LES DIFFERENTES APPROCHES DE RECHERCHES

On s'aperçoit rapidement, lorsqu'on aborde l'étude de la latéralité, qu'il existe une ambiguïté dans la notion de la laté­ralité. Cette ambiguïté s'explique par le fait que les nombreux travaux effectués dans ce domaine ont des origines diverses et que les auteurs ne se sont pas situés au même niveau d'appréhension. Cette variété de points de vue et de méthodes prouve à la fois la complexité et l'étendue de ce sujet.

Il nous semble qu'à l'heure actuelle, la recherche objective sur la latéralité se fait selon trois grandes directions

- celle de la neuro- physiologie, historiquement la première.

- celle comparative entre l'homme et l'animal .

- la recherche génétique.

A côté de ces trois modes d'approche de la latéralité, plusieurs théories ont été envisagées. Celles- ci font référence à des données sur l'adaptation à la vie professionnelle, à des données obstétricales, socio- culturelles et psychologiques.

A/ - APPROCHES NEUROPHYSIOLOGIQUES

1•/ - LES FONDEMENTS ANATOMIQUES

(nous emprunterons à J. LHERMITTE l'essentiel de ce paragraphe).

Sous une apparente symétrie, le corps humain présente en réalité une dissymétrie; par exemple (et en laissant de côté les organes viscéraux), les réseaux veineux dorsaux des mains n'apparais­sent pas identiques. Il en est de même de la musculature, que ce soit au niveau des membres supérieurs ou des membres inférieurs. D'après les mensurations de GODIN, le membre supérieur droit chez le droitier est à la fois plus volumineux et plus large que le gauche; on note l'inverse pour le membre inférieur. Les asymétries du squelette sont également fréquentes.

Plus intéressantes sont les asymétries du squelette crânien. On voit facilement que la boite crânienne n'est pas exacte­ment symétrique. Par ailleurs, les orifices de la base du crâne montrent une inégalité de taille si l'on compare les deux côtés. C'est ainsi que le trou ovale serait plus étroit du côte droit, de même que le trou déchiré postérieur. Le canal carotidien gauche semble plus large que le droit.

Assurément, le défaut de symétrie corporelle ne peut être nié.

Sur le plan de la structure de l'encéphale, le probléme qui se pose est de savoir si les deux hémisphères sont parfaitement symétriques (et s'il existe une correspondance cérébrale à la latéralisation).


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Les premiers anatomistes du système nerveux ont cherché à mettre en évidence une différence volumétrique, pondérale et structurale entre les deux hémisphères; ces recherches n'ont pas permis de déceler de différences appréciables entre le cerveau droit et le cerveau gauche. On admettait néanmoins que l'hémisphère gauche dépassait en volume l'hémisphère droit. Ce point de vue prenait appui sur le fait que l'hémisphère gauche est mieux vascularisé (la carotide gauche serait plus large).

Cette prédominance dans le développement de l'hémisphère gauche aurait été constatée dés le début des temps hominiens chez le sinanthrope (M. BOULE et H.V. VALLOIS : les hommes fossiles) et chez les Néanderthaliens (BOULE et ANTHONY : l'encéphale de l'homme fossile de la Chapelle aux Saintes).

VON BONIN en 1962 signalait que l'hémisphère gauche a une gravité spécifique inférieure à celle du droit. Cela signifierait pour lui qu'il existe un peu plus de cortex sur le côté gauche ce qui concorde avec le fait que la scissure de Sylvius est un peu plus longue et que l'insula est plus étendue en hauteur et en longueur à gauche qu'à droite.

Les observations des anatomistes modernes ne sont pas dénuées de valeur.

"Elliot SMITH, par exemple a fait voir que le sulcus lunatus visuel se montre plus profond du côté gauche et Garcia GOYANES conclut de ses recherches que, du côté gauche, le lobe temporal ne porte qu'une seule circonvolution transverse de Haeschl, tandis que du côté droit cette circonvolution est dédoublée. Il semblerait donc que la sphère auditive commune soit plus développée du côté droit chez le droitier". (LHERMITTE)

De leur côté LEVITSKY et GESCHWIND (1968) montrent que le planum temporale est plus large à gauche qu'à droite. Cette diffé­rence de grandeur de cette région, qui fait partie de la zone de langage dite de Wernicke, parait suffisante à ces auteurs pour rendre compte des différences fonctionnelles des deux hémisphères.

D. TESZNER, S.F. WITELSON et W. PALLIE et surtout WADA en 1975 ont retrouvé sur les cerveaux de foetus et de nouveau- nés, la même asymétrie droite- gauche du planum temporale. Cependant WADA a observé que la différence en faveur du planum gauche est moins grande chez le foetus ou le nouveau- né que chez l'adulte et qu'ainsi il semble qu'elle s'accroit avec la maturation.

On n'a pas encore trouvé sur l'hémisphère droit une zone particulière plus étendue sur cet hémisphère que sur le gauche, qui traduirait ainsi une capacité fonctionnelle supérieure.

Sur le plan de l'architectonie on retrouve des différences entre les deux hémisphères.

"Selon LASSEK, les cellules gigantopyramidales de Betz sont plus nombreuses dans l'aire électromotrice gauche (chez le droitier);en outre ces éléments se rencontrent dispersés dans la pariétale ascendante ou sensitive de l'hémisphère gauche, alors que dans l'aire sensitive droite elles sont trés rares" (LHERMITTE)

L'anatomie permet donc de relever des particularités structurales, différentielles, mais on ne sait pas très bien relier toutes ces données aux capacités fonctionnelles spécifiques des hémisphères.

La question à l'heure actuelle demeure celle :

-          de la structuration fonctionnelle des hémisphères. Se fait- elle par apprentissage? Des travaux portant sur des animaux simples, comme l'Aplysie, un grand mollusque marin, ont montré que de petits ensembles de neurones étaient dotés de certaines facultés d'appren­tissage et de mémorisation (Eric KANDEL). Une même synapse peut être conditionnée différemment en fonction de l'apprentissage.

Est- elle dûe à la migration des cellules vers les sites cellulaires? On peut identifier huit grandes étapes dans le déve­loppement de tous les constituants du cerveau. Dans l'ordre de leur apparition ce sont :

o        l'induction de la plaque neurale

o        la prolifération localisée de cellules dans différentes régions

o        La migration des cellules de leur lieu de fabrication vers leur emplacement définitif

o        l'agrégation de cellules pour former des ensembles identifiables dans le cerveau

o        la différenciation des neurones immatures

o        l'établissement des connexions avec d'autres neurones

o        la mort sélective de certaines cellules

o        et enfin l'élimination de certaines connexions établies initialement et la stabilisation des autres. (MAXWELL COWAN)

-          de la relation entre les deux hémisphères et du rôle du corps calleux. Les observations cliniques et notamment celles de GESCHWIND et KAPLAN en 1962 a propos d'une nécrose vasculaire du corps calleux et les travaux de GAZZANIGA, BOGEN et SPERRY, sur les sections du corps calleux, affirment le rôle fondamental de ce dernier qui est de permettre le transfert inter- hémisphé­rique. La lésion calleuse crée une rupture dans l'appréhension du monde extérieur. Chaque hémisphère ignore les informations que l'autre reçoit. Saisir un objet à partir d'un hémisphère, alors que l'objet se trouve perçu par l'autre, est impossible. Le corps calleux permet une unification cérébrale indispensable à l'adaptation au monde.

-          Du croisement de toutes les grandes voies.

-          De la psycho- sensorialité avec une meilleure connaissance de la vision, de l'audition, de l'intégration neurophysiologique du langage .

2° - CERVEAU GAUCHE - CERVEAU DROIT

Depuis les découvertes de BROCA on considérait l'hémis­phère gauche comme l'hémisphère "majeur" ou "dominant", lui attri­buant non seulement la parole mais encore toutes les fonctions supé­rieures du système nerveux, l'hémisphère droit étant considéré comme l'hémisphère "mineur" ou "muet", car on ne savait pas quels symptô­mes rattacher aux lésions qui l'affectaient.

A l'heure actuelle, à l'idée d'un hémisphère dominant se substitue celle d'une spécialisation fonctionnelle de chaque hémisphère.

L'asymétrie fonctionnelle est peut-être en train de devenir le plus important problème posé par le cerveau humain.

a)       - ETUDES ANATOMO- CLINIQUES

Les premiers travaux concernant la spécialisation des hémisphères cérébraux ont été réalisés sur des malades souffrant de lésions localisées dans l'un ou l'autre hémisphère. Nous résu­mons ici les conclusions de la synthèse descriptive, faite par J. de AJURIAGUERRA et H. HECAEN en 1963, des études anatomo- cliniques et neuro- chirurgicales.

La dominance hémisphérique gauche est généralement admise pour le langage.

Chez le droitier, une lésion massive de l'hémisphère gauche entraîne une hémiplégie droite avec aphasie, tandis qu'une atteinte de l'hémisphère droit entraîne une hémiplégie gauche sans aphasie.

Pour ce qui est des gauchers, on ne peut conclure à une inversion pure et simple des latéralisations hémisphériques.

Il faut souligner :

-          la moindre intensité des désordres observés

-          qu'il n'y a pas inversion totale d'un hémisphère à l'autre et que toutes les associations symptomatiques sont possibles à l'encontre de ce que l'on rencontre en général chez le droitier.

Un autre fait important semble devoir être également signalé : 1% des droitiers présentant une atteinte hémisphérique droite isolée, peuvent présenter une atteinte de langage parlé : il s'agit des aphasies croisées du droitier.

Le problème de l'aphasie des enfants mérite également d'être abordé. On ne parle d'atteinte aphasique chez l'enfant qu'à partir du moment où il peut y avoir langage, c'est à dire 3 ans environ. On peut dire que la tendance à la guérison totale en 3 mois pour des lésions unilatérales est nette avant l'âge de 7 ans. Plus tard, elle est plus lente, les cas d'aphasie permanente ne se pro­duisant qu'après 9 ans. La guérison ne peut être attribuée seulement à la réversibilité des lésions puisque beaucoup d'enfants conservent des séquelles motrices et E.E.G. On les attribue à la plasticité anatomo- fonctionnelle du cerveau.

Par ailleurs, l'aphasie infantile complique presque également les lésions cérébrales droites et gauches. La rapidité de récupération ne peut s'expliquer que par des processus de suppléance qui tiennent à la non latéralisation et à la non spécialisation fonctionnelle hémisphérique.

Le langage musical nécessite une analyse plus fine. On citera les résultats obtenue par B. MILNER cher des épilep­tiques ayant subi une ablation du lobe temporal droit ou gauche. Ce n'était que chez les patients opérés du côté droit qu'il existait un déficit de la mémoire des mélodies. L'amusie motrice et réceptive semble pouvoir dépendre de lésions droites ou gauches.

En ce qui concerne les acalculies, il faut considérer trois aspects sémiologiques :

-          l'acalculie par alexie des chiffres et des nombres.

-          l'acalculie au sens restreint ou anarithmétie (perte de la possibilité d'accomplir les opérations arithmétiques).

-          La dyscalculie de type spatial (impossibilité des opérations par négligence d'une partie des chiffres ou par mauvaise position de ces chiffres, alors que le principe de calcul est conservé).

Selon l'atteinte de l'hémisphère, ces trois groupes se répartissent de la façon suivante

-          Les dyscalculies de type spatial dépendent surtout d'une atteinte droite.

-          L'alexie des chiffres dépend principalement de lésions gauches.

-          les anarithméties dépendent de mécanismes divers.

La latéralisation hémisphérique de la fonction praxique demande également une analyse fine. L'apraxie idéo­motrice et idéatoire se rencontrent uniquement. au cours de lésions gauches ou bilatérales; l'apraxie constructive est plus fréquente lors des lésions droites ou bilatérales. Le syndrome des lésions droites est principalement constitué de troubles visuo- spatiaux.

L'apraxie de l'habillage isolée par R. BRAlN en 1941 est due à des lésions droites. Les différentes observations ont mis en évidence sa localisation lésionnelle droite au niveau de la région pariétale ou pariéto- occipitale.

L'apraxie de l'habillage est relevée par ARSENI, VOINESCO et GOLDENBERG dans 17 cas sur 32 tumeurs pariétales et toutes par lésion droite.

Mc. FIE et ZANGWILL observent ce type d'apraxie à 10 reprises sur 15 lésions droites et une seule fois sur 18 lésions gauches (résultats cités par J. de AJURIAGUERRA et H. HECAEN).

Les troubles du schéma corporel ont des aspects différents selon le siège au niveau de l'un ou l'autre hémis­phère. L'atteinte de l'hémisphère droit entraîne des troubles de la somatognosie de l'hémicorps (hémiasomatognosie) ou d'un membre controlatéral. Lors d'atteinte de l'hémisphère gauche, les troubles somatognosiques sont bilatéraux soit localisés (agnosie digitale), soit généralisés (autotopoagnosie).

Dans le domaine de la perception visuelle les lésions de l'hémisphère droit provoquent outre des perturbations de la connaissance de l'espace : agnosies spatiales unilatérales, trou­bles de l'utilisation des notions topographiques (incapacité de s'orienter sur un plan, sur une carte de géographie, sur un dessin de labyrinthe), perte de la mémoire topographique (incapacité de s'orienter dans l'espace extérieur, de décrire et de visuali­ser les itinéraires et les lieux familiers), des troubles de la reconnaissance des physionomies .

Par contre les agnosies pour les objets et les agnosies des couleurs semblent correspondre à des lésions gauches. Dans le déterminisme des métamorphopsies (modifica­tion de la vision des formes, des contours, de la taille des objets), on semble bien en droit de retenir la prédominance des lésions droites principalement occipitales, mais en soulignant que le rôle de l'hémisphère droit ne peut être considéré comme exclusif.

Pour H. HECAEN et B. ANGELERGUES en 1965, la fréquen­ce des métamorphopsies est de 14,4 % lors des lésions droites et de 7,26 % lors de lésions gauches.

Cette présentation sommaire a permis de montrer que lorsqu'ils sont lésés, les deux hémisphères cérébraux détermi­nent des syndromes différents. La spécialisation fonctionnelle de chacun pourrait être résumée ainsi :

l'hémisphère gauche sous-­tend essentiellement les fonctions verbales et d'abstraction, l'hémisphère droit les fonctions non verbales relatives aux per­ceptions spatiales, corporelles et extra corporelles.

b)       - SUJETS "SPLIT- BRAIN"

La moitié gauche et la moitié droite de notre cer­veau sont reliées entre elles par des fibres nerveuses (le corps calleux principalement), qui permettent aux deux hémisphères d'échanger leurs informations.

Des preuves.mouvelles et très convaincantes de la spécialisation de chaque hémisphère ont été apportées par des auteurs américains tels que SPERRY et coll., S. GAZZANIGA.

A la suite d'opérations consistant à sectionner les fibres nerveuses du corps calleux chez certains épileptiques, il a été possible d'examiner de façon indépendante les compé­tences spécifiques de chacun des deux hémisphères.

Chez un sujet normal, lorsqu'on présente pendant un bref instant, une figure, chaque hémisphère ne perçoit que les formes présentées dans le champ visuel opposé (voir schéma 1) chaque hémisphère tend alors à reconstituer la figure entière présentée dans ce champ.

Schéma 1 s

Lorsque le sujet normal fixe le point, celui- ci se projette au centre du champ rétinien. Le petit carré se projette alors sur la moitié droite de la rétine de chaque oeil, c'est à dire qu'il est perçu par l'hémisphère droit au niveau de l'aire de projection visuelle dans le lobe occipital.

J. LEVY, C. TREVARTHEN, R.W. SPERRY ont présenté des figures chimériques (figures formées de deux moitiés d’images différentes) à des sujets split- brain (cerveau dédoublé). Dans le cas de ces sujets, chaque hémisphère, travaillant indépendam­ment reconstitue la figure complète correspondant à la moitié de la chimère qu'il perçoit. Il existe donc deux représentations au niveau cérébral, de la figure perçue. (voir schéma 2)

Schéma 2 : Lorsqu'on présente une figure chimérique, chaque moitié se projette dans un hémisphère, lequel tend à reconstituer l'image complète à partir de la moitié qu'il perçoit.

Si l'on demande au sujet de nommer la figure complète qu'il perçoit, il nommera la figure vue par l'hémisphère gauche (champ visuel droit). Par contre la figure vue par l'hémisphère droit (champ visuel gauche), sera désignée lorsqu'on demande au sujet de montrer de la main, au sein d'un lot de figures, quelle est la figure complète qu'il perçoit.

Ces constatations permettent de conclure que l'utili­sation de l'un ou l'autre hémisphère dépend essentiellement de la nature verbale ou non verbale du mode de réponse. L'hémisphère droit montre une supériorité dans la capacité perceptive primitive que constitue l'appréciation des formes, alors que l'hémisphère gauche devient dominant lorsque l'information est traitée de façon plus analytique à la recherche d'une étiquette verbale. "Toute exigence de dire ce qu'est l'objet, de penser en mots sans parler ou de raisonner sur la signification de l'objet dans un contexte d'objets de différentes apparences, entraîne l'hémisphère gauche à assumer la commande de la réponse"( TREVARTHEN cité par HECAEN).

c)       - ELECTRO- CHOCS UNILATERAUX

Une autre méthode pour étudier l'asymétrie fonc­tionnelle du cerveau humain est celle liée au traitement par électro- chocs.

Nous résumerons ici l'essentiel d'une communication du Pr. DEGLIN, physiologiste soviétique, reproduite du "COURRIER DE L'UNESCO" (Janvier 1976) [1]

On a commencé à utiliser les électro- chocs en psy­chiatrie il y a une quarantaine d'années; depuis, cette méthode de traitement a été remplacée par la chimiothérapie, mais l'électro- choc garde néanmoins certaines indications.

Les électrodes par lesquelles se transmet l'élec­tro- choc sont placées de chaque côté du crâne.

On doit au britannique STANLEY CANNICOTT, l'idée de placer les électrodes seulement sur le côté droit. Par la suite on en vint à les placer uniquement sur le côté gauche. Ces élec­trochocs unilatéraux ont un grand pouvoir curatif et ils pré­sentent l'avantage d'être moins violents et mieux tolérés par les malades.

"Depuis 1967, à l'Institut I.M. SECHENO de physio­logie et biochimie de l'évolution (Académie des Sciences de l'U.R.S.S.) une équipe de psychiatrie clinique a entrepris d'étu­dier les effets des électro- chocs unilatéraux. Au cours des sept dernières années, le traitement par électro- chocs a été adminis­tré dans notre clinique à un grand nombre de patients, et nous avons été convaincus de son efficacité. Selon nos observations, un électro- choc unilatéral ne déprime pas le cerveau tout entier, mais seulement l'hémis­phère sur lequel les électrodes ont été placées; l'autre hémisphère conserve son activité. En simplifiant quelque peu, on pourrait dire que le patient, après un choc unilatéral, ressent, réagit et pense uniquement avec celui de ses hémisphè­res qui est demeuré actif. Les électro- encéphalogrammes enregistrée après des chocs montrent une image remarquable : l'un des hémisphères apparaît comme inactivé, l'autre demeure actif et comme éveillé" (DEGLIN)

Ces électro- chocs unilatéraux, en dehors de leur fonction première qui est de soigner, donnent de précieux ren­seignements concernant la spécification de chaque hémisphère. En effet il est possible de comparer le comportement normal d'une personne avec celui qu'elle présente lorsqu'on lui administre alternativement un électro- choc tantôt à droite, tantôt à gauche.

Le Pr. DEGLIN appelle personne "hémisphère gauche" un individu dont l'hémisphère droit ne fonctionne pas et dont l'activité mentale ne s'effectue que par l'hémisphère gauche. A l'inverse, une personne "hémisphère droit" est celle dont l'hémisphère gauche a été mis hors circuit, et dont seul fonc­tionne l'hémisphère droit.

Quelles sont donc les données concernant les spécia­lisations fonctionnelles des hémisphères cérébraux qui ont été recueillies chez les personnes ainsi traitées ?

Dans le domaine du langage, la personne "hémisphère gauche" engage plus volontiers la conversation et plus facilement, son vocabulaire devient plus riche et plus varié; Elle est plus ouverte à ce que lui disent les autres. Par ailleurs ce sujet "hémisphère gauche" possède un seuil plus bas de sensibilité au langage parlé. Par contre sa façon de parler est monotone, terne, la voix ayant tendance à devenir nasillarde.

A côté de cette altération prosodique de la voix, le sujet "hémisphère gauche" perçoit mal les composantes prosodiques des paroles qui lui sont adressées; c'est ainsi qu'il n'est plus capable de reconnaître le sens des intonations (coléreuses, interrogatives,...) et de distinguer entre voix masculine et voix féminine.

DEGLIN pose alors la question suivante :

 " Par certains côtés, cette personne entend mieux ce qu'on lui dit, par d'autres sa perception s'est détériorée. Qu'est- il arrivé à son audition? Le changement n'a- t- il touché que sa perception des paroles, ou bien est- ce l'audition dans son ensemble qui a été atteinte? "

D'autres expériences mettent en évidence que l'indi­vidu "hémisphère gauche" perçoit les images sonores telles des toux, des rires, le tonnerre, des véhicules..., de façon très imparfaite. Beaucoup de bruits familiers le déconcertent. En fait nous avons à faire à une "agnosie auditive".

Les mêmes troubles se retrouvent en ce qui concerne la musique. Est- ce la mémoire qui est en jeu ? Le sujet"hémis­phère gauche" oublie- t- il simplement les sons familiers tout en restant capable de les percevoir ? Des couples de phrases musi­cales très brèves ont été enregistrés. Dans certains couples, les phrases sont identiques, dans d'autres elles différent un peu. Il est demandé au sujet de désigner les couples où les phrases sont identiques. Le sujet n'a donc pas besoin de se rap­peler quoi que ce soit; il s'avère qu'il est pratiquement inca­pable de reconnaître des différences; tous les sons lui appa­raissent semblables.

"Ce n'est donc pas là une question de mémoi­re : il s'agit de particularité de la perception auditive" - "La perception des images sonores est dégradée dans tous ses aspects. Il s'agit là, sans aucun doute, d'une situation bien particulière: une dégradation sélective et spécialisée de la perception des images (comme on l'a vu, la compréhension des mots eux- mêmes est en fait améliorée)" (DEGLIN)

A l'opposé de la personne "hémisphère gauche", la personne "hémisphère droit" montre une faculté d'élocution fortement diminuée. Le vocabulaire est appauvri. Le sujet a du mal à se rappeler le nom des objets tout en restant capable de désigner la fonction de n'importe quel objet. Il reconnaît donc ces derniers. Il comprend mal le langage parlé. Lui même parle beaucoup moins et devient taciturne.

Son seuil de sensibilité au langage parlé est élevé sans pour cela qu'il y ait un déficit de l'audition; quand il parle, ses intonations n'ont pas changé et il reconnaît les élé­ments prosodiques du discours qui lui est adressé, pouvant dis­tinguer également la voix masculine de la voix féminine. Moins attentif à la parole, le sujet fait preuve d'une performance supérieure dans la distinction des images sonores non verbales.

De même dans le domaine de la musique, la reconnais­sance d'une mélodie se fait plus facilement étant capable de reproduire les airs très précisément.

"Tout ceci montre que la perception a été  restructurée. Elle est maintenant à l’opposé de ce qui avait été observé dans le cas "hémisphère gauche". On constate ici une détérioration des perceptions verbales et au contraire, une amélioration sélective de tout ce qui concerne la perception des images sonores" (DEGLIN)

Dans le domaine visuel le sujet "hémisphère gauche" présente également une déficience dans la perception des images En effet, il est incapable de désigner des couples de figures géométriques identiques, par exemple des triangles et des carrés divisés en secteurs colorés ou rayés, ne pouvant maîtriser en même temps les différentes répartitions. Il ne sait pas d'avan­tage trouver le détail qui manque dans une image incomplète.

Devant le choix entre critères visuels et critères abstraits, le sujet "hémisphère gauche" choisit sans hésiter le critère du symbole abstrait; en effet, 4 cartes sont présentées au sujet : Sur la première est inscrit le chiffre arabe 5, sur la deuxième le chiffre arabe 10; sur les deux autres, les mêmes chiffres mais en chiffres romaine V et X. Si on demande au sujet de les classer en deux groupes semblables, il place les cinq dans un groupe, les dix dans l'autre, faisant ainsi une abstrac­tion et considérant le signe comme un nombre tout en délaissant l'aspect extérieur des signes.

Là encore, sur le plan visuel, la personne "hémis­phère droit" se comporte très différemment de la personne"hémis­phère gauche". Le sujet "hémisphère droit" en effet n'éprouve aucune difficulté à désigner les couples de figures géométriques iden­tiques. De même, il percevra très rapidement le détail manquant d'une image incomplète. A l'épreuve des cartes portant des chiffres arabes et romains, il les classe en fonction de leur aspect visuel et non de la valeur numérique; il met les chiffres romains dans un groupe et les chiffres arabes dans l'autre.

En ce qui concerne la mémoire, le sujet "hémisphère gauche" garde intact le savoir acquis par l'intermédiaire des mots (connaissances apprises à l'école, par exemple) ainsi que la capa­cité de mémoriser des mots appris récemment. En revanche, la mé­moire fait défaut à ce sujet quand il s'agit de mémoriser des fi­gures de formes irrégulières.

Chez le sujet "hémisphère droit", le savoir théorique semble perdu pour une grande part et il est incapable de répéter une série de mots immédiatement après l'avoir entendue. Sa mémoire non verbale n'est pas perturbée. Il peut mémoriser des figures de formes irrégulières.

Par ailleurs DDGLIN note que l'une des modifications les plus frappantes concerne le domaine des émotions.

"L'hémisphère gauche" devient plus sociable, plus enjoué, la transformation étant particulièrement remarquable chez les dépressifs qui perdent leur morosité et deviennent plus opti­mistes.

Chez "l'hémisphère droit" cette transformation émotionnelle se fait dans le sens d'une baisse du tonus avec des idées pessimistes et pensées moroses.

En résumé nous citerons DEGLIN :

« Chez le sujet "hémisphère gauche", "la détérioration a atteint les aspects de l'activité mentale qui concernent l'imagerie mentale. Par contre les aspects qui intéressent la pensée abstraite, concep­tuelle, ont été conservés, voire améliorés. Cette dissociation de la psyché s'accompagne d'un tonus émotionnel positif".

 Le sujet "hémisphère droit" montre une détérioration dans les secteurs de l'activité mentale qui supportent la pensée abstraite, conceptuelle. Au contraire, tout ce qui est lié à l'imagerie mentale apparaît conservé et même amélioré. Ce type de disso­ciation s'accompagne d'un tonus émotionnel négatif".

"L'hémisphère gauche gouverne donc la pensée logique et abstraite et le droit la pensée concrète et l'imagerie mentale ».

Toutes ces observations sur les personnes à un hémis­phère, concernent les droitiers précise DEGLIN

CONCLUSION et DISCUSSION

On ne peut plus dire à l'heure actuelle, comme au temps de BROCA, que le cerveau humain est composé d'un hémisphère fonctionnel majeur, dominant, le gauche, et d'un hémisphère muet, mineur, dominé, le droit. Ces différents travaux montrent que les deux hémisphères ont chacun leur spécificité. Plusieurs questions restent cependant sans réponse. La capacité particulière de chaque hémisphère est- elle le propre de l'ensemble de l'hémisphère, ou bien dépend- elle de certaines zones sur chacun d'eux ?

La latéralisation; des différentes fonc­tions cérébrales pose également problème. Le fait qu'une fonc­tion, comme le langage par exemple, se localise au niveau d'un seul hémisphère, reste mal expliqué.

A propos de langage, il n'est pas possible de consi­dérer la question de la dominance cérébrale, sans envisager la relation avec la prévalence manuelle. Nous n'aborderons cepen­dant pas cette question, cela nous entraînerait trop loin, hors du cadre de ce tramail.

La question fondamentale demeure : Comment le cerveau humain fonctionne- t- il ? En dépit d'importants progrès, cette question reste l'une des énigmes les plus brûlantes de la science moderne.

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21 Février 2007



[1] Une version intégrale a été présentée par le Pr. DEGLIN sous forme de communication à la réunion internationale d'experts, organisée par l'UNESCO en Juin 1975 à VARIA (Bulgarie) sur les problèmes éthiques posés par les récents progrès de la biologie.