La genèse de la latéralité et ses échecs

Les deux écoutes

(Chapitre 6 de "La Clef des Sons")

Dr Bernard Auriol

...deux voies, l'une à droite et l'autre à gauche.
Celle de droite, comprenez que c'est celle de Jésus-Christ, la voie de piété
où errent jour et nuit les chevaliers de Notre Seigneur, de jour selon l'âme et de nuit selon le corps.
Et la voie de gauche est la voie périlleuse des pécheurs.
C'est parce qu'elle est moins sûre que l'autre que l'écrit la défendait,
sauf à celui qui, plus prud'homme que tout autre,
fut gardé de tout péché par l'amour de Jésus-Christ
(Quête du Graal, Seuil, p. 88).

Il est classique de remarquer que l'écriture en miroir est l'écriture normale de la main gauche : l'hémisphère chargé de gérer cette main est en effet grossièrement symétrique par rapport à celui qui gère la main droite. Mais il s'agit là d'une simplification outrancière. Retenons pourtant que le sujet peut faire usage de la symétrie cérébrale pour inverser au niveau visuel et graphomoteur ce qu'il produit, par rapport à un modèle donné. Ainsi le Pr de Rougemont, chirurgien grenoblois, était capable de dessiner au tableau noir des figures d'une symétrie parfaite en utilisant une craie dans chaque main.

Le petit Rafael, 4 ans, utilise aussi cette possibilité pour, spontanément, écrire son nom en miroir (fig. ci-dessous).


Chez beaucoup d'enfants, un test, très sensible, permet de dépister des difficultés de latéralisation : il s'agit de fermer les yeux, puis d'écrire les onze premiers nombres décimaux, simultanément avec la main droite et la main gauche, en partant du haut de la feuille. Les perturbations possibles sont l'écriture en miroir, le manque d'assurance du tracé avec l'une ou l'autre main, etc.


David

David nous étonne : il renverse tous les nombres, comme s'il les traçait du point de vue de l'examinatrice placée face à lui quant à leur forme, tout en restant à sa propre place pour l'ordonnance dans la page (le un est en haut de la page et le onze en bas par rapport à lui). L'inversion à 180° dans le plan de la page est complétée par une inversion en miroir dans le cas du chiffre cinq, et ceci pour les deux mains (fig. 16) !Pour Cyrille, 13 ans, le résultat est assez stupéfiant : alors que la main droite réalise un tracé " normal " de sa colonne de chiffres, la main gauche réalise la performance de faire pivoter chaque nombre de 180°. Ainsi le tracé des deux mains se présente de manière systématique en " tête bêche " (fig. 17) ! Comment expliquer de tels faits ?

David
Fig. 16

 



Cyrille
Fig. 17

 

Cyrille

Cyrille a treize ans lorsque je le reçois. Ses parents le décrivent comme un garçon manquant d'assurance, un peu anxieux, en échec scolaire malgré son bon travail à la maison. Pour l'expliquer, les enseignants parlent d'" une difficulté de synthèse ; il ne saisit pas le sujet dans son ensemble et structure mal ses devoirs ". De ce fait, les rédactions françaises, aussi bien que les problèmes de mathématiques, sont de valeur médiocre.

Son histoire est émaillée de difficultés : la première étant qu'il est né pied-bot : plâtré jusqu'à trois ans ! La mère se souvient qu'à la naissance de sa s±ur Mathilde, alors qu'il avait un an, il se mit à pleurer toutes les nuits : il fallait le bercer pour obtenir qu'il se calme... Par la suite, il se balancera lui-même un bon moment chaque soir pour pouvoir s'endormir. La profession du père l'éloigne très souvent du foyer et la maman se souvient qu'elle a vécu quelque chose d'analogue, car son père était marin. Cyrille sera énurétique jusqu'à douze ans, surtout en période scolaire. Il faut dire que ses camarades de classe lui prennent ses affaires, le battent en le traitant de " tapette " : il ne sait pas se défendre, se contentant d'encaisser les coups.

Le test de Lüscher nous dévoile un enfant prêt à la rencontre, dans l'attente de tout enrichissement possible, mais soumis à une grande tension due aux exigences de la situation. Il se sent malheureux de la résistance qu'il éprouve dès qu'il essaie de s'affirmer, se sent surmené par la lutte acharnée qu'il a dû mener contre l'incompréhension et le manque d'égards. Il aspire donc à un havre de paix, dégagé de tout conflit, qui lui apporterait sécurité et bien-être. Il redoute le vide et la solitude de la séparation et a besoin d'un traitement plein d'égards et d'attention affectueuse. Il se retire, s'écarte des autres avec suspicion en raison des déceptions qu'il a essuyées. Il garde un ±il critique pour voir si les mobiles des gens à son égard sont sincères.

En résumé il se sent incompris et souffre de ne pouvoir satisfaire ses exigences de valorisation et de vie. Il est fatigué de résister aux obstacles. Il aspire à des ménagements sécurisants. Il voudrait abandonner sa carapace afin de s'épanouir dans de nouvelles possibilités de vie, s'affirmer, être à l'abri des critiques et se montrer supérieur.

Le test d'écoute suggère une forte emprise de l'imaginaire, une tendance à se protéger vis-à-vis du monde extérieur (" capacité d'analyse tonale fermée "). Il est sous l'emprise de fortes pulsions sexuelles ou agressives (pointe en courbe osseuse à 500 Hz des deux côtés) cependant qu'il montre sa confusion par rapport à la Loi (erreur de localisation en courbe aérienne à 4 000 Hz). Ces deux derniers signes sont à mettre en rapport avec les graffiti pornographiques ou scatologiques qu'il dessinera (en cachette) au cours des séances d'oreille électronique.

Un incident, somme toute assez banal, est rapporté par le père. Il s'agit d'un événement richement symbolique : " A quelques mois, il a failli s'étouffer par le biberon. Je l'ai pris par les pieds pour lui faire rendre ses glaires. " Quoique ce soit hasardeux, je ne peux m'empêcher de rapprocher ce souvenir paternel unique, et par là exemplaire, de l'inversion spatiale haut-bas qui affecte le test des deux colonnes de chiffres de l'enfant et du fait qu'il est né pied-bot. Ceci est typique de la relation de son père avec notre patient : blessure narcissique infligée par cette infirmité, tentative excessive de réparer, de rétablir l'ordre des choses à contretemps. Tentative désespérée de renverser l'insupportable. Elever bien haut le drapeau en berne. Se mettre aux pieds tyranniques de cette infirmité. Ainsi l'enfant a-t-il appris " à faire la manche " avec de " petits bénéfices " assez lucratifs. Choyé à la maison pendant de longues années, il a appris à séduire et demander. Mais il doit maintenant se mêler aux dures compétitions de l'école, où on le traitera d'efféminé...

Peut-être aurez-vous eu l'impression comme moi que l'inversion spatiale entre les deux mains et entre les deux hémisphères cérébraux n'est pas uniquement (ou du tout) liée à quelque tare génétique, à quelque caprice de l'embryogenèse, comme on en voit chez les très rares situs inversus dont le coeur est à droite.

There is an association of primary ciliary dyskinesia with left-right anatomic abnormalities such as situs inversus (a combination of findings known as Kartagener's syndrome) and other heterotaxic defects. These left-right anatomic abnormalities can also result in congenital heart disease. In fact, it has been shown that proper cilial function is responsible for the normal left-right asymmetry in mammals.

(English Wikipedia)

Je ne pense pas non plus qu'on puisse se contenter d'en rechercher l'explication dans quelque apprentissage moteur un peu défectueux. Il s'agit bien d'une façon d'être qui s'est inscrite dans les connexions du cerveau, sous l'effet des expériences familiales. L'autre hypothèse - non exclusive de la précédente - serait d'imaginer que le rapport intra-utérin entre la mère et son fils avait établi le socle de ce dysfonctionnement : le pied-bot étant le signe le plus évident que " quelque chose " s'était mal passé dès avant la naissance.

Il ne faut pas prendre la droite de Dieu
pour un gauchard en cage

Les centres cérébraux sont croisés par rapport aux organes dont ils sont chargés : le bras droit est géré par des neurones situés dans l'hémisphère gauche, le bras gauche par des neurones situés à droite, et ainsi des différentes parties du corps.

Bien des actions sont réalisées par une seule main, un seul pied, un seul oeil, etc. La plupart des êtres vivants se servent toujours du même côté pour commencer ou mener à bien tel ou tel type d'action, l'autre moitié du corps assurant un rôle de positionnement et de soutien. Les êtres humains sont latéralisés (comme les animaux), mais de plus, ils se montrent, pour une forte majorité d'entre eux, spécialement férus de la droite, depuis la plus haute antiquité (Juges, XX, 15-16).

Par différents tests, on sait évaluer les préférences de chacun pour la droite ou la gauche : questionnaires (Edinburgh Iventory : Oldfield, 1971) ou tests (Auzias, Zazzo, Harris, etc.) concernant les divers actes coutumiers. On pourra dire alors de telle personne qu'elle a un quotient de latéralité de - 100 (gaucher pur), - 75, + 40 ou + 100 (droitier pur). On évaluera la préférence pour la main, le pied, l'oeil et l'oreille...

L'asymétrie concerne aussi le cerveau. Nous le savons depuis le XIXe siècle. Qu'il s'agisse d'un gaucher ou d'un droitier, et sans qu'il en ait conscience, certaines activités sont chez presque tous gérées par l'hémisphère gauche du cerveau, d'autres par l'hémisphère droit. Cette spécialisation " centrale " sera mise en évidence par des procédés, moins directs, comme de présenter simultanément un mot différent à chaque oreille, un objet différent à chaque main, une image différente dans l'espace droit et dans l'espace gauche, etc.

Les fonctions supérieures du cerveau sont réparties différemment sur les deux cortex hémisphériques. Le cas du langage est spécialement utile à considérer car c'est l'activité qui semble la plus, et la plus uniformément, latéralisée. La spécialisation de chaque hémisphère semble liée à des contraintes majeures qui conduisent la presque totalité des individus à utiliser leur cerveau gauche pour les opérations découpant la réalité en segments de petite taille dont les caractéristiques sont traitées pour favoriser distinctions et regroupements sur des bases pragmatiques. Ces regroupements peuvent alors être liés à des étiquettes.

Le cerveau gauche classe par tout ou rien ; comme la réalité échappe à une si vigoureuse catégorisation, il est amené à opérer des caricatures. Entre noir et blanc, il ne connaît aucun gris et s'il s'en trouve, il " arrondira " au plus près : le gris foncé sera noir et le gris clair sera blanc... Il a une capacité particulière à reconnaître les " catastrophes " (au sens de variation soudaine) et à les classer : ainsi perçoit-il mieux les consonnes occlusives que les voyelles (Cutting, 1974 ; Leek, 1983).

Le rôle analytique, voué aux découpages et distinctions abstraites, de l'hémisphère gauche est devenu un poncif tout comme le rôle plus globaliste, analogique, affectif et imaginant de l'hémisphère droit. Ce dernier tend à conserver plutôt des ensembles dans leur état brut (la " mémoire visuelle ") ; il gère des cartes plus vastes, plus complètes, plus précises, mais manque à leur donner l'agencement construit permis par le découpage. On parle de fonctionnement analogique par opposition à celui de l'hémisphère gauche qualifié de digital (numérique).

Spécialisation hémisphérique

Les données ci-dessous sont extraites de leur contexte

il convient d'être très souple et prudent dans leur utilisation

L'hémisphère droit du cerveau serait plus concerné par les perceptions et l'expression globales, par opposition à l'hémisphère gauche qui s'adonnerait à un traitement des perceptions et expressions selon un mode plus focal et séquentiel. Le cerveau droit serait plus intéressé par le synthétique et le gauche par l'analytique.

Il y aurait du côté de l'expression, de la pensée et de la communication entre congénères une premier type "iconique", utilisant des relations visuelles entre parties de l'espace appréhendé dans la simultanéité, attribuant par exemple au soleil un rôle d'autorité, de supériorité, de connaissance, de paternité. On serait là dans un cadre symbolique au sens jungien, imaginaire au sens lacanien.

Cette activité perceptive et cet investissement moteur serait le fait des deux hémisphères (bilatéralité hémisphérique).

Du fait de la spécialisation, progressive au cours de l'évolution, de l'hémisphère gauche, ces activités bilatérales abandonneraient du terrain et se cantonneraient plus ou moins à l'hémisphère droit. Ceci se apparaitrait déjà chez certains animaux pour atteindre un aspect plus évident chez l'humain. Ce type d'action, de perception et d'expression serait à la base des possibilités d'échange et de compréhension entre animaux évolués et entre les humains et ces animaux à qui il "ne manque que la parole".

Plus élaboré, plus tardif à se développer dans l'évolution, serait constituée une expression davantage liée au son et au déroulement temporel et, par là, apte à se spécialiser dans les traitements séquentiels, focalisés, analytiques. Ce deuxième type de communication (sonore puis verbale) serait davantage géré par l'hémisphère gauche.

Ce phénomène de spécialisation pourrait être lié à des facteurs génétiques et anatomo-physiologiques individuels mais "socialisés" du fait d'une statistique majoritaire des mécanismes de latéralisation : soit par le biais de l'anatomie non symétrique des récurrents, de la dissymétrie de nombreux organes, de la situation foetale chez l'humain, de la pression imitative et éducationnelle, etc...

Hémisphère droit Hémisphère gauche
(gère le côté gauche du corps et de l'espace) (gère le côté droit du corps et de l'espace)
Traitement analogique  Traitement digital
L'imaginaire  Le symbolique
Expression iconique (généralement visuelle) Expression verbale (généralement sonore)
Icône (Peirce) Symbole (Peirce)
Formes Dénominations
Mot primaire (Jousse) Forme secondaire d'objet (Jousse)
Langage non articulé  Langage articulé
(prosodie, intonations, cris) (combinatoire)
Créativité imaginative Créativité déductive, tautologique
Reconnaît les bruits et les voix  Voix monocorde, terne, nasillarde
Interjections, mots primaires Syntaxe complexe (voix passive, etc.)
pauvreté du vocabulaire  Richesse du vocabulaire
Le contexte Le texte
Premier formant phonétique  Deuxième et troisième formants
(localisation du locuteur)  (discrimination du phonème)
Mémoire des images  Mémoire des mots
Ecriture idéographique Ecriture alphabétique
(Kanji japonais) (Kata kana japonais)
Etat de rêve (sommeil paradoxal)  Etat de veille (trivial)
Musique Paroles
Reconnaît les mélodies globalement Solfège
Mélodies spectrales Mélodies tonales
Synchronique  Diachronique
Informations topographiques Informations séquentielles
Cartes spatiales Enchaînements dynamiques
Alerte (système d'alarme) Action continuée (système opératoire)
Repérage du familier (lieux, visages)  Repérage du nouveau, de l'atypique
Ambiance, souvenir, passé  Visée, projet, futur
Impression subjective Analyse " objective "
Traitement des émotions négatives Traitement des émotions positives
Activation émotionnelle  Activation discriminante
Tact " protopathique "  Tact " épicritique "
Vision périphérique (N et B)  Vision centrale (couleur)
Attention flottante Attention concentrée
Processus primaire (Freud)  Processus secondaire (Freud)
Rêverie Réflexion
Vie relationnelle => Taciturne, refus de dialoguer  Vie relationnelle => Plaisir de parler et d'écouter parler
Vie relationnelle => Solitaire, morose, pessimiste Vie relationnelle => Sociable, enjoué, optimiste
comique visuel, mimique, farce blagues phonétiques (jeux de mots, etc) => cortex temporal inférieur (Vinod Goel et raymond Doland, Londres, X, 2001)
blagues sémantiques => cortex temporal supérieur
Maladies allergiques ou auto-immunes  
Dyslexie, bégaiement  
en homéopathie => " Lachésis "  en homéopathie =>" Lycopodium "
Q. I. non verbal plus élevé Q. I. verbal plus élevé

Il semble (Banquet, 1981) que l'état de veille trouve quelque avantage à laisser dominer le cerveau gauche pour s'adapter, alors que l'état de rêve ouvrira l'opportunité d'une compensation au cerveau droit surtout attaché aux images. En fait, l'opposition digital/analogique se retrouve à de multiples niveaux et, pour généraliser, je propose de considérer une opposition bien connue au niveau du tact, à savoir épicritique/protopathique. On appelle " épicritique " la fonction du toucher qui permet de discerner avec grande précision de quoi il s'agit, et " protopathique " ce qui permet de discerner grossièrement les objets, de percevoir leur allure spatiale générale, d'envisager leurs côtés sympathiques ou dangereux, etc. C'est dire que l'une de ces fonctions nous situe et nous alerte, l'autre nous désigne et nous précise.

The relationship between lateral differences in tympanic membrane temperature

and behavioral impulsivity,

William S. Helton

Department of Psychology, University of Canterbury, Private Bag 4800, Christchurch, New Zealand, Accepted 30 June 2010
Available online 24 July 2010.
Brain and Cognition; Article in Press, Corrected Proof; doi:10.1016/ j.bandc.2010.06.008

 

In this study lateral differences in tympanic membrane temperature (TTy) were explored as a correlate of either impulsive or cautious responding in Go–No-Go tasks. Thirty-two women and men performed two sustained attention to response tasks (Go–No-Go tasks). Those with warmer right in comparison to left tympanic membranes were more cautious, and those with warmer left in comparison to right tympanic membranes were more impulsive. This finding is in line with previous research and theory indicating a hemispheric bias for active and passive behavior.

NB une température relativement élevée du tympan témoigne d'un flux sanguin augmenté dans l'hémisphère homolatéral. C'est à dire qu'un hémisphère  droit plus actif est associé avec un comportement plus prudent et un hémisphère gauche plus actif est associé avec une impulsivité accrue. Ces conclusions ne sont pleinement valables que si la température du tympan est un reflet simplement passif de l'irrigation hémisphèrique. Il se pourrait qu'interfère avec ce phénomène des régulations vasculaires concernant spécifiquement le tympan qui serait rendu plus "actif" (et plus chaud) selon la mentalité précautionneuse ou impulsive du sujet. La signification par rapport à la dominance hémisphérique devrait alors peut être s'inverser.

 

Il semble que l'attribution de l'affectivo-émotionnel au cerveau droit et du symbolique au cerveau gauche souffre des exceptions (par exemple, voir le cas des sévices à enfant) dont il serait intéressant de creuser la signification.


corriger la dyslexie ?

16/02/2001 - Des chercheurs de l'université Georgetown, à Washington, ont confirmé que la région pariétale inférieure du côté gauche du cerveau est moins active chez les personnes dyslexiques. Or, c'est justement à cet endroit qu'est régie la gestion des images et des sons.

 

L'activité du lobe pariétal

de l 'Hémisphère gauche du cerveau serait un bon prédicteur de la dyslexie.

 

« Guinevere Eden et Thomas Zeffiro ont développé un test qui permet d'identifier les enfants susceptibles d'avoir des problèmes de dyslexie avant même qu'ils apprennent à lire. On pourrait donc éventuellement éviter que la dyslexie ne survienne grâce à des exercices intensifs de compréhension d'images et de sons. « On pense à tort que la dyslexie fait inverser les lettres ou les mots, or ce n'est pas tout à fait cela le problème, précise Guinevere Eden. En fait, elle prend racine dans la gestion des informations que fait le cerveau avec les sons et les images ». La dyslexie pourrait être corrigée, y compris chez les adultes. Essentiellement, en exploitant la plasticité du cerveau, ils ont incité le côté droit à compenser pour les lacunes du côté gauche[1] ».

Bien avant ces travaux, la méthode de rééducation latérale de Mesker, prend en compte ces observations. On pourrait y adjoindre l usage des Sons Bipolaires que nous avons récemment mis au point. Par ailleurs la stimulation, par des sons hyper-aigus, de l oreille droite et de l hémisphère gauche, proposée par Alfred Tomatis (et reprise par Isi Beller) donne de très bons résultats.

La spécialisation des hémisphères, spécialement celle du cerveau gauche pour le langage, est peut-être la conséquence de données anatomiques ou fonctionnelles précoces. Elle va de pair avec un avantage du côté droit du corps pour réaliser des tâches linguistiques. On a voulu (Kimura, 1961) l'expliquer par la circuiterie des neurones, connectant plus directement l'hémisphère gauche à l'oreille droite. Cet argument logique et, comme tel, à retenir ne doit pas faire oublier qu'en raison de l'extrême complexité et des multiples vicariances de notre système nerveux cet avantage peut disparaître lorsqu'il est mis en compétition avec d'autres niveaux de fonctionnement.

Morais (1975) et Pierson (1983) ont permis d'apercevoir que ces données anatomo-physiologiques devaient s'élargir. L'avantage de l'oreille droite pour le langage se transfère non seulement à l'oeil, aux muscles et à toute la moitié droite du corps, mais aussi à l'espace qui nous entoure. Il sera divisé en hémi-espace droit et gauche qui revêtiront des caractéristiques en harmonie avec la spécialisation hémisphérique dont nous venons de nous entretenir. Ceci est vrai au point que l'avantage de la droite peut être démontré en envoyant au sujet des messages, identiques, aux deux oreilles, pourvu qu'on ajoute un faux haut-parleur sur le côté. Quand il est placé à droite, les résultats sont meilleurs que s'il l'est à gauche ! Ceci ne devra pas être oublié dans les techniques de rééducation linguistique : il convient de rendre l'espace droit plus stimulant, d'y placer l'enseignant, de mettre le microphone à la droite du patient, etc.

66° Congrès de l'Association Canadienne-Française pour l'Avancement des Sciences
ROUSSY Sylvain, TOUPIN Jean, HODGINS Sheilagh =>
Etude neuropsychologique du détachement émotionnel des psychopathes
(Session: C-436 : Du trouble de personnalité antisociale à la psychopathie).

 

La psychopathie se caractérise par une absence d’anxiété, d’empathie et de remords, ainsi que par une insensibilité marquée au plan des relations interpersonnelles. Les psychopathes sont, en effet, fondamentalement hédonistes et semblent négliger le traitement des émotions négatives. Le contrôle cortical des mécanismes motivationnels sous-corticaux associés à l’expérience des émotions semble être caractérisé par une dominance hémisphérique droite pour les stimuli négatifs et une dominance hémisphérique gauche pour les stimuli positifs. Ainsi, l’hypothèse d’une latéralisation hémisphérique moins franche chez les psychopathes, à l’égard des ressources accordées au traitement des stimuli négatifs, paraît plausible et pertinente à l’investigation empirique.

Lors d’une tâche tachistoscopique latéralisée comportant 40 expositions visuelles, les indices électrodermaux étaient enregistrés chez des psychopathes et des non psychopathes sélectionnés à l’aide du Psychopathy Checklist–Revised. Pour chacun des essais, un stimulus positif ou négatif apparaissant brièvement (27ms) dans l’un ou l’autre des hémichamps visuels était aléatoirement jumelé à un stimulus neutre présenté pour 180 ms dans l’hémichamp opposé. Alors que les non psychopathes (n=17) exhibaient une conductance dermale rehaussée lorsque les stimuli négatifs étaient exposés à l’hémisphère droit, les psychopathes (n=13) présentaient, pour ces mêmes stimuli, une réponse prédominante lorsque l’hémisphère gauche était sollicité. Ainsi, une latéralisation atypique du traitement de l’expérience émotionnelle semble être associée à la psychopathie.

Par ailleurs, PHAM HOANG Thierry a montré (La psychopathie et les émotions: Du lexique émotionnel aux mesures psycho-physiologiques) que les psychopathes ne présentent pas une incompréhension flagrante du vocabulaire émotionnel même si leur catégorisation des mots émotionnels est sensiblement plus étroite avec des scores d'alexithymie plus élevés.

 

Symbolisme de l'espace

On note également une latéralisation psycho-affective connue comme un " symbolisme de l'espace " tel que décrit dans le Rêve éveillé de Desoille, les tests projectifs, en graphologie et dans l'activité posturo-mimique accompagnant l'expression émotionnelle (Carton, 1942 ; Teillard, 1948). La direction du regard varie en fonction des mouvements de la pensée ; les contenus affectifs entraînent le regard vers la gauche surtout s'il s'agit de représentations accompagnées d'anxiété. La température de la peau et d'autres phénomènes neuro-végétatifs (transpiration, résistance électrique de la peau, hérissement des poils, décoloration des cheveux, etc.) peuvent être très différents à droite et à gauche du corps selon le vécu actuel ou récent du sujet. Ceux qui regardent très souvent à droite sont plus rationnels (matheux) que ceux qui se montrent attirés par la gauche (plus émotifs, plus créatifs) (Bonis, 1978). Ce symbolisme concerne toutes les directions de l'espace et du corps (Corman, 1948 ; Sackheim, 1978 ; Campbell, 1979 ; etc.). Dans le présent chapitre, remarquons seulement les données " latérales " (cf. tableau ci-après).

Nous verrons qu'une préférence latérale gauche peut nuancer la spécialisation hémisphérique et que cette dernière pèse en faveur de la droiterie ; mais qu'en est-il du symbolisme de l'espace ? Il est certainement très lié aux deux premières ; cependant il s'émancipe en passant par le domaine culturel qui tend à lui donner l'allure d'une structure archétypique. En retour, les rapports du sujet aux vecteurs symboliques de la droite et de la gauche peuvent l'entraîner à jouer de sa propre latéralité en guise de symptôme (il se présentera comme un " faux gaucher ", par exemple). Ce terme de symptôme dépasse largement le pathologique : c'est dire que chacun d'entre nous, comme il doit se situer selon l'opposition masculin/féminin doit le faire de la même façon selon l'opposition droite/gauche ; et pas seulement en politique !

Le sexe et l'opposition droite-gauche

Anaxagore et Empédocle sont d'accord pour dire que les mâles naissent de la semence venant du côté droit, les femelles de celle qui vient du côté gauche... Pour Anaxagore, les mâles se produisent quand la liqueur séminale, venant du côté droit, s'attache à la partie droite de la matrice; pour les femelles, c'est le contraire.

Il semble que les hommes s'y poussent plus que les femmes, moins enclines à se latéraliser et par là plus intuitives et moins unilatéralement investies dans le technologisme d'aujourd'hui (Zaidel, 1984).


Les hommes n'écoutent que d'un lobe[2]

Les femmes ont toujours dit que les hommes n'écoutaient que d'une oreille. En fait, c'est pire: ils n'écouteraient qu'avec la moitié de leur cerveau!

30/11/2000 - Une équipe de la Indiana University School of Medecine, aux États-Unis, est arrivée à cette conclusion après avoir étudié 20 cobayes - 10 hommes et 10 femmes. Selon elle, lorsqu'on leur parle, les hommes utilisent surtout le lobe gauche de leur cerveau, alors que, chez les femmes, les deux hémisphères sont impliqués.

Ces radios de l'activité cérébrale des cerveaux ne laissent aucun doute :
les hommes utilisent un lobe pour écouter, les femmes deux !
(Source : IU School of Medicine, Department of radiology).


Affublés d'écouteurs, les participants devaient écouter des extraits du best-seller américain "The Partner", de John Grisham, pendant que leur cerveau était passé au crible par une technique d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). C'est le flux sanguin qui indique le degré d'activité dans différentes parties du cerveau.

Les chercheurs ont également observé que les femmes réussissaient mieux à écouter deux conversations à la fois. « Cela peut s'expliquer par le fait que davantage de ressources cérébrales sont consacrées au langage» (Joseph Lurito).

Les femmes maîtrisent mieux le langage, tandis que les hommes sont plus performants pour tout ce qui fait intervenir la vision en trois dimensions. Le cerveau des hommes et des femmes est bien différent. Au-delà du côté "anecdotique", cette étude revêt un intérêt scientifique certain: elle suggère que, chez les victimes d'accidents cérébro-vasculaires, les femmes pourraient récupérer plus rapidement leur faculté de comprendre le langage.

Symbolisme de l'espace
(il s'agit de " parentés " psychologiques, non d'identités)

Gauche

Droite

Gauche

Droite

Mère

Père

Bas

Haut

Féminin

Masculin

Masochisme

Sadisme

Passif

Actif

Don de soi

Conquête

Intimité

Société

Passé

Avenir

Inspiration

Action

Maladresse

Habileté

(Yin)

(Yang)

Lune

Soleil

Terre

Ciel

Hiver

Solstice d'été

Espace

Temps, la durée

Nature

Esprit

Ombre

Lumière

Mort

Vie

Mal

Bien

Injuste

Juste

Punition

Récompense

Révolution

Institution

Sinistre

Faste

Matière

Forme

Arrière

Avant

Puissance

Acte

Certains (Roos-Weil, 1983) prétendent discerner le côté du contrôle linguistique chez le gaucher selon l'inclinaison de son écriture : l'écriture penchée à gauche signerait la position sur l'hémisphère gauche, inclinée à droite c'est l'hémisphère droit qui gérerait la parole. A moins d'invoquer quelque mystérieuse contrainte neurologique, on pensera aux significations graphométriques et graphologiques de l'inclinaison graphique : acceptation ou prise de distance vis-à-vis des normes sociales.

L'inclinaison graphique et sa signification graphologique

L'écriture penchée à gauche indique que le sujet se défend contre autrui ou contre soi-même ; il est prudent ou craintif. Il se méfie de son penchant vers autrui, il a peur de se livrer aux autres dans sa faiblesse. Il établit une barrière entre lui et le monde. Il a tendance à se sentir incompris (Delachaux, 1955). Le gaucher ayant cette écriture serait langage-HD.

L'écriture inclinée à droite " traduit un mouvement propulsif qui entraîne le scripteur vers l'avant, ou une incapacité à résister " au conformisme (Aymard, 1985). Le gaucher possédant cette écriture serait langage-HG.

*

Revenons à Cyrille. Il est droitier dans les actes quotidiens, quoique l'hémisphère chargé de l'accompagnement, et qu'on voit généralement obéir, oriente ses gestes en renversant le haut et le bas pour peu que le contrôle visuel disparaisse (cf. fig. 16 et 17 où il renverse les chiffres) ! C'est qu'il existe, en regard de la position conformiste apparente, une attitude non consciente opposée, subversive au sens littéral ! Resterait à déterminer si cette opposition concerne un renversement inconscient des valeurs, de telle sorte que ce qui est valorisé socialement soit méprisé inconsciemment et réciproquement. Une autre explication ferait une part à son histoire de pied-bot : pied éminent jusqu'à supplanter tout le reste, origine possible de ce renversement des valeurs ? Nous pensons bien sûr à Jacob naissant agrippé au talon d'Esaü...

L'arbre ou la colonne renversés sont des constantes culturelles dont on peut sans doute rapprocher les phénomènes individuels d'inversion haut/bas : retournement sacré qui établit les racines de l'être dans le divin universel, principe absolu réputé masculin et paternel. On serait alors en présence d'un fantasme incarné dans le geste graphique, fantasme d'être le fruit du père, enfanté par lui.

Fig. 18. Images de la glotte dans la paralysie récurrentielle unilatérale (gauche).
Le larynx est examiné au repos (A), puis pendant la phonation (B) (Testut et Jacob, 1905).

Un symétrique de la " couvade " ? Les effets d'un tel fonctionnement sur l'économie interne du cerveau ne doivent pas être minces ! En effet, ce renversement évoque un " croisement " fonctionnel des voies quelque peu analogue à celui qui assure les liaisons entre le cerveau et la périphérie, c'est-à-dire, entre l'intérieur et l'extérieur, le subjectif et l'objectif. Ce garçon se comporterait donc d'un hémisphère à l'autre comme du cerveau à l'environnement.

Genúse des spécialisations centrales

Les deux cerveaux sont capables (Bertelson, 1982 ; Gazzaniga, 1983) des deux modes de fonctionnement, quantitatif et qualitatif, analytique et intuitif, scientifique et artistique, mathématique et littéraire, etc. Cependant il est avantageux pour le sujet de spécialiser ses hémisphères. Cela s'acquiert peu à peu et devient de plus en plus difficile à modifier. De sorte qu'une lésion très vaste de l'hémisphère gauche n'empêchera pas l'enfant d'apprendre à parler alors qu'elle rendra presque impossible au vieillard de récupérer son aphasie.

Une théorie renversante

Comment expliquer cette spécialisation, vraie pour le gaucher comme pour le droitier ? L'hypothèse héréditaire est ici plausible ; mais par quel mécanisme s'exprime-t-elle ?

Tomatis remarque la différence de longueur qui sépare les récurrents droit et gauche, ces nerfs qui commandent aux cordes vocales (fig. 19). Il suppose que cette différence anatomique facilite la commande droite de la phonation, au détriment de sa commande gauche. Ceci amène le cerveau à privilégier par un conditionnement lié à l'exercice vocal, fût-il non linguistique, tout le circuit de commande, " voix/écoute " lié à l'hémisphère gauche. C'est une des rares théories qui permette d'expliquer le fait universel de la spécialisation du cerveau gauche pour le langage.

Fig. 19

The top trace shows the Gx (unfiltered) electroglottogram at onset of the word " about ". Note the change of baseline resistance, which is very large compared to the minute changes (ripples in the trace) resulting from the vocal fold cycle. Decreasing resistance (glottal closure) is upward. The change at the start of the utterance shows laryngeal preparation - including vocal fold adduction - for phonation. The lower trace is the audio signal (d'après Baken, 1987).

Pour émettre un son, nous rapprochons nos cordes vocales et obligeons l'air de nos poumons à les faire vibrer en franchissant cette petite fente : nous réglons la hauteur et la force de la voix en modulant la pression de l'air et la contraction des cordes vocales. Si l'une d'elles vient à se paralyser, le son perd de sa précision, la voix devient anormale. Au laryngoscope, on observe que la fente glottique est de travers (fig. 20). C'est aussi


Fig. 20

 

ce qui se passe un instant lorsque le bébé commence à faire effort ou, après la naissance, à crier. En effet, le nerf de commande de la corde gauche étant plus long (10 cm) que celui de la corde droite tarde à mettre en tension (puis en fin d'action, à détendre) la corde qu'il commande. Ce même nerf conduit aussi des influx sensitifs de contrôle, lesquels prennent un retard supplémentaire (20 cm) pour les mêmes raisons (fig. 20). On a démontré que, grâce à un conditionnement qui ne se produit pas chez le sourd, le nerf récurrent gauche prend plus d'épaisseur, ce qui lui permet une plus grande vitesse de conduction, de telle sorte que, au bout d'un certain temps, l'influx arrive aux deux cordes vocales en même temps.

Ce serait l'exercice vocal, son apprentissage, qui induirait la différence de fonction des hémisphères à partir de l'inégale longueur des récurrents : d'où l'universalité du phénomène et son installation progressive (l'aphasie de l'enfant paralysé du côté droit est beaucoup moins grave que celle de l'adulte). Cette théorie n'est pas démontrée. On ne peut cependant la contester au nom du fait qu'elle s'est liée, historiquement, à la théorie " neuro-chronaxique " (aujourd'hui abandonnée) de la production vocale. En effet l'adoption de la théorie " aérodynamique myo-élastique " ne supprime pas la nécessité d'une commande de la phonation par les récurrents (Crystal, 1987, p. 129).

On a pu montrer (2011) que la synthèse axonale de myéline est accrue sous l'effet de l'activité du neurone qu'elle enrobe; cette synthèse se fait grâce aux oligodendrocytes qui entourent le neurone. Le rattrapage de vitesse du récurrent gauche par rapport au récurrent droit laisse alors supposer que le récurrent gauche reçoit une commande plus souvent répétée que le récurrent droit; comme si son retard de contraction par rapport à son homologue était perçu à chaque tentative de vocalisation; les centres corticaux, devant ce retard analysé comme un échec de la commande, la réitèrent aussitôt. Lorsque ce processus aboutit à la synchronisation des influx droit et gauche, ce mécanisme disparait.

Lucien Bassou (1983) a montré que les sourds sont généralement ambidextres (par diminution des performances de la main droite) et sont plus souvent gauchers de l'oeil que les entendants.

Plus de 95 % des individus spécialisent leurs hémisphères comme nous venons de l'indiquer. Par ailleurs, une majorité préfère utiliser la main droite, la jambe droite, l'oreille droite, l'±il droit pour les actes demandant de la précision et de la finesse. La spécialisation des hémisphères cérébraux, l'usage préférentiel de l'un des côtés du corps pour une tâche donnée et le symbolisme de l'espace (Auriol, 1988a) sont liés et en inter-action. Plus que l'hérédité (qui donnerait seulement la base de la fausse symétrie des organes : le c±ur, le foie, etc.), ce serait dès l'ovulation, mais surtout pendant la vie intra-utérine et les premières années de la vie, que se structurerait le vaste complexe réuni sous le nom de " latéralité " (Michel, 1983).

Genúse des préférences latérales périphériques

Sans gêne

Les travaux concernant une hérédité de la préférence latérale n'ont donné que des résultats contradictoires et peu convaincants. La disposition des organes est asymétrique et orientée de manière constante (c±ur à gauche, foie à droite, etc.). On connaît cependant des cas plus ou moins complets d'inversion de cet agencement (situs inversus avec le c±ur à droite par exemple). Les situs inversus ne semblent pas plus gauchers que les autres (Ruel, 1970). De même, ceux dont les épis de cheveux s'enroulent à droite ne sont ni plus ni moins souvent gauchers que ceux dont les cheveux s'enroulent à gauche. On doit à Silvia Paracchini et William M. Brandler une revue des travaux à ce sujet :


William M. Brandler, Silvia Paracchini, The genetic relationship between handedness and neurodevelopmental disorders, Trends in Molecular Medicine, 26 November 2013 (10.1016/j.molmed.2013.10.008)

Highlights
Genes controlling left/right (LR) body asymmetry also influence handedness.
Some genes associated with handedness or dyslexia are expressed in cilia.
Cilia defects lead to both LR body asymmetry and brain midline phenotypes.
Cilia may play a role in brain midline development, handedness, and dyslexia.

Summary

Handedness and brain asymmetry have been linked to neurodevelopmental disorders such as dyslexia and schizophrenia. The genetic nature of this correlation is not understood. Recent discoveries have shown handedness is determined in part by the biological pathways that establish left/right (LR) body asymmetry during development. Cilia play a key role in this process, and candidate genes for dyslexia have also been recently shown to be involved in cilia formation. Defective cilia result not only in LR body asymmetry phenotypes but also brain midline phenotypes such as an absent corpus callosum. These findings suggest that the mechanisms for establishing LR asymmetry in the body are reused for brain midline development, which in turn influences traits such as handedness and reading ability.

 

Qu'on gêne

La disposition du f±tus dans la matrice, aux différents moments de la grossesse, obéit à des phénomènes complexes reliant l'enfant à sa mère. Déjà, l'origine de l'ovule (ovaire droit ou gauche), son lieu d'implantation lorsqu'il est fécondé et la situation du placenta qui en résulte, puis les mouvements vaginaux et utérins au cours des rapports sexuels, le péristaltisme de l'intestin maternel, les déplacements du diaphragme et de la paroi abdominale liés à la respiration et toutes les positions ou mouvements de la mère participent à la mobilisation du contenu matriciel. Dans les derniers mois de la grossesse, les réactions musculaires de l'enfant contribuent à la mise en place d'un dialogue mouvementé entre les deux partenaires, dialogue dans lequel peuvent s'inscrire des intervenants extérieurs (le père, le médecin, l'haptonomiste, etc.).

Le résultat le plus commun (66 %) de cette dialectique corporelle est la présentation du naissant en OIG (occipito-iliaque-gauche) : le f±tus est disposé tête en bas, l'arrière de son crâne est du côté gauche du bassin de la mère (fig. 21). Or, il existe un lien statistique (Churchill, 1962 ; Grapin, 1968) entre la préférence manuelle du bébé (puis de l'adulte) et le type de présentation de sa naissance (OIG : droiterie ; OID : gaucherie). Pourquoi cette liaison statistique ? La position OIG favorise les contractions avec déplacement (" isotoniques ") des muscles situés à droite et les contractions d'appui (" isométriques ") pour les muscles situés à gauche : en effet le côté droit du corps est proche de l'avant de la mère, plus souple, alors que le côté gauche du f±tus est proche du dos maternel moins mobilisable (Moss, 1929). Il se produit donc un conditionnement et même une " empreinte " liés à cette situation. Le système nerveux, qui est alors en pleine construction, inscrit dans sa structure même la facilité des contractions isométriques à gauche et isotoniques à droite. Mais ceci n'est valable qu'après six mois de grossesse (le f±tus bouge activement à partir de quatre mois et demi ou cinq mois). En effet, les grands prématurés seront, à quatre ans, gauchers à 50 % alors que les autres seront bien plus souvent droitiers (90 %) (O'Callaghan, 1987). Cette étude montre aussi que la différence anatomique du cortex est liée à la date de naissance. Il faut rapprocher de cela le fait que les jumeaux (vrais ou faux) sont plus souvent gauchers que les autres ; la tendance statistique à la droiterie disparaît chez eux. Il est probable que leur situation est moins fixe par rapport aux parois de la matrice ; surtout, l'un des deux a généralement une posture opposée à celle de son frère, de sorte que, si notre hypothèse est correcte, il doit être porté vers une préférence latérale inverse.

Sur les traces du globe pâle

A partir du sixième mois, on observe qu'une formation nerveuse appelée globus pallidus est plus grosse et plus active à gauche qu'à droite. Elle est impliquée dans le mouvement - surtout au moment de l'intention de ce mouvement - du côté opposé. Les animaux se latéralisent sans dominance droite particulière (ils sont droitiers pour moitié) : à leur latéralisation individuelle correspond un globus pallidus majoré (Koistra, 1988).

Allo ! Maman ?

L'oreille droite du f±tus, en OIG, sera plus proche de la paroi abdominale de la mère et, par là, sensibilisée aux bruits externes, alors que l'oreille gauche, affrontée au sacrum maternel, sera davantage soumise aux bruits organiques (aorte, colon) et à la conduction osseuse de la mère (fondamental de la voix maternelle, bruit des pas, etc.). Tout ceci doit produire de nombreuses variations individuelles quant à l'importance et à la distribution des préférences latérales.




Fig. 21
A. Tête engagée en OIGA (deux tiers des cas) ; B. Tête engagée en OIDP (un tiers des cas) (d'après Paucot et Bédrine, 1963)

 

Tout d'un côté

Les nouveau-nés " préfèrent " avoir la tête orientée d'une certaine façon (majoritairement à droite). Ceci est lié à leur situation préalable dans l'utérus et se renforce d'une plus grande sensibilité auditive et tactile, du même côté. Viviani (1978) a pu montrer qu'à l'âge de 7 ans les enfants étaient latéralisés en fonction de ces premières données.

Dans les trois premiers mois de la vie, le nourrisson développe le " réflexe tonique du cou " : s'il tourne la tête d'un côté, son bras et sa jambe se tendent du même côté et fléchissent de l'autre côté. Ce mécanisme est lié aux parties du cerveau les plus basales, celles qu'on trouve déjà chez les reptiles. Cependant, l'orientation vers la droite est plus fréquente.

L'antagonisme nécessaire à toute action est ici du type haut/bas. L'extension de la main droite va avec celle du pied droit, de même pour la flexion. On peut commencer ainsi à rendre compte de l'inversion tête-bêche manifestée par le test de Cyrille. Nous avons là une symétrie par rapport à un point au lieu de l'avoir par rapport à un plan ; autrement dit, tout se passe comme si, outre la symétrie droite/gauche (cf. plus loin), s'ajoutait une symétrie haut/bas, utilisant la partie supérieure de l'hémisphère droit comme un reflet de sa partie inférieure et réciproquement ! Pour reconnaître un visage - et sans doute d'autres formes -, l'enfant banal se base sur la partie supérieure de la photo ou du dessin (front, yeux...) alors que l'autiste de moins de 10 ans s'intéresse à la partie inférieure (nez, bouche, menton...) (Langdell, 1978).

Au cours des tout premiers mois, le principe d'orientation actif est surtout d'ordre olfactif et l'action musculaire surtout d'ordre tonique, coopératrice aux manipulations décidées et agies par l'adulte (notamment la mère). On peut lier ce stade aux relations mère/enfant évoquées par Winnicott comme nursing, holding et handling. Sans parler des perturbations majeures de cette communication (telles qu'on les voit par exemple dans l'autisme), on retrouvera plus tard, sous forme de troubles irréductibles par les moyens classiques, toute fragilité alors acquise : maladresse, troubles lexiques et graphiques, difficulté de coordonner la pensée, stabiliser le comportement, etc. (Lefebvre et Labonté, 1975). De même les qualités rythmiques, les capacités d'intégration fusionnelle aux groupes prendront là le plus vif de leur valeur. A cette étape, l'organisme agit caractéristiquement comme s'il était fait de deux côtés à commande centrale indépendante, chacun réagissant à ses propres stimulations pour son propre compte ; l'intégration d'ensemble étant assurée par la moelle épinière et les parties basses de l'encéphale (bulbe rachidien).

Dès le deuxième ou le troisième mois (Ramsay, 1980), le bébé cherche à atteindre d'une seule main les objets qu'il regarde d'un seul ±il pour les porter à sa bouche. La préférence pour un côté (droit le plus souvent) persistera et se retrouvera inchangée pour 90 % des sujets jusqu'au 15e mois. A ce corps " coupé en deux ", il est suggestif de faire correspondre l'univers splité de Mélanie Klein (1952). Le bébé en est, pour elle, à la " position paranoïde " : il clive le sein (la maman) en deux objets : l'un parfaitement bon, l'autre parfaitement mauvais, selon qu'il est gratifiant ou frustrant.

Dans les cas de David et surtout de Cyrille, il est possible, à titre hypothétique, de relever la trace d'une " identification projective ". En effet, nous avons quelque raison de penser que cette période fut problématique et susceptible d'avoir entraîné des ébauches de fixation. Par ailleurs, le tracé tête-bêche présente à l'examinatrice située en vis-à-vis un dessin des chiffres lisible sans qu'elle ait à retourner la feuille pour le découvrir : un dessin des nombres tel qu'elle aurait pu le réaliser elle-même, de la place où elle se trouve. C'est bien là une identification centrifuge, " projective " au sens large. Il devient même probable, si on tient compte de mécanismes postérieurs liés au problème de castration, qu'il s'agit d'une identification projective au sens strict, c'est-à-dire avec le profond désir de léser fantasmatiquement la mère, de l'intérieur, en positionnant en elle certaines parties " mauvaises " de la personne du sujet (le pied-bot pour Cyrille) (Klein, 1952).

A demain

L'enfant, de cinq mois à un an, manipule les objets à deux mains (qui ont alors un rôle équivalent) et manifeste ainsi une première coopération des deux hémicorps d'origine haute (symétrie D/G). Les apprentissages réalisés d'un côté du corps peuvent être transférés à l'autre moitié grâce à la mise en fonction du corps calleux (ensemble de fibres qui unit les deux hémisphères). Il utilise les deux yeux qu'il commence à mieux coordonner. Il commence à se servir grossièrement de l'opposition du pouce aux autres doigts. (Selon M.-L. Aucher, les bébés nés de mamans ayant beaucoup chanté durant leur grossesse réalisent cela dès la naissance !)

Il fait l'apprentissage du sourire relationnel, puis du connu et de l'inconnu, de l'avant et de l'arrière, du vu et de l'entendu, de l'absence et des retrouvailles (Spitz, 1968). Il s'essaie à maîtriser les disparitions de la mère par le " jeu de la bobine " : il jette un objet puis le réclame pour le jeter, et le jeter encore (Freud : " Fort Da ").

Mélanie Klein (1952) parle de " position dépressive ". L'enfant parvient à intégrer sa mère comme un objet unifié : il n'y a plus d'un côté la " bonne mère " et de l'autre la " satanique ", mais une seule personne avec ses côtés gratifiants et frustrants. Lacan (1959-1986) utilise Heidegger pour montrer que l'absence de l'objet renvoie à la nostalgie d'une chose, finalement inaccessible, charge creuse qui a la puissance du vide. Ceci ne se limite pas à un moment de l'enfance mais concerne la relation du sujet à l'Etre. " La certitude de l'Etre est avant tout certitude de son absence : comme telle, elle est inséparable du désir de la retrouver, car n'étant pas connaissance objective, elle ne saurait se manifester que dans le sentiment de notre séparation, naissant lui-même de notre tendance à n'être pas séparés " (Alquié, 1950).

Piaget a montré que toute cette période (de la naissance à un ou deux ans) permettait à l'enfant de développer le concept d'objet permanent (stade sensori-moteur).

Et l'enfant de joindre les mains...

Une, deux... Une, deux...

Entre un et trois ans, la gestualité se développe de sorte qu'on observe des mouvements complexes mettant en jeu les deux bras et les deux yeux de manière différenciée et coordonnée : une partie du corps vise une action en se supportant de l'autre partie, utilisée comme appui, contrepoids. Ainsi peut s'acquérir la marche : instabilité maîtrisée, équilibre dynamique, synthèse d'activité et de passivité. Une jambe en avant, l'autre ne bouge pas, un bras en avant, l'autre encore en arrière... De même pour les mains. Au début de ce stade, la tendance à saisir les objets de la main préférée (en général, droite) peut sembler disparaître pour quelque temps. Cependant, c'est avec cette main que sont réalisés les actes fins que l'autre se contente de seconder.

La maîtrise des sphincters s'établit tandis que la relation au monde s'oriente par la vue. Freud décrit le stade sadique-anal avec ses avatars : maîtrise musculaire, ordre, parcimonie, entêtement, etc. L'individu se manifeste, agit face à, ou contre, son entourage et se laisse " corriger " par lui.

Nous en sommes à la pensée préopératoire (égocentrique) de Piaget ; l'étiquetage devient possible. Les mots sont comme des sacs poubelles où se fourrent les objets et les expériences, selon les regroupements appris auprès des autres. Le langage revêt surtout des formes concrètes avec prédominance de l'expression corporelle et mimique.

Développement du fonctionnement cérébral (Thatcher, 1987)

Tout l'hémisphère droit (avant 3 ans) ...

Lobe frontal droit (de 3 à 5 ans) Lobe temporal gauche (2 à 5 ans)

Lobe temporal droit (de 7 à 10 ans) ...

Mesker considère qu'on n'en est alors qu'au tout début de la véritable structuration latérale, de second degré pour ainsi dire, qui se fera en cinq nouvelles étapes. On va passer d'une évolution de maturation des structures nerveuses (commune à tous) à un usage maîtrisable de leurs fonctions que certains n'atteindront pas.

Les étapes de Mesker

A deux pieds : Gauche, droite

La première étape est celle d'antagonisme gauche-droite qui se développe pendant la troisième ou la quatrième année : lorsque j'effectue un geste vers la gauche, impliquant mes deux bras, il s'agit d'un mouvement basé sur l'antagonisme des muscles gauches ou droits de même nom : si le deltoïde droit est contracté, le gauche sera relâché, etc. La marche, le balancement des bras, les mouvements de torsion sont des exemples d'antagonisme gauche-droite. On peut vérifier la bonne intégration de cette capacité en demandant à l'individu de tracer simultanément avec les deux mains deux guirlandes de gauche à droite. Il sait converger de manière symétrique et la vision du relief s'instaure.

En avant

La deuxième étape est celle de l'antagonisme dorso-ventral qui se développe pendant la quatrième ou la cinquième année : chaque main commence à manipuler finement les objets au moyen de la " pince " formée du pouce opposé à l'index et au majeur, l'enfant peut s'amuser à des courbettes (utilisées dans les comptines), la parole s'étend à des mots complexes, des phrases, des formules de politesse. L'un des deux yeux devient " directeur " : la convergence s'établit sur les points qu'il vise. Si l'±il " dirigé " ne veut pas se soumettre, il y aura constitution d'un strabisme. Cette étape et la suivante se vivent sur la toile de fond du stade " phallique " avec les problèmes de castration et de revendication qu'il fait naître. Pour Piaget, c'est la pensée intuitive qui domine. Encore incapable de se détacher du monde extérieur, l'enfant ne peut encore faire des " expériences de pensée ".

Sois sage !

La troisième étape, toujours fondée sur l'antagonisme dorso-ventral, établit pleinement la symétrie. Elle se développe pendant la cinquième ou la sixième année. On peut en évaluer l'acquisition en demandant à l'enfant de dessiner avec ses deux mains deux guirlandes de boucles à partir du plan médian et en se dirigeant latéralement des deux côtés, donc dans un mouvement des mains centrifuge.

Choisir son camp !

La quatrième étape correspond à un début de latéralisation. Elle se développe pendant la sixième ou la septième année. L'enfant devient capable de reconnaître, sur son propre corps, la gauche et la droite. Il prend la responsabilité de guider et d'organiser ses actions selon un repérage clairement latéralisé. L'ensemble des actes, en l'absence de pression éducative exagérée, se range sous l'une ou l'autre bannière, de la droite ou de la gauche.

Suite et fin

La cinquième étape permet une pleine maturation de cette latéralisation entre la septième et la onzième année (Glees, 1968 ; Michel, 1983). L'enfant reconnaît la droite et la gauche sur le corps d'autrui. Le choix de la main, pour les actes voulus, est d'abord assez souple, puis de plus en plus affirmé, jusqu'à contracter une certaine rigidité. Le sujet devient capable d'effectuer en même temps un mouvement lent d'une main et un mouvement rapide de l'autre (Fagard, 1987). Peut-être parviendra-t-il un jour, comme quelques-uns, à battre trois temps d'une main et quatre de l'autre ! Guy Maneveau a mis en évidence (Groupe de réflexion sur les sons) combien la performance reste rare, y compris chez l'adulte et même le musicien !

C'est la " phase de latence " psychanalytique : les pulsions semblent s'assagir, c'est l'âge de raison et de l'éducation morale ou religieuse (première communion, etc.). La pensée, selon Piaget, devient capable de classer hiérarchiquement, de constituer des relations asymétriques dans un système (sériation), de comptabiliser... C'est à cette période que la capacité d'analyse tonale et la capacité d'analyse temporelle s'établissent pour un grand nombre d'enfants.

Age Asymétrie apprise Fonction

F±tus Haut et bas Vivre

0 à 6 mois Dedans et dehors Exister
6 à 12 mois Devant et derrière Etre

1 à 4 ans Tourner Devenir
(horaire et anti-horaire)
4 à 7 ans Ecarter et rapprocher Exprimer
(sagitto-latéral)
7 à 14 ans Agir droitier (ou gaucher) Répondre

Au cours de la maturation, ont pu jouer toutes sortes de facteurs qui se renforcent, se combattent ou se combinent : prédispositions congénitales, compétences ou handicaps acquis et pressions du milieu. Ces dernières se concrétisent dans le fait que les gauchers sont d'autant moins nombreux que l'âge des enfants augmente (30 % à la naissance, 15 % des enfants en période scolaire et seulement 7 % des adultes !).

Quand tout est fini ?

Il existe une pression vers la droite. Elle est d'origine non seulement externe mais aussi et surtout interne : en effet le langage est l'apanage du lobe gauche, y compris, quoique à un moindre degré, chez le gaucher. Il se pourrait donc que ce soit l'activité linguistique, sa valeur quantitative et son degré de complexité qui tirent tout être intelligent, et d'autant plus qu'il l'est et exerce ses capacités analytiques vers la droiterie homogène.

L'enfant peut se laisser guider par toutes ces contraintes, les nuancer ou s'y opposer farouchement. Ce peut être une façon inconsciente de somatiser certains refus qu'il est incapable de formuler ni même de connaître. Jusqu'à créer d'importants blocages intellectuels ou certains troubles de la parole. On comprend alors que toute distorsion dans l'évolution que nous avons décrite puisse avoir des conséquences. Pas forcément négatives d'ailleurs : l'originalité et le dépassement peuvent se puiser dans les obstacles et les privations. La non-homogénéité des latéralités, les oppositions plus ou moins profondes aux schémas moteurs et spatiaux majoritaires, ac-

Les difficultés de latéralisation

Difficultés liées à l'antagonisme haut-bas (0 à 3 mois)

Erreurs haut/bas (b/p ; 6/9...) : enfants très maladroits ; grosses difficultés pour toutes les acquisitions scolaires : lecture, écriture et calcul.

Difficultés liées à l'antagonisme droite-gauche (3-4 ans)

Problèmes : pseudo-débilité, difficultés scolaires généralisées.

Présentation : enfant " amorphe " ou " ailleurs ".

Difficultés liées à l'antagonisme dos-ventre (4-6 ans)

Latéralisation forcée (symétrie non intégrée).

Problèmes : dyslexie profonde, dysorthographie, dyscalculie.

Présentation : appliqué, s'épuise mais sans résultats, trop sage, inhibé, écriture de bonne forme, trop appuyée, difficultés en mathématiques, résultats scolaires bons durant les premiers temps puis régressent.

Erreurs de spatialisation au test d'écoute (voir plus loin)

Ecriture peu soignée ; inversion g-d du dessin des lettres (confusion b/d, eu/ue, ei/ie, 12/21, etc.).

Instabilité de la concentration.

Difficulté du début de latéralisation (6-7 ans)

Latéralisation instable (tantôt droitiers, tantôt gauchers).

Problèmes : dyslexie légère, difficultés en lecture et orthographe, résultats irréguliers en mathématiques surtout.

Présentation : indiscipliné, dominé par l'instant.

Difficulté pour la phase de latéralisation intégrée (7-12 ans)

Problèmes : lenteur dommageable, erreurs sporadiques.

Présentation : timide, introverti.

Droitiers qui écrivent de la main gauche ou l'inverse

Refus scolaire, introversion.

Droitiers qui écoutent à gauche (ou l'inverse)

Faible concentration, fautes non systématiques, " pourrait faire beaucoup mieux ", résultats décevants.

Confusions de sons (sourdes/sonores: f-v, s-z, etc.) et difficultés au test de Stambak et Delta-T de Leipp très élevé

Fatigabilité, distractibilité (Spirig, 1978).

Divergences entre les courbes d'audition par conduction aérienne et par conduction osseuse sans trace de surdité

Problèmes psychologiques, défaut de symbolisation, tendances à la somatisation, conflits non explicités.

Accompagnent souvent différents troubles ou différentes aptitudes particulières. Il y a plus de gauchers parmi les enfants scolairement en retard mais en contre-partie, beaucoup de champions de très haut niveau ou de créateurs sont, eux aussi, latéralisés de façon non standard. Les chercheurs ont plutôt repéré les conséquences désagréables que les heureux détours (cf. tableau des difficultés de latéralisation).

Une recherche de Valière-Montaud (1978) confirme la corrélation entre droiterie homogène et bonne adaptation scolaire sans qu'on puisse affirmer laquelle est cause de l'autre.

L'écriture propre à notre culture est une performance sensori-motrice spécialement conçue pour la main droite. D'où l'accroissement des difficultés graphiques pour les gauchers de la main, surtout quand l'autorisation qu'on leur a faite d'écrire ainsi reposait sur une préférence manuelle artificielle, fragile ou mal assurée. Il ne faudrait pas pour autant oublier que l'écriture est un dessin et, comme telle, met en jeu l'hémisphère droit. Ainsi, les analphabètes (qui ne savent ni lire ni écrire) présentent-ils une plus forte spécialisation de leur hémisphère gauche pour le langage. Le dessin des mots met à contribution, au moins pour un temps, une forme de bilatéralité (Tzavaras, 1981).

Les deux dernières étapes, consacrées à la latéralisation définitive, sont contemporaines, sur le plan psychanalytique, de l'installation de la phase " de latence ", période consacrée à une accommodation de l'enfant au groupe social, " âge de raison " des catéchistes catholiques, où les pulsions se disciplinent et se subliment. Cette association (non fortuite) du perfectionnement linguistique oral et écrit à la phase de structuration de la rationalité et à la mise en place définitive de l'asymétrie corticale permet de comprendre l'incroyable valorisation du côté droit dans toutes les sociétés. Il n'est pas seulement le signe d'appartenance à la majorité conformiste, il devient signe de sociabilité, altruisme, adresse, justice, sincérité, chance, etc. Réciproquement, la gauche sera malhabile, impure, néfaste, voire sinistre !

Il existe dès lors au moins trois motifs pour élire un côté dans les actions fines. Ces motifs pouvant, bien entendu, se renforcer réciproquement ou entrer en conflit. Le premier dépend de la spécialisation hémisphérique qui rend plus rentable l'usage de la droite et des conditionnements intra-utérins ou périnataux qui peuvent tirer dans le même sens ou vers la gauche. Le second prend sa source dans la signification de conformité sociale revêtue par la droiterie. Etre droitier malgré sa gaucherie préalable par conformisme, hyper-socialisation ; être gaucher malgré sa tendance spontanée à la droiterie, par opposition aux schémas régnant, au groupe social dans son ensemble. Le troisième est une somatisation de certaines identifications ou antagonismes vis-à-vis des personnes qui constituent l'environnement éducatif : les parents, les frères et s±urs comme les éducateurs. Dans ces cas, on doit attendre des contradictions entre latéralité de la main et de l'±il ou du pied.

Ainsi le dialogue amorcé au cours de la vie utérine s'amplifie après la naissance et intègre progressivement de nombreux partenaires et potentiellement toute la société. Les latéralités peuvent s'acquérir en conformité ou en opposition avec ces différents partenaires ou ces différentes ambiances : ainsi observera-t-on des gaucheries ou des droiteries d'opposition ou d'assentiment, quelle que soit la tendance installée jusqu'à l'étape d'acquisition considérée (Kraft, 1983). Du point de vue de l'habileté manuelle et sans doute aussi des acquisitions plus abstraites, la concordance de latéralité entre enseignant et enseigné est un facteur de plus grand succès (Michel, 1983).

Il existe un lien entre le style de l'individu, ses compétences spontanées et son type de préférence latérale. Par exemple, les gauchers ont (statistiquement...) plus de capacité dans les tâches visuo-spatiales, sont plus imaginatifs, plus intuitifs, se repèrent mieux topographiquement. Les droitiers sont plus doués dans les activités abstraites, logiques, mathématiques.

Conclusion sur les latéralités en général

Dans la vie courante, la plupart des actions sont difficiles à classer car elles mêlent différents types possibles de latéralité. La simple préférence mesurée par les tests cède la place à une véritable stratégie. Cela implique, naturellement, une grande complexité et une sorte de " délocalisation ".

Chemin faisant, à propos de l'évolution des latéralités, on se sera demandé s'il est possible, s'il est souhaitable, d'intervenir de manière volontaire sur ce processus. En fait, l'existence de sujets brillants ou moyens présentant des latéralités inversées ou discordantes invite à la circonspection. Cette prudence est devenue excessive à la suite de tant de malheurs attribués à la " gaucherie contrariée ". Une plus large expérience invite à penser que l'apprentissage de la droiterie chez le gaucher, ou de l'ambidextrie chez tout un chacun, pourrait comporter plus d'avantages que d'inconvénients, surtout si elle se fait judicieusement en fonction des étapes développementales que nous avons décrites. Le cas de l'oreille semble poser un problème spécifique en raison de sa liaison avec le langage.

Latéralité de l'écoute

La latéralité manuelle réduit le temps de décision pour l'exécution des tâches en supprimant le débat de savoir quelle main serait " au charbon " (Flowers, 1975). On comprend immédiatement l'avantage, plus grand encore (Tomatis ; Sparks cité par Barbizet, 1969 ; Torruella, 1980 ; etc.), de l'enfant que ses antécédents portent à la droiterie de l'oreille : le son est immédiatement reçu par l'hémisphère compétent et analysé, l'information n'ayant pas à transiter d'abord par le corps calleux (fig. 22). Chez le gaucher de l'oreille, un trajet supplémentaire est nécessaire (fig. 23) ; et une perte de temps... D'où fatigue, ennui et le cercle vicieux des échecs et réprimandes.



Fig. 22. Trajet sémantique (droitier de l'oreille).[Schéma de J. Auriol. ]

 

Les tests de latéralité auditive

On comprend l'intérêt des chercheurs pour découvrir un test fiable de cette latéralité auditive, si précieuse à connaître. Il en existe de nombreux, dont voici quelques-uns.

L'oreille la meilleure

On procède par simple comparaison des deux oreilles (seuils, capacité d'analyse tonale, discrimination temporelle, etc.). Le mathématicien Alexis Vandermonde (1756) prétendait que la voix fausse est le résultat d'une inégalité d'acuité auditive entre les deux oreilles. Il proposait donc d'entraîner l'oreille la moins compétente afin d'aboutir à la voix juste chez tout le monde. Simplification abusive, certes. Mais non dépourvue d'une forte intuition. Les défauts de l'écoute sont générateurs de distorsions vocales comme nous le verrons.

Les seuils d'un même individu varient selon les moments de la journée, les bruits qu'il vient d'entendre, son état d'esprit vis-à-vis du test et du testeur, son entraînement musical, etc. Il existe éventuellement des différences entre les deux oreilles, qu'il s'agisse du seuil tonal ou de sa récupération après fatigue (Parrot, 1981). Ces différences sont souvent en faveur de l'oreille droite (notamment pour 4 kHz), mais peuvent aller en sens contraire pour une autre fréquence (par ex. 6 kHz). Il serait utile de savoir si ces différences, notamment pour la zone des fréquences utilisées dans la langue, sont corrélées aux autres tests sonores de latéralité.

Fig. 23. Trajet sémantique (gaucher de l'oreille). .[Schéma de J. Auriol. ]

 

Test dichotique

Il m'a paru opportun de créer une épreuve simple permettant de déterminer l'oreille préférée de mes clients pour l'écoute d'un discours suivi. J'ai d'abord imaginé d'employer une bande dichotique classique : un mot est présenté à une oreille pendant qu'un mot différent est donné, strictement en même temps, à l'autre. Il faut dire ce qu'on a entendu. Le sujet entend l'un des deux mots avant l'autre. S'il entend d'abord le mot de droite, il y a priorité droite et de même pour la gauche. En utilisant plusieurs paires successives, on détermine la priorité la plus fréquente. Le sujet pourra alors se classer parmi les droitiers ou gauchers de l'oreille.

La mémoire immédiate joue certainement un grand rôle en cette affaire (Hardyck, 1978), ce qui me fondait à proposer une épreuve moins rigoureuse mais plus globale (Auriol, 1980). Nous avons donc enregistré un texte simple et peu connu sur une piste, et un texte différent, mais tiré du même corpus, sur l'autre piste. Les niveaux d'enregistrement sont identiques, le speaker est le même, l'épreuve dure dix minutes. Le sujet doit, après avoir entendu ces deux enregistrements, l'un sur l'oreille droite, l'autre sur l'oreille gauche, grâce à un casque stéréo, faire le récit des deux histoires si possible, ou au moins, de l'une d'elles. S'il raconte celle de gauche, il est noté (dG), si c'est celle de droite (Dg) ; s'il les maîtrise toutes deux (DG) et s'il mélange tout ou fait un récit incohérent (dg). Dans ce dernier cas, le sujet affirme souvent - ou montre - que l'épreuve en a été une pour lui... Quant à ceux qui ont tout retenu, l'analyse de leur performance permet peut-être de les diviser en deux catégories : certains ont suivi " naturellement " les deux discours simultanément, comme ils étaient donnés, accumulant les données correspondantes dans deux mémoires parallèles. Les autres (plus nombreux sur la petite série que nous connaissons) ont fait du time-sharing, c'est-à-dire qu'ils écoutaient un morceau tout en préservant l'autre côté en mémoire, puis traitaient au niveau de la signification ce dernier en gardant l'autre côté en mémoire,

" Time-sharing " au test des deux histoires

Temps 1 : Analyse du sens de NVg : Préservation du flux sonore D

Vg et mise en mémoire verbale en mémoire non verbale : NVd.

V1 = V1 + Vg

remise à zéro de NVg.

Temps 2 : Préservation du flux sonore G Analyse du sens NVd : Vd et

en mémoire non verbale NVg. mise en mémoire verbale

V2 = V2 + Vd

remise à zéro de NVd.

Temps 3 : Si l'épreuve n'est pas terminée,

retour au temps 1.

NV : mémoire non verbale - V1 : mémoire verbale 1
V2 : mémoire verbale 2 - d : droite - g : gauche

etc. Ceux qui sont latéralisés à droite ou à gauche semblent " mettre à la trappe " l'histoire qui ne sera pas racontée et mettre en mémoire celle qui le sera. Ils sont attentifs à l'une et négligents à l'autre. Ce qui ne signifie pas qu'ils n'en ont rien retenu.

On peut utiliser le même type de test en remplaçant les textes par des mélodies. Dans le cas général, c'est l'oreille gauche qui suit les mélodies et l'oreille droite le langage articulé.

La spatialisation audiométrique

Lorsqu'on fait passer le test d'écoute, on peut demander au sujet de situer la provenance de ce qu'il perçoit. En conduction aérienne, la localisation se fait sans ambiguïté dans la plupart des cas. Il est pourtant des sujets (non sourds) qui produisent une erreur (sur 22 mesures) ou davantage. Il s'agit probablement de difficultés relationnelles importantes qu'on devra approfondir dans le dialogue psychothérapique. Leur nature pourrait être liée à la signification de la (des) fréquence(s) en question.

En conduction osseuse, et même en dehors d'une quelconque atteinte auditive, les erreurs se rencontrent souvent : soit que le sujet attribue le son à l'autre oreille, soit qu'il l'entende également des deux côtés. Ceci n'est pas un fait du hasard puisque certains ne font jamais d'erreur. Pour les autres, on peut voir leur difficulté diminuer au cours d'une cure sonique suffisamment prolongée.

Le défaut d'activité suppressive controlatérale du système efférent médian

La thèse de CLAIRE GRATALOUP s'est intéressée au phénomène de la compréhension de la parole dégradée. Grâce aux approches conjointes de la psycholinguistique et de la neurophysiologie, des études comportementales et des tests auditifs ont été menés chez des participants adultes sains et chez des participants adultes dyslexiques. Les mesures comportementales ont exploré les capacités des participants à reconstruire de la parole dégradée artificiellement.

Deux types de dégradations de la parole ont été utilisées:

  • l’inversion temporelle du signal
  • et la parole dans la parole.

Les résultats montrent l’existence d’une capacité cognitive à reconstruire de la parole dégradée qui dépend du niveau d’altération du signal d’origine, mais également de paramètres internes au système cognitif, et propres à chaque individu, tels la capacité d’activation des mécanismes lexicaux, et peut être la latéralisation hémisphérique.

Les caractéristiques psycholinguistiques des mots à restituer conditionnent leur compréhension en situation de perception difficile, de même que les caractéristiques psycholinguistiques du contenu lexical du bruit concurrent lors de la perception de la parole dans la parole.

Les tests auditifs cliniques ont permis de mettre en évidence des corrélations entre la latéralisation des voies auditives descendantes des participants et leurs capacités à comprendre de la parole dégradée. Les résultats des patients dyslexiques ont montré des performances réduites pour reconstruire de la parole dégradée associées à un profil symétrique des voies auditives descendantes [il s'agit du système efférent médian qui gère l'atténuation de l'activité des Cellules Ciliées Externes quand on stimule l'autre oreille] . Ces résultats sont interprétés en faveur de l’hypothèse d’un lien entre asymétrie cérébrale et capacités langagières.

Les illusions latérales

Deutsch (1973) a décrit des illusions perceptives très curieuses qui conduisent la plupart des sujets à localiser les sons de manière erronée (fig. 24).

On a observé que les droitiers localisent les aigus à droite alors que les gauchers se répartissent en deux groupes : l'un réagit comme les droitiers, l'autre à l'inverse. Cette illusion pourra donc servir de test pour évaluer certaines formes de gaucherie de l'oreille.

Henri Urgell (1985) a remarqué que le réglage des prothèses auditives favorisant les graves pour l'oreille gauche et les aigus pour la droite était bien meilleur (plus confortable, mieux accepté, procurant une meilleure compréhension de la parole) que le réglage inverse.

L'illusion latérale d'octave : dans cette illusion, toute la suite des sons présentés à l'oreille gauche erst ignorée. Le sujet perçoit pourtant des sons graves à gauche : ce sont ceux qu'on lui présente en réalité à l'oreille droite.


L'illusion latérale des demi-gammes : l'oreille droite perçoit les demi gammes hautes; l'oreille gauche les demi-gammes graves. Dans chacune de ces perceptions, une note sur deux a été physiquement présentée au côté opposé.

Fig. 24. Illusions latérales.

Le test des variations latérales de Leipp

Il a montré que si l'on fait passer brusquement, à l'aide d'un casque, un son pur d'une oreille sur l'autre, le sujet peut avoir l'impression que le son perçu à gauche est plus - ou moins - aigu que celui de droite ! Ceci, même chez des musiciens, peut aller jusqu'à un demi-ton de différence... Nous avons testé ce phénomène de manière systématique. Il ne semble pas très corrélé aux autres tests de latéralité mais plutôt lié aux capacités d'analyse tonale quant à la fréquence considérée (sous réserves de recherches statistiques en cours).

Latéralité des discriminations tonales

La capacité d'analyse tonale peut être testée sur les deux oreilles, mais il est plus instructif de répéter l'opération pour chacune des deux. On observe alors des différences qui sont liées à l'exercice (les musiciens et les sujets entraînés en général voient leurs performances s'améliorer, spécialement sur l'oreille droite) (Auriol, 1988b). Il existe donc une certaine latéralité de la capacité d'analyse tonale (meilleure sur le côté dominant pour le langage ?). Il en irait symétriquement pour les capacités d'analyse spectrale (Risset, 1986).

Latéralité des discriminations temporelles

Bassou (1983) et Urgell ont montré qu'il existe des différences dans la capacité de compter des clics très rapprochés (TFT de Leipp) selon qu'on est plutôt " gaucher " ou " droitier ". Le test de latéralité complet de Bassou sera bientôt disponible (il requiert un matériel assez sophistiqué). Il permettra d'apprécier les différentes latéralités sensorielles et motrices et leur rapport aux attitudes (analytique ou globaliste) des deux hémisphères.

Audiolatérométrie

On établit l'amplitude de l'oreille droite et de l'oreille gauche à la même valeur (par exemple grâce à un appareil Linco). On augmente ensuite l'amplitude de l'oreille gauche jusqu'à une valeur (GMX) telle que le sujet entende que sa propre voix vient de gauche (Tomatis, 1972) ; on diminue ensuite cette amplitude jusqu'à (GMN) ce qu'il ait l'impression qu'elle vient de droite. On opère de même en gardant fixe l'amplitude sur l'oreille gauche et en faisant varier celle de l'oreille droite. On peut calculer un indice de latéralité basé sur la différence des valeurs : DMX et GMX. Il convient de prendre garde, pour ce test, à une éventuelle différence des seuils entre OG et OD (moyenne des seuils en aérien et osseux).

Test de la voix répétée retardée

On demande au sujet de parler devant un micro qui permet de lui renvoyer ce qu'il a produit avec un retard d'un à trois dizièmes de seconde (Portmann, 1978)). Il est très gêné par ce décalage (souvenez-vous de l'émission de Guy Lux et Léon Zitrone !). Cette gêne est beaucoup plus grande sur l'oreille dominante pour le langage que sur l'autre. Il suffit donc d'évaluer cette différence pour déterminer s'il est droitier ou gaucher de l'écoute.

Valière-Montaud et al. (1978) ont montré que les enfants en retard scolaire, d'une année ou plus, étaient significativement plus souvent gauchers de l'oreille que les autres. De même, quoique à un moindre degré, l'homogénéité de préférence latérale entre l'oreille, la main, l'±il et le pied est plus faible chez les enfants en difficulté.

Parlez-moi autrement !

La mimique et certaines caractéristiques de la voix invitent à penser qu'il existe deux manières de parler. Yva Barthélemy (1984) remarque l'attitude dissymétrique de certains chanteurs professionnels, " le corps légèrement de profil et la tête toujours tournée du même côté vers l'auditoire ", ce qui engendre (ou provient d') une tension excessive et unilatérale du cou et de la nuque avec une moindre performance vocale. Un autre défaut se marque par la surélévation de l'épaule gauche, manifestant une tension excessive d'origine émotionnelle, surtout du côté le moins " contrôlé ".

Pour Tomatis, lorsqu'il s'agit d'une expression orientée par les valeurs du symbolisme droit, la voix a plus de mordant, plus d'harmoniques, elle est plus vibrante, sonore, mieux perceptible et compréhensible (malgré une énergie physiquement comparable). Les personnes qui parlent ainsi se font mieux écouter, indépendamment de l'intérêt de leurs idées. La voix est en avant, ne s'engonce pas dans le masque ni dans le nez. Cette voix est aussi une voix contrôlée par l'oreille droite. Cette observation est, au moins, vraie chez le sujet éduqué, rééduqué ou professionnel de la voix (chanteurs, comédiens, orateurs) sur lesquels Tomatis a fondé ses conclusions. Il n'en va pas forcément - ou toujours - ainsi...

Thérapie sonique d'impact droit

Tomatis (1956) a conclu de sa pratique clinique qu'il était avantageux de rééduquer nombre d'enfants (et d'adultes) dyslexiques, retardés scolaires, introvertis, qu'ils soient droitiers ou gauchers, en privilégiant l'oreille droite pour les exercices verbaux. En exemple, Pierre, " cancre " exclu de tous les établissements, publics ou privés, se hisse, à l'issue d'une cure d'oreille électronique prolongée, au niveau du doctorat en psychologie ! Cette pratique se prouve par ses résultats mais se renforce aussi des données expérimentales ou cliniques attestant la plus grande incidence de la gaucherie de la main ou de l'oreille (test dichotique verbal) chez les enfants peu ou beaucoup retardés (Valière-Montaud, 1978 ; Pipe, 1983). David (comm. pers., 1989) pense qu'il est opportun d'opérer parfois en sens inverse, si les potentiels évoqués cognitifs montrent une latéralité inverse.

Sachant qu'une latéralité bien structurée n'apparaît qu'assez tardivement, il est nécessaire de se montrer prudent quant à la rééducation de la latéralité auditive chez le très jeune enfant (de moins de six ou sept ans). Il s'agira d'ailleurs là plus d'une éducation que d'une rééducation !...

L'étude de Gillis (1976) compare, sur des enfants de huit ans, l'effet de 120 heures de rééducation privilégiant l'oreille droite à un autre groupe où les deux oreilles étaient stimulées. Cette étude menée selon des contraintes expérimentales rigoureuses (observateurs indépendants des éducateurs) a montré un effet très significatif et positif sur les capacités de lecture d'une rééducation stimulant l'oreille droite. Ceux qui en bénéficiaient le plus étaient les sujets qui présentaient une écoute gauche au test dichotique. Cette étude comme le succès des très nombreux centres appliquant la méthode Tomatis ou d'autres formes de l'audio-psycho-phonologie invitent à largement développer cette latéralisation auditive que trop d'orthophonistes ou de médecins ignorent encore.

pour continuer : (chap. 7) ou plan du livre

 

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MAJ 05 Août 2014