(Conférence invitée au colloque "Vivre les sons", 23-25 Avril 2004)
Dr Bernard M. Auriol
On considère souvent la perception
comme un phénomène purement passif. Nous sommes munis de « capteurs »
qui recevraient sans discrimination les informations en provenance de notre
environnement. Nous serions comme un robot muni de deux micros (les oreilles),
de deux caméras (les yeux), de nombreux capteurs de pression et de température
(la peau), de capteurs cinétiques (les labyrinthes), de capteurs chimiques
(la goût et l’odorat).
On se rend très facilement
compte que cette conception est bien insuffisante : dire que nous captons
certaines données de notre environnement nous invite aussitôt à considérer
que cet environnement n’est informatif que par ses variations et que ces variations
dépendent de nos mouvements. Si j’ai froid, je cherche à rencontrer de meilleures
conditions, un endroit moins venté, un habillement plus confortable, une source
de chaleur, etc. Toutes les actions que j’entreprends pour moins souffrir
du froid vont me permettre de faire évoluer mes perceptions thermiques. Je
suis muni de capteurs et je peux modifier leur position, c’est une première
façon d’être actif au lieu de recevoir simplement des informations.
Il en va de l’audition comme
du reste. Nous nous rendons au concert ou dans le désert selon que nous souhaitons
écouter la musique ou le silence.
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Alors même que nous ne pouvons gérer notre lieu, nous sommes capables de nous orienter vers une source sonore, de nous en approcher ou de nous en éloigner; nous pouvons tendre l’oreille, certes moins bien que ne le ferait notre chien : mais le pavillon auditif de l’homme est muni de trois muscles pour s’orienter vers l’avant ou vers l’arrière, selon ce que nous désirons ou ce que nous redoutons ! Nous pouvons tendre la tête vers l’avant, la reculer, la tourner pour percevoir au mieux les sons les plus subtils. Nous avons aussi découvert des moyens d’amplifier le son au point d’entendre à plusieurs dizaines de mètres de distance ce qui se dit derrière la vitre fermée dont nous captons et amplifions la vibration.
Nous transmettons le son à des milliers de kilomètres, nous le faisons même voyager dans le temps… Le Caruso a disparu, comme Edith Piaf et tant d’autres que les archives d’enregistrements nous restituent tant bien que mal.
Avec Iegor Reznikoff, nous entendons presque les rites préhistoriques, à reconstituer les lieux les meilleurs où ils ont dû se faire entendre : face aux dessins ocres ou charbonneux de nos lointains ancêtres.
Nous le forçons même à retourner d’où il vient. C’est le splendide travail de Mathias Fink qui nous y convie, non seulement pour la curiosité de l’esprit, mais aussi pour tester les avions ou détruire les calculs du rein (Cf. encadré ci-dessous).
De véritables expériences
de renversement du temps peuvent être mises en œuvre dans le domaine
de l'acoustique en utilisant des matrices de transducteurs piézo-électriques.
Les " miroirs à retournement temporel " mis au point par Mathias
Fink et son équipe au Laboratoire " Ondes et acoustique "
(LOA,
CNRS-ESPCI (1)-Université Paris 7) échantillonnent et enregistrent
un champ acoustique incident, puis le réémettent dans une chronologie
inversée.
De tels dispositifs permettent de focaliser
une onde acoustique à travers un milieu très hétérogène, en faisant
revivre à cette onde les différentes étapes de sa vie antérieure et
en lui faisant ainsi parcourir le chemin inverse de sa propagation.
Les applications potentielles de cette technique sont très nombreuses.
La plus avancée concerne la réalisation d'un dispositif très performant
de contrôle non destructif des pièces de titane des moteurs d'avions.
De même, un système de lithotritie capable de poursuivre un calcul rénal
dans ses déplacements et de le détruire a été réalisé au Laboratoire
" Ondes et acoustique ".
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C’est dire
que ouïr passe par écouter, entendre.
Selon Littré, c’est « recevoir les sons par l'oreille, entendre ». Ce qui ferait de notre ouïe ce micro passif auquel je me refuse à la réduire. Mais l’usage s’assortit d’action, comme lorsque Racine (Phèdre, III, 3) écrit :
« De son triomphe affreux je le verrai jouir,
Et conter votre honte à qui voudra l'ouïr »
Ou bien, devant la Cour de justice, aussi bien en Angleterre qu’autrefois chez nous « Oyez, braves gens » ; si l’on use d’impératif n’est ce point qu’on pourrait s’y soustraire ?
Il s’agit déjà de prêter attention. Pour La Fontaine, « il ne faut jamais dire aux gens : écoutez un bon mot, oyez une merveille » (Fable XI, 9).
D’ailleurs on peut refuser d’ouïr
« Quoi ! mon père étant mort et presque entre mes bras,
Son sang criera vengeance et je ne l'orrai pas »
(Corneille, Le Cid, III, 3).
L’étymologie est la même que celle d’audition : latin « auris : oreille »
Étymologiquement, c’est tendre vers, d'où souhaiter, vouloir : « J'entends être obéi », « Je l'entends ainsi, c'est-à-dire je veux que la chose soit ainsi ». Littré ne place qu’en quatrième position ce qui concerne l’audition, diriger son oreille vers, d'où recevoir l'impression des sons. Entendre du bruit. « J'entends parler dans la chambre à côté ».
Faire entendre, faire parvenir à l'ouïe. Il s’agit là de forcer la porte de l’autre qui peut-être n’en voulait rien savoir.
Il n'entend pas de cette oreille-là, il ne veut pas écouter la proposition qu'on lui fait.
Diriger son esprit, d'où par extension, comprendre, saisir le sens. « Les sots lisent un livre et ne l'entendent point ; les esprits médiocres croient l'entendre parfaitement ; les grands esprits ne l'entendent quelquefois pas tout entier » (La Bruyère I). Elliptiquement : « vous avez parlé d'une personne et j'ai entendu une autre, c'est-à-dire j'ai compris qu'il s'agissait d'une autre ». Vous m'entendez bien, c'est-à-dire vous savez ce que je veux dire. Donner à entendre, laisser entendre, insinuer, faire comprendre une chose. Qu'entendez-vous par ces paroles ?
Se comprendre l'un l'autre. Entendons-nous, comprenons bien ce que chacun de nous dit.
Se concerter, être d'accord, d'intelligence. Nous nous entendons bien, nous vivons bien ensemble. S'entendre comme larrons en foire, se dit de gens qui se concertent pour quelque chose de blâmable ou de suspect.
Il n'est pire sourd, ou il n'est point de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, se dit d'un homme qui feint de ne pas ouïr ou de ne pas comprendre.
Pour le Littré les mots ENTENDRE et OUÏR, très différents dans l'origine, sont complètement synonymes aujourd'hui. Ouïr était le mot propre, peu à peu écarté par entendre qui est le mot figuré. Ouïr c'est percevoir par l'oreille ; entendre c'est proprement faire attention ; l'usage seul lui a donné le sens détourné d'ouïr. La seule différence qu'il y ait, c'est que ouïr est devenu d'un usage restreint.
Entendre c'est être frappé des sons ; écouter c'est prêter l'oreille pour les entendre. Quelquefois on n'entend pas quoiqu'on écoute, et souvent on entend sans écouter.
On le rapproche de « ausculto » qui signifie écouter avec grande attention, obéir.
« N'écouter que d'une oreille », faire peu d'attention, ne faire aucun cas de ce qu'on dit.
« On l'embrasse à plusieurs reprises, on croit l'aimer, on a soi-même plus de deux oreilles pour l'écouter » (La Bruyère, III). A notre époque, Théodore Reik a utilisé le terme de « troisième oreille » pour signifier l’écoute flottante du psychanalyste. Belline s’en sert pour évoquer la connaissance intuitive dont il se croit doué.
Tu parles, mon coeur écoute ;Je soupire, tu m'entends ;Ton oeil compte goutte à goutteLes larmes que je répands.(Lamartine, Harmonies I, 8).
de ob-audire « écouter en vue de, écouter avec un objectif, obéir », non seulement c’est entendre, mais c’est faire en sorte d’entendre et plus, c’est entendre pour accomplir, le groupe obéit au chef pour réaliser les objectifs du groupe.
On a insisté sur le rôle important des muscles de l’étrier et du marteau qui, en réglant la tension du tympan et de la fenêtre ovale permettent une écoute optimale, atténuant les sons trop forts, destructeurs de la cochlée, visant au mieux les sons très faibles, pour se rendre capable de capter l’énergie vibratoire minimale. Ces muscles sont extrêmement actifs, toujours au charbon, presque au même titre que le muscle cardiaque !
Du grec Kainein (être bouche bée) dérive (Kasmastai) bâiller. Ce lien n’est pas innocent, il indique sans doute que la meilleure écoute s’accompagne d’une relaxation de la région de la bouche et des oreilles. On n’en perdra pas une miette. Nous en sommes bouche bée. L’écoute admirative, étonnée, passionnée nous ouvre la bouche. Sert-elle de caisse de résonnance ? Cette ouverture a-t-elle d’heureux effets et stimule-t-elle le système d’écoute ? On sait par ailleurs que le bâillement est fort utile pour décontracter la voix crispée du chanteur trop stressé ( http://webperso.easyconnect.fr/baillement/themes/voice.html ).
D’après la compilation de Mozzani (1995),
Si les oreilles carrées, comme celles de l'empereur
Auguste, révèlent pureté et grandeur d'âme, disait Aristote, les oreilles
très larges ou très longues sont la marque des individus vaniteux, effrontés,
manquant de bon sens, peu enclins au travail et mangeant beaucoup, tandis
que les grandes oreilles en général dénotent la grossièreté, la stupidité
et la paresse. Ce qui n'est pas sans rappeler la légende de Midas, roi de
Phrygie, auquel Apollon avait fait pousser des oreilles d'âne pour avoir préféré
à sa lyre la flûte de Pan. En agissant ainsi, « le roi Midas a choisi ce que
symbolisent ces dieux, la séduction des plaisirs au lieu de l'harmonie de
la raison. Ses grandes oreilles signifient la bêtise, issue de la perversion
de ses désirs. Bien plus, il veut cacher sa difformité : il ne fait qu'ajouter
à la luxure, à la sottise, la Vanité » (Chevalier et Gheerbrant, 1989, p.710).
Les petites oreilles, elles, indiquent la timidité, la prudence,
la finesse, la serviabilité mais aussi la frivolité et la violence. En revanche,
facultés intellectuelles, spiritualité, distinction et sagesse sont révélées
par une « oreille moyenne, d'un contour bien arrondi, ni trop épaisse, ni
excessivement mince » (Collin de Plancy, 1825 et pseudo-Albert le Grand, 1965
p.189).
Signalons toutefois que pour les Anglo-Saxons, les oreilles minces
et anguleuses sont signe de mauvais caractère, les oreilles longues et proéminentes
indiquent des inclinations musicales, et les grandes marquent la générosité.
Ils disent encore que plus le lobe est large, plus l'intellect est grand.
Dans le sud de la France,
avoir de grosses oreilles promet une longue vie ; en Bretagne, où celles d'une
certaine longueur sont également gages de longévité, des oreilles inégales
prédisent paralysie ou claudication pour les vieux jours.
Dans cette région toujours,
on soutient que les oreilles collées contre la tête supposent l'avarice,
la haine et la petitesse d'esprit mais que celles qui sont écartées prouvent
l'intelligence, la générosité et la bonté. Dans le Puy De Dôme, pour savoir
si une femme est dotée d'un bon caractère, on lui tâte le lobe : « S'il est
gras et mou, elle sera pacifique ; s'il est dur, on croit qu'elle sera de
mauvaise humeur » (Revue des Traditions Populaires XIX, 6). En Chine, les
oreilles longues sont à la fois signe de sagesse et d'immortalité. Comme Lao-Tseu,
surnommé « longues oreilles », « Plusieurs personnages illustres ‑ et
d'une exceptionnelle longévité ‑ tels Wou Kouang, Yuankieou, et le
prodigieux héros légendaire des sociétés secrètes, Tchou-Tchouen‑Mei
avaient de longues oreilles (Chevalier et
Gheerbrant, 1989, p.709). Entendre un tintement dans l'oreille est
signe que quelqu'un parle de vous.
Pour l'abbé Jean-Baptiste
Thiers (XVII° siècle) : « Quand l'oreille gauche nous tinte, ce sont nos amis
qui parlent ou qui se souviennent de nous ; le contraire arrive lorsque l'oreille
droite nous tinte » (Thiers,1697-1704, 1, 212). Toutefois, on soutient parfois
l'inverse, en France comme en Angleterre (oreille droite = ami ; oreille gauche
= ennemi), sans doute à cause de la réputation maléfique attribuée au côté
gauche. Un sifflement à l'oreille droite peut signifier en outre que quelqu'un
vous dénigre par jalousie, et à l'oreille gauche qu'un mauvais coup est en
préparation contre vous. Cependant en Bretagne (pays de Tréguier), « quand
l'oreille bourdonne c'est signe que l'on a encore à vivre : Dieu répare alors
notre corps et fait passer le sang là où il est nécessaire » (Revue des Traditions
Populaires, XVIII, 75). Des démangeaisons aux oreilles, ‑ provoquées
selon une tradition anglo-saxonne par votre ange gardien, indiquent également
qu'on parle de vous en bien (oreille droite) ou en mal (oreille gauche), ou
bien que vous recevrez de bonnes nouvelles (côté droit) ou de mauvaises (côté
gauche). On dit encore que « quand l'oreille droite vous picote, le bonheur
n'est pas loin » (Guide du Bonheur, 1). Démangeaisons et bourdonnements préviennent,
selon les Anglais, pour l'oreille gauche que votre amoureux pense à vous,
pour la droite que votre mère parle à votre sujet.
Lorsque vous êtes
averti qu'on vous dénigre par un tintement ou une démangeaison de l'oreille,
mordez vous la langue, le petit doigt de la main gauche, ou mordez un coin
de votre tablier, ou récitez un Pater : votre détracteur se mordra la langue.
Pour savoir qui parle de vous, il suffit, dès
que le bourdonnement se fait sentir, de réciter l'alphabet : la lettre à l'énoncé
de laquelle il s'arrête indique l'initiale du nom de la personne. On peut
également demander à quelqu'un de donner un chiffre au hasard, inférieur à
vingt-cinq ‑ si on est seul, le choisir soi même ‑, et chercher
sa correspondance dans l'alphabet (a = 1 ; b = 2, etc.). Outre Manche, ce
même procédé permet de connaître l'initiale du nom de son futur conjoint.
Dans la tradition
écossaise, les oreilles qui sifflent annoncent la maladie d'un ami et, chez
les Anglo-Saxons en général, la mort d'un proche avant la fin de la semaine.
Selon le côté où le sifflement se produit, oreille droite ou gauche, le deuil
viendra de l'est ou de l'ouest, dit‑on aux Etats-Unis. Dans les îles
Britanniques, le tintement rappelant un glas prédit également un décès, celui
d'un parent (oreille droite) ou celui d'un étranger (oreille gauche).
Le cérumen
guérit, par application, les blessures infectées et les morsures des bêtes
venimeuses (Bretagne) ; on peut aussi le frotter sur les gerçures (Belgique).
Une représentation d'oreille sert parfois, notamment en Italie, d'ex-voto
pour les maladies de cet organe (Bonnemère, 1991, 130).
Dans certaines
civilisations, les mauvais esprits peuvent entrer par les oreilles : c'est
pourquoi, par exemple, les Brahmanes se bouchent les oreilles quand ils éternuent,
l'éternuement étant considéré comme une attaque des démons (Encyclopaedia
of Magic and Superstition, 1988, 36).
Description |
Traduction
physiognomonique |
Auteurs |
Longues ou Grandes oreilles |
Sagesse, Longue vie |
Chine |
Bretagne |
||
Longue vie |
Sud de la France |
|
Inclinations musicales, Générosité |
Anglo-Saxons |
|
Vanité, manque de raison, paresse, luxure, gourmand |
Chevalier 1989, 710 |
|
Oreille moyenne |
Réflexion, spiritualité, distinction et sagesse |
Collin de Plancy, 1825 & pseudo-Albert le Grand, 1965 |
Petites oreilles |
Timidité, prudence, finesse, serviabilité, frivolité, violence |
Collin de Plancy, 1825 et pseudo-Albert le Grand, 1965 p.189 |
Oreilles minces et anguleuses |
Mauvais caractère |
Anglo-Saxons |
Oreilles inégales |
Claudication pour les vieux jours |
Bretagne |
Oreilles collées |
Avarice, haine, mesquinerie |
Bretagne |
Oreilles décollées |
Générosité, bonté, intelligence |
Bretagne |
Lobe large |
Intellectualisme |
Anglo-Saxons |
Lobe mou |
Femme pacifique |
Puy De Dôme |
Lobe dur |
Femme acariâtre |
Description |
Traduction
physiognomonique |
Auteurs |
||
|
Gauche |
Droite |
|
|
Tintement |
On
parle ou pense à vous |
On parle en bien de vous |
On parle en mal de vous |
Abbé Thiers |
On parle en mal de vous |
On parle en bien de vous |
? |
||
Sifflement |
|
Mauvais coup contre vous |
On vous dénigre par jalousie |
Anglo-saxons |
Maladie ou mort d’un proche |
Mort d’un étranger |
Mort d’un proche |
||
Démangeaisons
aux oreilles |
|
On parle en mal de vous ; ou bien vous recevrez de mauvaises nouvelles |
On parle en bien de vous ; ou bien vous recevrez de bonnes nouvelles |
Tradition anglo-saxonne |
Démangeaisons
et bourdonnements |
On pense à vous |
votre amoureux |
votre mère |
Si l'animal écoute un son qui
résonne en avant, les pavillons se dressent et portent de ce côté leur ouverture.
Si les sons résonnent derrière l'animal, les deux pavillons se dirigent en
arrière. Si l'animal cherche à distinguer un bruit ou à reconnaître sa direction,
tandis qu'une des oreilles se porte en avant, l'autre se tourne en arrière,
et chaque oreille se portant alternativement dans des directions opposées,
elles explorent ainsi l'horizon. Les mouvements dont nous venons de parler
se dessinent de plus en plus quand l'audition est difficile. Les oreilles
sont non seulement dressées mais tendues dans la direction d'où vient le bruit.
Si le bruit éveille des vibrations
douloureuses, les deux oreilles se couchent et se replient en quelque sorte
vers le cou. Dans ce cas, la transmission des sons jusqu'à l'oreille est rendue
moins facile.
Certaines causes qui portent
obstacle à la netteté de la perception des sons, peuvent tenir à certains
états anormaux de l'oreille, tels qu'une oblitération de la trompe d'Eustache
par des mucosités attachées à son orifice interne, ou bien l'obstruction du
conduit externe par une cause quelconque. De ces deux causes d'embarras résultent
deux mouvements très habituels à l'homme.
-
L'un consiste à se préparer à mieux entendre
en toussant et en se raclant à plusieurs reprises le gosier.
-
L'autre mouvement a pour but de dégager
les orifices externes de l'oreille , soit en secouant la tête pour écarter
les cheveux, soit en les rangeant avec la main, soit enfin en allant plus
profondément chercher l'obstacle à l'aide d'un doigt introduit dans le conduit
auditif externe. Remarquons que ce mouvement qui n'appartient qu'à l'homme
a, si j'ose le dire ainsi, plus de profondeur que les autres. Il témoigne
d'une gêne très grande apportée à l'audition.
Dans quelques genres où l'influence
de l'homme a créé des races distinctes, l'oreille subit des modifications
très étendues. C'est ainsi que, tandis que les chiens à demi sauvages ont
l’oreille droite et pleine de mouvement, les chiens que la civilisation a
modifiés ont au contraire l'oreille flasque ,et pendante. Ils ne peuvent la
dresser, mais tout au plus la soulever en érigeant sa base. Aussi essaient
‑ ils de compenser cette imperfection en écoutant de côté, ce qui arrive
souvent aux chiens les plus intelligents.
On est arrivé à la conclusion que
la chaîne des osselets joue le rôle de levier dans la transmission des sons
à la cochlée.
L'amplitude de ces mouvements est
contrôlée par deux petits muscles striés : Le muscle de l'étrier et celui
du marteau. Ils jouent un rôle majeur pour protéger l’oreille interne des
sons destructeurs et peut-être améliorer l’écoute des sons les plus faibles.
-
Le tenseur du tympan ou muscle du
marteau, est innervé par le trijumeau (Vème). Sa contraction « tend »
le tympan et réduit ainsi sa mobilité.
-
Le muscle de l'étrier, innervé par
le nerf facial (VIIème) réduit la mobilité de la fenêtre ovale.
Le muscle de l'étrier diminue la
pression intra-cochléaire (Rouvière, 1932, I, 363). Sa mise en tension produit l'augmentation du
pouvoir séparateur temporel qui permet de discriminer deux sons très brefs
séparés par un silence très court (Leipp, 1970), ainsi que l'atténuation des
sons graves trop intenses (ce qui permet un élargissement de la dynamique),
de sorte qu'un animal dont ces muscles ont été coupés devient plus facilement
sourd à la suite d'un traumatisme sonore (Roulleau, 1964). De quoi il faut
rapprocher l'amélioration de l'audition des aigus (muscle de l'étrier), que
Simmons (1964, cité par Burgeat, 1973) fait intervenir dans les phénomènes
d'attention et de charge corticale. La tension du muscle de l'étrier prépare
l'oreille chaque fois que nous allons nous exprimer à haute voix. Il atténue
ainsi les graves liés aux voyelles et permet de rester aptes à entendre ce
qui se passe autour de nous quand nous nous exprimons. Par ailleurs, sa mise
en tension améliore de 50 décibels l'écoute de la parole humaine lorsqu'elle
est noyée dans un bruit de fond important (Borg, 1989).
On a pu montrer que la contraction
ou le relâchement de ce système est accessible à la décision volontaire chez
certains sujets de manière spontanée et peut-être chez tous après entraînement
(par appareil modificateur d'écoute spécialement).
Fig. 5 - Diagramme de l’écoute (B. Auriol
et P. Csillag)
1) les oto-émissions spontanées
Mises en évidence pour la première fois en 1978 par Kemp, les oto-émissions spontanées sont la manifestation de l’activité spontanée des CCE. Ce sont des sons de très faible intensité, générés par la contraction vibrante des CCE et transmises par la chaîne des osselets au tympan, de sorte qu’on peut les enregistrer avec un microphone miniaturisé. On les observe chez la plupart des fœtus et chez 70 % des nouveaux nés. On les retrouve chez 40 % des adultes. Elles pourraient être à l'origine de certains acouphènes.
2) les oto-émissions provoquées
Devenues un test de dépistage néonatal, leur détection permet le diagnostic d'une surdité de perception liée à l'atteinte de l'amplification cochléaire par les CCE. Le seuil de détection des oto-émissions provoquées chez un sujet normal est inférieur au seuil de perception (-10 dB), d'où la très bonne sensibilité diagnostique de ce test. Les CCE permettent une meilleure sensibilité et une meilleure discrimination. Elles sont pilotées par le système efférent médian. Le système efférent médian, branché sur les CCE modifie, par l'intermédiaire des contractions lentes (dépendantes du calcium) les propriétés contractiles des CCEs. On sait que :
une stimulation atténue les oto-émissions acoustiques de l'oreille opposée
l'attention sélective (visuelle ou auditive) module aussi les oto-émissions.
Ainsi peut se moduler l’écoute en fonction de la fréquence (Maison et al., 2001).
Le Pr J.L. Puel (Montpellier) : Ce qui est intéressant c'est que ces mécanismes actifs, ces contractions cellulaires, se situent dans les fréquences aiguës. Dans les fréquences graves on n'a pas besoin de mécanismes actifs tandis que pour les fréquences aiguës on en a besoin. Ce qu'on peut imaginer c'est que pendant la thérapie par sons filtrés, avec utilisation de sons aigus, on fait précisément une gymnastique des cellules ciliaires externes.
Est-ce simplement une théorie ? Pas tant que ça parce qu'on a montré qu'on pouvait entraîner les cellules ciliaires externes, les muscler. Je veux citer une expérience qui a été faite par Barbara KANELONE en Suède : elle prend deux groupes d'animaux. Au premier groupe elle fait entendre pendant des heures, voire des jours des fréquences de 6000 Hz et suffisamment faibles pour que cela n'entraîne pas de coma acoustique ( 50, 60 db). Elle contrôle bien avant, pendant et après que cela n'a pas endommagé l'oreille. Ensuite elle a un deuxième groupe témoin qui est mis dans le silence, etc. Ensuite derrière elle fait un trauma acoustique à 6000 Hz. Les animaux entraînés en sortent indemnes à la différence des animaux non traités.
Il existe par ailleurs un système central perceptif piloté par un système émotiono-attentionnel (Cf. Pujol et al. 2002).
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La perception et la "signification" de n'importe quel événement acoustique est fortement affecté par le contexte dans lequel il apparaît (McAdams, 1996).
A titre d’exemple grâce au conférencier, nous lâchons peu à peu le tonus
antigravifique, notre tête tombe, nos paupières s’appesantissent, nous oublions
de regarder ; mais le discours nous garde encore à son message; puis
sa voix se fait moins aiguisée, à vrai dire moins aiguë. Elle abandonne ses
harmoniques. Lointaine, elle s’assourdit à ne subsister que par son rythme
au bénéfice de notre endormissement qui s’en fait une berceuse.
La scène originaire est le plus souvent liée à des perceptions sonores interprétées comme indices de relations sado-masochistes à dominante anale. Elles sont source d’excitation et d’angoisse pour l’enfant, même si c’est à un moindre degré que s’il était victime d’actes pédophiles ou à tendance incestueuse. Les sons du coït, restent généralement empreints de mystère et appel à la curiosité ; curiosité sexuelle bien sûr, mais aussi curiosité tout court ; celle des « pourquoi » litaniques terminés en queue de poisson « parce que » ; celle du fort en thème et du grand voyageur.
Ainsi l’appétit de savoir s’assure
au mystère du son sexuel, peut être dès avant la naissance. A cette époque
d’ailleurs, hormis les sons répétitifs des rythmes maternels, tout est mystère
!
Meilleure est l’audition dans le bruit et meilleure est la performance scolaire en maths et en français (Jacquier-Roux et al., 2000).
Les sujets chez qui l’adjonction de bruit dans l’oreille controlatérale à l’oreille testée a provoqué une amélioration des seuils, se sont avérés ceux présentant les meilleurs résultats scolaires ; à l’inverse, les sujets gênés par le bruit dans l’oreille controlatérale avaient par ailleurs des résultats scolaires plus faibles. Les relations entre les performances perceptives et scolaires sont dans l’ensemble plus fortes lorsque l’on considère les notes en mathématiques que lorsque l’on considère les notes en français. C’est dire que les résultats scolaires – et d’autant plus qu’il s’agit d’abstraction et de logique – sont améliorés lorsque le sujet dispose de la capacité de diriger son attention, de viser les sons qui l’intéressent en utilisant la localisation, en pikotant son écoute en fonction de la provenance spatiale du son. Un test dichotique bien latéralisé est un gage de succès.
Le vacarme du silence : chambres sourdes, hallucinations et acouphènes
Si vous visitez une « chambre sourde », c’est à dire dont on a supprimé par des procédés architecturaux toute réverbération, écho, résonance, vous serez surpris de constater que le silence que vous visez cède la place à la perception involontaire des bruits de votre propre corps. Nous découvrons par là, selon l’intuition de Tomatis et les travaux des physiologistes modernes, que notre système d’écoute est avant tout une machine à faire du silence : dans les conditions habituelles, nous recevons des informations extérieures qui freinent nos CCE et nous évitent le supplice de l’hyperacousie ou des acouphènes.
Les yogis disent qu’une épingle qui tombe fait du bruit comme le tonnerre et le tonnerre fait du bruit comme une épingle (c’est dire que les muscles de l’oreille moyenne se détendent ainsi que le freinage des CCE).
Onchi (cité par Aubry, 1968) a réalisé des expériences sur des cadavres. Elles démontrent que ce système de cavités facilite les sons au-dessous de 1 kHz et les affaiblit entre 1.5 et 4 kHz. Ainsi, les fréquences " conversationnelles " sont très amoindries : est-ce une façon d'atténuer la conduction osseuse par rapport à la conduction aérienne, notamment quand le sujet s'exprime vocalement ?
Dans le cas ordinaire du sujet " bien écoutant ", la perception en conduction osseuse est tout à fait comparable à l'aérienne ; à ceci près que le vibreur, pour communiquer un ébranlement suffisant doit être appliqué avec des amplitudes supérieures : mais il existe entre l'appareil et l'os des tissus mous qui gênent leur solidarisation par simple contiguïté...
Des chercheurs toulousains (Bruno Piérot) ont proposé avec succès un système de communication sonore dans l'eau, utilisant la conduction osseuse. On peut utiliser un signal électrique - que transmet convenablement l'eau salée sur une distance de quelques dizaines de mètres - pour véhiculer le son et le retransformer en vibration à l'arrivée, vibration utilisée au niveau des machoires... Les dauphins utilisent une écoute via leur machoire inférieure et sans besoin d'électricité ! (cf.National Geographic, 3.2, N°11, Aout 2000) |
Une firme japonaise propose des appareils similaires "VOICEDUCER bone conduction Headgear HG17 series". Les vibreurs sont placés au niveau des tempes et le microphone capteur de vibrations est placé au sommet du crâne. On obtient ainsi une communication claire, notamment en ambiance très bruyante, avec l'intérêt supplémentaire de pouvoir utiliser des bouchons d'oreille afin de s'abstraire du vacarme de l'environnement. |
On lit, à propos du jeune Mozart, « J'ai vu et ai entendu comment, quand on lui a demandé d’écouter dans
une autre pièce, on lui donnait des notes, tantôt hautes, tantôt basses, non
seulement sur le piano forte mais aussi bien sur n’importe quel autre instrument,
et il énonçait chaque fois la note tout de go ». (Augsburgischer Intelligenz
Zettel, 1763, cité in E.O. Deutsch, 1990, p. 21)
Il est clair
que Mozart a eu l’oreille absolue (c’est le cas de moins d'une personne sur
dix mille). Pour des personnes douées de l’oreille absolue, nommer une note
quand on entend un son n’est pas plus difficile que de reconnaître une couleur
bleue ou rouge !. La plupart des compositeurs et interprètes les plus
célèbres (comme Beethoven, Bach, Haendel, Chopin, Toscanini, Menuhin, Rubinstein),
etc.) sont connus pour posséder ce don.
La capacité
de juger une note par rapport à une autre préalablement entendue constitue
une « oreille relative ». Les musiciens n'ont aucune difficulté
à situer une note s'ils ont une note de référence (le fameux « la »
que donne le premier violon aux autres concertistes). Mais la plupart des
personnes, et la plupart des musiciens, sont en grande difficulté pour reconnaître
une note sans référence préalable.
Quelques
investigateurs ont essayé. Ils ont développé des programmes dans ce but (voir
Takeuchi et Hulse, 1993, pour une revue). Ce qui est le plus remarquable au
sujet de ces programmes c’est leur manque de succès - des gens ont travaillé
pendant des mois sans réussir, et même lorsqu'ils ont eu un certain succès,
leurs perceptions n'ont pu obtenir l’immédiateté et la facilité caractéristique
des individus qui possèdent naturellement ce don.
Pour avoir
l’oreille absolue, il faut avoir entendu nommer les notes de musique très
tôt dans la vie. Par exemple, dans une étude de plus de 600 musiciens, Baharloo
et al. (1998) ont trouvé que 40% de ceux qui ont pris des leçons de musique
avant l'âge de quatre ans ont l’oreille absolue, tandis que seulement 3% de
ceux qui ont commencé la formation musicale après l'âge de neuf ans en bénéficient.
Ces résultats désignent une période critique pour le développement de l’oreille
absolue, analogue à la période critique où les enfants acquièrent les sons
de leur langue maternelle. Jusczyk et al. (1993) ont précisé que leurs sujets
qui ont commencé à prendre des leçons de musique avant six ans n'en ont pas
pour autant tous acquis cette faculté. Une prédisposition innée semble également
en jeu (Baharloo et al, 1998 ; Profita et Bidder, 1988 ; Schlaug, et
al.1995) . Elle serait liée à une structure particulière du cerveau au niveau
du planum temporale, cette aire cérébrale chargée du langage. Cette région
est habituellement plus grande du côté gauche du cerveau que du côté droit,
et Schlaug et al. ont constaté que cette asymétrie, qui émerge avant la naissance,
est plus marquée chez les musiciens dotés de l’oreille absolue que chez les
autres individus.
Un certain
nombre d'études a prouvé que la plupart des personnes possèdent en fait une
forme implicite de oreille absolue, quoiqu'elles ne puissent pas reconnaître
les notes directement. La preuve nous en est donnée par le paradoxe du triton
(D. Deutsch, 1991). Pour produire cette illusion, deux ordinateurs jouaient
successivement des tonalités distantes d’un demi octave (ou triton). Les tonalités
sont construites de sorte que leurs noms de note soient clairement définis,
mais ils sont ambigu quant à l’ octave auquel ils appartiennent. Quand une
de ces paires de tonalité est jouée (par exemple, Do suivi de Fa#), quelques auditeurs entendent que ça monte, tandis
que d'autres auditeurs entendent que ça descend !
Pourtant
quand une paire différente de tonalité est jouée (par exemple, Sol# suivi
de Ré), le premier groupe d'auditeurs entend que ça descend, alors que le
deuxième groupe d'auditeurs entend que ça monte. Plus spécifiquement, nous
pouvons penser aux 12 tonalités dans l'octave (connue sous le nom de classes
de hauteur). La plupart des personnes, dans la fabrication des jugements du
paradoxe de triton, placent des tonalités dans une région du cercle de classe
de hauteur en tant que plus haut, et des tonalités dans la région opposée
en tant que plus bas. Cependant, l'orientation du cercle de classe de hauteur
diffère d'un auditeur à l'autre. En outre (D. Deutsch, 1991) ils doivent utiliser
une certaine forme d’oreille absolue en faisant ces jugements. Il y a davantage
d'évidence que l’oreille absolue, au moins en forme partielle, est plus répandue
qu'on ne l’a traditionnellement supposé. Terhardt et Seewann (1983) ont observé
que les musiciens qui n’ont pas l’oreille absolue pouvaient néanmoins juger
dans une certaine mesure si un passage a été joué dans la clef correcte.
Halpern
(1989) a constaté que les sujets musicalement non éduqués étaient tout à fait
fiables dans leur choix des hauteurs quand ils ont été invités à fredonner
à différentes occasions les premières notes de chansons bien connues.
Levitin
(1994) a étudié des sujets qui avaient à chanter deux chansons populaires,
et il a comparé leurs productions aux hauteurs trouvées dans des enregistrements.
Il a constaté que 44% des sujets avaient monté de deux demi-tons la hauteur
des deux chansons. Il en a conclu que la hauteur absolue a deux composantes
:
(a)
une mémoire à long terme
de la hauteur, ce qui est répandu, et
(b)
la capacité d’étiqueter les
hauteurs, ce qui est rare.
Ainsi pourquoi,
alors, la plupart des personnes dans notre société ont-elles des mémoires
à long terme stables pour les hauteurs absolus des tonalités, quoiqu'elles
ne puissent pas étiqueter les hauteurs qu'elles ont pourtant en mémoire ?
La réponse pourrait se trouver dans les langues à tons. En mandarin, par exemple,
un mot prend une signification entièrement différente selon le ton dans lequel
il est proféré – le ton étant défini
par le contour et par la hauteur absolue. Des hauteurs sont donc employées
pour créer des dispositifs verbaux, analogues aux consonnes et aux voyelles.
Ainsi, par exemple, quand un haut-parleur de mandarin identifie la signification
de « ma » comme 'mother’ ; quand il est parlé dans la première
tonalité, ou comme "chanvre" ; quand il est parlé dans le deuxième
ton, il ou elle associe une hauteur définie (ou une combinaison de hauteurs)
à une étiquette verbale. De façon analogue, quand une personne à l’oreille
absolue identifie le bruit de la note Do# comme "Do#" ou la note
Ré comme "Ré" elle associe également une hauteur à une étiquette
verbale. Supposant, alors, que l’oreille absolue est utilisée dans les langues
à ton pour distinguer les différentes significations d'un mot, nous pouvons
nous attendre à ce que les locuteurs de ces langues soient très cohérents
d'un jour à l'autre quant aux hauteurs qu’ils emploient pour prononcer les
mots. Pour examiner cette prévision, Henthom et Deutsch, et al. (1999) ont
examiné sept locuteurs dont la langue maternelle était le vietnamien. Chaque
sujet a participé à deux sessions. A chaque session, le sujet a reçu la même
liste de 10 mots vietnamiens pour la lire à haute voix une fois. Nous avons
alors calculé, pour chaque sujet, la différence entre la hauteur moyenne pour
chaque mot le jour 1 et le jour 2, et nous avons fait la moyenne de ces différences
pour toute la liste. Les résultats ont montré une extraordinaire uniformité:
les sept sujets produisirent une différence de hauteur moyenne inférieure à ½ ton et cela tombait à ¼ de ton pour quatre de ces
7 sujets.
Dans une
deuxième expérience, nous avons utilisé 15 locuteurs de mandarin comme sujets,
et nous avons employé une liste de mots qui comprenait les quatre tons du
mandarin. Chaque sujet a encore participé à deux sessions qui ont été tenues
à différents jours, mais dans ce cas-ci il ou elle prononça deux fois la liste
des mots à chaque session, les lectures étant séparées par approximativement
20 s. Nous avons calculé quatre différences : entre les premières lectures
le jour 1 et le jour 2, entre les deuxièmes lectures le jour 1 et le jour
2, entre les premières et deuxièmes lectures le jour 1, et entre les premières
et deuxièmes lectures le jour 2. Nous avons encore trouvé une uniformité remarquable.
Pour toutes les comparaisons, la moitié des sujets a produit des différences
ramenées à une moyenne de hauteur inférieure
à ¼ ton, et un tiers des sujets a produit des différences inférieures
à 1/8 de ton. En outre, les analyses statistiques n'ont trouvé aucune différence
significative en degré d'uniformité de hauteur qui s'est produit pour prononcer
la liste de mots à des jours différents, comparé à la répétition immédiate.
Nous avons conclu que bien que les anomalies de hauteur que nous avons trouvées
fussent remarquablement petites, elles ont néanmoins sous-estimé la précision
de calibre des sujets possédant l’oreille absolue. Cette étude indique que
les locuteurs du Vietnamien et du mandarin possèdent une forme extraordinairement
précise de hauteur absolue qu'ils utilisent dans l'énonciation des mots en
leur langue maternelle. Les résultats suggèrent que l’oreille absolue ait
pu avoir évolué comme dispositif de la parole, analogue à d'autres dispositifs
tels que la qualité de voyelle (voir également Brown, 2000). On peut aller
plus loin et présumer que ce dispositif est généralement acquis pendant la
première année de la vie, pendant la période critique au cours de laquelle
les bébés acquièrent d’autres caractéristiques de la parole (Jusczyk et al.,
1993).
En effet,
Saffran et Griepentrog (2001) ont prouvé les enfants âgés de 8 mois pouvaient
accomplir une tâche d’apprentissage perceptuel comportant la nécessité d’une
oreille absolue. Pourquoi, alors, quelques individus rares dans nos pays possèdent-ils
l’oreille absolue, quoiqu'ils n'aient pas eu l'occasion d'associer des hauteurs
à des étiquettes verbales pendant la période critique pour l'acquisition de
la parole ? Peut-être pour de tels individus, cette période critique est-elle
d'une plus longue durée, et se prolonge-t-elle à l'âge auquel ils ont commencé
à prendre des leçons de musique. Une telle prédisposition associée à une période
critique prolongée pourrait être génétiquement déterminée, et pourrait également
être associée à certaines différences dans l'organisation du cerveau (Schlaug
et al., 1995).
Nous ne
savons pas si l’oreille absolue acquise au commencement pour la parole se
généralise plus tard aux tonalités musicales, bien qu'il y ait quelques observations
en ce sens (voir, par exemple, Gregersen et al., 1999). Si une telle généralisation
se produit, l’oreille absolue pour la musique, rare en occident, serait bien
plus répandue dans les pays où on parle des langues à tons. Plus généralement,
je propose l’idée que la hauteur absolue, traditionnellement envisagée comme
aptitude musicale, a évolué à l'origine au service de la parole. Comme corollaire,
je propose également que l’oreille absolue, qu’elle soit musicale ou langagière
utilise les mêmes mécanismes neuro-physiologiques.
les synesthésies
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