TIMBRE ET HAUTEUR

Docteur Bernard Auriol

Les mélomanes attribuent comme hauteur à un son celle de son "fondamental". Les autres composantes de la vibration (harmoniques, partiels) étant les correspondants physiques du "timbre". Ce dernier permet ainsi, habituellement, de distinguer deux sons de même hauteur et de même durée; ainsi le do, joué au piano sera t il différent du do joué au clavecin ou à la trompette!

On sait, depuis longtemps, que l'oreille peut nous faire entendre des sons inexistants: par exemple si on joue sur l'orgue les harmoniques d'une note à laquelle on ne touche pas, celle ci est "entendue" par notre esprit. Dans ce cas, la vibration entendue n'existe physiquement nulle part, même pas dans l'oreille, comme certains avaient voulu le croire!


C'est notre système nerveux qui construit cette information qui n’exige pas nécessairement, d'ailleurs, un rapport parfaitement harmonique entre les sons réels fournis. Ce rapport harmonique est en tout cas suffisant pour produire le phénomène, de telle sorte que l'auditeur d'une musique filtrée en passe haut (dont on a supprimé les fondamentaux) peut fort bien la reconnaître et la fredonner ! C'est à partir de cela qu'on peut expliquer certains effets de la musique filtrée à 800OHz par Tomatis et du célèbre "Accouchement sonique".

La psycho acoustique moderne (J.C. Risset, 1977) oblige à considérer deux types de hauteur:

En faisant varier par ordinateur, ces deux paramètres en sens inverse de manière astucieuse, on est parvenu à produire des illusions sonores paradoxales : son qui a l’air de monter ou de descendre toujours (on reproduit ainsi sur le plan sonore une sorte d'escalier de PENROSE).

En fait, nous ne sommes pas égaux devant ce phénomène : l'oreille de certains se montre plus sensible à la hauteur spectrale, celle des autres à la hauteur tonale. On sait, grâce à J.C. Risset et Charbonneau que l'oreille droite perçoit mieux les mélodies tonales cependant que l'oreille gauche est plus habile à suivre les mélodies spectrales. Ces deux remarques pourraient amener à la construction d’un test simple pour décider si une personnalité est plutôt attirée par les valeurs émotionnelles de l'hémisphère gauche ou du droit (selon qu'elle se base dans son écoute sur les successions spectrales ou tonales).

Nous avons testé, sur des sujets volontaires considérés comme "sains", les deux types de sons paradoxaux (montant et descendant) à notre cabinet et dans des stages de musicothérapie avec Roland Toupotte (Juillet 1979). Le protocole consistait à présenter "le son qui monte sans fin" ou celui "qui descend toujours" à un niveau relativement élevé et de manière répétitive pendant au moins dix minutes. Voici quelques unes des réactions que nous avons pu observer:

Plusieurs participants, angoissés par les sons descendants, ont éprouvé une hilarité incoercible pour les sons montants ... Plusieurs soulignent que les sons descendants ont défavorisé les mouvements d’inspiration alors que les sons ascendants gênaient I’ expiration.

SONS PARADOXAUX DESCENDANTS

Un homme (O.G.) emploie les qualificatifs: "pesant, désagrégeant, obsessionnel". On retrouve ce dernier terme dans un grand nombre de protocoles. Une jeune femme a la tête qui tourne et se plaint de nausées. Elle a l'impression de tourner en descendant comme Alice au Pays des merveilles. Elle écrit avec difficulté, éprouve une forte sensation d'angoisse avec oppression respiratoire, boule à la gorge. A la suite de l’écoute, elle éprouve des difficultés d'élocution, se sent "complètement paumée": "Je me trompe de numéro de téléphone, j'écris un mot à l’envers, sensation d étourdissement, d'être mal, dans ma peau". Plusieurs autres se plaindront d’impressions nauséeuses on vertigineuses.

Une autre jeune femme (V.R.), spécialiste de techniques corporelles, écrite « impression de descente de mon attention avec le son, de la tête vers le pelvis (ou bien je me l'imagine ?). Envie que le son s’accélère, impatience; je remarque qu'en fait le son ne descend pas réellement, qu’il s'agit simplement d’une impression, qu’il reprend au même niveau. Un peu frustrant, comme être constipé ou vivre un orgasme qui ne vient pas ou reste insatisfaisant ».

Un homme de 53 ans parle de danger : "ça va exploser, me détruire. J'ai les dents serrées". Cette Impression, au niveau de la mâchoire est attestée par plusieurs autres auditeurs. Telle ajoute: "Je suis atteinte jusqu'au fond de la gorge; impression qu’on m'a percée jusque là". Plusieurs évoquent la roulette du dentiste qui vibrerait au ralenti!

B.M. (femme de 32 ans) trouve l'écoute pénétrante, agaçante et sent, comme bien d'autres, monter en elle la colère, l'envie d'agresser.

SONS PARADOXAUX ASCENDANTS

Telle personne, incapable de supporter le son paradoxal descendant, quitte la pièce mais écoute le son paradoxal ascendant. Trois auditeurs refusent les sons paradoxaux ascendants: insupportable torture, torture infinie appliquée par petites doses successives.

Une jeune fille de 25 ans écrit: "quelque chose terrible va se produire, bruit annonciateur d'explosion. Si je m'abandonne bien: plaisir d'une puissance qui gonfle, qui monte en moi ; de plus en plus grand, de plus en plus fort. Je remplis l'espace avec, en arrière goût , la crainte d'éclater: un plaisir dangereux".

"On a soif et pas le temps de se désaltérer; on reste sur sa faim sans pouvoir l’assouvir, en un perpétuel état de « qui vive ». On est dans une course folle qui m évoque ce personnage d'Orange Mécanique qui pousse sa voiture au maximum, écrasant tout sur son passage avec un sadisme terrifiant. Mal à la tête, envie de vomir, point douloureux dans le dos. Après les quinze minutes d'écoute, j'ai mal aux oreilles et la tête lourde. Je ressens un point de sensation forte qui est pulsative par moment, qui, lui, n'est pas désagréable du tout." (N.A.)

Après un moment de "tension vers un but, de montée d'une catastrophe, je sentais comme une joie qui montait et voulait éclater; j'aurais aimé que ça se prolonge".

Pour une autre jeune femme (J.T.) cette séquence est mieux supportable, elle éveille un, sentiment d'espoir « dû à l'ascension ». Un participant (O.G.) parle de "tension inassouvie". Une auditrice souligne qu'après l’écoute elle éprouve une impression de manque, d’avoir "perdu quelque chose".

Un homme de 53 ans: « Ça devient très lumineux, de plus en plus vite. Après la fin de l'écoute j'ai envie de rester immobile, dans le silence, fatigué et paisible ». La sensation "de plus en plus vite" est fréquemment retrouvée dans les comptes rendus. Certains participants énoncent une modification de la durée apparente, soit que cette séquence ait paru plus courte, soit qu’elle ait paru plus longue que sa durée chronométrique de quinze minutes.

Ces remarques invitent à penser que les sons paradoxaux sont généralement source d'angoisse, mais cette angoisse varie avec la personnalité et le caractère ascendant ou descendant du phénomène.

Bibliographie

I.J. Hirsh    La mesure de l'audition (1952), traduit de l'anglais par J. Bouche PUF, pp. 220  237, 1956

J.C. Risset Hauteur et timbre des sons, Bulletin d'audiophonologie, 8, 3, 7 27,1978

 

 

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21 12 2006