LE TEST TEMPOREL DE LEIPP

EST - IL POUR LE SYSTEME NERVEUX

UN INDICATEUR LOCALISÉ OU GLOBAL ?

Bull. Audiophonol. Ann. Sc. Univ. Franche- Comté, 1986, Vol. 2 NS, NO 5 & 6, 505- 512

 

Dr Bernard AURIOL

 

 

 

 

Le test temporel de Leipp est - il, pour le système nerveux, un indicateur localisé ou global ?

 

Nous pratiquons régulièrement, sur nos patients demandeurs de psycho­thérapie, le test temporel du regretté Pr. E. Leipp.

 A propos d'un cas frappant, nous nous posons la question de savoir si cette épreuve donne une idée du fonctionnement d'ensemble du système nerveux ou seulement des éléments périphériques et/ou centraux de l'audition.

 

Is the Leipp's time delay test a local or global indicator with regard to the central nervous system ?

 

We generally use to test our asking for a psychotherapy patients with the Leipp's Time Delay Test. About a striking case, we wonder if, either this test gives particular on the working of the nervous system as a whole or only on peripheral or/and central auditory process.

 


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Le test temporel de Leipp est-il, pour le système nerveux, un indicateur localisé ou global ?

 

E. Leipp propose de mesurer le pouvoir séparateur temporel, c'est-à-dire la durée maximum de silence inaperçu entre deux clics sonores consécutifs. « Tel sujet distinguera nettement des impulsions distantes de quelques millisecondes, tel autre, par contre, les fusionnera en magma uniforme ! ». Il prétend que le musicien qui possède “ une résolution temporelle exceptionnelle s'intéressera par exemple aux chants très rapides de certains oiseaux (alouette, rouge- gorge, etc. ... ), dont la “mélodie” le séduira, alors que tel autre trouvera ce chant inintéressant. De même, tel musicien sera attiré par des instruments de musique particuliers, dont il perçoit bien les transitoires très brèves (clavecin...  ), qu'un autre n'entend même pas, parce que son oreille n'est pas assez “ rapide ”.

 

“Il est évident qu'un auditeur ayant un pouvoir séparateur temporel de 2 ms perçoit dans une même séquence beaucoup plus d'informations qu'un auditeur dont le “pas” temporel est de 50 ms. La norme, relevée sur quelques 300 sujets, jeunes, musiciens, est située entre 25 et 50 ms, les valeurs extrêmes étant d'environ 5 et 100 ms. Ce pouvoir séparateur serait susceptible d'entraînement, par exemple il s'améliorerait chez les accordeurs de piano !

 

Nous avons pris l'habitude, dans le cadre de notre consultation, de proposer à la plupart des nouveaux patients, un ensemble de tests psychologiques et neuro-sensoriels. Parmi ces derniers figure le TFT de Leipp qui comporte un examen audiométrique tonal, la recherche de la fréquence de coupure cochléaire vers les aigus et vers les graves et, enfin, la capacité de discrimination temporelle évaluée de la façon suivante :

 

On fait entendre dix séries de cinq clics, les clics sont identiques entre eux, mais séparés les uns des autres par un temps de silence variant de 2 à 250 millisecondes. On demande au sujet de tracer un bâton pour chaque son entendu. Lorsqu'un intervalle n'est pas perçu, le sujet fusionnant deux sons en un, il omettra un bâton : nous pourrons ainsi noter comme inaperçu l'intervalle silencieux correspondant. Nous retenons comme valeur du test le plus long intervalle ignoré.

E. Leipp en préconisant cette épreuve insiste sur son intérêt pour le musicien, voire le mélomane, mais n'extrapole aucunement à d'autres régions de l'encéphale que l'ensemble cochlée/cortex temporal via les voies et centres sous - corticaux intermédiaires.

 

Pour nous se pose pourtant la question : la valeur du test est-elle le reflet d'un élément de fonctionnement limité à l'ensemble en question, ou doit-on lire son résultat comme un reflet plus global ? Par exemple si le STL (seuil temporel de Leipp) est à 100 ms, doit-on en inférer une simple lenteur “auditive”, cependant que les processus visuels, tactiles, psycho­moteurs auraient une vitesse différente ? Ou bien devrons-nous conclure à une sorte de “paresse” du Système Nerveux Central dans son ensemble ? S'agira- t- il d'une lenteur de fonctionnement de chacune des unités nerveuses (neurones, synapses) ou bien d'un ensemble fonctionnel comportant un “chemin” plus ou moins long, ou encore d'un traitement de l'information faisant intervenir toutes - ou beaucoup parmi elles - les structures encéphaliques ?

 

Pour clarifier cela, nous examinerons simplement le cas qui nous a extrêmement frappé, d'une de nos patientes, Line Liendretta, étudiante en Secrétariat de dix- huit ans.

 

Elle précise qu'elle éprouve de grandes difficultés, dans ses études, depuis un an ; à cette époque elle est prise de crises de bâillements (sans qu'on puisse noter chez elle une insomnie, mais Mr Montagne nous a ici même rappelé que certains d'entre nous ont besoin d'une durée de sommeil beaucoup plus longue que la moyenne) et on diagnostiquait six mois plus tard une hypothyroïdie sans augmentation de la TSH. On note encore, au moment de sa venue chez nous, des problèmes hypophysaires avec une image au scanner évoquant un microadénome de la selle turcique ; elle présente des règles irrégulières après une aménorrhée totale de trois ans et on observe un certain degré d'hirsutisme. On note des crises d'asthénie, de fourmillements, une discrète hypomagnésémie avec un E.M.G. positif. Le Magnésium la soulage alors que les tranquillisants, même à dose minimum, la mettent dans un état second plus désagréable encore qu'en l'absence de médicaments.

 

Elle est ambidextre pour la plupart des gestes courants mais écrit de la main droite.

 

Elle se dépeint comme pessimiste, méticuleuse, surtout depuis quatre ou cinq années. Elle note ses fréquents conflits avec son père, qu'elle trouve irritable, dépourvu de toute patience !

 

Remarquons à quel moment s'est considérablement aggravé ce tableau de dysendocrinisme fonctionnel, à quel moment apparaissent les troubles psychologiques de type dépressif ayant entraîné la consultation du psychiatre:

 


 

 

Il y a, semble- t- il, une articulation majeure qui est représentée par le passage de l'apprentissage des signes sténo à l’entraînement à la rapidité sténo. Là elle est perdue et demande grâce. Voyez comme elle parle : “J'ai été fatiguée dès que j'ai fait de la sténo”, “la sténo me crève, c'est trop rapide”, “la sténo m'a complètement refroidie”. Auparavant, malgré la lenteur qu'elle se connaissait et qui l'amenait à passer bien plus de temps sur ses devoirs que ses compagnes, elle “ assurait” ; lorsqu'il faut impérative­ment accélérer le rythme, faire non très bien mais très vite, tout est fini pour elle. La scolarité est interrompue et ne pourra reprendre qu'après une cure méthodique et l'aménagement de ses perspectives professionnelles.

 

Or, son test de Leipp est supérieur ou égal à 100 ms, ce qui est une valeur extrême, très rarement trouvée. Par contre, son audiogramme tonal est proche de la norme et sa capacité de différencier les fréquences est de bonne qualité.

 

On peut se demander, à partir de cette observation, s'il existe chez elle une “lenteur généralisée” du système nerveux, à partir de deux constats :

 

1)     la lenteur de ses activités intellectuelles par rapport à ses compagnes, spécialement mise en évidence lors de l'épreuve de “rapidité” en sténo ;

2)     sa difficulté à distinguer deux sons séparés par un silence supérieur à 100 ms.

 

Cette lenteur pourrait être, elle- même, dépendante d'un fonction­nement hypophysaire ayant entraîné une discrète hypothyroïdie. Resterait, ici, à dégager une éventuelle influence de l'hypothyroïdie sur le test temporel de Leipp, dans le sens - bien sûr - d'une augmentation. Il parait cependant peu probable que l'hypothyroïdie constatée ici, et qui était à la limite inférieure de la normale, soit suffisante pour expliquer ces deux phénomènes de lenteur (1 et 2 ) .

 

Le dysfonctionnement hormonal, qui s'est amendé par une forme d'intervention psychothérapique, n'était pas lié à une organicité quelconque. On admet alors qu'il était sous l'influence de phénomènes cérébraux plus complexes, phénomènes déterminés pour l'essentiel, par ses expériences précoces et sa biographie et présentement par les exigences familiales et scolaires.

 

Discussion

 

Cette bien simple observation clinique parait militer en faveur de liens très larges entre le test temporel de Leipp et d'autres données temporelles concernant la vie cérébrale dans son ensemble. Mais, paradoxalement, si on prend en compte la bonne compétence en matière tonale de Line, il faudra ajouter que l'implication temporelle de ce test n'est pas généralisable à tous les aspects temporels de l'écoute, puisqu'elle laisse intacte la sélectivité et la différenciation fréquentielle. Nous n'avons pas eu l'occasion de pratiquer des tests sensori-moteurs du type “temps de réaction” . D'autres communi­cations présentées à ces mêmes journées (celles de R. Efron, J.C. Risset, M.C. Botte et de J.C. Lafon, par exemple) conduisent à la nécessité de distinguer deux formes - au moins - de la résolution temporelle auditive : l'une d'elle est liée aux processus les plus périphériques (période réfractaire de l'ensemble cellule réceptrice/premier neurone) ; elle ne dépasserait pas 2 millisecondes. La deuxième correspond à un jugement, impliquant à la fois le système d'écoute dans son ensemble, la prise de conscience, puis la verbalisation. Le “gap”, quoique perçu, peut être négligé comme tel et simplement vécu comme une différence dans la qualité du son, le sujet hésitant à considérer qu'il s'agit de deux sons distincts pour envisager plutôt un “bruit différent”, plus intense ou d'une plus grande durée... Le travail de C. Cave met spécialement en évidence ce phénomène par l'introduction d'une échelle de “ certitude ” dans le jugement.

 

Dans le cas de Line, c'est plutôt l'analyse rythmique, la prise en compte des événements sonores successifs qui sont perturbées et certainement aussi le besoin “obsessionnel” de vérification, de certitude indubitable avant de se décider à énoncer la distinction des événements sonores. D'autres travaux (L. Bassou, 1983) insistent sur la possibilité de deux attitudes dont la deuxième est beaucoup plus performante que la première : dans un cas, le sujet réalise un décompte minutieux des événements sensoriels qu'il doit dénombrer, dans l’autre, il reçoit globalement l'ensemble du message et y repère des formes (qui peuvent servir à un dénombrement s'il s'agit d'un ensemble assez simple : en pratique inférieur à cinq événements) .

 

L. Bassou (1983), Observe qu'il existe une nette dissymétrie entre les deux oreilles ; cette différence est homogène au test dichotique. Ce fait nous contraint à la conclusion que le test temporel de Leipp mesure une fonction très globale du fonctionnement cérébral et ne saurait être réduit à un phénomène sensoriel.

 

REMERCIEMENTS

 

Ce travail doit beaucoup au regretté Pr. E. Leipp, à Mme Castellengo et au Pr. Sapaly. Je ne peux oublier non plus l'aide précieuse du Pr. Josserand et de tous les membres du Groupe de Réflexion sur les Sons de Toulouse que nous animions en commun.

 

 


 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

  1. BASSOU L., 1983 : Asymétries de comportements moteurs et perceptifs et différences de comportement cognitif chez des enfants soumis à une tâche spatiale ; sous la direction de J. Curie et J. Cambon, UER des Sciences du Comportement, Toulouse Mirail, 350 p., Bibliographie
  2. LEIPP E., 1977, La machine à écouter, Masson, p. 107
  3. LEIPP E. & SAPALY J, 1978 : Mode d'emploi du T.F.T., Tests de perception fréquentielle et temporelle,  Bull. Audiophonol., 3, 3, 31,37

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MAJ partielle : 8 Juin 2014