Le son ou le subjectif présent, vu sous l'angle de la musicothérapie

Gérard Ducourneau

A mon sens la musicothérapie est l'utilisation des éléments du contexte sonore/ musical -tous ces éléments ont un rapport avec l'individu dans son histoire – afin de tenter d’établir ou de rétablir une communication fortement perturbée... souvent absente.

Je parle ici de personnes qui ne peuvent pas, ou pas encore, ou ne peuvent plus, bénéficier d'une thérapie verbale. C'est une intervention qui se situe dans le domaine de la relation, les éléments précités étant les médiateurs. Munie de moyens et possédant des buts, elle nécessite donc une indication et s'articule, faut-il le souligner, dans un ensemble pluridisciplinaire.

Je dois ajouter qu'elle n'est pas à confondre avec d'autres interventions déjà largement étudiées et qui utilisent le domaine qui nous intéresse ici, à savoir celui des vibrations, du son en particulier, parmi lesquelles on peut citer l'échographie, l'oreille électronique du Dr Tomatis, l'acousticothérapie du Dr Feldman, la psychophonie de Marie-Louise Aucher, la musicotricité,... etc.., etc...

Le musicothérapeute se trouve donc ici entre les deux grands pôles que sont le spécialiste du matériau sonore (acousticien) et le spécialiste du verbe, le psychanalyste, cette "bibliothèque de l'inconscient".

Je voudrais encore souligner que je situe la musicothérapie du côté de ce qu'on nomme la "médecine des âmes"... ces fameux thérapeutes décrits par Philon d'Alexandrie et non du côté de la "médecine du corps".

Avancerais-je par ces propos qu'un amalgame puisse avoir lieu entre musicothérapie et psychanalyse-
Certainement pas !

D'un côté nous avons toujours une mise en acte, une mise en jeu corporelle, même minime, de l'autre nous avons une mise en parole.

En musicothérapie nous travaillons essentiellement sur un plan de communication analogique car il ne peut souvent en être autrement, c'est ce qui fonde la démarche et délimite l'indication. Nous tentons de faire jouer les articulations pouvant favoriser la digitalisation permettant d'accéder à la prise de conscience.

Je fais ici référence aux travaux de l'école de Palo-Alto, mais surtout à l’approche réalisée par le Dr Guy Rosolato dans ses ouvrages. Je crois d’ailleurs qu'il nous a offert, à nous, musicothérapeutes, un outil, non pas simple mais facilement mémorisable, dont les quatre sommets fixent ce qui est de l'ordre de la métonymie analogique, de la métonymie digitale, de la métaphore analogique et de la métaphore digitale. Autrement dit tout ce qui fait le sujet pensant, le sujet parlant.

On ne peut nier l'importance du sonore, les divers timbres, les diverses mélodies, les nuances des énoncés, tout cet ensemble lié aux propos et aux actions fait que le langage se met ou non, bien ou mal, en place.

Spitz a bien précisé dans ses observations que "la perception est fonction de l'investissement libidinal et donc résulte de l'intervention d'une quelconque émotion. Les émotions sont apportées - dit-il - par la mère ou par son substitut."

N'oublions pas que les effets de la structure du langage affectent nos réponses à d'autres sons. La position de l'accentuation oriente la perception. Voir, à ce sujet, les travaux de Jakobson. On peut identifier des impressions auditives imperceptibles dans la mesure où ces impressions fonctionnent comme signaux, si elles sont, par exemple, liées à des significations.

Sans nous étendre outre mesure, cela ouvre la voie à l'étude de la "Note Bleue" de Chopin, de "l'identité sonore" de Benenzon que je ne peux manquer de citer puisque parlant de musicothérapie (parler de musicothérapie sans parler de Benenzon serait parler de Eurin sans Guimiot !) ou encore à "la musique et la transe" de Rouget.

Autrement dit pour nous, musicothérapeutes, le moindre son est référé à quelque chose qui est de l'ordre du langage. Citons pour exemple, mais il y en aurait mille autres ce que dit Freud dans "Un cas de paranoïa en contradiction avec la théorie psychanalytique" :

"Elle (le personnage principal) fut effrayée par un bruit insolite, semblable à un battement ou un tintement. Ce bruit venait... etc ...". On voit que, outre la direction, importante ici, qui elle-même renvoie à une série d'associations purement digitales, le bruit, en lui-même, est nommé.


Ce texte présente un autre intérêt du reste, car il nous pose le problème du présent dans sa réalité même d'être déjà du passé et Freud laisse penser qu'en réalité le bruit ne prit de l'importance que lors d'une situation ultérieure.

A la vérité on peut même se demander avec Freud si, effectivement, il y avait eu bruit ou si dans le sens le plus absolu ne fut-ce pas, tout simplement, un parfait exemple de subjectif présent !

Si nous prenons, par exemple, un paramètre du son qu'est la durée, nous pensons que cela peut conduire à une réflexion. Ceci pourra advenir si nous ne demeurons pas au stade d'une simple durée (le temps passe) mais si cela devient notre histoire. Percevoir le présent, nous le savons, c'est bien autre chose que percevoir une répétition du passé, sinon nous n'arrivons qu'à une confusion : passé, présent, futur, tout est confondu.

A ce moment-là, on passe le temps, on tue le temps ! Le présent doit entraîner le passé vers un avenir, il n'y a présent que parce qu'il y a futur (et le passé n'est que par notre présent). Bien sûr voilà un thème qui nous entraînerait bien loin et que les psychanalystes connaissent parfaitement mais je voulais le souligner car, travaillant aussi avec des enfants qui, sans être aussi gravement perturbés que les personnes auxquelles je me suis référé jusqu'à présent, n'en sont pas moins en perdition, je ne puis me résoudre à accepter comme fatalité ou exercice comptable les milliers de jeunes qui se suicident ou qui se droguent. "No future" disent les Punks, alors qu'ils devraient dire "no present", c'est-à-dire "pas de passé".

Le son ou le subjectif présent, c'est, à mon sens, souligner aussi que fausse note il y a par rapport à une note antérieure... laquelle est fausse ?

Exister, c'est aussi percevoir, percevoir qu'on appartient à un monde, une culture et l'exprimer.

Pour qu'il y ait perception, il faut qu'il y ait appréhension des séquences, repère des répétitions, des différences. Nous sommes en présence de signifiants en musicothérapie qui peuvent renvoyer à une foule de choses et ce dans les domaines les plus divers. Le jeu des translations métonymiques analogiques offre la possibilité de faire signe afin que le sujet lui-même puisse varier, changer... découvrir peut-être.

Alors... le son subjectif présent... sans doute pour le physicien il s'agit d'objectif, rigoureusement mis en équation, pour ma part je le prendrais comme conditionnel d'existence car imaginer un monde sans le son est largement au dessus de mes possibilités tant ma tête résonne des idées qui envahissent mon esprit.


Gérard Ducourneau
Atelier de musicothérapie de Bordeaux
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12 Mai 2008