L'ECOUTE DICHOTIQUE

La méthode de "dichotic listening" ou écoute dichotique fut introduite par BROADBENT en 1954, méthode qu'il utilisait dans le contexte de ses travaux sur l'attention et la mémoire.

Cette épreuve consiste à envoyer simultanément à chaque oreille des messages de signification différente et de noter ceux qui sont les mieux perçus. Un casque maintient sur la tête du sujet deux haut- parleurs (écouteurs) appliqués sur chacune des oreilles. Chaque écouteur est relié à une piste magnétophonique propre. On peut faire ainsi parvenir à chaque oreille, simultanément, des messages diffé­rents, cette rivalité permettant de rechercher s'il existe une prépondérance de l'une ou l'autre oreille pour le matériel présenté. Selon les cas, il s'agit de messages verbaux (mots sans signification, bruits familiers, mélodies (test de SEASHORE).

1) LA PERCEPTION VERBALE

Dans les épreuves de reconnaissance verbale (digits- test) de BROADBENT, deux triplets formés chacun par trois chiffres diffé­rents sont présentés simultanément à chacune des oreilles. Le sujet doit dire les chiffres qu'il a perçus quel que soit leur ordre. Toutes les cinq secondes il reçoit un nouveau triplet à chaque oreille, ainsi de suite trente fois. Le score est le nombre d'items corrects perçus. On peut ainsi établir si une oreille est prévalente pour les messages présentés.

KIMURA (1961) utilisant le digits- test confirme la prédominance de l'oreille droite, pour les messages verbaux, que BROADBENT avait mis en évidence. KIMURA a attribué la prévalence de l'oreille droite à la dominance présumée de l'hémisphère gauche pour le langage.

De nombreux travaux ont été publiés depuis 1954 sur l'écoute dichotique. KIMURA a testé des séries de sujets, ayant des foyers épileptiques temporaux, avant et après résection du lobe temporal et  constate que les excisions temporales gauches diminuent franchement le nombre de chiffres perçus par l'oreille droite alors que les excisions temporales droites ne modifient guère le score constaté avant l'intervention.

D'autres auteurs (GOODGLASS 1967, SCHULHOFF et GOODGLASS 1969, SPARKS, GOODGLASS et NICKEL 1970), obtiennent des résultats différents ; cependant il ne s'agissait plus de lobectomie temporale, mais de lésions vasculaires de l'hémisphère gauche. Ils constatent comme KIMURA que les lésions hémisphériques gauches diminuent bien le nombre des messages présentés à l'oreille droite, mais les lésions hémisphériques droites entraînent une diminution à peu prés parallèle de la perception des messages présentée à l'oreille gauche.

Poux J. BARBIZET, ces résultats peuvent être interprétés de deux manières différentes. Nous le citons :

« La première inter­prétation c'est que dans ces séries, un certain nombre de sujets était mal latéralisé, c'est à dire qu'une partie de leur langage était déposée dans l'hémisphère droit, la résection de cet hémisphère entraînant une diminution de la perception du nombre des messages verbaux présentés à l'oreille gauche.

Une autre interprétation est proposée par SPARKS et Coll qui considèrent que normalement les messages verbaux parviennent tous à l'hémisphère gauche, les uns provenant de l'oreille droite directement par la voie auditive contro­latérale, les autres provenant de l'oreille gauche suivant un cheminement plus long puisque par la voie auditive controlatérale ils parviennent à l'hémisphère droit et via le corps calleux gagnent finalement l'hémisphère gauche. Dans cette perspective, l'on conçoit que les messages verbaux portés au niveau de l'oreille gauche puissent être interrompus lorsqu'il existe une lésion soit au niveau de l'hémisphère droit (ce qu'ils constatent dans leur série), soit par une lésion au niveau du corps calleux [ce qui a été constaté par SPARKS et GESCHWIND (1968), ainsi que par MILHER, TAYLOR et SPERRY (1968), chez un malade ayant subi une section du corps calleux et de la commissure antérieure] ».

De leur côté C.I. BERLIN et coll. en 1972, ont montré que les sujets avec lobectomie temporale étaient très sensibles aux différences d'intensité entre les deux oreilles lors de l'écoute dichotique. Une syllabe est présentée â l'oreille ipsilatérale à la lésion avec une intensité de 20 à 30 décibels plus faible que dans l'oreille controlatérale. Cette différence est encore suffisante pour obtenir une supériorité de l'oreille ipsilatérale sur l'oreille controlatérale. Ils ont montré également qu'aprés une hémisphérectomie l'oreille dominante a des performances presque identiques à une oreille qui écoute dans des conditions monaurales (sans compétition) et certainement mieux qu'une des deux oreilles dans les conditions d'écoute dichotique chez les sujets normaux.

Quand on écoute une liste de paires dichotiques, on n'identifie jamais toutes les syllabes, bien qu'une des listes ait été rapportée avec une précision avoisinant 100 % lorsqu'on l’a eu fait écouter à une seule oreille à la fois. L'impossibilité d'une des oreilles à approcher une transmission dichotique de 100 % s'explique par l'interférence d'un signal sur l'autre à un point central d'interférence.


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2) - LA PERCEPTION MUSICALE

Dans le domaine de la perception musicale, la méthode d'écoute dichotique a permis de mettre en évidence le rôle de l'hémisphère droit.

En 1962, BRENDA MILNER utilise le test de reconnaissance musicale de SEASHORE chez des épileptiques ayant subi une lobectomie temporale droite ou gauche. Ce test de SEASHORE est constitué de 80 fragments de 4 secondes empruntés à des airs de musique de chambre instrumentale classique. Les 80 fragments mélodiques sont groupés par quatre. Dans un premier temps, deux de ces fragments sont présentés de façon dichotique, puis dans le deuxième temps, les quatre mélodies sont présentées à la suite, normalement dans les deux oreilles. Le sujet doit désigner parmi ces quatre airs ceux qu'il a reconnus lors de la présentation dichotique. Cela est répété vingt fois, le score étant le nombre de mélodies  correctement reconnues,

BRENDA MILNER a constaté dans sa série d'épileptiques que l'épreuve de perception mélodique était perturbée après lobec­tomie temporale droite alors qu’elle ne l'était pas chez les sujets ayant subi une ablation du lobe temporal gauche. Dans cette expé­rimentation, c'était essentiellement la reconnaissance tonale et la reconnaissance du timbre qui étaient altérées par la lobectomie temporale droite. Il n'y a pas de différence significative entre les lobectomisés droits et gauches quant à la reconnaissance des rythmes (qui semble se faire par les deux hémisphères).

GORDON en 1970 observe les mêmes résultats en soumettant vingt jeunes musiciens à l'écoute dichotique.

KIMURA en 1964, montra que chez les sujets normaux, la reconnaissance mélodique était meilleure pour l'oreille gauche que pour l'oreille droite.

Dans une série de 45 sujets dont 21 ont subi une lobec­tomie temporale gauche et 24 une lobectomie temporale droite, SHANKWEILLER (1966) confirme les résultats obtenus par BRENDA MILNER.

C.I. BERLIN (1977) montre que lorsque le discours est présenté à chaque oreille, l'oreille droite est généralement beaucoup plus performante que la gauche, par contre quand deux stimuli musi­caux différents sont présentés simultanément à chaque oreille, c'est l'oreille gauche qui devient plus performante. Si le discours est présenté à une oreille et que l'autre oreille est soumise à un bruit d'intensité suffisante pour masquer de manière monaurale, les per­formances des deux oreilles sont égales et on ne note pas d'inter­férence du bruit sur le discours. La même égalité de performance se retrouve lorsque l'on présente le discours à une oreille et un stimulus musical ou autre stimulus non verbal à l'autre oreille avec absence d'interférence d'un signal sur l'autre.

3) - LA PERCEPTION DES BRUITS

Pour l'étude de la perception des bruits, nous citerons BARBIZET qui se base sur les travaux de FAGLIONI, SPINNLER et VIGNOLO (1960) et BARBIZET, DUIZABO, ENOS, et FUCHS (1969).

"L'identification des bruits est un processus complexe ne faisant pas participer également les deux hémisphères selon la nature du pattern sonore.

Si celui- ci a acquis, par l'usage répété une valeur symbolique, il constitue un message signifiant entendu et dénommé par l'hémisphère gauche au même titre qu'un message verbal.

Si le pattern sonore est nouveau et compliqué, l'hémisphère droit intervient dans son analyse et son identification, ce n'est que dans un deuxième temps que l'hémisphère gauche permettra d'exprimer certains de ses caractères, (identiques ou différents de tel autre bruit) ".

4) – CONCLUSION

La méthode d'écoute dichotique a permis de mettre en évidence l'importance du lobe temporal droit dans la perception des données non verbales et celle du lobe temporal gauche dans la perception des messages verbaux et de montrer qu'il existe une division fonctionnelle entre les deux lobes; Il semble cependant que la spécia­lisation de l'hémisphère gauche pour le langage soit plus absolue que celle de l'hémisphère droit pour les patterns non verbaux.

En effet, BEVER et CHIARELLO ont démontré que chez les sujets sans éducation musicale, la reconnaissance d'une mélodie est supérieure à l'oreille gauche, tandis que chez les musiciens, c'est à l'oreille droite que sont obtenus les meilleurs résultats. En l'absence d'éducation musicale, la reconnaissance des mélodies parait être effectuée par le contour mélodique général en tant que forme, impliquant alors l'hémisphère droit. Les musiciens, au contraire, traitant l'information de manière analytique, apprécient la combi­naison des différents éléments de la mélodie, et c'est donc l'hémis­phère gauche qui est mis en jeu.

Ces résultats concordent d'ailleurs avec ceux de PAPOUN et KRASHEN (1974) sur la perception de séquence de lettres en code morse.

-          Ils ont constaté que chez les opérateurs expérimentés et des auditeurs sans connaissance du morse, existe une supériorité de l'oreille droite pour les séquences ne dépassant pas sept éléments.

-          Par contre, pour les séquences comprenant un nombre supérieur d'éléments, la supériorité de l'oreille droite persiste chez les opérateurs exercés alors que l'oreille gauche prend le relais chez les auditeurs non avertis. Les auteurs pensent que ces derniers sont incapables, du fait de leur inexpérience, de saisir les éléments individuels et donc ne se fondent que sur les caractères globaux des stimuli.

En conclusion, il semble que selon les exigences de la situation, l'individu peut utiliser l'un ou l'autre hémisphère pour obtenir des résultats en apparence similaires. Selon les expériences antérieures, il peut utiliser une stratégie plutôt qu'une autre et par là même privilégier l'activité d'un hémisphère, c'est à dire d'un mode de traitement de l'information.

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21 Février 2007