D/ - AUTRES MODES D' APPROCHE

1 - ergonomie

La perspective de l’ergonomie est l'adaptation de l'homme, droitier ou gaucher, à son milieu professionnel. Les travaux sur l'étude de la latéralité s'inscrivant dans le cadre de problèmes d'ordre adaptatif, sont peu nombreux.

Des chercheurs tels que L. CHRISTIAENS, P.R. HIZE et P. MAURIN dans leur étude sur "les gauchers au travail" (1963) se posent le problème de savoir si les gauchers présentaient des difficultés particulières d'adaptation dans un univers profes­sionnellement construit pour les droitiers.

Leur conclusion mon­tre que les gauchers ne présentent pas de problèmes professionnels importants pour ce qui est de l'hygiène et de la sécurité. En ce qui concerne l'adaptation, il s'avère que le gaucher après une période de difficultés à utiliser l'outillage et donc de moin­dre rendement, surmonte son handicap. Par ailleurs, il est apparu que la gaucherie n'est pas un handicap, au contraire, et qu'elle peut présenter un avantage en particulier par une capacité plus grande à l'équimanie, très recherchée dans certains secteurs professionnels (métallurgie, filature, musique).

La latéralisation droite ou gauche n'est donc pas un facteur essentiel à l'adaptation professionnelle et il semble que l'on puisse conclure avec L. CHRISTIAENS que les problèmes de la gaucherie "apparaissent assez souvent comme de faux problèmes".

2 – Vie Fœtale

D'autres auteurs tels que P. GRAPIN et C. PERPERE se placent dans une optique tout à fait différente. Ils émettent une hypothèse explicative de la latéralité se référant à un fait obstétrical intervenant nettement après que la phase strictement embryologique de l'ontogenèse ait pris fin.

Cette hypothèse se base d'une part sur le fait que pendant les trois derniers mois de la grossesse, la tête du foetus occupe le plus souvent la partie inférieure de l'utérus, où on la trouve à terme 95 fois sur 100, (DEVRAIGNE, obstétrique, P. 156), et d'autre part sur la position de repos de la mère dont il envisage plus spécialement les effets.

"Cette position, pour une femme gravide, surtout à partir du 7éme mois, est préférentiellement et presque nécessai­rement le décubitus dorsal. Or l'effet trophique de la posture a pu phylogénétiquement et peut encore ontogénétiquement jouer". (GRAPIN et PERPERE).

Par ailleurs, le foetus a également une orientation latérale dans l'espace, c'est à dire qu'il est "couché" sur le côté droit ou gauche. Il est en position occipito- iliaque, droite ou gauche, antérieure ou postérieure (OIGA ou OIGP, OIDA ou OIDP). Dans la grande majorité des cas, ce sont les positions gauches que l'on rencontre (69 % des cas). Donc, au cours des trois der­niers mois, le foetus est le plus souvent couché sur son côté gauche et ce côté, plus bas que l'autre pendant le sommeil de la mère, bénéficie d'une hyperhémie c'est à dire d'une trophie rela­tivement plus grande que l'autre.

"Malgré le peu de différence d'"altitude" des deux côtés, il est plausible que cet effet se fasse sentir quelque peu sur la partie gauche du corps, mais bien plus sur le cerveau (par hypothèse en période de poussée hypertrophique, donc "sensibilisé"), particulièrement sur les secteurs d'acquisition évolutive récente et notamment, pour la question qui nous occupe sur les territoires néo- corticaux correspondant aux régions du corps les plus évoluées au point de vue moteur, c'est à dire celle qui gouverne la main et les organes de la phonation". (GRAPIN et PERPERE )

A coté do cette hypothèse, ces auteurs mettent en parallèle deux ordres de faits environ 2/3 des enfants s'engagent en OIGA et 1/3 en OIDP, en retenant que les engagements en OIGA et en OIDP couvrent la grande majorité des cas.

Environ 2/3 des enfants semblent être spontanément droitiers et 1/3 gauchers, (Proportion que l'on tend à admettre aujourd'hui et qui a été relevée, notamment aux Etats- Unis, depuis qu'on s'y abstient systématiquement de "contrarier" les gauchers).

Deux enquêtes réalisées successivement par P. GRAPIN et C. PERPERE ont mis en évidence une relation entre l'état de droiterie ou de gaucherie et la position d'engagement du foetus. En effet ils observent que les enfants naissant en OIG deviennent droitiers, ceux naissant en OID sont gauchers ou indéterminés.

En réunissant les cléments communs aux deux statis­tiques, les résultats sont les suivants :

 

Droitiers

Gauchers

Incertains

OIGA / OIGP

53

5

30

OIDA / OIDP

4

13

39

En conclusion de leurs études P. GRAPIN et C. PERPERE ne font aucune affirmation :

"Nous ne concluons donc pas, mais nous posons comme hypothèse de rechercher la possibilité de trou­ver l'origine de nombreuses droiteries et gaucheries dans la posi­tion des derniers temps de la vie foetale, soit qu'elle se tradui­se par l'engagement en occipito- iliaque gauche aboutissant à une forte proportion d'enfants spontanément droitiers, soit par l'engagement en occipito- iliaque droit auquel correspondraient des enfants gauchers". (GRAPIN et PERPERE)

Cette théorie se fonde en partie sur le fait que la position de repos de la majorité des femmes enceintes est le décubitus dorsal.

Une enquête (réalisée à Montauban par Auriol) sur 80 femmes a montré que 10 d'entre elles seulement ont adopté cette posi­tion pendant les derniers mois de leur grossesse. Les résultats de cette enquête nous amènent à apporter quelques restrictions à l'hypothèse de GRAPIN et PERPERE, liant la latéralité à l'hyperhémie de l'un ou l'autre côté du cerveau du fait de la position de la mère.

Il faut faire néanmoins remarquer que les réponses obtenues dans cette enquête n'intéressent que la position à l'endormissement. Un certain nombre de femmes nous a objecté qu'au cours de la nuit elles se réveillaient en décubitus dorsal.


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3 – Influences socioculturelles

De nombreux auteurs s'accordent à penser que l'éta­blissement d'une latéralité préférentielle est fortement déter­miné par les influences socio- culturelles.

Tels sont J.B. WATSON (1919) qui pensait "qu'il n'y a pas de différenciation établie de réponse pour une quelconque des mains jusqu'à ce que l'usage social ne commence à établir la manualité". Plus proche de nous, G. HILDRETH (1949) voit un argument en faveur d'une influence de l'environnement dans le fait que la latéralité de l'oeil se rapproche davantage de la distribution au hasard 50/50 que celle de la main parce qu'à ce niveau l'influence sociale joue peu.

Depuis les temps les plus reculés, l'homme semble avoir été latéralisé, et qui mieux est, sa latéralité fut en règle dominante à droite (il n'existe nulle part sur le globe de groupement humain gaucher). Déjà au néolithique et surtout à l'âge de bronze, si l'on en croit A. BLAU (1946), c'est à dire depuis que l'homme utilise des outils, les conduites ten­dent à se systématiser et à valoriser l'emploi du côté droit.

4 – Symbolisme de l’espace du point de vue latéral

Dans le même sens G. LHERMITTE fait remarquer que sur les murs des cavernes préhistoriques

"les empreintes posi­tives appartiennent à la main droite tandis que les empreintes négatives, où la substance colorante est appliquée lorsque la main nue est apposée sur la pierre et qu'elle imprègne, par conséquent, les intervalles digitaux, appartiennent à la main gauche".

Que l'homme soit droitier semble avoir toujours été admis comme un fait normal, le gaucher s'inscrit en faux contre cette règle. Toute une symbolique religieuse s'attache à la dextralité et à la sénestralité. Le Fils de Dieu est assis à la droite de son Père. Lors du Jugement Dernier, Dieu mettra les bons à droite et les mauvais à gauche. Lorsque le Christ meurt sur la Croix, le bon larron est à sa droite, le mauvais à sa gauche, etc ....

L'emploi de la gauche était généralement considéré comme une collusion avec des forces maléfiques, la droite par contre était divine et pure. Néanmoins, le gaucher est parfois recherché comme allié pour déconcerter l'ennemi. Ne lit- on pas dans la Bible (Juges XX,15- 16)

 "ce jour là, on fit le dénom­brement des enfants de BENJAMIN, venus de diverses villes; ils étaient vingt six mille hommes, capables de tirer l'épée, sans compter les habitants de Guibéa, qui étaient au nombre de sept cents hommes d'élite. Parmi tout ce peuple il y avait sept cents hommes d'élite qui ne se servaient pas de la main droite. Tous ceux- ci étaient capables d'atteindre à la fronde un cheveu sans le manquer ...."

Sémantiquement, la même distinction s'opère entre droite et gauche. La simple analyse étymologique des désigna­tions de la main droite et de la main gauche révèle déjà que, dans toutes les langues indo- européennes, la main droite est la "bonne main", la "main forte", mais surtout la main "qui convient" - La. main gauche est présentée comme le contraire de la main aroite, donc comme la main "tordue", "oblique", "faible", et surtout "mauvaise".

Nous rejoignons ici toute la symbolique qui se rattache à la droite et à la gauche, à l'orientation par rap­port au monde et au sens de la vie.

Chez les Égyptiens, dans l'antiquité, la main gauche était la main de l'Est, la main droite celle de l'Ouest. Réfé­rence est faite à une orientation par rapport au lever et au coucher du soleil et du sens de la vie de la naissance vers la mort.

On retrouve l'esprit religieux symbolique de la naissance vers la mort, de la jeunesse vers la vieillesse c'est à dire vers l'acquisition de la sagesse pour rejoindre le règne de l'esprit ou des esprits. Ce qui pose la question de la mort, de l'au- delà, de l'autre monde, du sens du monde.

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21 Février 2007