CRESSON/EUTERPES, Ecole d'Architecture de Grenoble
Le travail de chantier est un travail bruyant, ou peut-être devrions nous dire sonore. II existe ainsi une relation étroite entre le travail en train de se faire et les sons donnés à entendre.
D'ailleurs n'est-il pas significatif que le terme "production" s'applique à la fois à l'acte de construire et à celui de bruire (on parle alors de production sonore) -
Une écoute attentive de ces productions sonores nous révèle qu'elles ne constituent pas uniquement des effets secondaires et aléatoires du travail mais sont en fait l'objet d'une véritable activité phonique de la part des ouvriers.
Cette activité repose essentiellement sur une écoute sélective de l'environnement sonore ainsi que sur des modulations des actes sonores qui prennent un sens quand on les réfère au contexte du moment. L'attention portée à certains indices (sifflement du chariot de la grue, cliquetis de la benne etc.) et la priorité accordée à certains sons (voix, avertisseur de la grue, etc.) illustrent le premier point.
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La conjugaison de la voix au sifflement, l'imitation vocale des uns par les autres, la maîtrise rythmique des coups ou de la voix en fonction des conditions concrètes du travail ne constituent que quelques exemples du second.
En agissant de la sorte sur le canal sonore, les ouvriers modèlent un
espace, un temps et un réseau de relations, variables et évolutifs,
adaptés au plus près aux exigences de chacun. En ce sens, la dimension
sonore participe sans aucun doute aux savoir-faire des ouvriers du bâtiment
et constitue ici ce que nous pourrions appeler une "culture sonore".
12 Mai 2008