. Et c'est le pragmatisme contemporain qui en fit une fille libérée, adaptant ses manières à toutes sortes de troubles jusqu'à devenir la bonne à tout faire de notre intelligentsia.

Ces accommodements expliquent l'efflorescence de techniques sans divan comme l'analyse corporelle, la psychanalyse de groupe, le psychodrame analytique, la relaxation freudianisée, etc...

Les praticiens, sans aucunement renier Freud, ou même dans le cadre du "retour" à lui, acceptent, notamment pour les enfants, les psychotiques et les psychosomatiques d'utiliser des "médiations" en étendant le champ de la libre association verbale à toutes sortes de procédés, véhicules possibles de communication humaine.

De ce fait notre pratique du rêve éveillé, des marionnettes, du dessin libre, de la sculpture, de la musique, du travail corporel, du psychodrame, etc...revêt une nouvelle dimension liée à l'interprétation des contenus inconscients, à l'analyse des résistances et du transfert.

La psychanalyse apporte donc un cadre théorique et pratique dont la preuve est faite qu'il peut intégrer sans grande difficulté la plupart des nouvelles modalités d'intervention.

Cependant, il nous reste quelque insatisfaction, liée d'une part au parti pris de méta-science qu'elle revendique implicitement, d'autre part à la difficulté où nous nous trouvons chaque fois que nous abandonnons le terrain des significations pour celui de la réalité.

J'évoque ici des cas de figure comme celui de la chirurgie esthétique ou cérébrale, le passage à l'acte comportant des coups et blessures pouvant entraîner la mort, la toxicomanie et l'alcoolisme, etc...

Il parait clair qu'un statut véritablement scientifique de la thérapie devrait permettre de dépasser ces contradictions.

Nécessité formelle du point de vue systémique élargi.

Je vais ici vous demander un moment de patience: les considérations suivantes seront ardues mais brèves; il s'agit d'un résumé de travaux épistémologiques formalisés que j'ai tenté de mettre en langage courant.

Il est trivial d'énoncer l'interrelation permanente, directe ou non, de tout objet de l'Univers avec tous les autres, mais on prend rarement la mesure exacte de cette constatation.

Considérons un objet d'observation scientifique quelconque : pour le comprendre nous sommes amenés à scruter son fonctionnement "intime", c'est à dire à mettre en lumière les éléments qui le constituent et les relations entre ces éléments ; bien entendu, parmi ces relations, certaines sont essentielles à l'unitarité de l'objet de départ : ce sont des relations de cohésion.

A moins de les réduire à de simples concepts, si on veut que ces relations traduisent une unité réelle et pas seulement une idée d'unité, il est nécessaire qu'elles aient un substratum objectif: à savoir dans les éléments qu'elles conjoignent.

On en conclue que les éléments en question mettent en commun spatialement ou échangent dans le cours du temps quelque chose d'eux mêmes.

Ces prémisses étant posés, on doit concevoir une hiérarchie indéfinie du style "poupées russes".

On pourrait aussi comparer toute unité structurée à un maillon de chaîne dont l'anneau serait une chaîne, dont chaque anneau serait une nouvelle chaîne, ad infinitum !

Par ailleurs l'intervention de la notion de 'champ' (magnétique par exemple) n'élimine pas la nécessité d'une communauté intime des éléments unis par leurs champs respectifs, elle pose seulement la question de la nature de ce qui est, dans ce cas, commun[1]

D'où on tire que tout élément d'un objet d'étude, fut-ce l'Univers, est en corrélation plus ou moins immédiate avec tous les autres éléments de cet objet.

D'où on tire encore que toute action sur un objet joue à l'égard de tous ses éléments, de même que toute modification d'un élément agit sur la totalité de l'objet et sur chacune de ses parties.

P.W. ANDERSON (1980) décrit l'effet Kondo "qui se produit lorsqu'une impureté magnétique diffuse des électrons dans un métal. Les électrons qui passent à toute vitesse au voisinage de l'impureté n'interagissent que faiblement, mais, par leurs faibles interactions ils renforcent les interactions des électrons un peu plus lents; ceux-ci, à leur tour, renforcent les interactions de ceux qui sont encore plus lents et, au bout du compte, les électrons les plus lents, qui sont aussi les plus éloignés de l'impureté , ont avec elle une interaction d'une force quasiment infinie.""(...)L'effet Kondo consiste en cette hiérarchie d'interactions qui se produisent entre les électrons du métal, on ne peut l'étudier sans considérer pratiquement TOUT le métal."[2]

B. d'Espagnat (1979) suggère que les expériences de la physique contemporaine ne permettent pas de considérer le réel autrement que comme une Unité absolument indivisible.

Vous sentez peut-être se profiler déjà les effets majeurs d'une action minime, comme on l'observe dans la pathogenèse ou la guérison de certains troubles.

Il serait ,malgré tout, naïf d'imaginer que l'interaction générale, énoncée ici, se manifeste toujours dans le sens d'amplification que je viens de décrire: elle peut s'opérer dans le sens inverse d'un affaiblissement ou donner lieu à toutes sortes de degrés intermédiaires...

L'Unité du réel, assurée dans le domaine des sciences exactes, se vérifie-t-elle au plan biologique et humain ?

Si "à certains égards, l'être vivant se résout en un entrecroisement d'actions physico-chimiques, à d'autres points de vue il constitue une monade, centre individualisé de perception et d'appétition; (...)l'être vivant est un objet qui a cette propriété paradoxale d’être en même temps un sujet"(R.Blanché 1972).

En sa qualité d'objet, au moins, le biologique participe à l'Unité du réel dont il était question plus haut et à ce titre se montre parfaitement indissociable de son environnement. Sur le plan même des sciences de la vie, l'écologie et l'éthologie ont notoirement mis en relief une foule d'interactions sans lesquelles le comportement individuel perd toute signification.

A plus forte raison lorsqu'il s'agit de l’être humain auquel on se plait à reconnaître une intersubjectivité !

Ainsi, tout être humain est uni à tout autre de sorte qu'il subit l'influence de tous et génère des modifications en chacun.

Les interventions micro-sociologiques, les techniques de groupe, la thérapie familiale l'ont éloquemment illustré.

La théorie freudienne a su intégrer, en parlant de "contre-transfert", le fait que l'analyste, malgré la consigne qu'il se donne d’être neutre, n'y parvient pas toujours. Au moins, est-ce à un niveau relativement superficiel, de sorte que, en présence de contenus perturbateurs, il se donne la règle supplémentaire de s'habituer par les contrôles d'un tiers pour un temps, et son auto-analyse en toutes circonstances, à prendre conscience de ses projections, identifications, dénégations, refoulements, etc.

C'est dire que l'analyste, et en fait, tout thérapeute, se trouve radicalement impliqué dans ce qu'il observe et sur quoi il cherche à agir.

La mise en question de la "neutralité" ne concerne pas seulement le besoin où se trouve l'analyste de gérer son contre-transfert, elle concerne également l'école à laquelle appartient le thérapeute. Tout d'abord, au niveau de sa formation: il a appris à considérer certains points et à en omettre d'autres. Notamment ceux qui conduiraient à une remise en question du corpus doctrinal qu'on lui a transmis. La loi d'aveuglement spécifique, chère à mon ami Roland Cahen, s'applique tout autant aux groupes qu'aux individus ! C'est une première raison pourquoi les membres d'une école trouvent presque toujours, dans la clinique ce qu'ils s'attendaient à y découvrir !

Il existe sans doute un deuxième biais: il est prévisible que l'effet de transfert conduira le client[3] à se situer selon l'axe de l'école du thérapeute, dans ses énoncés, la manière de les dire, ses réactions corporelles, la façon de les vivre, ses symptômes, les étapes de leur évolution, etc... Cette contribution du patient peut se baser sur différents détecteurs des attentes de son thérapeute : observation auditive ou visuelle de signes verbaux ou non, peut-être même intuition télépathique...

Nous assumons ainsi l'idée selon laquelle les enseignements reçus dans les différentes chapelles, non seulement peuvent comporter - et comportent nécessairement - des sources d'erreur dues a leur inachèvement, mais encore produisent des effets qui leur sont spécifiques et génèrent des incertitudes ou des contradictions. On reconnaîtra dans cette affirmation une profonde analogie avec le principe, mis en lumière au niveau de la physique théorique par Heisenberg, tenu compte du fait que l'OBSERVATEUR n'est pas nécessairement et dans tous les cas un individu : il peut fort bien s'agir, notamment dans les sciences humaines, d'un groupe soudé autour d'une action ou d'une réflexion[4].

Ce lien étroit entre les personnes, explique la valeur des techniques contemporaines d'intervention familiale afin de permettre à un individu schizé de retrouver ou d'acquérir quelque autonomie et une identité propre.

Pour faire court, je parlerai de cette jeune fille qui me fut confiée en 1973 pour état dissociatif et délire à la suite d'une difficulté sentimentale. La tenue de quelques réunions familiales aboutit à l'énoncé du fantasme parental selon lequel, leur mariage avait eu lieu et s'était maintenu, seulement POUR ma patiente.

Ainsi lui avait-on, dès avant sa naissance, inconsciemment mais haineusement reproché d'exister (car elle condamnait par là ses parents au malheur de vivre un couple sans amour, c'est à dire, de perdre leur vie) tout en lui signifiant, un amour sans mesure puisqu'il n'y en a pas de plus grand que de donner sa vie pour celle qu'on aime !...

Cette prise de conscience collective permit une restauration immédiate de la 'malade'.

Les spécialistes de la thérapie familiale qui assistent à ce colloque savent bien qu'il s'agit là d'un cas limite, proche de la caricature, et que, le plus souvent l'écheveau est plus complexe, les résultats moins immédiats et moins faciles...

Nous connaissons de l'approche systémique, surtout ce domaine, déjà rebattu, des thérapies familiales, comme si la psychiatrie et même la médecine n'avaient que faire des autres niveaux d'organisation et des va et vient entre eux ! (H. Laborit 1974).

En fait, les interactions ne se limitent pas à celles qui relient l’être au monde extérieur, elles concernent aussi sa propre intériorité, de sorte que chaque partie de notre organisme dépend de toutes les autres et réciproquement. On pense à l'auriculothérapie de Nogier...

Avec J.L.Bassano, le Dr ElBéze (1979) et plusieurs membres du Groupe de Réflexion sur les Sons (D. Panacci 1982) (G.Rousteau 1982), nous avons pu montrer la vraisemblance d'une somatotopie cochléaire. Cette découverte, qui vient en confirmation de remarques empiriques antérieures (A.Tomatis 1974)(M.L. Aucher 1980) nous poussera, si elle se confirme, à rechercher d'autres somatotopies sensorielles : par exemple au niveau du champ visuel, des qualités olfactives et gustatives...

Ces données, faits ou hypothèses, conduiront à se demander s'il n'existe pas, à côté des somatisations qui parlent le langage de l'association pithiatique entre le symptôme et le symbole, des expressions pathologiques signifiantes de par la structure même de notre organisme. La lésion psychosomatique 'vraie' serait alors signe localisé d'un problème énergétique spécifique de ce lieu, indépendamment de toute signification expériencielle liée à lui.

Si tel était le cas, comme le veulent plusieurs traditions convergentes[5], vénérables de par leur antiquité et l'usage empirique millénaire dont elles ont fait l'objet, nous devrions considérer qu'il y a, outre les multiples représentations cérébrales de notre corps, une ou plusieurs représentations corporelles de notre cerveau et de ses fonctions !

Or on sait que l'action électrique, pharmacologique ou chirurgicale comme la survenue de compressions ou d'exclusions pathologiques peut amener, selon les localisations, des troubles plus ou moins spécifiques et complexes de la sensorialité, de la motricité et des gnosies, mais aussi de l'affectivité et des rapports de force intra psychiques.

Lorsque cette action se fait très fine et précise, elle peut entraîner des bouleversements de l'âme tellement particuliers que nombre de psychanalystes se sont laissés prendre à leur jeu : je me souviens encore du Pr. Tusques accusant devant quelques jeunes psychiatres, son ex-collègue d'Internat Jacques Lacan, de s'être parfois laissé aller à psychanalyser longuement en de telles circonstances !

Cette vision nouvelle permet de saisir clairement l'effet des thérapies de zone[6], de l'acupuncture et de l'homéopathie, etc... sur la psyché sans faire le sempiternel et misérable appel aux effets de la suggestion qui ne peut plus nous satisfaire. En effet, l'action sur l'animal de ces méthodes, la supériorité de leur emploi correct sur un usage approximatif, et l'échec fréquent de la compréhension analytique à leur égard, invite à plus d'examen !

L'effet des doses infinitésimales perd de son caractère mystérieux si l'on prend en compte la possibilité de jouer sur un équilibre global en utilisant une judicieuse motion au bon moment et au bon endroit. Que l'on pense seulement à l'analogie des dominos : on construit des dominos, tels que chacun représente une fois et demi les dimensions de son prédécesseur. On les dispose, appuyés les uns sur les autres du plus grand au plus petit. même si le plus grand a les dimensions d'un gratte ciel, on obtiendra son effondrement par une simple chiquenaude sur le plus petit...

Ce n'est pas l'importance de la disproportion qui peut exclure, un effet du plus petit sur le plus grand (J. Bildet et coll. 1976). Le remède homéopathique est comme le moucheron de la fable : il peut modifier de fond en comble l'équilibre de l'organisme.

Les homéopathes distinguent, comme le font les spécialistes de toutes les 'thérapies profondes', une action sur les symptômes de la véritable cure étiologique qui produirait un résultat définitif. Sans nier toute hiérarchie des signes pathologiques, il sera parfois utile de bémoliser cette opposition, la disparition de tous les signes de maladie ou des plus gênants étant le résultat pragmatique visé le plus souvent par le patient. Une radicalisation de l'objectif peut se faire, parfois, au détriment de la rapidité d'action et ici comme souvent le mieux peut devenir l'ennemi du bien !

Dans le cadre de l'action psychanalytique par exemple, s'il paraît méthodologiquement opportun de se désintéresser des symptômes dans le cours d'une cure individuelle, sous peine d'aboutir à l'échec, il convient d'en revenir à eux pour l'évaluation du procédé.

Il me parait nécessaire ici, de faire un sort a la prétention selon laquelle ne pourrait exister de modification de structure, c'est à dire réelle, en dehors d'une fréquentation assidue du divan. En réalité, admettre que la démarche freudienne est efficace implique une possibilité, éventuellement très rare, pour qu'un heureux concours de circonstances aboutisse au même bouleversement. Par ailleurs, accepter les prémisses évoqués plus haut, entraîne à admettre qu'une action adéquate à un niveau quelconque de l'organisme puisse aboutir à un résultat arbitrairement fixé a priori : en particulier au résultat invoqué pour une analyse réussie.

Ceci étant, je ne voudrais pas laisser croire que j'invoque un melting pot dans lequel tout serait équivalent au reste ! La possibilité de principe que je viens d'énoncer n'est pas nécessairement et dans tous les cas opératoire ! Il est clair, par exemple, que l'acupuncture, même très régulièrement pratiquée et pendant longtemps ne peut avoir les mêmes objectifs que la thérapie verbale. Elle n'en a pratiquement pas les effets.

Alors se pose la question du mode d'action du thérapeute et surtout du mode d'interaction des thérapies et bien entendu des praticiens qui les proposent !

L'un ne peut négliger l'existence du transfert et du contre-transfert, des projections, symbolisations, etc...

L'autre devra inclure dans ses hypothèses, pour essayer de comprendre son client, l'effet de la diététique ou des remèdes sur la nature des rêves ,sur l'équilibre des investissements et contre investissements, sur la survenue des lapsus, etc...

La possibilité d'un ré-arrangement spontané de l'organisme, selon toutes ses dimensions, ne peut non plus être exclu, qui sera éventuellement rendu possible par une technique de relaxation globale profonde ou un mouvement d'unification selon l'axe vertical d'une spiritualité active.

Intérêt thérapeutique de la Thérapie Multifocale dans le cadre conceptuel holistique.

Les réflexions précédentes suffiront peut-être à amorcer une théorisation raisonnable d'un ensemble de faits antagonistes à l'ancien découpage outrancier du réel, je suppose qu'elles n'éclairent pas assez l'usage pratique qui en découle.

La clinique en retire essentiellement deux avantages :

o      l'effort diversifié des patients en vue d'obtenir leur plein épanouissement peut être intégré dans un processus d'ensemble homogène. En effet, nombre de nos clients, qui viennent au grand jour voir leur médecin ou leur analyste, se cachent pour rencontrer la voyante, l'astrologue, le radiesthésiste, le bioénergéticien ou le professeur de yoga.(etc...)

o      l'effort du thérapeute pour s'ouvrir à de nouvelles perspectives et aider son patient sans "zone de dédain" peut alors avoir lieu de manière satisfaisante, sans fausse culpabilité.

Je propose quatre objectifs à l'effort conjugué du patient et de son(ou ses) thérapeute(s) :

1.   Lutter contre les processus de détérioration s'il en est d'actuellement reconnus : par exemple l'usage de produits toxiques légaux ou non (spécialement l'alcool, le cannabis et le tabac trop banalisés ainsi que les tranquillisants ou les laxatifs.

2.   Tenter de restaurer ce qui a été détérioré dans le passé : par exemple en rééduquant une colonne vertébrale scoliotique par un moyen approprié (Méthode de Mlle Mézières, Hatha Yoga, Eutonie).

3.   Promouvoir le développement des fonctions saines et dynamiques de l'organisme : par exemple en cultivant la créativité artistique ou intellectuelle, en favorisant la participation à un sport attractif, l'apprentissage lorsqu'il fait défaut de la natation, de la conduite automobile, de l'anglais, de l'informatique, etc...

4.   A tous les moments, l'objectif principal sera de permettre la résolution des conflits de toute nature se manifestant dans la personnalité.

Les trois premiers objectifs peuvent être visés par des approches diversifiées, impliquant plusieurs techniques et plusieurs thérapeutes pour un seul client.

La résolution des conflits ou leur éclairage, peuvent bénéficier de la confrontation régulière avec un personnage référence comme dans la psychanalyse, ou avec un groupe référence comme dans la psychothérapie institutionnelle.

Il a pu vous paraître paradoxal, voire choquant, d'employer tour à tour les termes assez opposés de "multifocal" et de "holistique"; il s'agit de tenir fermement à la fois que l'organisme est UN, de telle sorte que toute action sur lui le touche en sa totalité, mais que cette unité n'exclue pas une grande variété possible de points de vue, de façons de l'aborder. Ces différents modes d'action pouvant bien entendu se montrer additifs, redondants ou même soustractifs, s'ils ne se conjuguent pas de manière synergique comme nous cherchons à l'obtenir. On voit ici de vastes possibilités de recherches aussi complexes que prometteuses...

Pour tenter de répondre aux différents objectifs annoncés, il me parait opportun:

1)   dans un premier temps d'écouter ce que le client veut dire de lui même lorsqu'il fait sa demande.

2)   ensuite, de l'éclairer, au moins grossièrement sur nos propres perspectives (formulées ci-dessus) afin de vérifier s'il existe un bon consensus à cet égard.

3)   d'établir avec lui les moyens qui seront utilisés, soit en raison de leur adéquation manifeste à ses besoins, soit parce qu'ils sont accessibles (géographiquement, financièrement...), soit à cause de son attirance particulière pour eux, ou pour toute autre motif, intuitif dans bien des cas. A cette étape, les tests peuvent, éventuellement, donner un éclairage complémentaire : par exemple, en apportant un troisième point de vue (distinct de celui du thérapeute ou du client) et aussi, en suggérant des actions à entreprendre, qui augmenteront le catalogue de celles qu'on aurait envisagé spontanément.

4)   ultérieurement, le point sera fait de manière plutôt systématique, au sujet de l'application assidue et régulière de ce qui avait été décidé. 'Ce qui avait été décidé' a pris force d'analyseur au décours des séances d'investigation et de choix : c'est dire que la négligence dans l'application, les différents avatars qu'elle peut revêtir seront objet d'interprétation, au même titre que le seraient les manquements aux séances de divan, les passages à l'acte à l'intérieur ou à l'extérieur du cabinet de l'analyste.

5)   le thérapeute chargé de s'intéresser aux aspects conflictuels de la personnalité devrait être celui qui assure ce suivi et permet d'analyser les résistances variées qui interfèrent inévitablement dans son application comme je viens de le signaler.

 Lors des séances inaugurales, quand le client reçoit des informations sur les caractéristiques propres à la thérapie multifocale, il peut ressentir la satisfaction d'une approche largement compréhensive mais parfois la frustration d'avoir à envisager des lieux multiples de travail sur soi : certains abandonniques peuvent éprouver cela comme un rejet. Une explicitation verbale suffisante permettra le plus souvent d'écarter ce malentendu.

Conclusion

Ayant constaté que, face à la prolifération des possibilités, nos clients s'adressent à toutes sortes de techniques destinées à les modifier, que la plupart d'entre nous admettent de facto l'intérêt ou même la nécessité d'actions multiples, j'ai tenté de dégager ce qui pourrait fonder, théoriquement la légitimité de telles attitudes et ce qui permettrait d'en rechercher une coordination scientifiquement basée. Ceci m'a entraîné dans des chemins périlleux, aux yeux de certains, quoique difficiles à éviter si l'on veut rester cohérent. Ne sommes-nous pas devant l'alternative de ressembler à la famille Fenouillard, toute préoccupée de ne pas bouger et de préserver son petit fromage ou au cousin Cosinus, savant fou certes, mais désireux de s'aventurer, au moins une fois, hors des murs de Paris[7]. Bonheur qu'il n'a pu atteindre et que je nous souhaite...

BIBLIOGRAPHIE

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  2. Atlan H. - Entre le Cristal et la Fumée, Ed. du Seuil (1979)
  3. Aucher M.L. - L'homme sonore Epi Ed. (1980)
  4. Baudoin C. - "De l'Instinct à l'Esprit", DDB Etudes Carmélitaines 1950.
  5. Bildet J. et coll. - Etude au microscope électronique de l'action de dilutions de PHOSPHORUS 15CH sur l'hépatite toxique du rat XV° Assises scientifiques homéopathiques de Dijon - Avril 1976
  6. publié in Annales homéopathiques françaises N°2 p. 209 (Avril 1977).
  7. Blanché R. - "l'Epistémologie" Que Sais Je 1972 2° Ed. p.72
  8. Borland C. and Landrith G. - "Improved quality of city life through the T.M. program: decreased crime rate" in Scientific Research on the T.M. program, Collected Papers, Vol.1 Meru Press 1976
  9. Cornu J.P. - "Nayashu, le chaman jivaro" in Calypsolog Sept 84 N°28 p.4- 6
  10. Dessaux C. - "Eclectisme et autisme infantile : pour un étayage polythéorique des soins", Synapse, Janvier 2001, 172 - 37-40.
  11. El Béze A. - Approche de l'Audio-Psycho-Phonologie par le test d'écoute, Thèse de Médecine, Toulouse 1979 N°447
  12. d'Espagnat B. - A la Recherche du Réel Gauthier-Villars Ed. (1979)
  13. Laborit H. - La nouvelle grille pour décoder le message humain. R.Laffont Ed. (1974).
  14. Marcelli D. - Psychopathologie de l'enfant, Masson, 1982.
  15. Pannacci D. - Eléments d'explication de l'organisation métamérique du corps humain Mémoire de Psycho-Pathologie Toulouse (1982)
  16. Rousteau G. - La Psychophonie, Thèse Médecine Nantes (1982)
  17. Tomatis A.A. - Considérations sur le test d'écoute SAPP Ed., Amiens 1974
  18. Von Bertalanffy L. - Théorie Générale des Systèmes Dunod Ed.(1968-1973)
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3 Juillet 2003