Université Toulouse le Mirail
U.F.R. de Psychologie
Eric Raufaste
Après une brève description de la demande initiale à laquelle répond ce travail, nous décrirons lenvironnement professionnel du stage : lieu, caractéristiques et motivations des patients, environnement physique et matériel utilisé. Nous terminerons par un exposé des moyens que nous avons choisi de mettre en uvre pour répondre à cette demande
Depuis plusieurs décennies, une méthode originale de traitement des déficits de l'écoute a été développée en France par le Dr Alfred Tomatis, la cure dite doreille électronique (pour une revue critique : Auriol 1991, 1996).
Depuis 1974, le centre où nous avons réalisé le présent travail, à Toulouse, a fait bénéficier de cette méthode plus de 1300 individus. Au cours de cette période, de nombreuses données tant audiométriques que psychologiques ont été collectées, constituant ainsi un fond inestimable de renseignements sur cette cure et les bénéfices quelle procure. Après une expérience de plus de vingt ans, il semble, selon une communication personnelle du Dr Auriol quau delà dune simple rééducation de lécoute en terme de seuils, loreille électronique a probablement des effets sur la gestion de la latéralité hémisphérique et peut-être des spécialisations fonctionnelles hémisphériques; elle agit sans doute aussi sur la pose de la voix, sur la concentration, la mémorisation, léveil cortical en général et lintérêt pour lextérieur....
Du point de vue de la pratique professionnelle, deux questions semblent particulièrement pertinentes :
1°) Existe-t-il des caractéristiques individuelles (sexe, âge, caractéristiques psychophysiques, traits de personnalité etc ) qui soient spécifiques des sujets qui suivent la cure ?
2°) Par extension, de la première question, peut-on déterminer des critères pronostiques de nature psychologique qui favorisent ou grèvent le succès de la méthode ?
Cest pour explorer ces questions quil a été fait appel à nos services. Et comme nous allons le développer dans la suite, une réponse largement positive a pu leur être apportée.
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Les patients sont des individus venus suivre une cure doreille électronique. Leurs motivations sont multiples : certains viennent traiter des problèmes daudition, dautres, sont des chanteurs lyriques ou des musiciens qui veulent perfectionner leur art par une amélioration de leur écoute. Dautres encore sont motivés par la volonté de se perfectionner dans lapprentissage de telle ou telle langue étrangère. Certains patients viennent chercher une amélioration dordre psychologique, la cure étant réputée sadresser à des mécanismes largement inconscients. De nombreux parents amènent leurs enfants, pour des problèmes daudition mais aussi pour des problèmes déchec scolaire, relationnels, attentionnels etc
Dans toutes les salles sont disposées des matériels électroniques permettant de remplir les fonctions nécessitées par la cure : filtrage de la musique, diffusion de la musique filtrée aux patients. Nous nentrerons pas ici dans le détail des appareillages électroniques sophistiqués dont lemploi est au coeur de la méthode mais qui dépassent lobjet du présent travail.
La cure doreille électronique agit à un niveau largement inconscient. Des jeux sont proposés (puzzles, solitaire, jeux vidéo), en particulier aux enfants, afin de les aider à passer le temps pendant le traitement. Les patients peuvent aussi, sils le désirent, dessiner ou faire de la pâte à modeler.
La cure se déroule par séries de 20 à 30 séances de 30 minutes chacune. Le contenu de ces séances varie selon les séries.
La première série consiste en musique classique filtrée de manière à ne laisser passer que les fréquences les plus hautes, lesquelles sont en cas de déficit ORL masquées par les fréquences plus basses. Ensuite les fréquences de plus en plus basses sont ajoutées, de sorte que lon reconnaît de plus en plus facilement le caractère musical de lenregistrement.
Les séries suivantes comprennent (bien que cela puisse varier suivant les besoins des sujets et la faisabilité) un travail sur la voix maternelle, des musiques traditionnelles de divers pays, un travail sur les sons parlés (en particulier consonnes sifflantes et chuintantes).
Avant la première séance, le sujet passe une évaluation préliminaire comprenant un test découte pendant lequel différentes caractéristiques de lécoute sont mesurées, permettant ensuite de tracer un audiogramme. Les sujets reçoivent aussi toute une batterie de tests psychologiques (par exemple le test des couleurs de Lüscher), de tests de latéralité (visuelle, auditive, manuelle, ). Certains sujets adultes passent aussi le questionnaire du MMPI, qui fournit une image de la structuration de la personnalité du sujet.
Entre deux séries, le sujet repasse une version réduite de lévaluation générale, limitée au test découte et à quelques tests psychologiques (Test de Lüscher notamment).
Comme nous lavons vu plus haut, la demande initiale consistait essentiellement à utiliser des données déjà produites, pour la plupart de longue date, en vue de lélaboration de critères diagnostiques et pronostiques. Si possible, il était souhaitable de produire un nouveau test psychologique utilisable pour orienter le pronostic.
Afin daccomplir cette tâche, nous avons suivi le plan de travail suivant :
Les données se présentaient initialement sous forme de plusieurs fichiers informatique, sous un format spécifique. Afin de rendre ces données compatibles avec les traitements automatisés réalisés par le logiciel de statistiques SPSS, nous avons donc dû convertir ces fichier sous forme dune base de données relationnelle (Logiciel Microsoft Access).
Étant donné que le fichier contenait de multiples informations, recueillies sur de nombreuses années au cours desquelles certaines méthodes et outils de recueil ont changé, de nombreuses incohérences se sont glissées, susceptibles de fausser les résultats.
Par exemple, certains sujets avaient une date de naissance postérieure à la date de passation des examens, ou encore des déficits auditifs plus importants que 100 dB, alors que 100 dB représente déjà une surdité totale.
La première partie de ce travail a donc consisté à corriger ces incohérences quand cétait possible (par exemple, les fautes de frappe patentes), à éliminer les données quil nétait pas possible de corriger.
Cette étape était rendue nécessaire pour déterminer déventuels sous-populations dont les différences potentielles de comportement vis à vis de certains tests auraient pu biaiser les résultats globaux.
Cette étape était aussi rendue nécessaire par le souci de généralisation inhérent au concept même de pronostic. Seule la connaissance détaillée des caractéristiques de la population de base permet de préciser les limites du test développé et les conditions de son application.
Dun point de vue pratique, il a été procédé à des analyses statistiques qui seront décrites en détail au fur et à mesure de la présentation des résultats.
Le concept de pronostic suppose une évaluation globale des bénéfices que lon peut retirer de la cure. Ce nest quensuite, par référence à cette connaissance du taux de base, que lon peut déterminer quels facteurs savèrent favorisants ou au contraire invalidants.
Cette évaluation des bénéfices a été réalisée sur la base des progrès constatés dans les seuils découte, puis mis en relation avec le nombre de séances suivi par les sujets.
Comme nous lavons vu, de nombreux tests sont pratiqués lors de la séance initiale. Néanmoins, dans cette profusion dinformations, toutes nont pas nécessairement la même valeur prédictive au regard des progrès accomplis par le sujet.
Afin dévaluer quels sont les tests les plus informatifs, nous avons calculé un gain relatif procuré par les séances doreille électronique. Nous avons ensuite cherché quels modèles statistiques pouvaient décrire le mieux les gains réalisés, et quelles étaient les variables efficaces de ces modèles.
Lidée de départ est que la mesure des seuils psychophysiques est soumise de façon avérée à des effets psychologiques, modifiant par exemple les critères de décision dans les tâches de détection (voir par exemple, Bonnet, 1986). Il est donc possible que certains traits de personnalité interagissent avec la méthode.
Dun point de vue pratique, nous nous sommes appuyés sur le fait que plus de 600 sujets ayant suivi la méthode ont passé préalablement ladaptation française dun test de personnalité en 550 questions, linventaire multiphasique de personnalité du Minnesota (M.M.P.I, Hathaway et McKinley, 1951). Globalement, ce test mesure la ressemblance des sujets avec les sujets de populations étiquetées pathologiques. Le praticien dispose ainsi de nombreuses échelles (schizophrénie, de dépression etc ).
En nous appuyant sur des analyse statistiques, nous avons déterminé quelles questions sont être en rapport avec les déficits auditifs. Une sélection des 50 questions les plus significatives a été constituée et assemblée dans une nouvelle échelle, que nous avons baptisée Au et dont nous avons spécifié la méthode dutilisation. Le caractère prédictif de cette échelle a ensuite été testé sur une partie du fichier qui navait pas servi à lélaboration de léchelle.
Les patients sont répartis dans trois salles.
La première salle contient deux cabines à isolation phonique, ainsi que deux tables. Ces cabines sont utilisées par les patients pour chanter ou répéter des mots. Les appareils retournent alors un feedback filtré.
Les deux autres salles contiennent chacune un lit où les patients qui le souhaitent peuvent sallonger, ainsi quune table et une chaise.
Le stage sest déroulé sous la supervision de Mme Lamothe, psychologue praticienne, au centre du Docteur Bernard Auriol, Psychiatre et psychanalyste.
5, impasse Blanchard
31000 Toulouse