L'objet freudien est le sujet,
en cela, il est très paradoxal

Du Cognitivisme à la Psychanalyse

Dr Bernard Auriol

 

 

Freud premier cognitiviste ?

 

Freud, neurologue de formation, aurait aimé comprendre le fonctionnement du système nerveux en termes de physiologie ; il s'est tourné vers la psychanalyse parce qu'il n'avait pas les moyens techniques d'explorer scientifiquement le champ des névroses et en est venu à élaborer des concepts comme l'inconscient, le refoulement, l'abréaction.

Il est certain que Freud a toujours été un matérialiste. Sa théorie de l'appareil psychique, exprimée en un système à plusieurs modèles (topique, dynamique, économique), est en relation étroite avec la science de son époque et à maints égards se révèle prémonitoire des théories scientifiques les plus modernes.

Néanmoins, après l'abandon de son Projet d'une psychologie scientifique , Freud a renoncé à assigner un site anatomique aux instances psychiques, qu'elles appartiennent à la première ou à la seconde topique. Il est indubitable que la psychanalyse a engendré un mode de pensée qui a encouragé à pratiquer l'impasse sur le cerveau.

les sciences cognitives peuvent-elles se passer de considérer les phénomènes affectifs ?

S'il n'est pas question de nier l'importance, dans la cognition, des facteurs affectifs d'une part, sociaux, historiques et culturels de l'autre, il est possible et même nécessaire, en première analyse, de les négliger, quitte à les réintroduire dans une étape ultérieure.

La non-conscience des processus neuro-cognitifs

(tout à fait nécessaire pour en concevoir le mécanisme) n'est pas l'inconscient de la psychanalyse
Comme il ne s'agit nullement de restreindre la cognition à la cogitation délibérée (laquelle n'est d'ailleurs que le résultat de processus internes d'une nature sans doute toute différente), il est crucial de ne pas  attribuer aux représentations et processus en question un caractère conscient : c'est (entre autres) le comportement conscient et la vie mentale d'un individu humain qu'il faut expliquer, et le recours aux délibérations d'un homunculus  à l'image de l'homme même ouvre évidemment la porte à une régression infinie. (il est remarquable que le même raisonnement s'applique à l'inconscient de la psychanalyse qui ne doit pas être conçu comme un malin génie qui se jouerait, tel un marionnettiste, des phénomènes conscients).


 

1. auto-organisation

Dans le domaine biologique et plus particulièrement s'agissant du système nerveux central, les processus d'auto-organisation sont, par définition, ceux qui n'obéissent

Ces processus d'auto-organisation découlent des propriétés intrinsèques du système :

  1. l'ouverture,
  2. la complexité,
  3. la redondance,
  4. la fiabilité,
  5. la compétence.
  1. l'ouverture,
  2. la complexité,
  3. la redondance,

dans le cas du système nerveux central, la redondance se traduit par le fait que de nombreux éléments identiques quant à la structure et à la fonction sont interconnectés entre eux et ne sont pas tous localisés en un même lieu. Ces propriétés lui permettront, dans le cas où surviennent des perturbations aléatoires, de " rattraper l'inévitable et transitoire désorganisation ", voire même de créer du nouveau par accroissement de complexité ; c'est-à-dire par diminution de la redondance et augmentation des spécifications neuroniques.

  1. la fiabilité
  2. la compétence

2. stabilisation des synapses

La stabilisation des synapses, véritable substratum biologique de l'apprentissage et de la mémoire, va se poursuivre tout au long de la croissance et de la maturation du cerveau ; chez l'être humain elle ne s'arrête guère avant quinze, voire vingt ans.

Certaines expériences de privation sensorielle, notamment visuelle, chez l'animal nouveau-né (chaton) démontrent le bien-fondé de cette hypothèse : en l'absence d'un apport sensoriel à un moment significatif, il y a dégénérescence des synapses destinées à transmettre les stimuli. En effet, ces périodes de stabilisation sélective des synapses correspondent probablement à des stades " sensibles ".

Tel ou tel stade sensible est repérable chez l'être en formation par le fait qu'il constitue une phase de vulnérabilité en inadéquation avec l'environnement.

Parmi ces inadéquations, il en est sans doute qui sont d'ordre biochimique : intoxications durant la grossesse ou après la naissance, carence en protéines amenant une sévère atteinte cérébrale.

Il en est certainement aussi d'ordre psychologique : absence d'une personne investie du rôle de mère (hospitalisme de Spitz), carence affective de Bowlby. Il est donc très vraisemblable que certaines évolutions cérébrales défavorables soient en relation avec un raté de l'épigenèse.

En dehors d'inadéquations massives de l'environnement psychosocial, il est parfois difficile de détecter les effets pathogènes de cet ordre, car l'action du milieu sur le cerveau dépend dès le départ de ses caractéristiques fonctionnelles, en d'autres termes de l'" équipement de base " dont chacun dispose à la naissance. Or, dans ce domaine, on observe une grande variabilité interindividuelle dans l'espèce humaine. C'est dire que seules des études longitudinales, poursuivies pendant longtemps, pourraient apporter la preuve formelle des effets néfastes d'un certain environnement sur le développement psychique en fonction des caractéristiques neurobiologiques observées à la naissance.

3. Création inconsciente et cerveau humain

Le cerveau humain, du fait de son extraordinaire richesse, est le seul cerveau de la série animale capable de concilier la répétition et le changement.

La répétition des instructions génétiques et épigénétiques lui permet d'assurer sa stabilité et sa survie.

Au contraire, la liberté qu'il prend vis-à-vis de ses schèmes cognitifs est à la base même du progrès de son savoir et de son pouvoir. Il est l'agent le plus puissant de sa propre évolution.

Une grande partie de ce travail créatif se passe sans doute en dehors de la sphère du conscient. Le mécanisme qui nous permet d'utiliser les pulsions les plus archaïques à des fins socialisées est appelé sublimation l'énergie de l'instinct est conservée, le but est modifié, canalisé par l'axiologie du groupe.
 

C'est dire que le vieux débat cerveau-esprit est sans doute dépassé, et que ce qui fait problème c'est la façon dont sont transmises, stockées, codées et décodées les informations, et surtout comment ce travail incessant et complexe, qui est d'ordre physico-chimique, aboutit à l'affichage à la conscience, c'est-à-dire à l'apparition du dernier niveau d'organisation, le plus complexe ; mais peut-être le moins important, dans la mesure où il ne représente que la pointe de l'iceberg.
 

Le débat entre Psychanalyse et Neurosciences

(sur quelques points)

Le rêve

La théorie freudienne du rêve fait état d'une censure qui rendrait compte de son fréquent oubli et des transformations qu'il subit entre le moment de sa production et celui de son récit.

Toute activité résulte, bien sûr, d'un désir ; le rêve également ! Mais dans l'activité du rêve sont supprimés les obstacles externes du réel ; restent seulement les obstacles internes, faits des contradictions psychiques, entre désirs et surtout entre désirs explicitables (conscients) et désirs inhibés quant à leur explicitation (inconscients) !

La neurophysiologie apporte une moisson de faits dont l'intention et la revendication est de contrer et dépasser les explications psychanalytiques. En fait, plusieurs des constatations du laboratoire vont au moulin de Freud - sauf à faire preuve de mauvaise foi :

Pour Michel Simon et coll. La théorie freudienne est trop préoccupée d'énergie et serait basée sur une conception erronée du neurone en tant qu'il aurait à décharger ou stocker l'énergie... En fait cette conception est parfaitement moderne : le neurone stocke en dessous d'un seuil et décharge dans la synapse au dessus de ce seuil. Les théories de l'information et de l'énergie sont d'ailleurs formellement équivalentes (cf. Atlan quant à la fonction d'information et celle d'entropie).

Freud connaissait la source endogène du rêve (le désir) et " n'en cherchait pas le moteur dans le monde extérieur ! ". Il ne connaissait peut-être pas le rôle inhibiteur des neurones mais il invente la " censure " et le " refoulement " !

Hobson (cité par Michel Simon) ne dit rien de choquant pour le psychanalyste, qu'il appartienne à l'I.P.A. (comme Bourguignon) ou non (comme moi) :

De la perception au rêve et retour !

La perception nous permet de préciser le débat entre objectivisme et subjectivisme : on a longtemps considéré que les organes des sens étaient comme des ouvertures - plus ou moins grandes - vers le monde extérieur ; autrement dit, l'Sil était une caméra, l'oreille un micro, etc.

Dans cette conception, la perception de deux individus supposés situés de la même façon dans un même lieu, est identique. Si je prends votre place et que je dirige mes yeux selon le même axe que vous, j'obtiens la même expérience que vous.

La recherche contemporaine disqualifie très largement cet énoncé ! Il semble bien qu'à un niveau extrêmement basique le même événement physique puisse donner des sensations différentes, voire très divergentes ; ceci pour la vue, mais aussi pour le goût et de manière extrême pour l'ouïe. Bien sûr et depuis longtemps on admet que la perception comporte déjà une interprétation dans laquelle le langage a sa part. Nous savons plus : la sensation elle même est un processus actif : l'oreille, par exemple, va chercher parmi les vibrations présentes celles qui peuvent intéresser le sujet !

de la folie qui hallucine

C'est avec beaucoup de raisons que Bourguignon peut écrire que les excitations extérieures elles-mêmes doivent être considérées du point de vue de leur signification pour le sujet et pas seulement en tant qu'agents physico-chimiques ! Ceci dans le contexte du rêve, mais plus généralement dans tous les contextes perceptifs. L'hallucination est une exagération de ce phénomène.

à la folie qui tue

Une exagération inverse pourrait être prise en considération, l'attitude caricaturalement objective des personnes impliquées dans la " pensée opératoire " qui n'est plus adaptée qu'en apparence puisqu'elle conduit plus rapidement à la mort que bien des délires. Je parle bien sûr ici de la psychosomatique selon la conception de l'école de Paris pour laquelle la somatisation est liée à une carence de fantasmatisation.

La verbalisation est dans ce cas singulière, eu égard à celle des névrosés ; elle prend la forme d'une " pensée opératoire " liée à l'action et au présent. Cette opposition entre le névrosé et le sujet porteur d'une maladie qualifiée de psychosomatique se trouve renforcée par le concept d'alexithymie ou difficulté à décrire ses états affectifs.

Les lapsus

On en trouvera maints exemples étudiés dans l'ouvrage de Freud sur la Psychopathologie de la vie quotidienne. Les cognitivistes et connexionistes ont pu montrer que certains lapsus étaient de nature "mécanique", neurophysiologiquement parlant et ne requéraient pas l'intervention de facteurs psychodynamiques particuliers. Il n'en reste p   as moins que l'analyse freudienne rend compte de tous les autres cas avec une rare pertinence !

La libido

Les aspects énergétiques sont ceux qui demandent encore beaucoup d'investigations, tant du côté des psychanalystes et de leurs dissidents dont les écoles opposent leurs conceptions (freudiens, jungiens, reichiens, etc.) que des cognitivistes dont les hypothèses en ce qui regarde l'affect et les quantités d'énergie qui lui sont liées sont extrêment pauvres, sinon inexistantes...

L'inconscient

des neurosciences

L'unité fonctionnelle du système nerveux invite à penser la coextension du soi et du corps, la présence de l'impersonnel au sein de la personnalité, l'immixtion du réflexe, de l'automatique et de l'involontaire au sein même de l'identité personnelle. Cela met fin à l'équation égalant le psychique au conscient. Il faut faire son deuil du modèle anthropologique qui définissait le sujet par son unité, sa souveraineté et la transparence à soi !

Tel sujet pris dans le tissu inextricable de pulsions sexuelles séparées et contradictoires par rapport à sa vie de couple, par ailleurs très heureuse, se libère de ses comportements aux effets destructeurs quand l'analyste lui suggère qu'il ne s'agit pas pour lui de continuer un combat perdu d'avance contre les pulsions qui l'habitent mais de s'accepter tel qu'il est et de poursuivre sa réalisation comme sujet !

Pour Michel Simon, " les états inconscients sont marqués par une intense activité du système limbique et des zones sous corticales avec silence des zones corticales et l'état conscient se caractérise par l'activité des zones corticales ". Cette façon de s'exprimer réduit l'inconscient au non-conscient ou même à l'émotion, l'affectivité, l'animalité, etc. C'est annihiler la spécificité de l'apport freudien qui place une nette division entre deux formes du non-conscient :

L'inconscient est une construction théorique. On suppose que l'action de cet inconscient accompagne sans cesse la vie du sujet ; que ce dernier veille ou qu'il dorme, que l'on considère sa pensée, son action ou son fonctionnement physiologique.

L'ensemble Conscient (Cs) peut-il se contenir lui-même ?

Il n'est pas besoin d'être grand expert en mathématiques pour exclure cette possibilité ! On ne trouve pourtant rien à redire à la possibilité pour notre connaissance de rendre compte, non seulement de ce qui la conditionne, la favorise, l'accompagne ou la séduit mais aussi d'elle-même !

Autrement dit, la Conscience pourrait grâce à une partie des outils dont elle se sert et qui peut-être la constitueraient (par exemple les mots ou même les concepts) avoir une connaissance d'elle-même comme d'un objet (de science) ; il s'agirait d'un objet de science découpable (et par là désignable comme un ensemble de sous objets).

Mais cette conscience étudiée est précisément, aussi bien, celle qui étudie. Son étude consiste comme toute étude à abstraire, à repérer des régularités, finalement à se réduire elle-même à ce qui apparaît de l'autre : nous ne pouvons connaître de nous même que le reflet que nous livre autrui... Lequel nous ne connaissons que par extrapolation de notre éprouvé !

Toute science s'accompagne de conscience comme condition implicite : connaître suppose pour le sujet une nouveauté par rapport à son état précédent, c'est à dire d'être transformé par son objet. La science du sujet humain ne peut s'adresser à soi, car la relation d'un être avec lui-même n'a de sens que si intervient un deuxième terme : nous ne connaissons de nous-mêmes que des reflets, eux-mêmes produits par des relations (dont on remarque surtout la première appelée maternelle).

Le Moi est par nature du registre de l'imaginaire.

La connaissance de soi offerte par la psychanalyse est constituée de l'acceptation d'un manque, celle que proposent les neurosciences se réduit à une description de mécanismes, imaginarisation de l'être qui réduirait un jumeau à son jumeau, un clone à son origine, et permettrait de concevoir la construction d'un artefact humain : à savoir que la combinaison appropriée de particules, de cellules et d'organes produirait un sujet arbitrairement identique à l'un quelconque des êtres humains existant (avec de bizarres conséquences théologiques ! fabrication de clones de saints, de prophètes voire du Christ lui-même ! ).
 

Le sujet de l'inconscient

L'être humain ne peut se réduire à un moi notamment limité à sa partie consciente. L'admission de l'inconscient comme partie intégrante de l'être humain conduit à l'idée d'un sujet de l'inconscient (ou d'un sujet de l'ensemble constitué par le conscient et l'inconscient !).

un être divisé

L'inconscient repose sur une division permanente, active, liée au refoulement et à l'existence de la fonction signifiante et plus spécifiquement du langage. Reste le débat de savoir si le langage est la condition de l'inconscient (Lacan, Leclaire) ou l'inverse (Pontalis) ! Quoiqu'il en soit, l'inconscient est étroitement lié à ce qui fait le propre de l'homme : le Symbolique (dont les expressions sont celles de la culture : langage, culte, art, comique, etc.). Ainsi peut-on faire appel à une troisième topique : Symbolique, Imaginaire et Réel, dont les trois éléments sont représentés par les anneaux de St Charles Borromée !

Un tel sujet s'inscrit dans la fente qui sépare le savoir (conscientisable) et la vérité que manifeste le symptôme ou l'interprétation : fonction gnoséologique du sujet.

" Ce dont la psychanalyse s'efforce de promouvoir non tant l'expression que la révélation, c'est cette vérité contradictoire qui habite le sujet, qu'il " n'est pas sans savoir ", comme l'écrit Freud, et que pourtant il ne " connaît " pas ; parce que le propre de cette vérité est d'interpréter avec les connaissances acquises, de manière à exiger l'héroïsme chez qui assumerait vraiment le trouble qu'elle engendre. " (Universalis, article Vérité)

Le Surmoi

" Le moi se scinde devant la menace de castration si bien que s'institue une hésitation sur le fait de savoir si le sujet dit la vérité : le dit du sujet n'est pas le vrai mais le symptôme du rapport de son désir au réel "

Le sujet ne ment pas, il dit même la vérité mais il ne sait pas la vérité qu'il dit et il faut le détour de l'analyse " pour constituer le sujet comme tenant lieu de sa vérité "

Le sujet est une pseudo-unité mais cette unité est nécessaire. Le sujet est le point de référence de sa propre déchirure : il ne naît pas d'une unité préalable, il émerge de cette déchirure. Il ne se constitue que par l'Autre, répondant dans le symbolique, émergent de ce point ou se noue le rapport à l'interdit et au désir le sujet est pris dans la nostalgie de son unité perdue avant d'avoir été réalisée, de la le mouvement qui le constitue (fonction éthique).

L'amnésie Infantile

Freud a insisté sur l'amnésie infantile, la perte de la plupart des souvenirs qui subissent un refoulement. Cela rend difficile l accès aux souvenirs touchant la période de 0 à 3 ou 4 ans. David Rubin[1] a effectué une méta-analyse de dix études portant sur les souvenirs d'enfance avant l'age de onze ans. Seulement 1 % des souvenirs conservés est antérieur à l'âge de 3 ans et seulement 6 pour 10000 sont antérieurs à l'âge de un an !

 

La guérison

Freud pionnier de la psychopharmacologie

Remarquons tout d'abord qu'on ne peut faire à Freud, lui même spécialiste de la neurophysiologie de la cocaïne (et son usager), le grief d'ignorer l'action des substances chimiques sur le cerveau et l'appareil psychique. Il espère explicitement qu'on en viendra à employer des substances à découvrir pour traiter certains cas qu'il juge hors de portée de la psychanalyse.

Les drogues

Les biologistes ont fait remarquer avec juste raison que la psychothérapie des états psychiatriques graves (spécialement psychotiques) n'est en question ou n'obtient du succès que depuis la découvert des neuroleptiques, des antidépresseurs, du lithium, etc.

Ceci est exact : ces substances qui jusqu'à ce jour ont une action fort peu spécifique permettent pourtant en inhibant ou stimulant certaines transmissions synaptiques d'atténuer l'expression de certaines psychoses. En modulant certaines quantités d'énergie pulsionnelle, elles permettent aux conflits psychiques exacerbés de s'atténuer.

Le psychanalyste et la prescription

Le psychanalyste - sauf exception motivée - obéit à une loi d'abstinence qui le met dans une position de témoin bienveillant se privant de manipuler son patient, d'agir sur son environnement, de lui prescrire quoique ce soit. Les exceptions devraient chaque fois faire l'objet d'un sévère examen. Ce qui ne signifie pas que le patient devrait entièrement supposer la charge de son angoisse, subir la pression de tous ses symptômes tant que son analyse ne lui a pas permis de les abandonner. Il est légitime et parfois inévitable qu'il s'appuie sur des médicaments ou d'autres procédures de soulagement ; il est toutefois préférable que son analyste n'en soit pas le prescripteur ! Sans cela, la résistance transférentielle à la guérison pourrait utiliser ces prescriptions et en rendre l'interprétation impossible !

Therapies institutionnelles, systemiques, familiales

En cela ces thérapies ne sont pas tellement différentes des modifications survenant (sans intervention intentionnelle) dans l'environnement (le milieu naturel du patient), elles sont bien évidemment plus faciles à obtenir qu'une évolution "naturelle" (favorable) de cet environnement ! On rencontre dans leur mise en oeuvre de graves obstacles liés à leur nature : si le sujet malade est, par sa maladie, le symptôme du groupe, ce dernier n'en souffre que modérément ou pas du tout. Il limitera, de ce fait, sa participation ou l'intensité de celle-ci à une thérapie qui le bousculerait sans lui apporter de bénéfice propre !

 

Traitement de la cause ou des symptômes ?

On oppose fréquemment deux sortes de psychiatres : organo-généticiens et psycho-généticiens ! Ce débat n'a peut-être pas beaucoup de sens ; quoiqu'on en pense, la causalité et l'action à mener ne constituent pas une relation d'équivalence ! Pour faire bref, quelle que soit la cause d'une fracture, une psychothérapie et/ou un environnement favorable pourront permettre la constitution plus rapide du cal, c'est à dire la " guérison " !

Le Langage

il y a plusieurs niveaux de représentation au sein du langage (Chomsky)

L'un des principaux et des premiers acquis des sciences cognitives est d'avoir distingué et articulé différents niveaux de représentation au sein du langage, chaque niveau nécessitant une analyse particulière, et leur articulation effective, dans la production et la compréhension du langage (parlé ou écrit), nécessitant une théorie supplémentaire.

Fodor a formalisé ces niveaux de représentation du langage :

Pourtant, toutes les créations de l'esprit humain n'exigent pas, tout au moins à leur phase initiale, le recours au langage, comme en témoigne Jacques Hadamard dans son Essai sur la psychologie de l'invention dans le domaine mathématique  (1975). Et à ce propos, il cite une lettre d'Einstein, où celui-ci précise : " Les mots et le langage écrits ou parlés ne semblent pas jouer le moindre rôle dans le mécanisme de ma pensée. " D'ailleurs n'avait-il pas déclaré, bien des années auparavant : " Je pense très rarement en mots. Une pensée vient, et je peux essayer de l'exprimer en mots après coup . "

Quoi qu'il en soit du rôle respectif

·        du langage,

·        du désir,

·        de l'émotion

·        et de l'" intuition pure ",

·        de la conscience réflexive

·        ou de l'inconscient

dans la genèse des plus nobles productions de la pensée humaine, il faut reconnaître que le langage représente un système de traitement de l'information extraordinairement économique, sans lequel les progrès cognitifs et d'une façon générale les progrès intellectuels de l'homme auraient été obligatoirement limités, alors qu'avec lui les limites de la pensée humaine ont été reculées quasi à l'infini. Par les mots et les concepts, la pensée de l'homme a pu atteindre la généralisation et l'abstraction, s'affranchissant ainsi des données foisonnantes et contingentes de la perception. Mais il ne faut pas oublier non plus ce que Freud nous a appris dans sa Psychopathologie de la vie quotidienne  : le langage est aussi un moyen qu'utilisent parfois les désirs et les pensées inconscients pour s'exprimer.
 

Le sujet humain comme " parlêtre "

...

Frères ennemis ou Janus Bifrons ?

Les neurosciences (le regard sur l'autre)

(lier processus physico-chimiques, neurophysiologiques et psychologiques après les avoir dissociés) et

(expliquer ces processus les uns par les autres selon une idée translative  on rend compte de l'un par l'autre, on établit l'équivalence entre deux séries d'événements appartenant. respectivement à l'un et à l'autre)

les neurosciences sont de type objectivant : il s'agit, en fait, d'expliquer le sujet comme s'il n'en était pas un...

La psychanalyse (l'écoute de l'autre)

dans une tentative qui est d'ordre métascientifique quoique non métaphysique, la psychanalyse vise à permettre au sujet de s'explorer en tant que tel. Le logos qui tente d'en rendre compte est relativement systématique mais sa falsifiabilité laisse à désirer : de là l'existence d'écoles dont les profondes divergences ne semblent pas en voie de se réduire par la confrontation de chacun des praticiens avec la pratique. Cependant, chacun d'entre eux témoigne de sa propre expérience et de celle des analysants qui s'adressent à lui ; ce témoignage, y compris dans les divergences d'interprétation qu'il met en relief, nous assure cependant de l'existence du refoulement, de l'inconscient et de la compulsion de répétition.
 
 


Le problème d'une "machine pensante", d'une "conscience émergeant d'un ordinateur" appartient à la science fiction mais pas seulement ! Les visées positivistes de Freud, la référence computationnelle des cognitivistes mènent tout droit à cette question.

Certains auteurs y croient, d'autres comme Joseph Rychlak (1991) s'en écartent en rejetant le "lockisme" au profit d'un "kantisme" mâtiné d'Aristotélisme et de Thomisme ! Ils s'appuient notamment sur l'argument de Tulving (1983) qui prend appui sur la mémoire épisodique, qui retrouve sans s'y référer la pensée de Bergson dans toute son oeuvre.

Références

  1. Bergson Henri, Oeuvres complètes (!)
  2. http://www.macrovu.com/CCT6/CCTmap6cons.html
  3. Rychlak, Joseph. 1991. Artificial Intelligence and Human Reason. New York: Columbia University Press.
  4. Tulving, Endel. 1983. Elements of Episodic Memory. New York: Oxford University Press.

 

comm


à propos de "Du cognitivisme à la psychanalyse"
par Mathieu Valette

Je viens de lire avec un certain intérêt votre article " Du cognitivisme à la psychanalyse " .

En ma modeste qualité de doctorant en Sciences du Langage, je m'intéresse beaucoup à la fois à la psychanalyse et aux sciences cognitives, parce que dans les deux cas, le langage y joue un rôle privilégié.

C'est en raison de cet intérêt que je me permets de vous faire quelques remarques sur les sources linguistiques que vous exploitez. En effet, alors qu'originellement votre propos s'inscrit dans la perspective des sciences dites de la complexité et de l'auto-organisation, ce qui a priori le situe dans une problématique connexionniste (ou " subsymbolique "), vous ne faites mention, notamment en ce qui concerne le langage, que du courant des sciences cognitives que l'on qualifie de classique, c'est-à-dire le cognitivisme orthodoxe qu'incarnent Fodor et Chomsky. Or, il s'avère que ces deux courants des sciences de la cognition, sont foncièrement distincts, se fondant tous deux sur un ensemble de postulats totalement antithétiques :

·         pour faire (trop) rapide, l'ontologie est computationnelle chez les cognitivistes (la cognition est un calcul ; le cerveau un ordinateur)

·         et neuronale chez les connexionnistes (la cognition est une propriété émergente ; l'ordinateur doit s'inspirer du cerveau). Je renvoie à l'abondante littérature qui a été commise sur le sujet (Andler, Dupuy, Varela, etc.).

D'une manière générale, j'ai le sentiment que les travaux visant à confronter la psychanalyse et les sciences cognitives sont largement orientés vers le connexionnisme, et d'une manière générale, vers ce que l'on appelle la " seconde cybernétique " (incarnée par Atlan, Petitot, Varela, etc.). Je pense par exemple à l'ouvrage collectif d'André Cuvilier (1992) Psychisme et intelligence artificielle, et au recueil d'articles de Benoît Virole (1994) Sciences cognitives et psychanalyse, tous deux publiés aux P. U. de Nancy.

C'est également le cas des travaux d'André Bourguignon.. Je regrette d'ailleurs le mépris qu'il porte aux théories de Lacan, ce qui est fort regrettable de la part du co-éditeur des Ouvres complètes de Freud en langue française. Il lui reproche sa " dérive philosophico-littéraire " (L'homme fou, p. 16) et même lorsqu'il réfléchit sur le langage, il ne fait nulle mention de son ouvre.

Pour la problématique langage / psychanalyse, consulter :


- Les psychanalystes linguistes tels que Julia Kristeva, Laurent Danon-Boileau et surtout Jean-Claude Milner => remarquable article de l'Encyclopédie Universalis " Linguistique et Psychanalyse ".

- Michel Arrivé (Langage et psychanalyse, linguistique et inconscient, Paris, P.U.F., 1994). Linguiste uniquement, il consacre ses travaux à l'étude théorétique de Freud et de Lacan à partir de leurs sources linguistiques : Carl Abel et Hans Sperber pour l'un, Saussure (Ferdinand, non pas Raymond son fils), Benveniste, Jakobson, Damourette, Pichon (lui-même linguiste et psychanalyste), etc. pour l'autre.



Mathieu Valett

Les Sciences Cognitives et la Psychanalyse, Séminaire de maîtrise et de doctorat, Institut Catholique de Toulouse, 5-7 Janvier 1998; publié dans "Chronique N°4, 1998", Faculté de Philosophie, pp. 113-121.

En quoi la Psychanalyse et les Sciences Cognitives sont-elles appelées à converger ? Ou bien doivent-elles résolument s'opposer ?

In what are the Psychoanalysis and the Cognitive Sciences called to converge? Either should they determinedly oppose?

 

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28 Juin 2006