Evolution des lieux d'écoute et des formes sonores

Sylviane Boubée, Acousticienne, Environnement. Ville de Toulouse.

 

I) Panorama

Les musicologues pensent que les premières formes sonores furent la voix et les mains frappées. Puis vers 3000 ans av.J.C. apparurent des flûtes (retrouvées lors de fouilles archéologiques). Plus tard, se rajoutèrent les instruments de type harpes ou lyres.

Mais il faut attendre le Vème siècle av.J.C pour voir apparaître une forme quasi-définitive de théâtres en plein air, premiers lieux d'écoute dont il nous reste des vestiges. Ces théâtres pouvaient être très grands (Epidaure comptait 12000 personnes, Syracuse 20000). On les utilisait pour le théâtre, la voix, la déclamation, les choeurs ...

La forme sonore vocale y subit artificiellement sa première modification avec l'utilisation des masques de théâtre (persona).

On vit également à cette époque s'introduire la notion d'adéquation du monument à l'activité recherchée, car la musique ne se faisait pas dans les théâtres mais dans les Odéons, structures de même forme mais plus petites (environ 1500 places) et plus pentues quant à leurs gradins.

A l'époque romaine, les formes sonores n'évoluèrent pas de manière significative, les lieux sonores non plus, seuls les théâtres subirent deux principales modifications dont une au niveau de l'orchestre qui de forme circulaire passa en hémicycle et l'autre dans le rajout de murs de scène (surfaces acoustico - réfléchissantes à côté des locuteurs).

Pendant le Moyen Age, une musique homophone (plusieurs voix chantant à l'unisson) s'entendit dans les cathédrales et des chants populaires (de danse, de métiers, courtois...) s’entendirent dans la rue ; puis vers la fin de cette époque, toujours dans les cathédrales, l'orgue résonna.

La Renaissance vit la création de petites formations dans les palais et les petites églises. La rue connut les défilés et les fêtes avec pléthore de tambours et trompettes.

Au siècle des Lumières, la musique prit beaucoup d'ampleur: les grandes résidences avaient leur salle de musique, certaines tavernes le devinrent et eurent tant de succès qu'on créa enfin des salles de concert, puis des théâtres fermés cette fois pour le lyrique.

L'époque romantique développa la forme symphonique..., les salles de concert s'agrandirent comme les orchestres.

Le XXe siècle apporta la musique électroacoustique, la sonorisation et les salles polyvalentes.

II) Les grandes lignes de l'évolution

A partir de ce panorama, essayons de dégager les principaux types de lieux d'écoute, de formes sonores et de leurs caractéristiques interactives essentielles.

Les lieux d'écoute peuvent se regrouper en quatre grandes familles :

- les lieux ouverts (théâtres grecs et romains, odéons, places...)
- les lieux fermés (salles de musique, théâtres lyriques...)
- les lieux sonorisés (salles polyvalentes avec amplification électroacoustique)
- les lieux modulables (dont les parois ou le volume peuvent être modifiés pour en changer les caractéristiques).

Les formes sonores, du point de vue de l'acousticien peuvent être

- voix parlée ou déclamée (théâtre, conférence...)
- production instrumentale (solo ou petite formation)
- chant (seul ou en choeur)
- symphonique ou lyrique (grandes masses instrumentales ou vocales)
- musique électroacoustique (rock, contemporain...)

Leurs caractéristiques ont pu être étudiées

- du point de vue de la géométrie : pendant l'Antiquité avec la forme circulaire ou en hémicycle permettant une meilleure distribution du son en relation avec l'optique, puis avec des notions de rayons sonores et l’introduction des espaces clos comme lieux de spectacle.
- du point de vue de l’acoustique physique : par des recherches sur la réflexion (le son se réfléchit sur les surfaces lisses en analogie avec les rayons lumineux sur un miroir), sur la diffusion (par des reliefs qui dispersent le son par exemple), sur la focalisation (en parallèle avec les rayons optiques, certaines formes géométriques regroupent après plusieurs réflexions le son sur un même point, notamment avec les voûtes, les coupoles...), sur l'amplitude du son et sa distribution (dans certains lieux, on a l'impression d'avoir des baisses et des augmentations du son selon les places), sur la restitution des fréquences (hauteurs), sur l’intelligibilité...
- du point de vue de la sensation : on peut privilégier l'ampleur sonore, la précision d'écoute, l'intimité, la vue, la clarté, l'homogénéité...


III) Interaction des lieux d'ecoute, des formes sonores et de l'homme

II y a toujours au niveau de ces interactions deux démarches possibles adéquation de la forme sonore au lieu ou adéquation du lieu à la forme sonore.

- adéquation de la forme sonore au lieu

v . dans les salles de musique réverbérantes (dues à de nombreuses réflexions), la musique et le chant étaient assez lents ou de forme homophone pour éviter le chevauchement des sons ou des syllabes, qui aurait nuit à la compréhension,
v . dans les salles sourdes ou mates, on jouait des morceaux rapides ou forts, ou bien on amplifiait la voix, on la canalisait lorsque, dans les théâtres antiques, il fallait augmenter la force sonore.
v . dans les formes sonores trop diversifiées, par exemple dans le lyrique où la voix et la musique s'entremêlent, on séparait géographiquement les éléments de ces formes entre eux, avec la fosse, ou encore à l'heure actuelle, on sonorise les formes sonores en utilisant des hauts-parleurs pour pallier l'inadéquation du lieu.

- adéquation du lieu à la forme sonore

v . les lieux ont une fonction unique et on les crée de telle manière qu'ils correspondent à cette fonction : salles de musique, de conférence, de théâtre ...
v . la salle a plusieurs fonctions mais est alors modulable, on augmente le volume pour le symphonique, on rajoute des surfaces réfléchissantes pour certains types de musique...

La tendance actuelle va plutôt vers un développement de la première démarche poussée à l'extrême, à savoir vers une abstraction du lieu : n'importe quel lieu doit pouvoir être utilisé, on assiste ainsi à des concerts de Cage en pleine ville, certains concerts sont organisés dans des grottes, le lyrique va dans la nature par le play-back du cinéma, Stockausen fait tourner la musique autour des auditeurs : l’électroacoustique adapte.

Cette démarche se veut pluridisciplinaire pour associer le son et la vue, ôter le côté ponctuel d'un spectacle en l'associant à des éléments de la vie de tous les jours ou à la nature.


Alors, que choisir -

- adaptation du lieu d'écoute
- adaptation de la forme sonore
- adaptation de l'homme

A vous et à nous de donner la réponse.

 


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11 Mai 2008