A la recherche du son

 

(Conférence invitée au colloque "Vivre les sons", 23-25 Avril 2004)

 

Dr Bernard M. Auriol

On considère souvent la perception comme un phénomène purement passif. Nous sommes munis de « capteurs » qui recevraient sans discrimination les informations en provenance de notre environnement. Nous serions comme un robot muni de deux micros (les oreilles), de deux caméras (les yeux), de nombreux capteurs de pression et de température (la peau), de capteurs cinétiques (les labyrinthes), de capteurs chimiques (la goût et l’odorat).

On se rend très facilement compte que cette conception est bien insuffisante : dire que nous captons certaines données de notre environnement nous invite aussitôt à considérer que cet environnement n’est informatif que par ses variations et que ces variations dépendent de nos mouvements. Si j’ai froid, je cherche à rencontrer de meilleures conditions, un endroit moins venté, un habillement plus confortable, une source de chaleur, etc. Toutes les actions que j’entreprends pour moins souffrir du froid vont me permettre de faire évoluer mes perceptions thermiques. Je suis muni de capteurs et je peux modifier leur position, c’est une première façon d’être actif au lieu de recevoir simplement des informations.

Il en va de l’audition comme du reste. Nous nous rendons au concert ou dans le désert selon que nous souhaitons écouter la musique ou le silence.


Orientation du corps et de la tête

 

Alors même que nous ne pouvons gérer notre lieu, nous sommes capables de nous orienter vers une source sonore, de nous en approcher ou de nous en éloigner; nous pouvons tendre l’oreille, certes moins bien que ne le ferait notre chien : mais le pavillon auditif de l’homme est muni de trois muscles pour s’orienter vers l’avant ou vers l’arrière, selon ce que nous désirons ou ce que nous redoutons ! Nous pouvons tendre la tête vers l’avant, la reculer, la tourner pour percevoir au mieux les sons les plus subtils. Nous avons aussi découvert des moyens d’amplifier le son au point d’entendre à plusieurs dizaines de mètres de distance ce qui se dit derrière la vitre fermée dont nous captons et amplifions la vibration.

 

Nous transmettons le son à des milliers de kilomètres, nous le faisons même voyager dans le temps… Le Caruso a disparu, comme Edith Piaf et tant d’autres que les archives d’enregistrements nous restituent tant bien que mal.

 

Avec Iegor Reznikoff, nous entendons presque les rites préhistoriques, à reconstituer les lieux les meilleurs où ils ont dû se faire entendre : face aux dessins ocres ou charbonneux de nos lointains ancêtres.

 

Nous le forçons même à retourner d’où il vient. C’est le splendide travail de Mathias Fink qui nous y convie, non seulement pour la curiosité de l’esprit, mais aussi pour tester les avions ou détruire les calculs du rein (Cf. encadré ci-dessous).

 

De véritables expériences de renversement du temps peuvent être mises en œuvre dans le domaine de l'acoustique en utilisant des matrices de transducteurs piézo-électriques. Les " miroirs à retournement temporel " mis au point par Mathias Fink et son équipe au Laboratoire " Ondes et acoustique " (LOA, CNRS-ESPCI (1)-Université Paris 7) échantillonnent et enregistrent un champ acoustique incident, puis le réémettent dans une chronologie inversée.

 

De tels dispositifs permettent de focaliser une onde acoustique à travers un milieu très hétérogène, en faisant revivre à cette onde les différentes étapes de sa vie antérieure et en lui faisant ainsi parcourir le chemin inverse de sa propagation. Les applications potentielles de cette technique sont très nombreuses. La plus avancée concerne la réalisation d'un dispositif très performant de contrôle non destructif des pièces de titane des moteurs d'avions. De même, un système de lithotritie capable de poursuivre un calcul rénal dans ses déplacements et de le détruire a été réalisé au Laboratoire " Ondes et acoustique ".


L'irréversibilité du temps est une question qui a toujours préoccupé bon nombre de physiciens. Bien que les équations de la mécanique classique et de la mécanique quantique soient réversibles aux échelles microscopiques, les phénomènes macroscopiques manifestent généralement un comportement irréversible lié au nombre extraordinairement élevé de particules mises en jeu. En physique des ondes, la quantité d'informations nécessaires pour décrire de façon complète un champ ondulatoire est relativement faible. Il est alors envisageable de réaliser des expériences de renversement du temps sur un champ ondulatoire pour lequel il existe une technologie de réseaux de capteurs linéaires et réversibles capables de fonctionner en mode récepteur comme en mode émetteur.


C'est dans le domaine des ondes acoustiques que de véritables expériences de renversement du temps peuvent être mises en œuvre en utilisant des sortes de " rétines acoustiques " réversibles formées de réseaux de transducteurs piézo-électriques qui peuvent fonctionner indifféremment en microphone ou en haut-parleur : ils génèrent une tension électrique quand ils reçoivent une onde acoustique (rôle de capteur), mais ils peuvent aussi produire une onde acoustique quand on leur applique une tension électrique (rôle d'émetteurs).


Un miroir acoustique à renversement de temps est formé d'un ensemble de transducteurs piézo-électriques auxquels sont associés autant de dispositifs électroniques. Ces derniers enregistrent et digitalisent le signal reçu, puis renvoient dans le transducteur une tension électrique qui reproduit le signal enregistré, mais dans l'ordre inverse, en commençant par la fin.

 

Ecoute : l’attention (consciente ou non) oriente notre audition

 

C’est dire que ouïr passe par écouter, entendre.

 

Ouïr

 

  

Selon Littré, c’est « recevoir les sons par l'oreille, entendre ». Ce qui ferait de notre ouïe ce micro passif auquel je me refuse à la réduire. Mais l’usage s’assortit d’action, comme lorsque Racine (Phèdre, III, 3) écrit :

 

« De son triomphe affreux je le verrai jouir,

Et conter votre honte à qui voudra l'ouïr »

 

Ou bien, devant la Cour de justice, aussi bien en Angleterre qu’autrefois chez nous « Oyez, braves gens » ; si l’on use d’impératif  n’est ce point qu’on pourrait s’y soustraire ?

 

Il s’agit déjà de prêter attention. Pour La Fontaine, « il ne faut jamais dire aux gens : écoutez un bon mot, oyez une merveille » (Fable XI, 9).

 

D’ailleurs on peut refuser d’ouïr

« Quoi ! mon père étant mort et presque entre mes bras,

Son sang criera vengeance et je ne l'orrai pas »

(Corneille, Le Cid, III, 3).    

 

L’étymologie est la même que celle d’audition : latin « auris : oreille »

 

 

Entendre

 

Étymologiquement, c’est tendre vers, d'où souhaiter, vouloir : « J'entends être obéi », « Je l'entends ainsi, c'est-à-dire je veux que la chose soit ainsi ». Littré ne place qu’en quatrième position ce qui concerne l’audition,  diriger son oreille vers, d'où recevoir l'impression des sons. Entendre du bruit. « J'entends parler dans la chambre à côté ».

 

Faire entendre, faire parvenir à l'ouïe. Il s’agit là de forcer la porte de l’autre qui peut-être n’en voulait rien savoir.

 

Il n'entend pas de cette oreille-là, il ne veut pas écouter la proposition qu'on lui fait.

 

Diriger son esprit, d'où par extension, comprendre, saisir le sens. « Les sots lisent un livre et ne l'entendent point ; les esprits médiocres croient l'entendre parfaitement ; les grands esprits ne l'entendent quelquefois pas tout entier » (La Bruyère I). Elliptiquement : « vous avez parlé d'une personne et j'ai entendu une autre, c'est-à-dire j'ai compris qu'il s'agissait d'une autre ». Vous m'entendez bien, c'est-à-dire vous savez ce que je veux dire. Donner à entendre, laisser entendre, insinuer, faire comprendre une chose.  Qu'entendez-vous par ces paroles ?

   

 Se comprendre l'un l'autre.  Entendons-nous, comprenons bien ce que chacun de nous dit.

 

Se concerter, être d'accord, d'intelligence.  Nous nous entendons bien, nous vivons bien ensemble. S'entendre comme larrons en foire, se dit de gens qui se concertent pour quelque chose de blâmable ou de suspect.

 

Il n'est pire sourd, ou il n'est point de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, se dit d'un homme qui feint de ne pas ouïr ou de ne pas comprendre.

  

Pour le Littré les mots ENTENDRE et OUÏR, très différents dans l'origine, sont complètement synonymes aujourd'hui. Ouïr était le mot propre, peu à peu écarté par entendre qui est le mot figuré. Ouïr c'est percevoir par l'oreille ; entendre c'est proprement faire attention ; l'usage seul lui a donné le sens détourné d'ouïr. La seule différence qu'il y ait, c'est que ouïr est devenu d'un usage restreint.

    

Entendre c'est être frappé des sons ; écouter c'est prêter l'oreille pour les entendre. Quelquefois on n'entend pas quoiqu'on écoute, et souvent on entend sans écouter.

 

 

Ecouter

 

On le rapproche de « ausculto » qui signifie écouter avec grande attention, obéir.

 

 « N'écouter que d'une oreille », faire peu d'attention, ne faire aucun cas de ce qu'on dit.

 

« On l'embrasse à plusieurs reprises, on croit l'aimer, on a soi-même plus de deux oreilles pour l'écouter » (La Bruyère, III). A notre époque, Théodore Reik a    utilisé le terme de « troisième oreille » pour signifier l’écoute flottante du psychanalyste. Belline s’en sert pour évoquer la connaissance intuitive dont il se croit doué.

    

Tu parles, mon coeur écoute ;
Je soupire, tu m'entends ;
Ton oeil compte goutte à goutte
Les larmes que je répands.
(Lamartine, Harmonies I, 8).

 

 

Obéir

de ob-audire « écouter en vue de, écouter avec un objectif, obéir », non seulement c’est entendre, mais c’est faire en sorte d’entendre et plus, c’est entendre pour accomplir, le groupe obéit au chef pour réaliser les objectifs du groupe.

Activité des musculatures de l’oreille moyenne et du visage (bouche bée, bâillement)

 On a insisté sur le rôle important des muscles de l’étrier et du marteau qui, en réglant la tension du tympan et de la fenêtre ovale permettent une écoute optimale, atténuant les sons trop forts, destructeurs de la cochlée, visant au mieux les sons très faibles, pour se rendre capable de capter l’énergie vibratoire minimale. Ces muscles sont extrêmement actifs, toujours au charbon, presque au même titre que le muscle cardiaque !

 

Du grec Kainein (être bouche bée) dérive (Kasmastai) bâiller. Ce lien n’est pas innocent, il indique sans doute que la meilleure écoute s’accompagne d’une relaxation de la région de la bouche et des oreilles. On n’en perdra pas une miette. Nous en sommes bouche bée. L’écoute admirative, étonnée, passionnée nous ouvre la bouche. Sert-elle de caisse de résonnance ? Cette ouverture a-t-elle d’heureux effets et stimule-t-elle le système d’écoute ?  On sait par ailleurs que le bâillement est fort utile pour décontracter la voix crispée du chanteur trop stressé ( http://webperso.easyconnect.fr/baillement/themes/voice.html ).

 

Le pavillon et les superstitions

 

D’après la compilation de Mozzani (1995),

 

            Si les oreilles carrées, comme celles de l'empereur Auguste, révèlent pureté et grandeur d'âme, disait Aristote, les oreilles très larges ou très longues sont la marque des individus vaniteux, effrontés, manquant de bon sens, peu enclins au travail et mangeant beaucoup, tandis que les grandes oreilles en général dénotent la grossièreté, la stupidité et la paresse. Ce qui n'est pas sans rappeler la légende de Midas, roi de Phrygie, auquel Apollon avait fait pousser des oreilles d'âne pour avoir préféré à sa lyre la flûte de Pan. En agissant ainsi, « le roi Midas a choisi ce que symbolisent ces dieux, la séduction des plaisirs au lieu de l'harmonie de la raison. Ses grandes oreilles signifient la bêtise, issue de la perversion de ses désirs. Bien plus, il veut cacher sa difformité : il ne fait qu'ajouter à la luxure, à la sottise, la Vanité » (Chevalier et  Gheerbrant, 1989, p.710).

           

Les petites oreilles, elles, indiquent la timidité, la prudence, la finesse, la serviabilité mais aussi la frivolité et la violence. En revanche, facultés intellectuelles, spiritualité, distinction et sagesse sont révélées par une « oreille moyenne, d'un contour bien arrondi, ni trop épaisse, ni excessivement mince » (Collin de Plancy, 1825 et pseudo-Albert le Grand, 1965 p.189).

           

Signalons toutefois que pour les Anglo-Saxons, les oreilles minces et anguleuses sont signe de mauvais caractère, les oreilles longues et proéminentes indiquent des inclinations musicales, et les grandes marquent la générosité. Ils disent encore que plus le lobe est large, plus l'intellect est grand.

 

   Dans le sud de la France, avoir de grosses oreilles promet une longue vie ; en Bretagne, où celles d'une certaine longueur sont également gages de longévité, des oreilles inégales prédisent paralysie ou claudication pour les vieux jours.

 

Dans cette région toujours, on soutient que les oreilles col­lées contre la tête supposent l'avarice, la haine et la petitesse d'esprit mais que celles qui sont écartées prouvent l'intelligence, la générosité et la bonté. Dans le Puy De Dôme, pour savoir si une femme est dotée d'un bon caractère, on lui tâte le lobe : « S'il est gras et mou, elle sera pacifique ; s'il est dur, on croit qu'elle sera de mauvaise humeur » (Revue des Traditions Populaires XIX, 6). En Chine, les oreilles longues sont à la fois signe de sagesse et d'immortalité. Comme Lao-Tseu, surnommé « longues oreilles », « Plusieurs personnages illustres ‑ et d'une excep­tionnelle longévité ‑ tels Wou­ Kouang, Yuankieou, et le prodigieux héros légendaire des sociétés secrètes, Tchou-Tchouen‑Mei avaient de longues oreilles (Chevalier et  Gheerbrant, 1989, p.709). Entendre un tintement dans l'oreille est signe que quelqu'un parle de vous.

 

Pour l'abbé Jean-Baptiste Thiers (XVII° siècle) : « Quand l'oreille gauche nous tinte, ce sont nos amis qui parlent ou qui se souviennent de nous ; le contraire arrive lorsque l'oreille droite nous tinte » (Thiers,1697-1704, 1, 212). Toutefois, on soutient parfois l'inverse, en France comme en Angleterre (oreille droite = ami ; oreille gauche = ennemi), sans doute à cause de la réputation maléfi­que attribuée au côté gauche. Un sif­flement à l'oreille droite peut signifier en outre que quelqu'un vous dénigre par jalousie, et à l'oreille gauche qu'un mauvais coup est en préparation contre vous. Cependant en Bretagne (pays de Tréguier), « quand l'oreille bourdonne c'est signe que l'on a encore à vivre : Dieu répare alors notre corps et fait passer le sang là où il est nécessaire » (Revue des Traditions Populaires, XVIII, 75). Des démangeaisons aux oreilles, ‑ provoquées selon une tradition anglo-saxonne par votre ange gardien, indiquent également qu'on parle de vous en bien (oreille droite) ou en mal (oreille gauche), ou bien que vous recevrez de bonnes nouvelles (côté droit) ou de mauvaises (côté gauche). On dit encore que « quand l'oreille droite vous picote, le bonheur n'est pas loin » (Guide du Bonheur, 1). Démangeaisons et bourdonnements préviennent, selon les Anglais, pour l'oreille gauche que votre amoureux pense à vous, pour la droite que votre mère parle à votre sujet.

Lorsque vous êtes averti qu'on vous dénigre par un tintement ou une démangeaison de l'oreille, mordez vous la langue, le petit doigt de la main gauche, ou mordez un coin de votre tablier, ou récitez un Pater : votre détracteur se mordra la langue.

Pour savoir qui parle de vous, il suffit, dès que le bourdonnement se fait sentir, de réciter l'alphabet : la lettre à l'énoncé de laquelle il s'arrête indique l'initiale du nom de la personne. On peut également demander à quelqu'un de donner un chiffre au hasard, inférieur à vingt-cinq ‑ si on est seul, le choisir soi même ‑, et chercher sa correspondance dans l'alphabet (a = 1 ; b = 2, etc.). Outre­ Manche, ce même procédé permet de connaître l'initiale du nom de son futur conjoint.

Dans la tradition écossaise, les oreilles qui sifflent annoncent la maladie d'un ami et, chez les Anglo-Saxons en général, la mort d'un proche avant la fin de la semaine. Selon le côté où le sifflement se produit, oreille droite ou gauche, le deuil viendra de l'est ou de l'ouest, dit‑on aux Etats-Unis. Dans les îles Britanniques, le tintement rappelant un glas prédit également un décès, celui d'un parent (oreille droite) ou celui d'un étranger (oreille gauche).

Le cérumen guérit, par application, les blessures infectées et les morsures des bêtes venimeuses (Bretagne) ; on peut aussi le frotter sur les gerçures (Belgique). Une représentation d'oreille sert parfois, notamment en Italie, d'ex­-voto pour les maladies de cet organe (Bonnemère, 1991, 130).

Dans certaines civilisations, les mauvais esprits peuvent entrer par les oreilles : c'est pourquoi, par exemple, les Brahmanes se bouchent les oreilles quand ils éternuent, l'éternuement étant considéré comme une attaque des démons (Encyclopaedia of Magic and Superstition, 1988, 36).


 

 

Description

Traduction physiognomonique

Auteurs

Longues ou

Grandes oreilles

Sagesse, Longue vie

Chine

Bretagne

Longue vie

Sud de la France

Inclinations musicales, Générosité

Anglo-Saxons

Vanité, manque de raison, paresse, luxure, gourmand

Chevalier 1989, 710

Oreille moyenne

Réflexion, spiritualité, distinction et sagesse

Collin de Plancy, 1825 & pseudo-Albert le Grand, 1965

Petites oreilles

Timidité, prudence, finesse, serviabilité, frivolité, violence

Collin de Plancy, 1825 et pseudo-Albert le Grand, 1965 p.189

Oreilles minces et anguleuses

Mauvais caractère

Anglo-Saxons

Oreilles inégales

Claudication pour les vieux jours

Bretagne

Oreilles collées

Avarice, haine, mesquinerie

Bretagne

Oreilles décollées

Générosité, bonté, intelligence

Bretagne

Lobe large

Intellectualisme

Anglo-Saxons

Lobe mou

Femme pacifique

Puy De Dôme

Lobe dur

Femme acariâtre

 


 

 

Description

Traduction physiognomonique

Auteurs

 

Gauche

Droite

 

Tintement

On parle ou pense à vous

On parle en bien de vous

On parle en mal de vous

Abbé Thiers

On parle en mal de vous

On parle en bien de vous

?

Sifflement

 

Mauvais coup contre vous

On vous dénigre par jalousie

Anglo-saxons

Maladie ou

mort d’un proche

Mort d’un étranger

Mort d’un proche

Démangeaisons aux oreilles

 

On parle en mal de vous ; ou bien vous recevrez de mauvaises nouvelles

On parle en bien de vous ; ou bien vous recevrez de bonnes nouvelles

Tradition anglo-saxonne

Démangeaisons et bourdonnements

On pense à vous

votre amoureux

votre mère

 

 

L’Utilisation auditive du pavillon de l’oreille

 

 

Si l'animal écoute un son qui résonne en avant, les pavillons se dressent et portent de ce côté leur ouverture. Si les sons résonnent derrière l'animal, les deux pavillons se dirigent en arrière. Si l'animal cherche à distinguer un bruit ou à reconnaître sa direction, tandis qu'une des oreilles se porte en avant, l'autre se tourne en arrière, et chaque oreille se portant alternativement dans des directions opposées, elles explorent ainsi l'horizon. Les mouvements dont nous venons de parler se dessinent de plus en plus quand l'audition est difficile. Les oreilles sont non seulement dressées mais tendues dans la direction d'où vient le bruit.

 

Si le bruit éveille des vibrations douloureuses, les deux oreilles se couchent et se replient en quelque sorte vers le cou. Dans ce cas, la transmission des sons jusqu'à l'oreille est rendue moins facile.

 

Certaines causes qui portent obstacle à la netteté de la perception des sons, peuvent tenir à certains états anormaux de l'oreille, tels qu'une oblitération de la trompe d'Eustache par des mucosités attachées à son orifice interne, ou bien l'obstruction du conduit externe par une cause quelconque. De ces deux causes d'embarras résultent deux mouvements très­ habituels à l'homme.

-          L'un consiste à se préparer à mieux entendre en toussant et en se raclant à plusieurs reprises le gosier.

-          L'autre mouvement a pour but de dégager les orifices externes de l'oreille , soit en secouant la tête pour écarter les cheveux, soit en les rangeant avec la main, soit enfin en allant plus profondément chercher l'obstacle à l'aide d'un doigt introduit dans le conduit auditif externe. Remarquons que ce mouvement qui n'appartient qu'à l'homme a, si j'ose le dire ainsi, plus de profondeur que les autres. Il témoigne d'une gêne très grande apportée à l'audition.

 

Dans quelques genres où l'influence de l'homme a créé des races distinctes, l'oreille subit des modifications très étendues. C'est ainsi que, tandis que les chiens à demi­ sauvages ont l’oreille droite et pleine de mouvement, les chiens que la civilisation a modifiés ont au contraire l'oreille flasque ,et pendante. Ils ne peuvent la dresser, mais tout au plus la soulever en érigeant sa base. Aussi essaient ‑ ils de compenser cette imperfection en écoutant de côté, ce qui arrive souvent aux chiens les plus intelligents.

 

Des mini-muscles mais ils font le maximum

On est arrivé à la conclusion que la chaîne des osselets joue le rôle de levier dans la transmission des sons à la cochlée.

L'amplitude de ces mouvements est contrôlée par deux petits muscles striés : Le muscle de l'étrier et celui du marteau. Ils jouent un rôle majeur pour protéger l’oreille interne des sons destructeurs et peut-être améliorer l’écoute des sons les plus faibles.

-         Le tenseur du tympan ou muscle du marteau, est innervé par le trijumeau (Vème). Sa contraction « tend » le tympan et réduit ainsi sa mobilité.

-         Le muscle de l'étrier, innervé par le nerf facial (VIIème) réduit la mobilité de la fenêtre ovale.

Le muscle de l'étrier diminue la pression intra-cochléaire (Rouvière, 1932, I, 363). Sa mise en tension produit l'augmentation du pouvoir séparateur temporel qui permet de discriminer deux sons très brefs séparés par un silence très court (Leipp, 1970), ainsi que l'atténuation des sons graves trop intenses (ce qui permet un élargissement de la dynamique), de sorte qu'un animal dont ces muscles ont été coupés devient plus facilement sourd à la suite d'un traumatisme sonore (Roulleau, 1964). De quoi il faut rapprocher l'amélioration de l'audition des aigus (muscle de l'étrier), que Simmons (1964, cité par Burgeat, 1973) fait intervenir dans les phénomènes d'attention et de charge corticale. La tension du muscle de l'étrier prépare l'oreille chaque fois que nous allons nous exprimer à haute voix. Il atténue ainsi les graves liés aux voyelles et permet de rester aptes à entendre ce qui se passe autour de nous quand nous nous exprimons. Par ailleurs, sa mise en tension améliore de 50 décibels l'écoute de la parole humaine lorsqu'elle est noyée dans un bruit de fond important (Borg, 1989).

On a pu montrer que la contraction ou le relâchement de ce système est accessible à la décision volontaire chez certains sujets de manière spontanée et peut-être chez tous après entraînement (par appareil modificateur d'écoute spécialement).

 

 

Fig. 5 - Diagramme de l’écoute (B. Auriol et P. Csillag)

Cellules ciliées externes (et internes)

 

1) les oto-émissions spontanées

Mises en évidence pour la première fois en 1978 par Kemp, les oto-émissions spontanées sont la manifestation de l’activité spontanée des CCE. Ce sont des sons de très faible intensité, générés par la contraction vibrante des CCE et transmises par la chaîne des osselets au tympan, de sorte qu’on peut les enregistrer avec un microphone miniaturisé. On les observe chez la plupart des fœtus et chez 70 % des nouveaux nés. On les retrouve chez 40 % des adultes. Elles pourraient être à l'origine de certains acouphènes.

 

2) les oto-émissions provoquées

Devenues un test de dépistage néonatal, leur détection permet le diagnostic d'une surdité de perception liée à l'atteinte de l'amplification cochléaire par les CCE. Le seuil de détection des oto-émissions provoquées chez un sujet normal est inférieur au seuil de perception (-10 dB), d'où la très bonne sensibilité diagnostique de ce test. Les CCE permettent une meilleure sensibilité et une meilleure discrimination. Elles sont pilotées par le système efférent médian. Le système efférent médian, branché sur les CCE modifie, par l'intermédiaire des contractions lentes (dépendantes du calcium) les propriétés contractiles des CCEs. On sait que :

une stimulation atténue les oto-émissions acoustiques de l'oreille opposée

l'attention sélective (visuelle ou auditive) module aussi les oto-émissions.

Ainsi peut se moduler l’écoute en fonction de la fréquence (Maison et al., 2001).

 

La gymnastique des cellules ciliaires externes

Le Pr J.L. Puel  (Montpellier) : Ce qui est intéressant c'est que ces mécanismes actifs, ces contractions cellulaires, se situent dans les fréquences aiguës. Dans les fréquences graves on n'a pas besoin de mécanismes actifs tandis que pour les fréquences aiguës on en a besoin. Ce qu'on peut imaginer c'est que pendant la thérapie par sons filtrés, avec utilisation de sons aigus, on fait précisément une gymnastique des cellules ciliaires externes.

 

Est-ce simplement une théorie ? Pas tant que ça parce qu'on a montré qu'on pouvait entraîner les cellules ciliaires externes, les muscler. Je veux citer une expérience qui a été faite par Barbara KANELONE en Suède : elle prend deux groupes d'animaux. Au premier groupe elle fait entendre pendant des heures, voire des jours des fréquences de 6000 Hz et suffisamment faibles pour que cela n'entraîne pas de coma acoustique ( 50, 60 db). Elle contrôle bien avant, pendant et après que cela n'a pas endommagé l'oreille. Ensuite elle a un deuxième groupe témoin qui est mis dans le silence, etc. Ensuite derrière elle fait un trauma acoustique à 6000 Hz. Les animaux entraînés en sortent indemnes à la différence des animaux non traités.

 

Voies cochléo-corticales

 Il existe par ailleurs un système central perceptif piloté par un système émotiono-attentionnel (Cf. Pujol et al. 2002).

 

 

 

Voies primaires

 

Voie courte (3 ou 4 relais), rapide (grosses fibres myélinisées) et aboutit au cortex auditif primaire.

Cortex auditif (3) dans l'aire temporale (2) chez l'homme. En fait, l'aire auditive au fond du sillon latéral (1 = sillon de Sylvius) n'est représentée que par transparence.


Voies non primaires (attention, motivation, émotion)

De petites fibres rejoignent la voie réticulaire ascendante commune à toutes les modalités sensorielles. Après plusieurs relais cette voie aboutit au cortex polysensoriel. Elle permet une sélection du type d'information à traiter en priorité ; elle est reliée aux centres des motivations et d'éveil, ainsi qu'aux centres de la vie végétative. Par exemple, lors de la lecture d'un livre pendant l'écoute d'un disque, ce système permet à l'attention de se fixer sur la tâche la plus captivante et/ou la plus importante.

 

L'intégralité et le bon fonctionnement des voies primaires et non primaires sont nécessaires à la perception consciente.
Par exemple, au cours du sommeil, la voie primaire fonctionne normalement (les sensations auditives sont décodées), mais cela n'est pas perçu consciemment, la liaison réticulée-centres de l'éveil n’est plus assurée que de manière sélective (mère sensible aux pleurs du bébé, glissement du serpent près du dormeur de la forêt)

 

 

Cortex : temporal, préfrontal, amygdale, etc

 La perception et la "signification"  de n'importe quel événement acoustique est fortement affecté par le contexte dans lequel il apparaît (McAdams, 1996).

 

A titre d’exemple grâce au conférencier, nous lâchons peu à peu le tonus antigravifique, notre tête tombe, nos paupières s’appesantissent, nous oublions de regarder ; mais le discours nous garde encore à son message; puis sa voix se fait moins aiguisée, à vrai dire moins aiguë. Elle abandonne ses harmoniques. Lointaine, elle s’assourdit à ne subsister que par son rythme au bénéfice de notre endormissement qui s’en fait une berceuse.

Comme nous pouvons modifier la signification de ce que nous entendons et faire des concepts scientifiques une berceuse, de même nous pouvons aiguiser notre perception qui, aiguisée par un amorçage adéquat, va nous permettre d'entendre des données que notre voisin moins bien préparé ne soupçonnera même pas.

"Les oreilles d'or de la marine française qui ont été entraînés, parviennent à percevoir et à identifier des sources sonores comme des "clicking shrimp", des baleines, "porpoises", des bancs de poissons, le flux des océans (ocean-going vessels) là où la plupart d'entre nous n'entendrait qu'un ensemble indifférencié de bruits sous marins. Ils réussissent même à distinguer les bruits de bateaux de commerce et de bateaux militaires, des bruits de sous marins en surface ou en plongée, propulsés par un moteur nucléaire ou un moteur diesel, voire même jusqu' à la nationalité russe, américaine ou française du sous-marin.

Dans les cas les plus dramatiques, l'incapacité à différencier les sources sonores et à identifier leur origine peut aboutir à ne pas déduire de ces signaux la présence d'un danger imminent : la présence d'un jaguar (...) ou celle d'un sous-marin clandestin par exemple." (d'après Introduction à la cognition auditive par Stephen McAdams et Emmanuel Bigand in Penser les Sons: Psychologie Cognitive de l'Audition, Oxford University Press, Oxford 1993.

La pulsion invocante,

 La scène originaire est le plus souvent liée à des perceptions sonores interprétées comme indices de relations sado-masochistes à dominante anale. Elles sont source d’excitation et d’angoisse pour l’enfant, même si c’est à un moindre degré que s’il était victime d’actes pédophiles ou à tendance incestueuse. Les sons du coït, restent généralement empreints de mystère et appel à la curiosité ; curiosité sexuelle bien sûr, mais aussi curiosité tout court ; celle des « pourquoi » litaniques terminés en queue de poisson « parce que » ; celle du fort en thème et du grand voyageur.

Ainsi l’appétit de savoir s’assure au mystère du son sexuel, peut être dès avant la naissance. A cette époque d’ailleurs, hormis les sons répétitifs des rythmes maternels, tout est mystère !

 

 la curiosité, l’écoute, l’hyperacousie

 

 Meilleure est l’audition dans le bruit et meilleure est la performance scolaire en maths et en français (Jacquier-Roux et al., 2000).

 

Les sujets chez qui l’adjonction de bruit dans l’oreille controlatérale à l’oreille testée a provoqué une amélioration des seuils, se sont avérés ceux présentant les meilleurs résultats scolaires ;  à l’inverse, les sujets gênés par le bruit dans l’oreille controlatérale avaient par ailleurs des résultats scolaires plus faibles. Les relations entre les performances perceptives et scolaires sont dans l’ensemble plus fortes lorsque l’on considère les notes en mathématiques que lorsque l’on considère les notes en français. C’est dire que les résultats scolaires – et d’autant plus qu’il s’agit d’abstraction et de logique – sont améliorés lorsque le sujet dispose de la capacité de diriger son attention, de viser les sons qui l’intéressent en utilisant la localisation, en pikotant son écoute en fonction de la provenance spatiale du son. Un test dichotique bien latéralisé est un gage de succès.

 

 

  Le vacarme du silence : chambres sourdes, hallucinations et acouphènes

 

 Si vous visitez une « chambre sourde », c’est à dire dont on a supprimé par des procédés architecturaux toute réverbération, écho, résonance, vous serez surpris de constater que le silence que vous visez cède la place à la perception involontaire des bruits de votre propre corps. Nous découvrons par là, selon l’intuition de Tomatis et les travaux des physiologistes modernes, que notre système d’écoute est avant tout une machine à faire du silence : dans les  conditions habituelles, nous recevons des informations extérieures qui freinent nos CCE et nous évitent le supplice de l’hyperacousie ou des acouphènes.

 

Les yogis disent qu’une épingle qui tombe fait du bruit comme le tonnerre et le tonnerre fait du bruit comme une épingle (c’est dire que les muscles de l’oreille moyenne se détendent ainsi que le freinage des CCE).

 

La conduction osseuse

 

Onchi (cité par Aubry, 1968) a réalisé des expériences sur des cadavres. Elles démontrent que ce système de cavités facilite les sons au-dessous de 1 kHz et les affaiblit entre 1.5 et 4 kHz. Ainsi, les fréquences " conversationnelles " sont très amoindries : est-ce une façon d'atténuer la conduction osseuse par rapport à la conduction aérienne, notamment quand le sujet s'exprime vocalement ?

Dans le cas ordinaire du sujet " bien écoutant ", la perception en conduction osseuse est tout à fait comparable à l'aérienne ; à ceci près que le vibreur, pour communiquer un ébranlement suffisant doit être appliqué avec des amplitudes supérieures : mais il existe entre l'appareil et l'os des tissus mous qui gênent leur solidarisation par simple contiguïté...

Des chercheurs toulousains (Bruno Piérot) ont proposé avec succès un système de communication sonore dans l'eau, utilisant la conduction osseuse. On peut utiliser un signal électrique - que transmet convenablement l'eau salée sur une distance de quelques dizaines de mètres - pour véhiculer le son et le retransformer en vibration à l'arrivée, vibration utilisée au niveau des machoires... Les dauphins utilisent une écoute via leur machoire inférieure et sans besoin d'électricité ! (cf.National Geographic, 3.2, N°11, Aout 2000)

Une firme japonaise propose des appareils similaires "VOICEDUCER bone conduction Headgear HG17 series". Les vibreurs sont placés au niveau des tempes et le microphone capteur de vibrations est placé au sommet du crâne. On obtient ainsi une communication claire, notamment en ambiance très bruyante, avec l'intérêt supplémentaire de pouvoir utiliser des bouchons d'oreille afin de s'abstraire du vacarme de l'environnement.

 

 

 

L’analyse du son

Illusions Sonore

 

 

Capacité d’Analyse tonale

 

oreille absolue

On lit, à propos du jeune Mozart, « J'ai vu et ai entendu comment, quand on lui a demandé d’écouter dans une autre pièce, on lui donnait des notes, tantôt hautes, tantôt basses, non seulement sur le piano forte mais aussi bien sur n’importe quel autre instrument, et il énonçait chaque fois la note tout de go ». (Augsburgischer Intelligenz Zettel, 1763, cité in E.O. Deutsch, 1990, p. 21)

Il est clair que Mozart a eu l’oreille absolue (c’est le cas de moins d'une personne sur dix mille). Pour des personnes douées de l’oreille absolue, nommer une note quand on entend un son n’est pas plus difficile que de reconnaître une couleur bleue ou rouge !. La plupart des compositeurs et interprètes les plus célèbres (comme Beethoven, Bach, Haendel, Chopin, Toscanini, Menuhin, Rubinstein), etc.) sont connus pour posséder ce don.

La capacité de juger une note par rapport à une autre préalablement entendue constitue une « oreille relative ». Les musiciens n'ont aucune difficulté à situer une note s'ils ont une note de référence (le fameux « la » que donne le premier violon aux autres concertistes). Mais la plupart des personnes, et la plupart des musiciens, sont en grande difficulté pour reconnaître une note sans référence préalable.

 

Peut-on acquérir l’oreille absolue ?

 

Quelques investigateurs ont essayé. Ils ont développé des programmes dans ce but (voir Takeuchi et Hulse, 1993, pour une revue). Ce qui est le plus remarquable au sujet de ces programmes c’est leur manque de succès - des gens ont travaillé pendant des mois sans réussir, et même lorsqu'ils ont eu un certain succès, leurs perceptions n'ont pu obtenir l’immédiateté et la facilité caractéristique des individus qui possèdent naturellement ce don.

 

Pour avoir l’oreille absolue, il faut avoir entendu nommer les notes de musique très tôt dans la vie. Par exemple, dans une étude de plus de 600 musiciens, Baharloo et al. (1998) ont trouvé que 40% de ceux qui ont pris des leçons de musique avant l'âge de quatre ans ont l’oreille absolue, tandis que seulement 3% de ceux qui ont commencé la formation musicale après l'âge de neuf ans en bénéficient. Ces résultats désignent une période critique pour le développement de l’oreille absolue, analogue à la période critique où les enfants acquièrent les sons de leur langue maternelle. Jusczyk et al. (1993) ont précisé que leurs sujets qui ont commencé à prendre des leçons de musique avant six ans n'en ont pas pour autant tous acquis cette faculté. Une prédisposition innée semble également en jeu (Baharloo et al, 1998 ; Profita et Bidder, 1988 ; Schlaug, et al.1995) . Elle serait liée à une structure particulière du cerveau au niveau du planum temporale, cette aire cérébrale chargée du langage. Cette région est habituellement plus grande du côté gauche du cerveau que du côté droit, et Schlaug et al. ont constaté que cette asymétrie, qui émerge avant la naissance, est plus marquée chez les musiciens dotés de l’oreille absolue que chez les autres individus.

 

Un certain nombre d'études a prouvé que la plupart des personnes possèdent en fait une forme implicite de oreille absolue, quoiqu'elles ne puissent pas reconnaître les notes directement. La preuve nous en est donnée par le paradoxe du triton (D. Deutsch, 1991). Pour produire cette illusion, deux ordinateurs jouaient successivement des tonalités distantes d’un demi octave (ou triton). Les tonalités sont construites de sorte que leurs noms de note soient clairement définis, mais ils sont ambigu quant à l’ octave auquel ils appartiennent. Quand une de ces paires de tonalité est jouée (par exemple,  Do suivi de Fa#), quelques auditeurs entendent que ça monte, tandis que d'autres auditeurs entendent que ça descend !

 

Pourtant quand une paire différente de tonalité est jouée (par exemple, Sol# suivi de Ré), le premier groupe d'auditeurs entend que ça descend, alors que le deuxième groupe d'auditeurs entend que ça monte. Plus spécifiquement, nous pouvons penser aux 12 tonalités dans l'octave (connue sous le nom de classes de hauteur). La plupart des personnes, dans la fabrication des jugements du paradoxe de triton, placent des tonalités dans une région du cercle de classe de hauteur en tant que plus haut, et des tonalités dans la région opposée en tant que plus bas. Cependant, l'orientation du cercle de classe de hauteur diffère d'un auditeur à l'autre. En outre (D. Deutsch, 1991) ils doivent utiliser une certaine forme d’oreille absolue en faisant ces jugements. Il y a davantage d'évidence que l’oreille absolue, au moins en forme partielle, est plus répandue qu'on ne l’a traditionnellement supposé. Terhardt et Seewann (1983) ont observé que les musiciens qui n’ont pas l’oreille absolue pouvaient néanmoins juger dans une certaine mesure si un passage a été joué dans la clef correcte.

 

Halpern (1989) a constaté que les sujets musicalement non éduqués étaient tout à fait fiables dans leur choix des hauteurs quand ils ont été invités à fredonner à différentes occasions les premières notes de chansons bien connues.

Levitin (1994) a étudié des sujets qui avaient à chanter deux chansons populaires, et il a comparé leurs productions aux hauteurs trouvées dans des enregistrements. Il a constaté que 44% des sujets avaient monté de deux demi-tons la hauteur des deux chansons. Il en a conclu que la hauteur absolue a deux composantes :

(a)     une mémoire à long terme de la hauteur, ce qui est répandu, et

(b)     la capacité d’étiqueter les hauteurs, ce qui est rare.

 

Ainsi pourquoi, alors, la plupart des personnes dans notre société ont-elles des mémoires à long terme stables pour les hauteurs absolus des tonalités, quoiqu'elles ne puissent pas étiqueter les hauteurs qu'elles ont pourtant en mémoire ? La réponse pourrait se trouver dans les langues à tons. En mandarin, par exemple, un mot prend une signification entièrement différente selon le ton dans lequel il est proféré – le  ton étant défini par le contour et par la hauteur absolue. Des hauteurs sont donc employées pour créer des dispositifs verbaux, analogues aux consonnes et aux voyelles. Ainsi, par exemple, quand un haut-parleur de mandarin identifie la signification de « ma » comme 'mother’ ; quand il est parlé dans la première tonalité, ou comme "chanvre" ; quand il est parlé dans le deuxième ton, il ou elle associe une hauteur définie (ou une combinaison de hauteurs) à une étiquette verbale. De façon analogue, quand une personne à l’oreille absolue identifie le bruit de la note Do# comme "Do#" ou la note Ré comme "Ré" elle associe également une hauteur à une étiquette verbale. Supposant, alors, que l’oreille absolue est utilisée dans les langues à ton pour distinguer les différentes significations d'un mot, nous pouvons nous attendre à ce que les locuteurs de ces langues soient très cohérents d'un jour à l'autre quant aux hauteurs qu’ils emploient pour prononcer les mots. Pour examiner cette prévision, Henthom et Deutsch, et al. (1999) ont examiné sept locuteurs dont la langue maternelle était le vietnamien. Chaque sujet a participé à deux sessions. A chaque session, le sujet a reçu la même liste de 10 mots vietnamiens pour la lire à haute voix une fois. Nous avons alors calculé, pour chaque sujet, la différence entre la hauteur moyenne pour chaque mot le jour 1 et le jour 2, et nous avons fait la moyenne de ces différences pour toute la liste. Les résultats ont montré une extraordinaire uniformité: les sept sujets produisirent une différence de  hauteur moyenne inférieure à ½ ton et  cela tombait à ¼ de ton pour quatre de ces 7 sujets.

Dans une deuxième expérience, nous avons utilisé 15 locuteurs de mandarin comme sujets, et nous avons employé une liste de mots qui comprenait les quatre tons du mandarin. Chaque sujet a encore participé à deux sessions qui ont été tenues à différents jours, mais dans ce cas-ci il ou elle prononça deux fois la liste des mots à chaque session, les lectures étant séparées par approximativement 20 s. Nous avons calculé quatre différences : entre les premières lectures le jour 1 et le jour 2, entre les deuxièmes lectures le jour 1 et le jour 2, entre les premières et deuxièmes lectures le jour 1, et entre les premières et deuxièmes lectures le jour 2. Nous avons encore trouvé une uniformité remarquable. Pour toutes les comparaisons, la moitié des sujets a produit des différences ramenées à une moyenne de hauteur inférieure  à ¼ ton, et un tiers des sujets a produit des différences inférieures à 1/8 de ton. En outre, les analyses statistiques n'ont trouvé aucune différence significative en degré d'uniformité de hauteur qui s'est produit pour prononcer la liste de mots à des jours différents, comparé à la répétition immédiate. Nous avons conclu que bien que les anomalies de hauteur que nous avons trouvées fussent remarquablement petites, elles ont néanmoins sous-estimé la précision de calibre des sujets possédant l’oreille absolue. Cette étude indique que les locuteurs du Vietnamien et du mandarin possèdent une forme extraordinairement précise de hauteur absolue qu'ils utilisent dans l'énonciation des mots en leur langue maternelle. Les résultats suggèrent que l’oreille absolue ait pu avoir évolué comme dispositif de la parole, analogue à d'autres dispositifs tels que la qualité de voyelle (voir également Brown, 2000). On peut aller plus loin et présumer que ce dispositif est généralement acquis pendant la première année de la vie, pendant la période critique au cours de laquelle les bébés acquièrent d’autres caractéristiques de la parole (Jusczyk et al., 1993).

 

En effet, Saffran et Griepentrog (2001) ont prouvé les enfants âgés de 8 mois pouvaient accomplir une tâche d’apprentissage perceptuel comportant la nécessité d’une oreille absolue. Pourquoi, alors, quelques individus rares dans nos pays possèdent-ils l’oreille absolue, quoiqu'ils n'aient pas eu l'occasion d'associer des hauteurs à des étiquettes verbales pendant la période critique pour l'acquisition de la parole ? Peut-être pour de tels individus, cette période critique est-elle d'une plus longue durée, et se prolonge-t-elle à l'âge auquel ils ont commencé à prendre des leçons de musique. Une telle prédisposition associée à une période critique prolongée pourrait être génétiquement déterminée, et pourrait également être associée à certaines différences dans l'organisation du cerveau (Schlaug et al., 1995).

 

Nous ne savons pas si l’oreille absolue acquise au commencement pour la parole se généralise plus tard aux tonalités musicales, bien qu'il y ait quelques observations en ce sens (voir, par exemple, Gregersen et al., 1999). Si une telle généralisation se produit, l’oreille absolue pour la musique, rare en occident, serait bien plus répandue dans les pays où on parle des langues à tons. Plus généralement, je propose l’idée que la hauteur absolue, traditionnellement envisagée comme aptitude musicale, a évolué à l'origine au service de la parole. Comme corollaire, je propose également que l’oreille absolue, qu’elle soit musicale ou langagière utilise les mêmes mécanismes neuro-physiologiques.

 

les synesthésies

References

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23 Février 2008