PROPOS RECUEILLIS AU COURS DU III° CONGRES INTERNATIONAL
D'AUDIO-PSYCHO-PHONOLOGIE (ANVERS 1973)
A LA SUITE D'UN ENTRETIEN AVEC LE PROFESSEUR TOMATIS
(cliquer ici pour lire le début
du texte: de qu. 1 à 8)
Neuvième Question
Pour le test de sélectivité, on
s’aperçoit que très souvent, les enfants ne comprennent pas ce qu'on leur
demande, On a beau leur expliquer ce qu'est un son grave et un son aigu, ils
répondent indifféremment sans percevoir la distinction. Que Faut-il faire alors
?
Professeur Tomatis
Il faut tout d'abord reprendre
les principes essentiels concernant cette épreuve, je m'aperçois que certains
d’entre vous aiment faire plaisir au patient en lui envoyant plusieurs fois des
sons jusqu'à ce qu'il reconnaisse une différence, En réalité vous vous faites
plaisir mais vous faussez le test et vous ne rendez pas service au sujet
examiné. Le plus important c'est que, à un moment donné et d’une façon assez
rapide, le sujet reçoit une information puis une autre qu'il doit situer par
rapport à la précédente, S'il se trompe, cela n'a aucune importance, Vous devez
seulement le consigner, Il est certain que, si vous recommencez 30 fois, il
finira par ne plus se tromper mais ce n'est pas ce qui se passe dans la vie.
Lorsqu'un individu reçoit un mot
puis un autre, il se trouve dans l'obligation d'analyser rapidement Ia chaîne
verbale. Là encore, si. vous lui répétez
En ce qui concerne les enfants,
il est normal que le test soit plus difficile à faire passer que pour un
adulte. Mais c’est là une question de pédagogie. Il faut que l’éducateur
apprenne à s'exprimer pour que l'enfant comprenne ce qu'on lui demande. Et s'il
ne comprend pas les consigmes, c’est que dans la vie il ne perçoit pas non plus
la différence, subtile qu'il y a entre un mot et un autre, Il ne sait pas ce
que signifie "plus bas" ou « plus haut », parce qu'il n’a
pas d'image du corps, parce qu'il est dyslatéralisé.
Ses réponses sont
caractéristiques d'une impossibilité d'anilyser les informations qui lui
parviennent, Dans certains centres s'occupant de débiles, les éducateurs se
plaignent parfois de ne pouvoir passer les consignes. "Ils ne comprennent
pas ce qu'on leur demande, ce qui est haut et ce qui est bas", disent-ils
en parlant des enfants qu'ils doivent tester, Puis, un jour, un jour, lors d'un
bilan de contrôle , ils s'aperçoivent que l'enfant perçoit une différence entre
500 et 125 hz C'est parce que. à ce
moment là, il commence à intégrer ce qu'on lui demande, il commence à
comprendre ce qu'on lui dit.
Vous devez done vous en tenir
aux réponses qu'il vous donne ou qu'il ne vous donne pas en première analyse.
La chaîne parlée est faite de milliers de phonèmes que l'on doit savoir
distinguer pour que Ie mot atteigne sa véritable signification. Le test de
sélectivité est justement fait pour que l'on reconnaisse les possibilités
auditives du sujet à l’égard d'un son pur qui est une simplification énorme par
rapport à un mot. Un son "pur" comme son nom l'indique est un son
dépouillé de toute ambiguité qu'il doit être facile de distinguer d'un autre et
de situer par rapport à cet autre. Si done l’individu ne peut pas opérer cette
opération séIective entre sons purs, comment voulez vous qu'il puisse
distinguer les subtilités, les infinies variations, les multiples couleurs que
revêt un mot à l'intérieur d'une phrase.
L'oreille humaine a des
possibilités d'analyse exceptionnelles. Elle peut percevoir à 1000 hertz une
différence de 3 Hertz ; elle peut aussi déceler le sens de cette variation,
reconnaître s'il s'agit d'un son de 997 hertz , ou de 1000 hertz , tout en le
situant dans l’échelle des fréquences.
En conséquence, elle peut
facilement distinguer la différence qui existe d'un octave à l'autre ; il
y a en effet un monde entre les deux sons purs que l'on envoie dans l’oreille
du sujet.
Dixième Question
Nous avons jusque là parlé surtout
des enfants. mais nous rencontrons souvent les mêmes difficultés, on ce qui
concerne les adolescents et les adultes. Ils répondent indifféremment au testde
sélctivité « plus grave, plus aigu, plus grave, plus aigu »
comme s’ls ne voulaient pas comprendre ce qu’on leur demande.
Y aurait-il d’autres consigmes a
passer ?
Professeur Tomatis
Non. Vous devez vous en tenir à
ce qui vous a été enseigné pour la passation de ce test, et vous ne dlevez pas,
coûte que coûte, faire de sorte que les réponses soient bonnes. Il ne sert à
rien de recommencer l'épreuve sous prétexte que la personne n’a pas compris ce
que vous lui demandez. Certains adultes, pour ne pas paraître stupides, pour
faire semblant de savoir distinguer un son d'un autre répondent n'importe quoi
à l'examen. En réalité, ils ne savent
pas discerner la différence ; Ils confondent souvent hauteur et intensité
ils ont très peu de possibilités séIectives à l’égard de certains sons et
particulièrement dans la zone des aigus qui est la plus
subtile. Mais ils ne veulent pas
en convenir. Laissez les dans leur posture et consignez les erreurs.
Ce que j'ai vu de plus étonnant
dans ce genre d'investigations, ce sont les réponses récoltées chez certains chanteurs, musiciens ou danseurs. Un
ténor a des possibilités séIcetives différerentes de celles d'une basse, de
même qu'un violoniste se promène dans des zones différentes de celles d'un
autre instrumentiste. par exemple.
Quant aux danseurs, ils ont en généraI une oreille très pauvre. Ils n'entendent
pratiquement jamais, sur le pIan de la sélectivité. Au dessus de 500-1000 Hz. Ils ne perçoivent que
les rythmes inhérents au corps. Certains deviennent des dansours célèbres
parce que justement ils arrivent à couper la zone de la mélodie. Ce ne sont
pas de grands musiciens ; ce sont de grands rythmiques,
Onzième Question
Par quel test avez-vous pu déterminer
que les enfants ont une oreille musicale ?
Professeur Tomatis
Par la contre-réaction au niveau
de la voix. Les enfants chantent tous, ils chantent juste, ils reproduisent
immédiatement la musique. Je parle bien sûr des enfants normaux qui n'ont
pas eu de traumatismes affectifs importants. je ne sais si vous avez déjà
observé un enfant devant un thème musical. Il l’intégre, il le reproduit en chantant ou on jouant cl'un
instrument. Il Ie danse, il le mime, il le vit. Il est la musique. Elle fait
partie intégrante de son corps. Et c'est pourquoi l’éducation par la musique,
en particulier en classe maternelle, est si importante. On oublie un peu trop
à l'heure actuelIe ce principe de base parce qu'on veut avant tout intellectualiser
l’enseignement, on veut faire des enfants des êtres remplis de connaissances.
Et c’est à ce moment là que les
difficuItés commencent. L'intelligence doit murir doucement sur un corps prêt à
recevoir le langage.
L'enfant au départ a une oreille
musicale, sans distortions, sans déformations. Notre tort est de vouloir
plaquer trop vite sur ce système nerveux encore fragile, des connaissances, une
sémantique qui vont apporter des perturbations d’ordre psychologique. Les
problèmies, les complexes arrivent alors à grands pas. Les enfants les moins
vulnérabIes sont les débiles. Ne pouvant accéder au monde de l'intelligence,
ils restent des enfants sensibles à la musique qu’ils apprécient beaucoup,
qu'ils reproduisent facilement. L'enfant plus doué voudra aller plus loin,
voudra entrer plus vite dans l'univers linguistique qui l'attire et vers Iequel
les grands (parents et maîtres) essaieront de l’entraîher. Et c'est à partir
cle ce moment là que les distorsions apparaissent. Pour ne pas entendre
certaines choses désagréables, certaines voix, l'enfant va scotomiser, va
tronquer son diaphragme auditif, va s’éloigner de la communication en
choisissant les circuits les plus longs. Il deviendra alors un gaucher auditif,
il perdra toutes ses podssibilités d'écoute du Iangage et bien entendu de la
musique. Il commencora à chanter faux et, comme on se moquera de lui, il se taira pour longtemps.
Douzième Question
Les pointes d’agressivité dont
vous avez parliez tout à l'heure apparaissent elles sur la courbe aérienne ou
sur la courbe osseuse ?
Professeur Tomatis
En général, c'est sur les deux
courbes qu’on rencontre ces aspérités mais, dans certains cas , il y a compensation
de la courbe aérenne par rapport à la courbe osseuse. On peut très bien, je
vous le répète, mourir intérieurement tout en donnant l'impression du moins pendant un certain temps d'assumer le présent. Mais cette attitude
d’apparat finit par chuter, et c'est alors le contraire. Il faut se méfier des
gens qui compensent car un jour, c'est le, break-down. On peut ainsi prévoir
celui-ci en étudiant la courbe clu sujet, dans les rapports qui existent entre
Ia CO et la CA.
Treizième Question
Quels renseignements peut nous
donner une courbe plate, rectiligne ?
Etant donné que la courbe idéale
doit présenter une pente ascendante assez accusée, il semble que lorsque celle
ci n’existe pas sur le diagramme il y ait anormalité. En présence d’une
courbe plate, peut-on conclure que les fréquences sont perçues avec la même
intensité ? Ce fait n'entraîne-t-il
Professeur Tomatis
Une courbe droite ne permet pas
l'analyse. Cela semble relever d'une non différenciation d’octave en octave.
Pour que l'oreille puisse distinguer des variations, il faut qu'il y ait des
intervalles, des sortes de marches qui permettent de déceler les différentes
hauteurs de sons. Sur le plan physiologique, on peut essaiyer d'expliquer
ce phénomène de la façon suivante. Le moindre bruit grave masque tous les
autres. L'oreille interne est un appareil qui fonctionne à pression constante
; c'est un manomètre, un accéIéromètre, si bien que dès qu'il y a une fréquence
grave et que, de ce fait, il n'existe pas assez dle tension, pour la supprimer,
cette fréquence grave efface toutes les autres. Il
s’agit là d'un phénomène de masque.
Le suijet présentant une courbe
pIate n’entend en réalité que les graves et ne peut faire l’analyse au niveau
des aigus. Vous remarquerez qu'une telle courbe se rencontre chez des personnes
possédant une voix aggravée, détimbrée. 0n la trouve assez souvent chez les
débiles, sujets ayant peu de possibilités d'analyse sur le plan cortical. Du
fait qu'ils ne peuvent se servir des sons aigus pour charger leur cortex, on
peut comprendre, dans une certaine mesure, leurs difficuItés d'intégration, de
compréhension.
La présence d'une pente ascendante
est nécessaire pour que l'oreille puisse bloquer les fréquences graves, les
atténuer, afin que la partie proximale de la cochlée soit utilisée, plus
particulièrement dans la zone consacrée au langage. Ceci est spécifique de
l'oreille humaine. Les auditions de certains animaux sont quant aux bandes
passantes, beaucoup plus développées que la nôtre : le dauphin, par
exemple, entend jusqu’à 200.000 Hz, certaines chauve-souris, certains vampires
jusqu'à 150.000 Hz ; un chien entend jusqu'à 45.000 Hz. Mais ce sont là des
performances qui représentent peu de chose par rapport à la faculté qu'a
l'oreille humaine d’entendre le langage. Et cette partie d »analyse fine
exige qu'elle ne soit pas gênée par la perception des fréquences graves.
Pourquoi cette zone du langage
est-elle très importante ? Paree qu'elle représente en fait l'image du corps.
Si vous essayez de faire un tableau des fréquences, vous remarquez que les sons les plus graves (16 à 20 périodes)
correspondent à la hauteur du corps de l'homme. Et si vous poursuivez cette
analyse dans le langage, vous constatez que chaque longueur d'onde touche,
informe une partie du corps, des pieds jusqu'à la tête, les sons graves
correspondant à la partie basse, et les sons aigus (ondes courtes) à la partie
haute,, Réparties de cette façon, les fréquence du langage sont done adaptées
au corps humain afin de pouvoir l'informer en totalité.
Est-ce que c'est le langage qui
a sculpté le corps humain ? Ou est-ce, celui-ci qui a obIigé le langage à
se cantonner dans des zones de fréquences permettant le contrôle du schéma
corporel ? J'opterai pour la première hypothèse, me rappelant que l'homme
est fils du son et aimant à réfléchir souvent sur l’une des grandes phrases
de Hermes Trimégiste : "C'est le son qui a fabriqué l'oreille et
si tu veux connaître le son, apprends d'abord à étudier l’oreille". En
matière de langage, les hommes sculptent leur corps en fonction des sons qu'ils
émettent. Ces sons se trouvent d'ailleurs fortement infIuencés par les caractéristiques
acoustiques du lieu. Il m'arrive souvent d'évoquer le phénomène de I'homme
américain des Etats-Unis. Il est fait d'un mélange très varié de peuples venus
d'Angleterre, de France, etc. et qui présentent tous des distinctions linguistiques
assez accusées. Dans l’atmosphère commune acoustique du continent ils se mettent
tous à nasonner (alors que l’italien et l'Anglais en particulier n'ont aucune
nasale dans leur
Il y a donc une contre-réaction
très importante : langage, schéma corporel. C'est pourquoi on peut lire
sur un test d'écoute l'image du corps intégrée, depuis les pieds (fréquences
graves) jusqu'à la tête (fréquences aigues).
Quatorziéme Question
Pouvez-vous nous donner des
précisions sur cette analyse de la posture corporelle en fonction du test
d’écoute, faisant intervenir la colonne vertébraIe ?
Professeur Tomatis
Oui - La posture se trouve subir les contre
réactions auditives, par le jeu des faisceaux nerveux émanant des utricules et
des saccules en direction des racines antérieures de la, moelle - C'est par deux voies que chaque racine
motrice, tenant sous sa féruIe toute la musculature corporelle, se trouve
elle-même dépendante cybernétiquement du
contrôle vestibulaire.
Ces faisceaux que je cite pour
mémoire sans vouloir alourdir cet exposé sont, je vous le rappelle, Ïes
faisceaux vestibulo-spinaux homolatéraux ou deitéro-spinaux et les
vestibulo-spinaux hétéro-latéraux émergeant du noyau de Roller. Notons ici au
passage un fait que je crois essentiel et qui est trop souvent oublié les
faisceaux homoIatéraux c'est à dire directs, donc non décussés, sont de
beaucoup les plus importants. Il s'agit là d'un point capital sur le plan de la
latéralité.
Donc, grâce aux circuits
vcstibulaires une action dynamique et statique va se réfléchir sur la posture
d'ensemble de la colonne. A cette fonction d'asservissement permanent vestibulo
corporel s'en ajoute une autre, non moins importante, trouvant sa source dans
l’ensemble vestibulaire qui, issu du même point, le ganglion de Scarpa,
irradie par voie ascendante vers les noyaux du toit, de Schwalbe et de
Bechterew. C'est grâce à ce dernier ensembIe que les voies oculo-céphalogyres
se trouvent sous la coupe vestibulaire. Vous en voyez donc l'importance. Je ne
m'y attarderai pas davantage, vous faisant toutefois remarquer que les III°,
IV° et V° paires sont liées entre clIcs dans leurs aetivités dont dépend
étroitement le jeu de la II° paire cranienne, c'est à dire le nerf optique.
Cette dynarnique et cette
statique corporelles sont d’autant plus vestibulairement contrôlées et par
conséquent reflétées sur nos tests, que tous les éléments neurologiques
auxquels nous faisons allusion ont leurs contres réactions sensorielles
protopathiques (c'est à dire dans le domaine des mécanismes inconscients) au
niveau des parties archaïques du cervelet, par les faisceaux sensoriels de
Fleschig et de Gowers.
La corticalisation de cet
ensemble, c’est à dire l’éveil de la conscience épicritique de cette image
sous-jacente inconsciemment conduite et délibérément entraînée dans des
mécanismes qui en sculptent les pourtours, apparaît avec le système cochléaire.
Le profil audiométrique prend alors une autre dimension, celle que nous lui
connaissons, puisque ce complément indispensable qu'est la cochlée est là pour
transformer l'analyse de l'impulsion mécanique reçue par la vésicule
labyrinthique en activité acoustico-sonore. Ce que ne fait pas le sourd, vous
vous en souvenez ; il est incapable de procéder à cette traduction, Ainsi,
grâce au cortex en sa partie récente et à la poussée du cervelet de même niveau
temporel, ces étages néo-formés évoluent de manière concomitante avec la
néo-oreille : la cochlée.
Toute lecture de la courbe
d'écoute va donc, à qui sait la décrypter, révéler les mécanismes des contre
réactions psychosornatiques en quelque sorte, par Ie jeu musculo osseux, Il y
aurait certes un livre a écrire sur un tel propos mais nous nous contenterons
ici d'en évoquer les grandes lignes. Rappelons d’abord que nous pouvons
envisager plusieurs sortes d'interprétations du fait que chaque partie du corps représente à son échelle l'ensemble du corps.
Il peut donc y avoir autant de développements à réaliser qu'il y a d'articles à
détailler. Prenons comme exemple les travaux de Nogier de Lyon qui a mis au
point l'auriculothérapie à partir du pavillon de l'oreille. Ce médecin qui a
découvert sur le pavillon un ensemble de points correspondant à différents
lieux du corps a pu avoir ainsi, grâce à L’acupuneture, une action très précise
sur l'organisme pris en sa totalité. Il en est de même pour la cochlée qui a
une représentation métamérique et segmentaire de tout le corps.
Nous aborderons aujourd’hui la
représentation de la colonne vertébrale et celle de la tête. J'y adjoindrai une
analyse rapicLe de l'activité interne vagale, vous rappelant que le nerf vague
ou pneumogastrique ou Xème paire reste fortement solidaire de la tension
tympanique, donc de l'écoute. Les courbes vont se lire à partir du tracé aérien
et du tracé osseux. Cependant nous aurons à nous attarder davantage sur la
courbe osseuse pour ce qui est de la conduction osseuse corporelle qui marque
en quelque sorte une "intériorité".
En allant des graves vers les
aigus, nous rencontrerons les points suivant :
-125 Hz Ie
bassin et les pieds
les organes génitaux
- 250 Hz la
jonction bassin-lombes
le colon
le genou
- 500 Hz jonction dorso-Iombaire
l’intestin
le coude
- 1000 Hz la région médiodorsale
l'estomac
- 1500 Hz la partie dorso-cervicale
le Poumon
- 2000 Hz la région cervico-occipitale
- 3000 Hz le crâne en sa partie haute
Il y aurait certes à développer
la lecture de toute la pathologie inhérente à ces phénomènes qui nous révèlent
les incidences psychosomatiques des colites, des affections du grêle ou des
agressions de l'estomac du type ulcéreux, ou un eczéma du genou, du coude ou
des asthmes, bref autant de fixations psychologiques sur le corps devenu en la
circonstance la soupape de régulation des dérèglements psychiques qui ne
peuvent se dissoudre et se résoudre d'autre manière.
Il serait intéressant
d’envisager une nouvelle grille du test d'écoute tenant compte de ces
différentes considérations. Afin de pouvoir étudier la position du corps en
fonction des fréquences, on pourrait préoir une lecture verticale et non
horizontale. L'homme y serait ainsi représenté dans son attitude corporelle si intimement liée à son attitude
psychique. Mais il ne sagit là que d’une idée projetée qu'il y a lieu
d'approfondir afin que chacun d'entre nous puisse proposer un nouveau
diagramme.
Quant à la position de la tête,
là aussi la courbe osseuse prise dans son ensemble révèle la posture de la
boite cranienne en fonction de la posture d’écoute. Si les graves sont
dominants jusqu'à 500 hz par exemple, la partie frontale est, par conséquent, plus
élevée que la partie occipitale. Autrement dit, le plan qui passe par le point culminant du front est plus haut que le
vertex. Par contre, si la courbe est idéale, ascendante à 6 dB/octave, le
vertex prend sa place et devient le point culminant, comme son nom le désigne.
Voici donc les grandes lignes
que nous devons retenir de l'interprétation du test d'écoute en fonction de la
posture du sujet. Chaque fois que vous vous trouvez en présence de ces tracés,
vous devez penser aux relations étroites qui existent entre l’attitude d’un
individu et son écoute, cette dernière tenant sous sa dépendance le corps qui
lui sert d'instrument.
Quinzième Question
Pourriez-vous nous donner
quelques précisions sur les surdités organiques et sur celles qui ont une origine
psychique ?
Professeur Tomatis
Il est en effet nécessaire de
bien scinder ces deux sortes d’ hypo-acousie. Il est certes parfois difficile
de savoir s'il s'agit vraiment d'une difficuIté d’écoute due à un handicap
organique ou d'un refus d'entendre d’origine psychologique. Mais étant donné
qu'il ne faut pas passer à côté d'une chose grave, il est bon d’être prudent
sur le plan du diagnostic.
Lorsque vous vous trouvez en
présence d’une surdité unilatérale ou bilatérale, c’est à dire lorsque vous constatez un déficit important,
soit sur Ia conduction aérienne, soit sur Ia conduction osseuse, soit sur les
deux, vous devez tout de suite penser à faire vérifier l’oreille du sujet par
un spécialiste oto – rhino -laryngologiste, à moins que le patient ait avec lui
un compte rendu faisant part des maladies et des interventions qu'il a eues
dans ce domaine et qui justifieront la surdité.
Je vais donc examiner avec vous
schématiquement les différents cas
d',altération auditive d'origine organique qui se groupent en trois types
de surdité :
-
la surdité de transmission
-
la surdité de perception
-
la surdité mixte
a) la surdité de transmission,
Elle correspond à une
modification de l'appareil de transmission. Il est habituellement convenu de
grouper sous ce vocable tous les éléments qui ont pour fonction de transmettre
à la vésicule labyrinthique le sons venant de l’extérieur. Il convient donc de
chercher quels sont les obstacles qui peuvent surgir sur la voie du son qui, si
l’on tient compte de la répartition classique, passe par l’oreillexterne et
l'oreille moyenne pour arriver à l’oreille interne. Personnellement, je considère qu'il n'y a que
deux blocs : l'oreille externe et l’oreille interne, l'oreille moyenne étant
le lieu intermédiaire entre les mécanismes de l’oreille externe et ceux le
l'oreille interne, La perturbation dite de transmission va donc intervenir au
niveau de ces deux étages.
Les obstacles à prévoir peuvent
être de pIusieurs sortes et atteindre
-
soit le canal audtif
externe : bouchon de cire, ostéome du conduit, otite externe avec
furoncles, eczéma, etc…
-
soit le tympan
par épaississement ou perte de substance
-
soit la caisse du tympan :
otite moyenne, séreuse, sanguine ou purulente, voire sèche
-
soit la chaene
ossiculaire : ostéite des osselets et surtout soudure de la platine de
l’étrier (otospongiose)
-
soit les annexes : Ia
trompe d'Eustache (catarrhe tubaire) et les Cavités mastoïdiennes (mastoïdite).
Les schémas à ces différents
ensembles cliniques sont identiques. Il va sans dire que le contexte permet une
diversification qu'il convient d'étudier en fonction du descriptif
pathologique. Voici donc le schéma général :
Dans le cas présent, la courbe
osseuse reste normale tandis que la courbe aérienne s'effondre, demeurant
généraIement parallèle à la courbe osseuse. Elle est ici tracée horizontalement
comme cette dernière. Le rapport CA/CO (air/os) est done inversé. Autrement dit, l'appareil de Corti fonctionne
bien, ce que révèle la conduction
osseuse mais l'appareil destiné à transmettre le son jusqu'à l’étage
interne est défectueux.
Il n'y a guère d’autre solution
que de supprimer l'obstacle. C'est à l’otologiste d'intervenir, c'est à lui que
revient la primauté des soins qui, depuis la simple extirpation du bouchon de
cire, peuvent aller jusqu'à la mobilisation de I'étrier. La chirurgie de Ia
surdité est actuellement très au point et donne des résuItats excellents. Vous
ne devez done pas hésiter, lorsque vous vous trouvez par exemple devant une
otospongiose, à diriger le patient sur un spécialiste capable de débloquer
l’oreille.
Il ne sert à rien d'essayer de
rééduquer un otospongieux. Vous pouvez cependant l'aider Iorsque la
conduction osseuse commence à s'affaisser,
afin que l'intervention uItérieure soit plus efficace. Vous pouvez surtout être
utile après l’intervention (deux à trois mois après) en permettant à l'oreille d’apprendre à
écouter, à analyser, à discerner les sons qu'elle n'entendait plus depuis des
années. Je vous signale. Certains troubles qui apparaissent après
l’intervention, surtout lorsque l'oreille gauche a été opérée avant l'oreille
droite. Je vous rappelle que l’otospongiose est une aItération de I'audition
souvent bilatérale. Lorsque le chirurgien intervient, il opère d’abord une
oreille, en giénéraI la plus déficiente, puis quelques semaines ou quelques
mois plus tard, l'autre oreille.
Il y a, bien sûr, intérêt à
faire, opérer en premier lieu l'oreille droite qui est, vous le savez, la plus
importante sur le plan des contrôles du langage, de Ia mémoire, de la
concentration, etc.. Mais lorsque, pour une raison bien précise, le spécialiste
commence par l'oreille gauche, vous devez soutenir Ie patient en le mettant
sous Oreille Electronique en attendant la libération de l’oreille droite. Vous
l'entendrez vous dire, après l’intervention de son oreille gauche, qu'il
entend mieux certes mais qu'il n'a pas retrouvé tout à fait son équilibre ou
qu'il a des migraines ou qu'il a des trous de mémoire, ou qu'il n'arrive pas à
se concentrer, ou qu'il a à la fois plusieurs de ces symptomes. Votre rôle va
consister à lui faire passer une programmation adaptée lui permettant d'une
part cl'harmoniscr son audition gauche et soutenir d’autre part son oreille
droite en attendant qu'elle soit opérée. Si., pour une raison ou pour une
nutre, celleci ne peut pas être opéré, c'est à dire si le patient doit se
contenter d'entendre principalement par l'oreille gauche, vous pouvez également
intervenir sous Oreille Electronique, par cures régulières, en faisant travailler
surtout son oreille droite avec de la musique filtrée et certaines sifflantes.
Pour les textes, il y aura toujours intérêt à mettre l'équilibre à 10 ou à 7
pour que la personne perçoive bien les phrases et ne se décourage pas.
Voici donc ce que l'on peut dire
brièvement de la surdité de transmission et des moyens de la traiter. Il est
certain que, dans cette éventualité, l’otologiste a son mot à dire. Il n'est
pas question pour nous d’empiéter sur son terrain, bien au contraire. Dans
bien des cas , il est seul habilité à prendre la direction des opérations.
Cependant il serait souhaitable qu'il se soucie à son tour les divers
polongements qui peuvent être donnés aux investigations habituelIes. Il existe
en effet, au delà de son arsenal thérapeutique, des techniques qui peuvent
aider le patient, soit avant, soit après sa propre intervention, ien vue d’améliorer
le pouvoir d'écoute. Il m'arrive souvent d’adresser des oto-spongieux à un
grand, spécialiste de Béziers qui opère d’une façon remarquable,.et qui obtient
des résultats exceptionnels. Dès que l'audition du patient est en état de
fonctionnement je peux alors, avec quelques séances d’éducation
auditive, parfaire le travail sur le plan de l’écoute, en apprenant au sujet
nouveIlement opéré, à viser les sons, à les analyser d'une certaine façon,
à converger en quelque sorte et à utiliser son oreille à des fins de communication.
Nos techniques peuvent être
également appréciavles lorsqu'il s’agit d’appareiller un otospongieux. En
dehors de l'intervention dont nous venons de parler, il existe en effet un
autre moyen d’aider le patient à entendre, c'est la prothèse auditive. Pour
certaines personnes dont les courbes présentent,d’énormes distorsions, il est
bon d’envisager quelques séries de séances d’éducation sous Oreille
Electronique afin d'harmoniser les courbes et de relever éventucllement les
seuils. Le sujet est alors beaucoup plus facilement appareillable, du fait que
les distorsions ont disparu. Certains iprothésistes nous envoient leurs clients
pour qu'ils bénéficient de nos techniques avant d’acheter un appareil. Cela
leur évite de les voir revenir,
insatisfaits de leur prothèse et furieux de ne pas bien entendre.
b) La surdité de perception est le deuxième type de surdité que nous
allons maintenant étudier. L'altération ne va pas jouer, dans ce cas, sur le
rapport CA/CO mais sur I'allure même de la courbe qui se trouve globalement
modifiée par altération des fréquences agues. Je vous donne ici un exemple de
surdité de perception :
Pour ce genre d'hypoacousie,
c'est l’appareil de pereception qui est atteint. Il y a déficience cochléaire.
Cela est vrai à un détail près cependant. En effet, une altération de la
mécanique stapédiale par défaut de
tonicité du muscle de l'étrier peut déterminer une courbc du même type.
L'intérêt est de déceler cette éventualité, car elle débouche sur des
perspectives de récupération ce qui n'est pas négligeable.
'Dans cette catégorie de surdités,
s'inscrivent toutes les aItérations toxique, médicamenteuses (Streptomycine,
kanamycine, etc. ) ou autres (alcoolisme, tabagisme, syphylis, virus, rubéole,
etc.) et les traumatismes sonores avec apparition d’une surdité du type professionnel
caractérisé par un scotome au 4000 Hz que vous connaissez bien et que je reproduis
ici :
35
Cette altération va peu à peu évoluer
et atteindre les fréquences moyennes en modifiant les possibilités d’écoute
au niveau du langage. La personne
Voici un exemple d'une
surdité professionnelle en cours
d’évolution :
Enfin, l'hypoacousie gagnant du
terrain, nous obtenons la courbe suivante :
qui marque une surdité déjà très
accusée, difficilement récupérable et absolument inappareillable.
c) la surdité mixte représente la troisième catégorie de surdité.
Comme son nom l'indique, elle
appartient au type qui associe les deux anomalies précédentes, c'est à dire
qu'elle est une imbrication de l'un et l'autre de ces deux processus de Ia
pathologie otoIogique. Ses caractéristiques révèlent en effet des troubles des
mécanismes de transmission joints à des altérations des phénoménes de
réception. Le rapprochement de ces deux perurbations faciles à tracer se lit
sur le grnphisme par une inversion de la courbe air-os comme nous l'avons décrit lors de l’étude des
surdités de transmission et par lai chute des aigus portant sur les deux
courbes CA et CO, celles-ci restant bien entendu parallèles comme l’exige la surdité
de transmission :
Ainsi nous avons pu aborder
I'étude des surdités, dites d’origine organique.
Je ne vous ai donné, en la
circonstance, que les clefs principales permettant de déceler, dans leurs
grandes lignes, les traits essentiels qui doivent attirer I'attention de l'éducateur afin que celui-ci puisse orienter
sur le spécialiste otoIogiste de telles anomalies qui ne sont pas de son
ressort. Il faut cependant que vous sachiez que, dans certains cas, il est
possible de faire agir nos techniques mais seule, une grande pratique peut aider à effectuer des
diagnostics différentiels concernant ces
anomalies.
Une tentative d’éducation
auditive sous Oreille Electronique pendant quelques séances, une vingtaine
environ, peut toutefois constituer un des meilleurs moyens d’éliminer Ies causes
d’erreur. Par les modifications rapides qui peuvent intervenir sur les deux
courbes ou sur l'une d’elles, on peut savoir si l’origine organique est
déterminante ou non. Ainsi, sur certaines surdités de transmission non
caractéristiques de l’otospongiose, il arrive que les courbes
"bougent" ce qui prouve que Ia chaîne ossiculaire peut être encore
mobilisable par les moyens rééducatifs. Ce fait se constate souvent chez les
enfants dont les cas d’otospongiose sont
d’ailleurs très rares. Il est alors possibIe de songer à une surdité de nature
psychique, à un refus c!'écoute qui cède ensuite à la démarche
psycho-sensorielle que l'on peut réaliser sous Oreille Electronique à l’aide d’une programmation adaptée.
Par contre si le processus d’ossification
a dépassé les limites, il vous sera impossible d’intervenir sur la conduction
aérienne qui restera figée tandis que la conduction osseuse, comme je vous l’ai
dit tout à l’heure, pourra s'améliorer parfois d'une façon sensible, permettant
ainsi une plus grande efficacité des moyens à prévoir, chirurgie ou prothèse.
Avant d’aborder avec vous les
autres surdités, celles d'origine psychologiques, j'aimerais vous dire quelques
mots sur les troubles associés qui accompagnent ces différents genres de
surdités : bourdonnements , vertiges, nausées, etc. Dans tous les cas,
vous pouvez soulager le patient, ce qui est déjà beaucoup. Une éducation bien
menée doit faire disparaitre, 9 fois sur 10, ces différents troubles, par
rééquilibration de tout l’appareil vestibulaire et tonification du tympan.
Venons en maintenant aux
surdités psychologiques. "Nul n'est plus sourd que celui qui ne veut pas
entendre. Vous connaissez tous ce Ieitmotiv et vous le vivez tous chaque jour
en rééduquant des enfants et des adultes qui ont délibérément décidé de ne plus
écouter, qui ont coupé la communication avec l'environnement. Voici quelques
grandes lignes :
a)
Le sujet peut tout d’abord
baisser les seuils de son audition afin de n'entendre plus très distinctement.
Vous êtes alors en présencc d'une hypoacousie,
légère ou déjà accusée, portant sur les deux oreilles ou sur l’une
elles. Le fait que ce soit sur l’oreille gauche ou l'oreille droite vous donne
déjà des indications sur le problème affectif d’origine parentale qui est à la
base de cette hypoacousie.
b)
L'individu a décidé de fermer
les rideaux afin de ne pIus voir ce qui se passe à l'extérieur. La sélectivité
est blouée soit sur l’ensemble des fréquences à droite et à gauche, soit sur
une partie seulement de l'échelle sonore
pour les deux oreilles ou sur l'une d’entre elles. Nous avons abordé cette
question il y a quelques instants en évoquant le problème de la sélectivité.
c)
Un troisième "truc"
consiste à brouiller les cartes, à ne pIus savoir d’où vient le son et à vivre
dans la confusion. C'est le brouhaha caractérisant les troubles de la
spatialisation qui font l'objet de la troisième épreuve concernant le test
d’écoute.
d)
Enfin, il y a la possibilité de
mettre l’autre à distance en choisissant Ies circuits les plus longs, c'est à
dire en empruntant le chemin de la gaucherie auditive. Vous voyez alors, à
l’audio-latéromètre, le circuit audio-vocal gauche devenir dominant.
voici ,donc ce que nous pouvons
dire aujourd'hui, dans le cadre de ce Congrès, sur les différentes surdités
relevant d'une origine organique ou psychique. Il est bien évident que nous
n’avons pu évoquer que quelques grandes lignes. Il serait nécessaire
d’approfondir uItérieurement ces questions au cours de certaines réunions qui
permettraient de réaliser des études de cas bien précises.
Seizième Question
Que faut-il donc faire pour une
personne qui, après une opération,
entend toujours de I'accordéon ?
Professeur Toniatis
Il faudrait tout d'abord
préciser si les bruits internes qu'elle entend sont réellement caractéristiques
d’une musique jouée par un accordéoniste, auquel cas nous pourrons penser à un
phantasme, à une hallucination sonore ; ou s'il s'agit d’acouphènes qui
rappellent peut-être vaguement un bruit d'accordéon mais qui se rapprochent
surtout des bourdonnements ou sifflements d’oreille habituellement rencontrés
dans certains cas de surdité.
Il arrive que l'intervention,
bien que rétablissant la fonction auditive, ne supprime pas complétement les
troubIes associés du genre acouphènes, vertiges, etc. Cela signifie que la
régulation des différents étages de I'oreille n'est pas parfaite. Je conseille
alors d’entreprendre rapidement une rééducation auditive afin que le sujet
apprenne à tendre son tympan dans le but de supprimer ses bruits internes et de
rétablir la fonction labyrinthique. Il ne faut absolument pas que ces symptomes
demeurent après l'intervention car, un jour ou l'autre, l’hypoacousie
réapparaîtra. L’oreille mal régulée, s'effondrera à nouveau et les possibilités
de récupération seront alors beaucoup moins grandes.
Nous avons actuellement à notre
clisposition des techniques qui permettent de soulager considérablement les
individus qui ressentent des difficuItés d'écoute. Nous ne devons pas laisser
passer cette chance et nous devons tout mettre en œuvre pour que ces différents
symptomes disparaissent.
Vous avez sans doute rencontré
souvent, dans votre activité des personnes qui souffrent de bourdonnements et
de vertiges et vous connaissez l'enfer dans lequel vivent ces patients. C'est
absolument effrayant d’entendre des bruits internes en permanence, et de vivre
dans un état vertigineux constant.
Si nous retenons l’autre
hypothèse, celle d’hallucinations sonores, nous devons bien entendu prendre une
autre attitude et poursuivre les investigations sur le plan psychologique. Une
démarche psvclo-sensorielle, sous Oreille Electronique peut être également très
efficace en redonnant à l'individu le désir et la possibilité de communiquer
avec le monde extérieur,de dialoguer avec son environnement, de penser aux
autres et non pas de s’enfermer dans une attitucle égotique qui lui vaut
quelques interprétations assez inattendues.
Cette question me rappelle une
expérimentation faite a Sainte-Anne il y a une quinzaine d’années. J’avais à
examiner les hallucinés afin de connaitre leurs facultés auditives. C'est alors
que j'ai eu la. Surprise de constater que ces malades mentaux avaient en
réalité deux seuils d’audition. Le premier, très subtil, très fin, entraînait
des réponses telles que « tiens, ça y est, je la reconnais la voix qui me
parle tous les soirs, qui me dit ceci, qui me dit cela ». Puis en
insistant pour arriver a un seuil plus intense, j'obtenai des réflexions comme
« tiens, j'entends du bruit", avec quelques commentaires du genre
« il est clair », « il est sombre », ou "il est
bleu" ou "il est rouge" ou "il est gras" etc.
Il y a donc pour ces patients
deux sortes de références auditives qui, d'ailleurs existent chez tout le monde
mais que nous n'interprèterons pas de la même façon. Le premier seuil, si
subtil, si ténu est celui du bruit moléculaire du mouvement brownien que l’on
peut atteindre en se mettant en posture d'écoute. Il est celui qui nous
recharge, qui nous est nécessaire pour atteindre certaines zones de la pensée,
mais qui n’est pas chez nous impératif. Le second, plus lourd, plus matériel,
se situe à un niveau plus bas et rejoint les préoccupations communes du monde
sonore.
J’ai appris beaiucoup en vivant
avec les fous et en rééduquant certains d'entre eux. Leurs différentes
réflexions sur ce qu'ils entendaient m’ont permis de faire des grands pas dans
la recherche. Lorsqu'ils me disaient : « c’est un son de
sonnette », c’est la cloche du village qui sonne »",
« C’est le bruit de la mer", « c'est le bruit des vagues »
je pensais qu'ils avaient raison et qu'ils percevaient des choses que notre
ratio ne nous permet plus d’entendre. J’ai pu ainsi dialoguer avec eux sur un
plan tout à fait différent de celui que l’on rencontre habituellement dans
l'univers conversaitionnel et j'ai pu, toujours grâce à nos techniques,
abaisser leurs seuils de tell sorte qu'ils puissent se mettre au niveau du
commun des mortels. Lorsque le raccordement s'est fait l’aliénation, bien
entendu, a disparu puisque les références sont devenues les mêmes. j'en ai fait
sortir plusieurs de l’hopital…
Le projblème des interprétations
sonores à partir d’un bruit et parfois un son pur, m’a fait penser alors à un test dont j’ai parlé il y a
quelques années dans une de mes conférences et qu'a pu réaliser et publier une
psychoIogue suisse dbnt je pourrais vous donner la référence bibliographique
si vous la désirez. Il s'agissait de faire une
sorte de Rorschach sonore à partir de certains bruits déterminés à
l’avance et de noter les différentes interprétations. Les résultats ont été
très révélateurs de l'univers psychique des individus. Il vous est certainement
arrivé de vous demander ce qui se passe lorsque vous entendez un bruit dans la
nuit et vous vous êtes certainement payé
une bonne frayeur alors qu'il ne s’agissait que d’une porte qui cIaque ou d’une
poutre qui craque.
Je pense done qu'il y a un gros
travail à faire dans cette direction et je vous invite tous à penser à cette
épreuve sonore qui peut donner des indications extraordinaires sur le monde
intérieur des patients que nous avons en charge. Toutes vos suggestions seront
les bienvenues afin que nous puissions mettre au point une batterie complète
permettant de faire des statistiques à partir des résuItats obtenus dans chaque
Centre.
Dix Septième Question
Que doiton penser lorsqu'on se
trouve devant un sujet qui a une excellente oreille droite mais qui, par
contre, a une oreille gauche déficiente dont la courbe aérienne commence à
descendre à partir de 3000 Hz jusqu'à 60 décibels et dont la courbe osseuse se
place au dessus en faisant des zigzags ?
Professeur Tomatis
Si d'avance, vous avez éliminé
l'hypothèse d'une histoire organique (ancienne otite avec paracentèse,
traumatisme de l'oreille, ete.), vous devez bien sûr penser à une origine
psychologique.
La première réaction pourrait
être celle ci : "C'est l'oreille gauche, ce n'est done pas grave puisque
l'oreille droite est intacte". Nous savons tous que l'oreille droite est essentielle
dans tous les processus de contrôle mais cela ne veut pas dire que l'oreille
gauche n'a aucune importance. Il doit y avoir toujours, je le répète,
harmonisation entre la gauche et la droite. C'est donc le probleine de la
Iatéralité qui surgit à nouveau avec ses symboles et ses multiples
implications.
Puisqu'il s'agit de l'oreilIc
gauche, vous devez penser d'emblée à un problème de relation maternelle. Il y a
accrochage à la mère, si bien que la dynamique, le devenir, le père que
représente la droite restent encore un mythe. Il y a blocage, il y a fatigue.
Dès que l'individu veut avancer, faire des projets, se lancer dnns une nouvelle
affaire, il est arrêté, il est retenu. Il commence tout, il ne finit rien.
C'est la « politique d’échec » Il reste enferré dans son problème
matemel et tant qu'il n'aura pas réglé celui ci, il ine pourra aller plus loin.
Lorsque je dis qu'il y a blocage
au niveau de la mère cela signifie probIème relationnel interne,affaire de
l’égo, du moi, de l'inconscient par rapport au "je" transcendantal,
au "je" du "En vérité, je vous le dis" de la pleine
conscience. Là, nous nous promenons dans le "Moi je ne peux pas avancer,
moi je suis fatigué, moi ceci moi cela". Ce sont les lames de linconscient
qui pointent, C'est l'inconscient qui s'exprime et non pas la conscience. Dès
que celle ci apparaît, les deux courbes prennent l'allure que vous connaissez
bien et dont nous nous sommes entretenus à plusieurs reprises au cours de ces
journées de travail.
Que faut-il donc faire devant un
tel dossier ? L'irnportant du problème maternel exige bien sûr que l'on
entreprenne en premier lieu une éducaton en audition intra-utérine à partir de
la voix de la mère. Les accouchements soniques devraient suivre cette période
foetale et être distribués d'une fnçon assez intensive afin que le sujet
puisse se décrocher enfin du noyau maternel. La phase suivante ne devra pas
consister à essayer de faire "monter" I'oreille gauche en gardant
l’équilibre à 7 (cordon à droite) ou en plaçant le cordon à gauche avec
l’équilibre à 1. Il faudra, au contraire, latéraliser rapidement à droite et
vous aurez alors la surprise de voir que I'oreille gauche s'améliore. En effet, il est nécssaire de songer qu'il
existe d’énormes contre-réactions bi-auriculaires, notamment par des jonctions
bulbo-protubérantielles, comme le faisceau de Rasmussen qui jette un pont entre
les deux cochIées.
Dix Huitième Question
Je crois avoir compris que
l'enfant perd très vite après sa naissance une partie de la perception des
aigus. Est-ce la raison pour laquelle on filtre la voix du père dans une zone
assez grave entre 300 et 800 Hertz, je crois ?
Professeur Tomatis
L'ouverture diaphragmatique de
l’audition de l’enfant se fait d’une façon très progressive. Il est vrai qu'à sa
naissance, à partir du X° jour plus exactement c'est à dire à partir du moment
où la trompe d’Eustache abandonne son liquide, l'enfant se trouve plongé dans
un "noir" sonore qui ne lui permet plus d’entendre les fréquences
qu’il percevait parfaitement pendant sa
vie foetale. Il ne sait pas encore tirer sur sa musculature en milieu aérien
afin de récupérer sa perception des grands aigus, et son oreille devra
effectuer pendant des années un travail d’accornmodation, de convergence, afin
de retrouver les hautes sphères de la
communication. Il faudra attendre l’âge de 4/5 ans pour le voir prononcer très
convenableinent les siffIantes.
En ce qui concerne Ia rencontre
avec le père, en une approche qui ne correspondra pas encore au vrai dialogue
que l'enfant entamera beaucoup plus tard, nous tenons compte de cette ouverture
diaphragmatique progressive et nous filtrons la voix paternelle de telle sorte
qu'elle apparaisse tout d’abord dans une bande allant de 300 à 800 Hz, puis de
300 à 2000 Hz, puis de 300 à 4000 Hz ; enfin nous ouvrons totalement le rideau lorsque les étapes précédentes
n'ont pas provoqué d' éblouissement ou de réactions vives chez l'enfant.
Je vous rappelle que cette
période de rencontre avec la voix paterneIle marque une étape très importante
sur le chemin de la réalisation de l’être. Si le problème maternel est
totalement liquidé et si après une préparation linguistique effectuée à l’aide
d'une programmation habilement établie, le dialogue peut s'instituer, Ia partie
est gagnée. L'être lancé dans une dynamique de vie exceptionnelle pourra
assumer toutes les difficultés de l’existence avec une force surprenante.
Mais nous savons tous que les
choses ne se passent pas toujours aussi bien et que cette fameuse étape
paternelle est une des plus difficiles à franchir. Elle doit être abordée par
I'éducateur d'une façon très prudente afin que la confrontation ne soit pas
dramatique et n'entraîne pas des phénomènes de régression, de repli intérieur
qui feront perdre du temps. Je pense d’ailleurs que la première approche
devrait se faire en voix paternelle filtrée à 8000 hz, à cette haute altitude
où les problèmes se résolvent sur un autre plan. Ceci n'est qu'une hypothèse
dont je vous reparlerai dès que nous I'aurons expérimentée.
Dix Neuvième Question
Puisque l'enfant perd ses aigus
à la naissance et qu'il n'entend plus que les graves, comment se fait-il qu'il
ait une voix aigue et parfois même très aigue ?
Professeur Tomatis
Il ne faut pas confondre une
voix aigue avec une voix frêle, pointue, ténue.L'enfant en réalité a une voix
qui s'inscrit dans une bande étroite. Il y a peu d’harmoniques dans une voix
d’enfant. Vous le constatez d'ailleurs lorsque vous entendez certains petits
chanteurs essayer de "monter" dans les aigues. Leurs notes élevées sont
parfois un peu raides manquant de cette gerbe harmonique touffue, riche, que
l'on rencontre chez certains adultes.
La voix du petitenfant est
mono-harmonique ou mono-bande. Elle révèle une ouvertur diaphragmatique
auditive encore un peu étroite, ressemblant d'ailleurs à celle des haute-contre
qui sont, vous le savez sans doute, des chanteurs pouvant monter très haut dans
la gamme. J’ai connu l'un d'entre eux qui avait une voix très exceptionnelle et
lorsque je l'ai entendu, j'ai pensé qu'il allait faire éclater tous mes tubes
cathodiques lors de l'analyse de sa voix. Or, il ne dépassait pas 1500 hertz,
Il chantait divinement Mozart, mais il le faisait dans une bande étroite qui
était celle de son registre.
Vingtième Question
Que se fnit passe-t-il lorsqu‘on
fait passer un test d'écoute à un sujet qui se tient comme il faut pour
entendre les aigus ? Les réponses sont-elles différentes selon la posture du
patient ?
Professeur Tomatis
Oui, certainement mais lorsque
vous faites passer un test d'écoute à un individu, c’est pour connaitre sa
posture dans la vie courante, qui est le plus souvent une attitude de
non-écoute. Il est évident que ses réponses seront différentes si vous lui
demandez de se tenir bien droit, de placer sa tête d’une certaine façon correspondant
à la perception fine des aigus, etc. Mais étant donné que ce n'est pas son
attitude habituelle, cette démarche n’aura que la vaIeur d'une expérience.
Vous même avez constaté, certainement,
au cours d'un concert par exemple, combien la musique est différente si vous
l'écoutez en « posture d’aigus » ou si vous vous affaissez dans votre
fauteuil. Nous retrouvons alors les commentaires que nous avons faits
dernièrement au sujet de la place de la tête dans le test d'écoute. La perception des aigus détermine un certain
tracé alors que la perception des graves en détermine un autre. La première
correspondant à la tension maximum du muscle de l’étrier se retrouve dans les
expériences faites par les américains, Moller, Schmitt et Reger, avec une
courbe de 12 dBs / octave tandis que la seconde fait appel à un relâchement de
la musculature stapédiale et plonge I'être dans l'univers dépressif des sons
graves.
L’idéal, bien sûr, c'est d’être
constamment en posture d'écoute des sons aigus. Cela suppose une mise en
condition exigeant un certain entraînement, je viens d’évoquer à l'instant les
travaux effectués par une équpe de chercheurs qui ont fini par démontrer que
l’on peut conditionner les oreilIe humaines à entende de plusieurs façons, ce que en fait je m'efforce de dire
deuis 25 ans. Il se trouve que, en tirant sur les muscIcs du marteau et de
l'étrier, ils pouvaient déterminer une pente d’au moins 15 dB entre 250 et 1000
Hz.
Cette tension des muscles de
l’oreille moyenne doit donc être recherchée en
permanence et dans n’importe quelle circonstance. Si vous êtes plongé
dans un univers sonique dysharmonique, riche en fréquences graves, ou si vous êtes
obligé d’entendre des choses sans intérêt ou dites d’une façon agressive, vous
devez vous arranger pour vous mettre en posture d’écoute des aigus afin de vous
recharger et de bénéficier au maximum de l'environnement sonore tout en évitant
le côté négatif.
Personnellement je le fais
toujours en avion afin d'arriver frais et dispos à l’endroit ou je dois le plus
souvent consulter immédiatement ou assurer une conférence. Je m’arrange
toujours pour me mettre en posture d’écoute des aigus pendantle trajet tandis
que je vois à côté de moi des gens effondrés qui sont anéantis par les
fréquences graves et les vibrations que transmet l’appareil.
Pourquoi les sons graves
sont-ils si dangereux ? Parce qu'ils exigent du corps plus de dépense
énergétique que le cortex ne reçoit de stimulations. Des sons comme ceux du
tam-tam par exemple, ont justement pour but de faire bouger le corps et de
placer l’individu soumis à une certaine musique dans un état second, dans une
sorte d’hypnose, qui le met à la merci du sorcier. Alors que les sons aigus,
comme ceux que l’on trouve dans les chants grégoriens, rechargent le sujet, le
mènent vers la conscience sans pour autant l'entrainer dans une image
corporelle mobile. Terminons en parlant des chants militaires qui allient les
deux procédés : ils rechargent Ies
sujets tout en les faisnnt marcher comme un seul homme.
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Vingt-et-unième Question
Existe-t-il une courbe
caractéristique du dépressif ?
Professeur Tomatis
Oui de même qu’il existe une
courbe caractéristique du paranoïaque, du revendicateur, etc.
Celle du dépressif a cette
allure généraleo que vous connaissez bien :
qui est l'inverse de la courbe
de recharge. Plusieurs éventualités peuvent bien entendu se présenter suivant
que l’individu compense ou ne compense pas
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où vous constatez l’état
dépressif au niveau de la courbe osseuse. Par contre, la courbc aérienne donne
le change et permet au sujet de tenir le coup apparemment.
Il ne faut ras confondre la
dépression et la fatigue. Souvent un individu vient vous voir parce qu'il se
sent déprimé. En fait, il est épuisé et ne sait plus se recharger. Vous vous
trouvez alors en présence d'un tracé comme celui-ci :
où Ia courbe osseuse n'est pas
chutante.
En règle générale, vous pouvez
conclure à la présence d'un état dépressif lorsque vous voyez la courbe osseuse
descendre des graves vers les aiqus.
Vingt-deuxième Question
Quel est le support qui peut
faire l’unité de tout cela ?
Professeur Tomatis
Compte tenu du plan sur lequel
risque de nous pIacer une telle question, il serait quelque peu illusoire, de
vouloir y répondre sans devoir tout au moins s'engager dans une diatribe
philosopho- psycho- physiologique sans issue. On se souvient du dialogue sans
fin qui oppose Aristote à Anaxagore en ce qui concerne la prévalence du cerveau
et de la main. Lequel des deux organes permit à l’homme d’être ce qu'il est ?
Nul ne peut y répondre.
Il en est de même enl ce qui
nous concerne. Dans la perspective où nous place la qquestion posée, le psychisme est tout aussi
nécessaire que le système nerveux, son instrument, comme le violon est
nécessaire au violoniste. L'un a besoin de l’autre pour répondre à une instance
supérieure qui est la musique en l'occurence.Pour nous, c'est l’appel vers Ia
transcendance qui fixe notre attention autour de l’écoute, entrainant l’homme
vers son champ conscient.
Promu en quelque sorte par une
organisation complexe neuronique à laquelle il ne saurait échapper, I'être
humain se trouve ainsi devoir répondre, à son échelle, à des motivations qui se
manifesteront chez lui par un désir de communiquer, de comprendre, de
connaître. En fait ces motivations ne seront guère que les injections venant
d'on ne sait où, véritables incursions cle la conscience agissant comme
première manifestation de la vie qui qui anime l’être.
CONCLUSION
Cette successim de questions
pourrait être prolongée à l'infini tant est immense le champ d’investigation concernant
le test d’écoute. Aussi semble-t-il inutile, après cette première étude,
d'insister sur la valeur d’une telle épreuve, qui revêt une importance
considérable.
Il reste encore beaucoup à faire
et le professeur Tomatis en est profondément conscient. Si nous avons tous à
recueillir les informations qu'il a bien voulu nous transmettre à l’occasion de
notre III° Congrès International, c'est que nous considérons également comme
essentieÏle l'interprétation du test d’écoute.
Ces recherches, si riches d’enseignement
pour l’audio-psycho-phonologie doivent être patiemment reprises, élargies,
étayées d'une large pratique afin que les travaux entrepris dans cette
direcetion aient un prolongement efficace dans le domaine du diagnostic et de
la thérapie.
De nombreuses rencontres uktérieures
centrées sur le même propos et réalisées autour d’études de cas très diversifiées
permettront d’élaborer, dans les années à venir, un ouvrage complet sur l’interprétation
du test d’écoute dont l’intérêt ne pourra échapper à tous ceux qui s’occupent
des problèmes de la relation de l’être humain avec son environnement.