L'orgue, générateur de sons subjectifs

Bernard Thourel, Facteur d'Orgue

                 


 

L'orgue, de par sa conception mécanique et acoustique, impose un comportement muré de toute objectivité de la part de l'instrumentiste. Celui-ci semble entièrement conditionné par le comportement de son instrument, si bien que sorti de son       environnement habituel, l'organiste a du mal à s'adapter et va se trouver mal à l'aise devant un autre type d'instrument qui pourtant restitue des sons identiques (puisque simplement enregistrés) mais dont l'environnement est entièrement différent.

 

 

L'ORGUE GENERATEUR DE SONS SUBJECTIFS

 

 

De par le passé, beaucoup de procédés ont été mis en oeuvre pour reproduire les sons typiques de l'Orgue, et ceci avec plus ou moins de bonheur. Les techniques modernes permettent maintenant de le reproduire fidèlement par un simple enregistrement numérique comparable au fameux disque laser dont       la qualité n'est plus à démontrer.

 

 

Il apparait alors un comportement curieux de la part des instrumentistes : leur attitude change au fur et à mesure qu'ils approchent de l'instrument.

 

 

Dans un premier stade, on leur fait simplement entendre l'orgue numérique dans une nef, et ce, sans qu'ils voient la console. Les critiques que l'on entend sont uniquement d'ordre d'estéthique sonore du style : " c'est un orgue classique et je préfère les orgues romantiques. Il n'a pas assez de caractère ou il en a trop", etc...

On perçoit donc une approche tout à fait "normale" qui se tient au niveau des sons perçus.

 

 

Lorsqu'on découvre la console, premier mouvement d'étonnement : il n'y a pas de tuyaux !. Suivent alors des questions d'ordre technique tout à fait légitimes. Nous sommes encorde dans le domaine de l'objectivité ais à partir d'ici, la subjectivité va prendre le pas sur tout autre sentiment.

 

 

En effet, l'organiste va jouer l'instrument avec déjà une certaine réserve: il n'est pas dans ses tuyaux. Alors, il cherche, il hésite avant de jouer. On entend même des réflexions du type : "Je ne pourrai jamais jouer la dessus".

 

 

Il touche enfin les claviers et là la subjectivité devient prépondérante : il a l'impression de ne plus commander la soupape.

 

 

Ce qu'il faut savoir, c'est que pour envoyer l'air (le vent comme disent les organiers) dans les tuyaux, des soupapes étanches sont placées dans une boite sous pression d'air qui règne dans la boite étanche (la laye). A travers un système d'étanchéité, on tire sur la soupape grâce à une touche du clavier. Il faut donc, par appui sur la touche, exercer une force suffisante pour vaincre la force du ressort et surtout, la résistance au décollement due à la pression de l'air. Lorsque ce point dur est passé, la soupape se décolle et la touche s'enfonce brutalement. D'où une certaine sensation sous les doigts. C'est à travers cette sensation que les organistes pensent contrôler l'arrivée d'air dans les tuyaux. En d'autres termes, ils croient qu'en modulant la force (ou plus exactement la vitesse) avec laquelle ils attaquent la touche, ils vont contrôler plus ou moins la réponse du son produit par le tuyau. Ce qu'ils oublient simplement c'est que la réponse du tuyau est uniquement fonction de paramètres fixés par le constructeur de l'orgue (surface du trou correspondant à la soupape, dimension de la gravure, pression de l'air, etc...). En fait, les organistes rêvent de cette possibilité qui ajouterait une dimension à leur instrument qui est l'impression qu'ils n'ont pas.

 

 

Cette longue digression a eu simplement pour but de montrer la subjectivité qui va aller grandissante.

 

 

Pour en terminer avec les claviers qui vont permettre  de  générer des sons, tentons une petite expérience. On prend deux claviers mécaniquement identiques. L'un a des touches en plastique, l'autre a les mêmes touches qui ont été simplement recouvertes avec un placage de bois de quelques centièmes de millimètres d'épaisseur (pas d'influence sur le poids de la touche). De plus, ce clavier a été inversé; c'est-à-dire que les touches blanches sont devenues noires et les touches noires sont devenues couleur bois clair (beaucoup d'orgues ont de tels claviers).

 

 

Lorsque l'on fait "jouer" ces claviers, beaucoup auront l'impression de sentir comme un décollement de soupape sur le clavier façon bois alors que l'autre clavier sera jugé mauvais au point de vue du toucher !

 

 

Le stade du contact avec l'instrument étant dépassé, les sons se font entendre. Curieusement, ils sont devenus moins bons qu'au début maintenant que l'on a découvert l'instrument. L'objectivité a pratiquement disparue. Prenons un exemple.

 

 

Il existe dans l'orgue un jeu qui s'appelle la Montre. Nous prenons donc une Montre de 8 pieds que nous décalons d'une octave vers le bas. On obtient ainsi une Montre de 16 pieds. Installons l'organiste devant le clavier et demandons lui de jouer avec la Montre de 8 pieds. Il pourra ainsi juger le timbre de ce jeu. Maintenant, on lui demande de jouer avec la Montre de 16 pieds mais en utilisant le clavier une octave plus haut. On obtient théoriquement le même timbre avec la même hauteur de son. Eh bien, l'un sera jugé différent de l'autre. Les sons perçus sont devenus intérieurement subjectifs.

 

 

En résumé, on peut dire que la subjectivité des sons, dans le cas de l'orgue, est liée à l'environnement, au contact physique des doigts et à l'appréhension qu'a l'organiste lorsqu'il joue sur un instrument inconnu de lui, même si physiquement les sons produits sont identiques (analyse spectrale).

 

Pour un orgue donné, le son semble imposé par la structure de l'instrument. Changeons la structure et la subjectivité changera le son. Dans certains grands orgues, la disposition des tuyaux est telle que lorsque tous les claviers jouent ensemble, certains sons ne peuvent plus être perçus par les oreilles; l'organiste les "entend" malgré tout !

 

                                  

Bernard THOUREL

 

   

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12 Mai 2008