TROISIÈME PARTIE
DES PISTES POUR L’ACTION
L’élaboration de ces catégories nous a aidés à
rassembler les personnes au sein d’ensembles dans lesquels nous pouvions
regrouper des individus différents autour de critères communs, et par
conséquent, en écartant les variables parasites, aller à l’essentiel.
Notre souci était de rendre opérationnel le
phénomène de discontinuité observé auparavant. Cela, afin d’éviter de
« traiter » toute la population des TH MP d’une seule et unique
manière.
Nous n’avons plus un type de TH MP, mais des
TH MP qui se regroupent dans des ensembles cohérents. L’appartenance à une
famille donnée n’empêche pas que les éléments qui la composent soient uniques.
Une fois que nous avons mis en évidence ce qui les
rassemble, nous pouvons revenir à ce qui les rend singuliers, et concevoir
ainsi « la géométrie du cas par cas », c’est-à-dire la configuration
personnelle d’insertion qui va nous permettre de répondre aux deux questions
clés de cette étude-action :
1) Quel accompagnement spécifique mettre en
place auprès d’un TH MP qui prenne en compte la complexité et les aléas de la
maladie psychique et les exigences du marché de l’emploi ?
2) Compte tenu du caractère cyclique de la
maladie psychologique, quelles formules de travail mettre en place pour un TH
MP ?
Les quatre pistes d’action présentées ci-après nous
semblent pourvoir répondre à ce questionnement.
Un
accompagnement renforcé et adapté pluridisciplinaire
L’accompagnement
doit être à la hauteur de la complexité du problème rencontré dans l’insertion
spécifique de TH MP. Ainsi, il doit faire appel à des compétences en termes de
connaissance de la pathologie psychologique, de l’insertion professionnelle et du
monde du travail, des rouages administratifs, etc.
Il
devra prendre en compte la double intermittence à laquelle ces personnes
sont soumises (complexité du cumul des deux intermittences) afin de respecter
les trois intervalles (activité salariée, maladie et latence) en leur donnant
un statut particulier. Grâce à cette reconnaissance, il contribuera à bâtir une
« nouvelle architecture » du parcours de la personne qui inclue
d’une part, la donnée d’origine endogène et d’autre part, la donnée d’origine
exogène.
L’accompagnement
doit assurer le suivi des TH MP et intervenir durant les trois intervalles
si nécessaire, soit à leur demande, soit à celle des acteurs impliqués dans
leur itinéraire. Il sera alors le garant de la circulation de l’information,
de la coordination des actions et de la mise en cohérence du parcours de la
personne.
Cette
fonction d’accompagnement apparaît si complexe et si délicate qu’elle devrait,
nous semble-t-il, être prise en charge non pas par une seule personne, mais
plutôt par un binôme composé de deux personnes référentes, chargées du
suivi dans la durée du TH MP. Ce type de fonctionnement nous paraît présenter
les garanties suivantes :
- auto-régulation
entre les acteurs du binôme (ce qui n’exclut pas, bien au contraire, la
nécessité de participer à un travail de supervision) ;
- passation
de relais dans les situations où l’un des acteurs du binôme changerait
d’affectation.
L’accompagnement
consiste à veiller à la mise en place de stratégies adaptées et concertées
par un travail en partenariat avec les différents professionnels qui
interviennent auprès des TH MP à chacun des moments de son parcours. Il doit
être capable de réactiver la synergie de cinq acteurs ayant des logiques
propres :
- au
sujet lui-même
- au
milieu médical,
- au
milieu familial et à l’entourage proche,
- au
milieu socioprofessionnel (avec le dispositif de maintien dans l’emploi),
- au
milieu de l’entreprise.
Il
devra être souple au point de se traduire par une intervention active et
rétroactive (préparation - adaptation à la progression - rétrogression) qui
puisse suivre le mouvement, et parfois prendre en compte la force
d’inertie propre à la pathologie psychologique (résistance). Il doit être au cœur
d’un dispositif qui soit le reflet des individus, à l’image des changements qui
vont alors intervenir.
En
clair, afin d’organiser un accompagnement optimal, il devra avant tout
permettre le transfert d’énergie d’un dispositif vers un autre, et devenir
ainsi l’élément catalyseur qui facilitera l’articulation des inter-phases.
L’accompagnement
devra également s’effectuer en direction des employeurs. Il s’agira alors de :
- Renforcer
« l’employabilité » des TH MP en milieu ordinaire : niveau de compétences (nécessité d’être compétent ou
de le devenir rapidement avec une formation, autonomie suffisante dans la vie
quotidienne) ; condition nécessaire à leur embauche à des postes
habituellement occupés par personnes non handicapées : capacité à assurer
leur part du travail et à être suffisamment présent pour ne pas désorganiser la
production ou le service et provoquer une surcharge de travail pour
l’environnement).
- Favoriser la transparence au
moment de l’embauche : la connaissance par l’employeur
des conséquences de la maladie psychique sur les aptitudes professionnelles et
comportementales est un élément clé dans la
recherche d’un équilibre entre situation du travailleur et exigences du
poste et/ou du service.
- Travailler en collaboration avec le médecin
du travail
afin de :
. rechercher la meilleure adéquation possible
avec le poste occupé (contenu du travail) et l’organisation du temps de travail
(rythme et horaires de travail) ;
. sensibiliser l’encadrement et, si nécessaire,
les collègues de travail ;
. prévenir les situations à risques ;
. mieux comprendre les dysfonctionnements
éventuels et donc être en mesure de trouver des solutions plus adéquates.
- Sécuriser l’employeur en limitant les risques
d‘échec (économiques, sociaux et humains) en garantissant une présence et
une réactivité en cas de difficultés au cours de l’intégration dans
l’entreprise.
Des
dispositifs d’insertion par l’économique spécifiques
- Supprimer la contrainte temporelle qui
existe aujourd’hui dans la plupart des dispositifs d’insertion par l’économique
afin de mieux répondre à la discontinuité des parcours des TH MP, et aux
mouvements de progression et rétrogression.
- Former les acteurs et intervenants à
la spécificité des parcours des TH MP afin qu’ils adaptent leurs pratiques professionnelles
et leur méthode d’accompagnement à cette temporalité singulière.
- Etendre le champ d’intervention des structures existantes à des domaines d’activité non investis aujourd’hui ou favoriser la création de nouvelles structures afin de proposer un éventail d’emplois adaptés à la diversité des compétences des TH MP
Renforcer
l’information et la sensibilisation des employeurs
- Dans les stratégies actuelles de communication sur
les dispositifs existants et les acteurs susceptibles d’accompagner les
employeurs, il s’agirait de renforcer l’information sur les spécificités de
la population TH MP afin de modifier les représentations négatives construites
à son encontre.
- Créer un lieu d’accueil, d’information et de
conseil auprès des employeurs afin de leur permettre de mieux se repérer (quelle
articulation avec les missions des Maisons Départementales
du Handicap ?).
Un
statut spécifique pour les TH MP ?
- Étudier la création d’un statut spécifique de
« travailleur handicapé discontinu » (THD).
C’est reconnaître que la
discontinuité constatée dans les parcours des TH MP a pour origine les
troubles psychiques dont ils souffrent, et c’est l’accepter comme une donnée
intrinsèque qui caractérise de manière tout à fait à particulière leur parcours
d’insertion sociale et professionnelle.
- Une
réflexion à mener pour assurer une continuité des ressources face à la
discontinuité des parcours.
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