L’enquête auprès des entreprises

De notre enquête auprès des entreprises, il se dégage 2 types de situation :

1)  des entreprises ayant embauché en toute connaissance des travailleurs handicapés par la maladie psychique,

2)  des entreprises confrontées à la question du maintien dans l’emploi de salariés devenant handicapés en raison d’une maladie psychique.

 

 

2.1 - L’accès à l’emploi des travailleurs handicapés par la maladie

        psychique : un choix de l’entreprise sous conditions

 

Dans 4 établissements, les responsables des ressources humaines ont fait le choix d’embaucher des travailleurs handicapés par la maladie psychologique. Qu’il s’agisse des entreprises de nettoyage, de la fonderie ou de l’établissement hospitalier public, entreprises de taille et de secteur d’activité différents, l’on observe qu’à chaque fois, cette décision a été prise suite à un processus de recrutement répondant à un certain nombre de conditions.

 

 

a) La réponse à un besoin de l’entreprise.

 

Chacune des entreprises concernées était en phase de recrutement et avait besoin de salariés pour des postes précis, clairement identifiés, impliquant une mobilisation immédiate de compétences professionnelles

 

 

b) L’intervention systématique d’une structure spécialisée dans

    l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés.

 

Aucune des embauches n’a été effectuée sans qu’intervienne une structure agissant dans le champ de l’insertion des travailleurs handicapés (ANPE, Cap Emploi Handipro 31, Travail Différent, le CRIC…).

Soit l’entreprise a fait directement appel à cette structure pour recruter les salariés dont elle avait besoin et lui a communiqué les offres d’emploi correspondantes ; dans ce cas, il s’agit d’une démarche volontaire visant l’embauche de personnes handicapées, sans pour autant cibler la nature du handicap.

Soit elle a répondu favorablement à la sollicitation d’une structure d’insertion qui lui a proposée, et l’a convaincue, d’étudier des candidatures de personnes handicapées.

 

c) La capacité des personnes handicapées à occuper le poste et

    l’identification des adaptations nécessaires

 

Dans chacune des entreprises, une collaboration avec la structure d’insertion s’est poursuivie afin de rechercher la meilleure adéquation possible entre la personne handicapée et les besoins de l’entreprise. Il s’agissait :

-           d’une part, de trouver un équilibre entre :

.   le projet de la personne handicapée, ses compétences professionnelles, les conséquences de la maladie psychologique sur ses capacités de travail physiques et psychologiques, son degré d’autonomie, ses capacités relationnelles ;

.   et les exigences liées à la nature du travail du poste à pourvoir et à ses conditions de réalisation ;

-   d’autre part, d’étudier les aménagements de poste à réaliser pour favoriser son accès à l’emploi et renforcer son intégration dans le service ou l’établissement : aménagement des horaires ? modification du contenu du travail ? contact avec la clientèle ou pas ? travail isolé ou en équipe ? aménagement physique du poste et de son environnement ?

 

Dans les diverses situations évoquées par les employeurs, aucun aménagement spécifique n’a été mis en place, quelle que soit la nature du poste. Dans une situation, le travail a été organisé pour éviter que le travailleur handicapé soit en lien direct avec la clientèle et donc soumis à d’éventuelles pressions ; mais cela ne constituait pas, en tant que tel, une disposition particulière et avait peu de conséquences sur l’organisation du travail en vigueur.

 

Cet absence d’aménagement particulier dans les différentes situations évoquées par les employeurs laisse supposer que les critères d’embauche n’ont pas été très différents de ceux utilisés dans le cadre d’un recrutement « classique » : compétences professionnelles ou capacité à les acquérir  rapidement moyennant une formation au poste, autonomie, savoir-faire et savoir-être.

 

Ainsi, l’embauche de travailleurs handicapés par la maladie psychologique semble répondre avant tout à des objectifs d’efficacité économique, même si des aménagements peuvent être envisagés.

 

 

d) La mise en place d’un suivi plus ou moins soutenu

 

La connaissance par les employeurs des conséquences de la maladie psychologique sur les aptitudes (ou inaptitudes) professionnelles et relationnelles des personnes handicapées qui leur sont présentées par les structures d’insertion leur a non seulement permis d’apprécier leur niveau d’adaptation aux postes à pourvoir, mais aussi d’évaluer la nécessité ou non de mettre en place un suivi spécifique.

 

Pour 2 établissements, aucun suivi particulier n’a été mis en place, celui-ci n’ayant pas été jugé nécessaire compte tenu des modalités de recrutement retenues. De leur point de vue, elles offraient en effet suffisamment de garanties quant à la capacité des personnes handicapées par la maladie psychologique à occuper le poste et à intégrer l’équipe de travail.

Ce n’est qu’en cas de difficultés répétées, ou d’incapacité avérée à réaliser le travail, que ces établissements interpellent la structure d’insertion qui les a accompagnés lors de la phase de recrutement.

 

Pour les 2 autres établissements, l’embauche d’une personne handicapée s’est s’accompagnée d’un suivi, mais celui-ci ne devait pas se traduire par un investissement important en terme de temps.

 

Deux types de solutions pour répondre à cela.

 

-   La délégation entière du suivi à la structure d’insertion.

Cette délégation se traduit par un travail d’accompagnement au niveau administratif et financier (en lien avec les obligations particulières et les avantages financiers liés à l’embauche d’un travailleur handicapé), et par un suivi professionnel. Le référent désigné au sein de la structure d’insertion rencontre une fois par semaine le chef de service et le salarié : le point est alors fait sur les plans à la fois professionnel, comportemental et relationnel. Il s’agit ici, par un suivi rapproché, de traiter le plus rapidement possible les dysfonctionnements qui se sont présentés dans la semaine écoulée et, d’une certaine manière, d’éviter les situations à risques et anticiper sur les difficultés que pourraient rencontrer le salarié. Du point de vue de l’établissement, grâce à ce suivi, la plupart des embauches réalisées sont des réussites ; l’employeur s’y retrouve tant du point de vue économique que social ; le salarié quant à lui se sent en situation de confiance car il sait qu’il y a une personne à qui il peut parler en toute sécurité de ses difficultés et qu’il sera accompagné dans la recherche de solution.

 

-   Un suivi assuré par le responsable.

Dans le deuxième établissement, la connaissance des conséquences de la maladie psychologique et des conditions d’emploi qui peuvent faciliter l’intégration des personnes handicapées l’a conduit à porter une attention particulière à chacun d’entre eux. Cela se traduit par une attitude relationnelle moins distante, le souci de savoir si tout se passe bien, tant du point de vue professionnel que de celui de l’intégration au sein de l’équipe. En cas de changement prévu dans le contenu ou l’organisation du travail qui leur est confié, le responsable les informe suffisamment tôt, prend le temps de leur donner toutes les explications nécessaires et veille à les mettre en confiance.

Du point de vue de l’employeur, cette attention quotidienne est peu consommatrice de temps et permet de désamorcer des situations éventuellement à risques.

 

 

La taille de l’établissement n’influe pas sur le positionnement adopté en terme de suivi. Les facteurs explicatifs sont plutôt, à notre sens, à rechercher dans l’organisation de l’établissement, les fonctions assumées par le responsable des ressources humaines, les délégations existantes en terme de gestion du personnel, la représentation que chacun se fait de la question de l’intégration des travailleurs handicapés par la maladie psychologique dans l’entreprise.

 

Quel que soit le suivi mis en place, les quatre employeurs rencontrés ne soulèvent pas de problématiques particulières que ce soit en termes d’absentéisme des personnes qu’ils ont embauchées, de comportements ou de « production » : pas plus, pas moins que les autres salariés de l’établissement..

Deux des employeurs rencontrés constatent également une plus grande « fidélité » à l’entreprise des personnes handicapées par rapport aux autres salariés qui ne restent pas longtemps en raison de la difficulté du métier et du niveau de rémunération faible (d’autant plus que la plupart sont à temps partiels). Même si les employeurs estiment que c’est une « fidélité » par défaut, qui résulte de la difficulté que les personnes handicapées ont eu à trouver un travail, cela constitue pour eux un argument de poids.

Ainsi, chaque fois qu’ils sont parvenus à trouver un compromis acceptable entre la situation de la personne et les exigences de l’entreprise, il n’y a pas eu de difficultés particulières. Mais, à notre sens, ce compromis était d’autant plus acceptable que les personnes recrutées étaient en fait très proches de l’emploi.

 

Il est également intéressant de noter que la mise en place d’un suivi rapproché au sein d’un des établissements et l’appel à une structure qui connaît à la fois la problématique du handicap psychologique en général et la personne en particulier, paraissent avoir un double effet :

-   faire gagner du temps à l’employeur au niveau de la gestion administrative de l’embauche, et le rassurer quant à l’efficacité de la personne embauchée et la réussite de son intégration au sein du service dans lequel elle est affectée ;

-   permettre d’embaucher des personnes en plus grande difficulté, et de ce fait, plus éloignées de l’emploi.

 

 

2.2 – Le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés par la

        maladie psychique : un lourd investissement dans un contexte

       difficile

 

 

Dans trois des établissements rencontrés, les travailleurs handicapés par la maladie psychologique aujourd’hui présents ont été embauchés, soit sans que les responsables des ressources humaines aient été au courant, soit à un moment de leur vie où ils n’étaient pas en situation de handicap.

De ce fait, lorsque une nouvelle « crise » s’est déclenchée ou que la maladie est apparue, s’est posée la question de leur maintien dans l’emploi au sein de l’établissement.

 

Pour 2 des établissements concernés, cette question n’était pas nouvelle ; en effet, de par leur taille, ils sont régulièrement amenés à gérer des situations de reclassement professionnel. Les méthodes pour construire le projet de reclassement des salariés concernés existaient déjà et ont donc été mobilisées lorsqu’il s’est agi de traiter la situation d’un travailleur handicapé par la maladie psychologique. Cependant, si la procédure est sensiblement la même, les situations à résoudre apparaissent comme beaucoup plus complexes.

Pour le 3ème établissement, de toute petite taille, il s’agissait d’une problématique tout à fait nouvelle qu’il a fallu apprendre à gérer.

 

 

a) La découverte de la situation

 

Pour 2 des établissements, la situation émerge suite à la déclaration par le médecin du travail d’inaptitudes partielles ou totales au poste occupé, et donc à la nécessité d’envisager des adaptations du poste, voire un changement complet.

Pour le 3ème établissement, de toute petite taille, c’est un arrêt maladie de courte durée, suivi par une modification du comportement, le refus exprimé de faire un certain nombre de tâches, et ensuite une période d’hospitalisation courte mais soudaine, qui en ont été les révélateurs.

 

 

b) Des solutions difficiles à construire, des marges de manœuvre

    restreintes

 

3 types de démarche ont été mis en place présentant certes des points communs, mais aussi des différences liées au statut, à la taille et au secteur d’activité de chacun des établissements.

 

-   La collectivité territoriale

 

De par son statut, l’établissement est soumis à l’obligation de maintenir dans l’emploi l’ensemble de ses personnels, qu’ils soient titulaires ou non.

Ceci étant, la démarche de reclassement mise en place va bien au-delà de cette obligation, et répond également à un souci de trouver des solutions humainement et économiquement acceptables par tous.

Dans le cadre du reclassement professionnel d’un salarié handicapé par une maladie mentale, une équipe pluridisciplinaire est constituée pour examiner la situation de la personne et élaborer un projet de reclassement : psychologue du travail, médecin du travail, service Absentéisme, service Mobilité, assistante sociale, service Formation.

Les données prises en compte sont :

-   d’un côté, les capacités professionnelles du salarié (compétences et savoir-faire), son degré d’autonomie, la présence ou non de problèmes relationnels ;

-   de l’autre, les postes « à pourvoir » et/ou les possibilités d’aménagement existantes.

 

Compte tenu de la diversité des métiers présents au sein de cet établissement, la réussite du reclassement repose essentiellement sur la capacité d’autonomie du salarié et son comportement au sein d’une équipe.

En effet, si le salarié n’est pas en mesure d’assurer sa part de travail, cela va se traduire, à plus ou moins long terme, par une charge supplémentaire de travail pour ses collègues afin de pouvoir atteindre les objectifs de production fixés ou assurer le service prévu.

De la même manière, s’il présente des troubles relationnels importants, ses collègues seront amenés à faire des efforts coûteux pour l’intégrer au quotidien au sein de l’équipe.

Ainsi, dans ce type de situation, l’équipe pluridisciplinaire prévoit un accompagnement de l’encadrement, mais aussi des agents. Assuré par la psychologue, il prend la forme d’une information dont l’objectif est de leur donner des éléments de lecture et de compréhension de la situation et de les aider à faire face aux problèmes qui pourraient éventuellement se poser.

Dans certaines situations particulièrement complexes, cet accompagnement se traduit également par un suivi régulier effectué auprès de l’encadrement, mais aussi du salarié.

 

Malgré la démarche mise en place, lorsque plusieurs niveaux de difficultés se cumulent, il arrive que les solutions de reclassement proposées échouent et que la personne ne puisse pas reprendre une activité au sein de l’établissement (longue maladie, voire licenciement).

 

 

-   L’établissement hospitalier privé

 

La gestion des situations de reclassement est assurée par la responsable des ressources humaines en lien avec le médecin du travail. La démarche et les objectifs poursuivis sont sensiblement les mêmes que dans la collectivité territoriale. Cependant, jusqu’à présent, peu de cas se sont déclarés et la grande majorité des reclassements a concerné des salariés présentant des inaptitudes d’ordre physique.

 

Si le reclassement de travailleurs en situation de handicap physique léger a semblé possible au sein de l’établissement, moyennant quelques aménagements, il n’en va pas de même pour les travailleurs en situation de handicap physique lourd et, encore moins, pour ceux qui sont handicapés par la maladie psychologique.

La difficulté du métier de soignant tant au plan physique que psychique, les contraintes fortes de rentabilité qui se traduisent par une densification et une intensification du travail dans tous les secteurs d’activité de l’établissement laissent peu de marges de manœuvre.

 

Les équipes supportent de plus en plus difficilement les salariés qui ne sont pas en mesure d’effectuer correctement leur travail. La surcharge qui en découle se traduit très souvent par une augmentation de l’absentéisme parmi l’ensemble des salariés, et donc un coût important pour l’établissement.

 

C’est pourquoi, de son point de vue, il est extrêmement difficile de maintenir un travailleur handicapé par la maladie psychologique dans l’établissement. Les solutions sont plutôt à trouver en  dehors, soit en externalisant les compétences (sous-traitance), soit en ré-orientant les personnes vers des structures adaptées.

 

 

-   Le cinéma associatif

 

Après avoir découvert que le salarié embauché quelques mois auparavant était handicapé par une maladie psychologique, la responsable de l’association a essayé de comprendre ce qui avait pu être à l’origine des arrêts maladie et du changement de comportement du salarié.

Même si elle avait remarqué chez lui un fort sentiment d’anxiété et le besoin d’être rassuré quant à son devenir (contrat CES), elle n’avait pas constaté de problèmes particuliers : c’était un très bon professionnel et son comportement était très « correct » et fiable.

 

C’est en dialoguant avec lui, même si cela s’avérait difficile, qu’est apparue la nécessité de réorganiser son temps de travail afin de lui permettre des temps de repos suffisants entre chaque période de travail.  Le cinéma est en effet ouvert tous les jours de l’année avec des amplitudes horaires qui augmentent les week-end et les périodes de vacances scolaires. Le volume de temps hebdomadaire à réaliser est assuré par 3 salariés. Il donc été décidé de répartir son temps de travail sur plusieurs jours de la semaine, au lieu de le centrer sur très peu de jours, entrecoupés d’une longue période de repos.

 

Cette réorganisation ayant des conséquences sur les temps de travail des 2 autres membres de l’équipe, c’est avec eux que le nouvel emploi du temps a été élaboré et qu’un nouvel équilibre a pu s’installer.

 

Le contexte associatif, la qualité des relations au sein de l’équipe, mais aussi le professionnalisme du salarié ont, sans aucun doute, largement facilité son maintien dans la structure.

 

 

 

Ces exemples de démarche de reclassement, dans des établissements aussi différents, présentent 2 points communs :

-   le niveau « d’employabilité » demandé au salarié en termes de compétences professionnelles et de capacité à assurer le travail demandé ;

-   l’importance accordée aux troubles éventuels de comportement et à sa capacité à s’intégrer dans l’équipe, le service, l’établissement.

 

Comme dans l’accès à l’emploi, les préoccupations majeures des employeurs consistent à maintenir l’équilibre souvent fragile de l’organisation du travail en place au sein des équipes. Il s’agit en effet de ne pas faire « supporter » aux salariés et à l’établissement les conséquences d’un reclassement qui ne répondrait pas à des critères d’efficacité professionnelle et de qualité relationnelle.

 

Cela répond également au besoin, ou à la nécessité, de maîtriser autant que possible les risques encourus par l’intégration dans l’établissement d’une personne handicapée par la maladie psychologique (besoin de prévoir, de savoir à l’avance, de pouvoir compter sur le salarié…). D’où des critères de sélection, ou de maintien dans l’emploi, plus élevés que pour les personnes ayant un handicap physique, et, de fait, très proches de ceux mis en place dans les démarches « classiques » de recrutement.

 

 

Nous pouvons également remarquer que le médecin du travail est considéré ici comme un acteur essentiel dans le cadre du maintien dans l’emploi du salarié en situation de handicap (analyse des aptitudes et inaptitudes, définition des conditions de reclassement…), alors qu’il semble jouer aucun rôle particulier dans les procédures de recrutement, la visite d’embauche n’étant perçue que comme une obligation et non pas comme une étape constitutive de la démarche.

 

 

 

2.3 – Les entreprises de travail temporaire : démystifier le handicap

        en   facilitant l’expérimentation.

 

Outre le fait que le travail temporaire nous semblait pouvoir répondre aux situations de discontinuité inhérentes à la maladie psychique, il paraissait également pouvoir être un vecteur d’intégration dans les entreprises utilisatrices, tant du point de vue de la démystification du handicap que de la démarche d’insertion pour les intérimaires.

Les missions d’intérim présentent en effet deux intérêts :

-   elles permettent à la personne malade, par leur caractère ponctuel, de faire correspondre périodes d’activité et d’inactivité dans l’emploi avec celles de la maladie ;

-   elles peuvent favoriser l’insertion en milieu ordinaire en faisant éclater les représentations dont sont porteurs les employeurs en direction des malades psychiques par la mise en situation « expérimentale » (principe de la démonstration par la preuve).

 

Les entretiens avec des responsables d’entreprises de travail temporaire locales, partenaires par ailleurs de l’AGEFIPH, tendent à pondérer ces avantages. Certes, les missions intérimaires constituent bien pour eux des tremplins vers l’emploi durable en entreprise ordinaire, mais  elles ne peuvent concerner que des personnes en fin de parcours d’insertion, immédiatement employables, c’est à dire productives. C’est d’ailleurs sur leurs compétences que les personnes sont recrutées. 

Par contre, pour ce qui concerne le handicap psychique, si la question n’est pas traitée en tant que telle par ces entreprises, il semble que ce soit là encore l’invisibilité qui prime. Dans le cas contraire, les comportements jugés « bizarres » ne passent pas le cap de l’entretien d’embauche, et chacun réaffirme ici l’importance de cette étape (voire de ce critère, aussi subjectif soit-il) dans l’accès à l’emploi de toute personne. Il est important de préciser à ce titre que, depuis le 1er janvier 2005, les entreprises de travail intérimaire ont la possibilité de se positionner comme organismes de placement (en partenariat avec l’ANPE). Elles sont donc amenées à recruter des personnes pour le compte d’entreprises clientes. Le principal avantage à cette nouvelle fonction est la proximité des ETT avec le monde de l’entreprise et la relation de confiance qui en découle. Elles ne souffrent pas du défaut de reconnaissance dont sont généralement porteuses les entreprises du secteur marchand à l’égard des structures d’insertion. À ce titre, elles peuvent représenter de bons médiateurs entre employeurs et personnes handicapées, en se portant garantes des qualités professionnelles de la personne. Mais elles peuvent à l’inverse, constituer un filtre supplémentaire dans l’intégration dans l’emploi de personnes handicapées et créer une forme de sélection au sein de la population handicapée.

Par ailleurs, l’activité de travail temporaire, si elle paraît répondre aux « contraintes » de la maladie, peut aussi la masquer et ne constitue pas à ce titre, une réponse satisfaisante. En effet, dans les périodes d’inactivité, les personnes malades se trouvent finalement en situation de chômage, et non de maladie, et peuvent être en situation d’intérim permanente, donc de précarité au regard de l’emploi.

 

2.4 – Les propositions des employeurs pour faciliter l’intégration

          professionnelle des travailleurs handicapés par la maladie

         psychique

 

 

D’une manière générale, les propositions formulées par les employeurs que nous avons rencontrés portent essentiellement sur 3 points :

-   l’employabilité des personnes handicapées par la maladie psychologique,

-   la connaissance des différentes données de la situation,

-   le besoin d’être accompagné dans cette démarche.

 

 

1.         Des travailleurs handicapés suffisamment compétents et fiables

Tous les employeurs rencontrés posent comme postulat de départ que le travailleur handicapé, quel que soit son handicap par ailleurs, doit avoir les compétences requises pour occuper le poste à pourvoir et ne pas présenter de troubles du comportement trop importants.

Qu’ils soient du secteur public ou privé, ils estiment ne pas avoir les marges de manœuvre suffisantes, en terme de nombre et type de postes, d’organisation de la production et d’efficacité économique, pour intégrer au sein de leur établissement des salariés qui ne seraient pas en mesure de répondre aux exigences du poste de travail.

 

 

2.         Transparence et maîtrise de la situation au moment de l’embauche ou du reclassement

Il ne peut y avoir d’intégration réussie que si un équilibre est trouvé entre la situation du travailleur handicapé par la maladie psychologique et les exigences du poste et/ou du service. Du point de vue des employeurs, cela passe nécessairement par une connaissance précise et une compréhension suffisante de la situation de la personne handicapée, des conséquences de la maladie sur ses capacités professionnelles et relationnelles, et de ce que cela implique comme aménagements ou attentions particulières à prévoir en termes de contenu du travail, conditions de réalisation, encadrement du poste, etc.

Cette connaissance permet de prévenir les situations à risques, de mieux comprendre les dysfonctionnements ou les difficultés qui peuvent survenir en cours de route, et donc, d’être en mesure de mieux gérer la situation en mettant en place les solutions adéquates.

 

 

3.         La possibilité d’être accompagné dans les moments clés de l’intégration.

La collaboration avec une structure spécialisée dans l’accompagnement des personnes handicapées par la maladie psychologique est pour les employeurs une des conditions clés pour faciliter l’intégration des travailleurs handicapés par la maladie psychologique au sein de leur établissement, et de ce fait, limiter les situations d’échec.

Au moment de l’embauche ou lors du reclassement, cette collaboration a pour buts de contribuer à modifier les représentations existantes sur « la maladie psychologique », et de favoriser la compréhension de la situation et la mesure des » risques » éventuels.

Elle doit permettre aussi de mieux réussir l’adéquation entre la personne handicapée par la maladie psychologique et les exigences du poste, voire de l’entreprise, tant au niveau du choix de la personne que de la définition des aménagements à mettre en place pour permettre son intégration.

Ensuite, si nécessaire et selon les besoins des entreprises, cette collaboration peut prendre la forme d’un suivi régulier ou d’un « droit d’appel » en cas de difficultés particulières, tant de la part du salarié que de celle de l’employeur.

 

 

Les représentants de l’Association Régionale des Directeurs et Cadres du Personnel, également rencontrés dans le cadre de notre enquête, partagent en grande partie les propositions d’amélioration formulées par les employeurs, en insistant particulièrement sur la question de l’employabilité du travailleur handicapé. Ils proposent également :

 

-   d’accentuer l’effort d’information et de communication auprès des employeurs : dispositifs existants, acteurs susceptibles de les accompagner dans la démarche d’intégration de travailleurs handicapés, aides techniques et financières possibles, connaissance de la « personne handicapée psychique » … ;

 

-   de développer une organisation centralisée des différents acteurs qui interviennent dans ce champ afin de permettre aux employeurs de mieux se repérer ;

 

-   de construire un langage commun entre l’Entreprise et le Social, de trouver des passerelles et des modalités de collaboration qui prennent en compte, à part égale, les données économiques et les données humaines.

 

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15 Juin 2002