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I. LE YOGA ET LES PERSONNES AGEES
Si le moniteur de Yoga respecte les possibilités actuelles, à tous niveaux, de ceux qui participent aux séances, on pourra le conseiller sans inconvénient, même à des personnes relativement "âgées ".
Lacheny(1) dans son enquête de 1968 trouve la répartition suivante des âges :
Tableau 1
AGE | ELEVES | PROFESSEURS |
20-29 ans | 19% | 12 % |
30-39 ans | 31% | 30 % |
40-49 ans | 31% | 32 % |
50-79 ans | 22 % | 11 % |
L'AGE DE LA PRATIQUE
Quant à nous, nous l'avons utilisé avec bénéfice chez des malades de 17 à 62 ans.
Madame A.B. âgée de 60 ans se présente à un cours de Yoga en ville, se plaignant d'insomnie et de tics nerveux. Après deux mois de pratique hebdomadaire, elle ne prend plus de somnifères le soir2. Elle est plus détendue, moins "nerveuse". Certains tics ont totalement disparu. Le professeur de Yoga remarque que Si elle omet de venir à une séance, ou de répéter les exercices quelque peu chez elle, il y a un "retour" des symptômes les tics ont repris, la démarche redevient saccadée, le débit de sa conversation s'accélère...
Il n'est pas exceptionnel de rencontrer des personnes de 65, 70, voire 75 ans qui pratiquent chaque jour des postures et des respirations considérées parfois comme " difficiles "(3).
Le Yogiraj V.S. Bua, dont le séjour en France, dans les années 70 a suscité beaucoup d'intérêt, est connu pour être capable d'exécuter les exercices les plus difficiles du Hatha-yoga. On sait qu'il exécute par exemple le Kheçari Mudra (il s'agit d'obturer l'ouverture postérieure du nez par la langue dont le frein a été au préalable scié (4) Son cas n'est cependant que le résultat d'un très long et très constant entraînement puisqu'il n'a jamais omis les exercices de Hatha-yoga depuis l'âge de dix-onze ans, date de son initiation.
Yogiraj Bua |
Swami Bua (New York - 2006) |
Maharaja College Janvier 2008 |
YogiRaj Bua avait, disait-on, 75 ans en 1971 (photo ci-dessus prise à Pau lors du séjour de Swami Bua en France, extraite de 'Yoga et Psychothérapie' paru à Toulouse en 1977). Il est possible qu'il ait eu alors 10 ans de plus (dans ce cas, il aurait 122 ans en 2008). Il est recensé parmi les participants lors de cérémonies à New York en 2006 sous le nom de H.H. Jagatguru Swami Buaji.
Un email de Yogacharya Yogarishi Dileepji (President of North American Yoga Federation et ambassadeur de la Fédération Internationale de Yoga pour l'Amérique du Nord et les Nations Unies) nous dit que Swamiji serait né en 1888), qu'il est president de la Société Vedanta Indo-Américaine de New-York et Patron aussi bien de la Fédération de Yoga d'Amérique du Nord que de la Fédération de Yoga des Etats Unis; Swami Buaji a été élu Président d'Honneur de la Federation Internationale de Yoga et du Concile Mondial du Yoga (World Wide Yoga Council)..
Qu'il ait (en 2008) 112 ou 122 ans ne change pas grand chose au fait que sa pratique assidue d'un régime exclusivement frugivore et son exercice continu du hatha yoga témoignent en faveur de l'effet de ces pratiques sur la longévité. Récemment ses proches ont obtenu qu'il consente à manger aussi des céréales. Il convient de remarquer que Swami Bua se souvient de faits anciens peu marquants (par exemple, nombre de détails concernant le Dr Auriol qui l'avait rencontré en 1971). Il reste capable de répondre à des questions spirituelles, de donner des enseignements sur la vie morale ou sociale, de démontrer son humour, de prendre des initiatives et de voyager, comme par exemple cette tournée éprouvante en Inde effectuée dans la première moitié de 2008. A cette occasion, il ne s'est pas privé de visiter de nombreux centres de Yoga, temples et ashrams, de participer à des réunions en petit ou grand groupe, de monter des escaliers, marcher dans la foule, etc.
Nous devons citer aussi le 120 ° anniversaire de "Acarya Sri T Krishnamacharya" qui a été le Maître de Desikachar (5 Décembre 2008). |
Il est vrai, qu'en dehors de la pratique assidue du yoga, certaines personnes peuvent jouir d'une vie très longue et sans accroc à leurs facultés.
Van Lysebeth dans la revue Yoga, publie les photos d'une personne âgée de 72 ans. Son Hatha-yoga paraît exemplaire; elle n'avait débuté que quatre ans auparavant dans cette discipline5!
A regarder le tableau 2 ci-dessous, il semble cependant que les résultats "thérapeutiques" obtenus décroissent sensiblement avec l'âge! Cette constatation ne saurait, a priori, surprendre outre mesure : à ma connaissance toutes les formes de thérapie reconnaissent une moindre rentabilité au-dessus de 35-40 ans (6).
Tableau 2
AGE |
l5 - 24 |
25 - 34 |
35 - 44 |
45 et + |
Résultats BONS |
70 % |
55 % |
53 % |
40 % |
Résultats MEDIOCRES |
30 % |
45 % |
47 % |
60 %
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RESULTATS SELON L'AGE
On peut tenter également une justification biopsychologique logique de ce phénomène. Plus un sujet est jeune, plus il semble capable de plasticité à tous les niveaux; plus il est âgé, moins il semble apte à remettre en question les conditionnements, les habitudes, les mécanismes de défense, les structures profondes ou superficielles qui font la trame de Sa personnalité. La cicatrisation des plaies elle-même obéit à la loi de l'âge, la souplesse et l'élasticité de la peau, etc.
Le tissu nerveux échappe d'autant moins à cette règle qu'il semble incapable de régénérer l'une de ses précieuses cellules lorsqu'elle est détruite. Tous les tests d'apprentissage psychomoteur sont sensibles à ce phénomène quel que soit le niveau intellectuel des sujets considérés.
Chez la personne âgée et d'autant plus qu'elle le sera, on se montrera prudent, n'oubliant jamais que la moindre souplesse du tissu pulmonaire et vasculaire (athérosclérose, sclérose bronchique, ébauche d'emphysème) explique la moins bonne tolérance du sujet âgé au défaut d'oxygène; en cas d'effort exagéré s'ajoute le risque d'oedème pulmonaire de surcharge (exercices respiratoires de rétention).
On se souviendra aussi de l'usure des cartilages et des os qui va avoir pour conséquence la possibilité de dégâts importants pour des traumatismes modérés (ostéoporose) et l'existence de modifications notables au niveau de la colonne vertébrale, lieu d'exercice constant des postures.
Néanmoins, la pratique quotidienne montre que le Yoga est souhaitable chez le sujet âgé : à condition d'être très modéré et progressif et après avoir étudié, Si besoin radiologiquement, la structure du rachis. L'exercice en général - mais le Yoga plus encore - restent d'excellents moyens de lutter contre le vieillissement et son cortège de maladies. De même des savants soviétiques, après des recherches poussées et minutieuses, affirment qu'il faut conseiller chez les personnes âgées des exercices physiques pas trop intenses et pas trop longs, comportant une charge émotionnelle suffisante mais non exagérée et une grande variété des impressions
Le manque d'exercice chez la personne âgée entraîne une sorte d'atonie et de non réactivité endocrinienne très dommageable aux sujets que le Pr. Bourlière appelle " institutionnalisés ". En fait, comme le remarque Berthaux, le vieillard ne présente pas une moindre sensibilité aux hormones mais il tend à moins se servir de ses glandes endocrines. Le rapport (17 cétostéroïdes / 17 hydroxycorticoïdes) en particulier retrouverait une valeur normale lorsqu'on le soumet à un entraînement physique convenable ...
Le Hatha-yoga est pratiqué dans le cadre de l'Université du 3° âge à Toulouse et Montauban. D'autre part, toutes les techniques du Yoga utilisant différentes formes de concentration, de réflexion ou d'attitude dévotionnelle (à l'exclusion des postures et respirations), ne peuvent avoir que d'excellents effets pour le vieillard qui les pratique avec conviction.
Classiquement il n'est plus question de psychothérapie profonde au-delà de la cinquantaine alors que les symptômes d'anxiété, l'hypochondrie, les états dépressifs fleurissent. La chimiothérapie ne peut être prescrite qu'avec une extrême prudence (de l'aveu de ses plus chauds partisans).
Les vieillards hospitalisés voient leur comportement se détériorer rapidement après leur admission de telle sorte qu'une forte proportion d'entre eux devient grabataire. On sait qu'un ensemble de mesures du type " animation " ou " psychothérapie préventive " (ludothérapie, sociothérapie, ergothérapie, etc.) prévient cette déchéance progressive. On s'excuse de ne pas mettre en oeuvre cette prophylaxie en invoquant son cou t élevé. Une étude de Raymondis montre qu'il s'agit plutôt d'un prétexte destiné à masquer le manque d'imagination et d'intérêt:
en effet un grabataire exige pour un confort similaire 180 minutes de soins infirmiers par jour alors qu'un vieillard valide ne mobilise le soignant que 60 minutes (1/3 de temps). Le Hatha-yoga représente une des techniques les plus efficaces, les moins chères et les plus faciles à mettre en oeuvre, à condition de permettre à une infirmière, à un infirmier ou un kinésithérapeute (etc.) de se donner la formation adéquate.
Quelques arguments en faveur de cette technique chez l'hémiplégique
spastique en phase de rééducation pourraient se déduire des travaux actuels
sur l'importance de la tension musculaire de sens opposé au mouvement chez l'hémiplégique
(muscles antagonistes). Mais ce serait entrer sur le terrain neurologique qui
est en dehors de notre perspective immédiate...
II. LE YOGA ET L'ENFANT
Lors de son enquête auprès des Professeurs de Yoga, M. Lacheny remarque que les 110 élèves interrogés sont tous des adultes. Mais lorsqu'elle demande à 45 Professeurs à quel âge il est souhaitable de commencer la pratique du Yoga, elle obtient les réponses suivantes
Les Japonais préconisent et utilisent dans leurs collèges attachés à certains couvents bouddhistes la méditation "zen" en position assise dès l'âge de 7 ans! Les " gourou " indiens ne préconisent pas, à ma connaissance le Hatha-yoga avant l'âge de dix, douze ans. La pratique du Yoga à titre thérapeutique chez l'enfant n'a pas fait jusqu'à ce jour l'objet d'une étude systématique. C'est donc sous réserve d'expériences ultérieures approfondies que je peux donner ici quelques indications issues des recherches de Madame Reuillard(9).
Son travail auprès d'enfants orphelins israélites entre 1945 et 1953 n'a pas donné lieu à évaluations précises; les institutrices disaient fréquemment que les enfants étaient considérablement " calmés " par le Yoga; il s'agissait de sujets en classe de perfectionnement, retardés au point de vue scolaire quoique de niveau intellectuel normal; les événements auxquels ils avaient été mêlés étaient à l'origine de leur nervosité, leur instabilité psychomotrice, leur turbulence...
L'expérience thérapeutique menée à Nice pendant six ans (64-70) s'adressait à des enfants psychotiques. Elle met en évidence des différences considérables entre gymnastique et Yoga : on a l'impression qu'après une séance de gymnastique, l'enfant se dit " ouf! C'est fini! " ... En Yoga au contraire cela semble continuer " dans leur tête ". Certains observateurs allant jusqu'à dire " c'est comme une drogue " .
Lorsqu'une thérapie d'expression (en particulier d'orientation psychanalytique) est pratiquée en même temps que la cure de Yoga ou après elle parait se dérouler plus rapidement et comporter moins de difficultés. Par contre, il semble que les enfants ayant, dans un premier temps, bénéficié de séances de psychodrame analytique, accrochent moins bien en Yoga.
Au point de vue pratique, il convient d'être à l'écoute des possibilités réelles de l'enfant ou de l'adolescent, de sa mentalité dans l'instant, afin de ne pas accepter que l'adolescent force ses possibilités (tendance à "se dépasser "(10) ou que l'enfant se dégoûte en raison de trop de monotonie ou de trop de durée pour chaque posture.
Les exercices posturaux du Yoga présentent un intérêt particulier pour mettre en évidence et corriger les dyscoordinations bras-jambes qui ont, selon Mabille, autant d'importance, dans les troubles du schéma corporel que les dyscoordinations droite-gauche. Certains troubles de l'élocution, comme le bégaiement, cèdent à la rééducation inspirée du Yoga après avoir résisté à une rééducation orthophonique d'aspect plus logique.
Depuis janvier 1969, Maud Forget traite des enfants 'débiles' en leur dormant une leçon par semaine de une heure. Elle aurait déjà, au bout de six mois, obtenu des résultats qu'elle qualifie de remarquables. Elle insiste notamment sur l'intérêt de cette pratique chez les trisomiques 21 ("mongoliens") dont l'hypotonie leur permet de réaliser tous les asanas courants sans aucune difficulté.
Leneven a également mené une expérience de plusieurs années au Centre de La Mandoune (I.M.Pro.). Les élèves de ce Centre sont âgés de 13 à 17 ans, leur Quotient-Intellectuel serait compris entre 65 et 85 (le 'Q.'. normal' est théoriquement de 100; redisons combien il est discutable d'utiliser le 0.1. en dehors de buts théoriques, c'est-à-dire pour ventiler des enfants en tel ou tel établissement). Leneveu, dans son rapport, écrit :
" Nous avons rencontré des difficultés d'ordre matériel et d'ordre psychologique. Certains élèves, bien que coopérants, se montrent agités, instables, dépourvus de concentration, s'exclamant par exemple à l'adresse du voisin : "regarde, moi, je le fais bien mieux que toi". Cependant cette attitude diminue progressivement et c'est dans un calme absolu que se déroule la séance après deux mois d'entraînement.
"Le professeur participe en effectuant les différents exercices ou postures en même temps que les élèves. Cela a un avantage évident : la valeur d'exemple qui a un très gros impact psychologique sur l'attitude des élèves; mais cela comporte aussi un inconvénient: lors de l'exécution des postures il est fréquent d'observer des conciliabules incontrôlés ".
Un entretien à caractère non directif avec les élèves a permis de constater que :
Plusieurs décrivent un optimisme accru, une plus grande joie de vivre.
" Or nos élèves ont eu de nombreux échecs avant d'aboutir à notre centre et la confiance accrue en leur propre valeur semble un atout important dans l'action éducative ".
Effets observés sur l'ensemble de la classe: on note une diminution
de l'instabilité et de l'agressivité gratuites, une meilleure attention et une
meilleure participation aux activités de groupe. On observe plus de facilité
dans les activités de type psychomoteur, les travaux manuels, etc.
III. LE YOGA ET L'INTELLIGENCE (11)
A la question " Le Yoga est-il réservé aux personnes d'intelligence normale ou supérieure? " Mme Forget a répondu non, s'il s'agit d'un Yoga limité aux postures et respirations simples(12) .
Il nous est apparu que les 'résultats cliniques' sont meilleurs
à la fois pour les sujets 'débiles' et pour les sujets 'doués'(11) . C'est là
un des intérêts de la yogathérapie, comme des autres psychothérapies non-verbales,
à l'égard des personnes trop ou trop peu "raisonnables ". L'organisation
de la personnalité 'débile' est peu sensible aux formes verbales de psychothérapie
par déficit de compréhension et d'analyse. Le surdoué par contre comprend ce
qu'on lui dit, mais il comprend trop bien et ses 'résistances' seront plus complexes,
subtiles et rusées' utilisant sa virtuosité dans le maniement des concepts comme
chemin de fuite à l'affrontement de ce qui est, pour lui, réellement en question.
IV. LE YOGA EST-IL RESERVE AUX FEMMES?
Comme la messe chez les catholiques, le Yoga semble attirer davantage les femmes que les hommes...
A l'inverse des 'sports' - notamment sports de compétition - qui rassemblent généralement1 tant au niveau de la pratique qu'en considération du nombre de spectateurs plus d'hommes que de femmes.
Il convient de remarquer tout d'abord qu'une des devises du sport pourrait être 'vaincre', une des devises du Yoga étant plutôt 'se maîtriser'. La première attitude est tournée vers le monde objectif, extérieur, vers l'autre comme obstacle, la deuxième attitude
répondant plutôt à une recherche intérieure, le monde subjectif, l'autre comme 'source de progrès', terme d'harmonie, etc. Le sport semble 'actif', le Yoga 'passif'...
Au niveau 'physique' le sport demande certaines aptitudes et développe certaines données anatomiques
Le Yoga paraît d'autant plus accessible qu'on jouit d'une plus grande 'souplesse' et que la 'force' y est peu utilisée.
Au niveau esthétique, le sport donne de 'beaux mâles' mais transforme parfois les femmes en 'virago'. Le Yoga en harmonisant les formes, en assouplissant les mouvements, en distribuant les masses de manière plus physiologique contribue plus à l'impression de grâce qu'à celle de virilité. Autant dans sa texture que dans ses conséquences esthétiques, voire psychologiques ou sociologiques, le Yoga semble destiné à épanouir plutôt la 'femme' que I' 'homme'! (je reste dans le contexte socioculturel de la civilisation occidentale puisqu'en Orient jusqu'à une époque récente, le Yoga était essentiellement le fait des hommes).
Dans la population que nous avons étudiée, nous trouvons 60 % de femmes contre 40 % seulement d'hommes. Les conditions particulières de recrutement de cette population ne doivent pas nous inciter à croire qu'il s'agit d'un hasard. La même distribution (majoritaire pour les femmes) se retrouve dans les salles de Yoga en ville(13). Cela tient à mon avis, avant tout au stéréotype occidental de la 'virilité', notion toute imprégnée de 'force', de compétition, d'activité plus ou moins violente (" le rugby, ça c'est du sport! "). Il faut que l'homme se montre rentable, extraverti, dominateur(14), etc.
Freud note que l'opposition "actif-passif " se fond dans l'opposition masculin-féminin, qui pendant une certaine période de la psychogenèse n'avait eu aucune signification. Cette soudure de l'activité avec la masculinité, et de la passivité avec la féminité existe, en partie, comme fait biologique, mais ce fait n'est en aucune manière aussi régulièrement impératif et exclusif que nous sommes enclins à l'admettre(15). Aujourd'hui l'égalisation des sexes passe par une "activation " de la femme et une "passivation " de l'homme, mais en ce domaine les idées émises, les modes vestimentaires ou même les lois sont bien souvent en avance sur les stéréotypes qui sous-tendent nos modes de réaction! Il n'est pas étonnant que les femmes acceptent mieux une thérapeutique d'aspect 'féminin' parce que d'aspect passif. Il n'est pas étonnant que les hommes s'y intéressent moins. En fait ce n'est pas de l'opposition actif-passif seulement dont il s'agit, mais aussi "sujet-objet" : l'avoir de l'homme est souvent de biens au soleil ", celui de la femme souvent de charme, douceur, tendresse, grâce, sex-appeal, etc.
Le degré de participation évalué pour chaque sexe séparément suggère la plus grande conviction des femmes.
Par ailleurs, l'évaluation des résultats par des tiers indique que les femmes retirent plus de bénéfices du Hatha-yoga que les hommes.
Ces observations ne doivent pas nous induire à
des conclusions définitives puisque G. Bompart, quant à elle, reçoit dans ses
cours une majorité d'hommes...
V. LE YOGA, COMBIEN DE TEMPS?
Il semble qu'on puisse distinguer différents "effets" du Yoga, dans une vue très globale, en fonction de la durée de la cure de yogathérapie :
2. après huit jours, quinze jours de pratique, certains troubles neurovégétatifs disparaissent (intestin paresseux, oppression respiratoire, palpitations cardiaques, etc.).
Si une nette amélioration s'est manifestée, elle ne doit pas faire crier au miracle : en effet j'ai vu des améliorations spectaculaires amener le sujet à affronter des situations qui le dépassent et à s'entêter dans de tels affrontements, sans se rendre compte qu'il accumulait des dettes en 'énergie' ou qu'il se faisait illusion sur les résultats de son combat. La chute n'en était que plus brutale, pouvant éventuellement aller jusqu'au suicide, d'autant que, 'fortifié', le sujet avait généralement abandonné la pratique du Yoga... Il semble dans l'état actuel des choses qu'on doive considérer le "Yoga" comme un 'traitement' suspensif et symptomatique plutôt que 'curatif'. Ceci bien évidemment dans la mesure où les phénomènes de groupe, l'expression corporelle, la psychothérapie verbale du sujet et de sa famille ont été, trop peu, ou trop mal utilisés conjointement (16) .
VI. LE YOGA, THERAPIE DE QUOI?
Si l'on se réfère à un ouvrage comme celui de Iyengar (17), très recommandable en ce qui concerne les techniques décrites, on ne manquera pas de s'étonner des prétentions thérapeutiques qui y sont énoncées, sans que soit apportée d'argurnentation expérimentale, ou 'scientifique'. L'auteur indique seulement que l'expérience de sa pratique lui a enseigné la valeur du Yoga concernant 88 rubriques telles que :
- acidité, anémie, appendicite, arthrites, asthme, hypertension. Artérielle, troubles de la mémoire, bronchite, broncho-pneumonie, déplacement du coccyx, colite, constipation, thrombose coronaire, diabète, cardiomégalie déplacements de disques intervertébraux, hernies, indigestion, insomnie, troubles menstruels, lumbago, catarrhe nasal, spermatorrhée, tuberculose, ulcère gastro-duodénal, varices, etc.
Pour chacune de ces rubriques, il décrit un certain nombre d'exercices posturaux ou respiratoires susceptibles d'apporter une amélioration au patient. Je me garderai d'affirmer qu'il n'y a pas là des affirmations gratuites; il ne faut pas davantage, à mon sentiment, afficher trop d'ironie goguenarde à ce propos. Le 'vrai' et le 'faux' sont ici impossibles à distinguer si nous ne nous astreignons à une étude 'expérimentale' et 'scientifique' méthodique de chacun des exercices en fonction de chacun des symptômes ou de chacune des maladies!
On a longtemps. souri de l'acupuncture, elle prête actuellement moins à l'ironie; quoi qu'il en soit de l'impression que peuvent donner les affiliations enthousiastes des praticiens de ces disciplines, la science médicale n'a plus le droit ni le pouvoir de les ignorer et doit au contraire s'attacher à une étude enfin rigoureuse des mécanismes en jeu et des résultats mesurables...
Deshmukh18 a pu montrer l'intérêt thérapeutique de certains exercices sur l'hypertension artérielle 'essentielle' (c'est-à-dire non liée à une lésion rénale ou surrénale, ou à une sténose isthmique).
Reinharez (Paris) a obtenu des améliorations très nettes chez ses malades atteintes de varices.
Benson(18) a insisté sur l'intérêt de la M.T. (Méditation Transcendantale), et de sa propre technique pour prévenir ou traiter les effets du stress au niveau cardio vasculaire (hypertension, athérosclérose, angor et infarctus, hémiplégie).
J'ai pu, quant à moi(18), esquisser une preuve statistique de l'action du Hatha-yoga sur les obésités et les maigreurs.
Weldon(18)a montré que la M.T. fait maigrir les sujets obèses.
Chabaud estime que c'est la respiration 'solaire' (inspiration par la narine droite, expiration à gauche) qui est la plus efficace pour renforcer l'homéostasie pondérale. Il donne l'exemple d'un homme de 40 ans, mesurant 1,81 m qui passa, par ce procédé, progressivement, de 92 kg à 76 kg (résultat vérifié sur cinq années). Pour expliquer cet effet, on doit faire intervenir une régulation du système neuro-hormonal responsable du dipôle faim-satiété. Cette régulation par le Yoga n'est: pas très durable, elle cesse très vite lorsqu'on interrompt la yogathérapie mais n'est pas forcément à lier à un mécanisme de régulation "court" de la faim-satiété, et spécialement à des phénomènes de la série uniquement glycostatique(19). Ces derniers interviennent peut-être dans la mesure où certains sujets qui pratiquent le Yoga de manière intermittente, remarquent que la séance est suivie soit d'une augmentation de l'appétit par rapport à ce qui leur est coutumier, soit d'une diminution, ceci dans le repas qui succède immédiatement à la séance... Cependant l'observation clinique montre qu'en dehors de ces quelques cas - isolés - la régulation de l'appétit passe souvent inaperçue à l'observateur et n'est révélée que par la pesée : nous pensons que cela est ainsi en raison d'une action progressive et s'étendant à tous les repas (et pas uniquement aux repas suivant la séance).
Plusieurs travaux ont montré l'effet de la respiration uni-nasale ou alternée sur la mémoire spatiale, la force de préhension, etc. Cependant, contrairement à ce que nous pensions, cet effet ne semble pas latéralisé, il s'exerce de manière assez similaire que l'on utilise la respiration par la narine droite, par la narine gauche ou la respiration alternée entre les deux narines. |
D'autres applications du Hatha-yoga, bien étayées par les faits, ont été également publiées :
L'exercice de respiration alternée a une grande efficacité sur les sinusites et les rhinites à bascule..
L'action sur la constipation de certaines postures est très évidente; je rappellerai ici l'observation d'un groupe d'infirmières à qui nous avions laissé le choix de la posture à exécuter et du temps à y consacrer. Elles adoptèrent la position de la charrue (halasana) que la tradition recommande dans les troubles du transit intestinal; de fait, toutes les participantes durent se rendre aux w.c. après la séance; plusieurs qui souffraient de constipation habituelle exprimèrent leur vive satisfaction...
On aperçoit là que le symptôme "constipation" est très souvent le résultat à la fois du manque d'exercices et de postures en flexion, mais aussi le résultat de l'invention peu physiologique des civettes de wc surélevées ! (cf encart ci-dessous) | |
Ginacor a breveté un siège de WC favorable à une défécation plus aisée. Il donne le choix entre
Ce dernier système, les WC turcs, est tellement plus simple ! Il est assurément le plus naturel et le plus recommandable. Cependant, il a l'inconvénient d'imposer à des personnes, qui n'y sont plus habituées, de s'accroupir pour exonérer leur intestin. La marque "Patel" a aussi conçu un système permettant le choix entre la position de siège élevé et celle des WC turcs : il s'agit alors de mettre les pieds sur les rebords très élargis de la cuvette, dont on relève au préalable la lunette. Si cette gymnastique parait problématique, on choisit de s'asseoir comme il est habituel sur le rond de cuvette. |
January 21, 2006; Patent Eases Elimination
(Ah, What Sweet Release)
Ginacor, Inc. has patented and is now ready to market its HealthStep bathroom device for enabling effective bowel elimination. An article at send2press.com reports that Ginacor, Inc. has also received the approval of U.S. Food and Drug Administration (FDA). HealthStep helps a person eliminate with less effort and is a blessing for all who are suffering from hemorrhoids, constipation, bloating, and other acute forms of bowel disorders. Following doctor recommendations (not to mention common sense) that the best posture for eliminating bowels is the squatting position, this simple invention follows the squatting tradition. Ginacor is based in Seattle, WA. HealthStep is an anatomically engineered device that has precisely angled foot rests for positioning the body for complete elimination and at the same time maintains the convenience and comfort of the modern toilet. The medical product also reduces the pressure in the anal and rectal veins, opens the pelvic area, straightens the colon, and permits both the gravity and gentle pressure from the diaphragm to expel the intestinal contents without excessive straining. |
Sargent a montré que la visualisation d'enregistrements de la température cutanée, mesurée à la fois au niveau du front et des mains, permettait à des sujets migraineux, rebelles à de multiples traitements, d'apaiser et de guérir leurs accès de maux de tête, en réduisant la circulation au niveau des vaisseaux superficiels de la tête.
La M.T. a également une action sur la migraine et sur la vascularisation des membres qui est augmentée. De même, d'autres techniques de relaxation (technique Benson(18). ou Training Autogène).
La MT bénéficie des nombreuses études scientifiques qui lui ont été consacrées. On doit cependant apporter ici deux bémols :
Si les techniques du Yoga renforcent l'homéostasie de l'organisme à tous les niveaux d'observation comme bien des arguments semblent le prouver (régulation du pouls, de la respiration, du poids, de certains paramètres du chimisme sanguin, etc.), il devient probable que la " santé " dans son ensemble est, non seulement souvent restaurée, mais plus, qu'elle est renforcée, l'organisme devenant mieux capable de supporter les stress, agressions de toute nature que l'origine en soit physique, chimique, psychologique ou sociale.
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° °
La pratique assidue des exercices respiratoires, posturaux et de la relaxation entraîne une mise en question plus ou moins évidente des rapports entre le 'sujet' et son 'donné empirique'; une interrogation se dessine du sujet sur Sa vie, sa façon de Se voir, de voir la 'vie', de voir le 'monde'... Une certaine façon de tricher avec sa propre existence devient impossible, à tel point que si je ne peux accepter de reconnaître ma tricherie, j'abandonne les exercices du Yoga! Le Yoga, s'il dure, est un " anti-divertissement "(23); il m'oblige à prendre conscience de cette étincelle de responsabilité qui fait de moi plus qu'un mécanisme, huilé ou grinçant. Qu'il soit huilé ou grinçant - que je sois bien ou mal dans ma peau - n'a que peu à voir avec cette prise de conscience, qui est aussi une prise de distance et un appel à la consistance. Je crois à la valeur thérapeutique de cette prise de conscience: même si la guérison de mes symptômes n'est que transitoire, incomplète, fragile, incertaine, même si auparavant je n'avais pas de symptômes!
H. Landier, spécialiste de la " sémantique générale " de Korzybski, écrivait dans une note polycopiée: " Personnellement et jusqu'à aujourd'hui, je n'en ai pas rencontrés des techniques, des sciences, des philosophies) qui m'aident autant que la Sémantique Générale... empiriquement et à mon avis. A condition non de " parler ", mais de faire et de faire ici-maintenant, car aujourd'hui est le premier jour du reste de ma vie ".
Faire ici-maintenant, le Yoga ne dit pas autre chose, mais il amène à se demander " faire quoi? Pourquoi faire? " . Quelle réponse? Sinon quelque chose d'indicible, implicite de l'implicite, désir des désirs, non pas conjonction de mes désirs, mais leur jaillissement instantané, désir toujours présent, le plus souvent méconnu, jamais saisissable car si je le fixe ou veux m'en souvenir, il n'est plus qu'un état d'âme incertain à la racine de celui qui était hier et qui n'est rien car je suis maintenant...
J'ai tenté ailleurs d'être plus classique, plus clair en parlant d'un processus tendant à transformer 1' " angoisse névrotique" en la ramenant à 1' " angoisse existentielle". Cette formulation n'est pas tout à fait absurde, elle reste très insatisfaisante et je préfère vous demander de non-agir pendant quelques secondes... .
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(figure 1)
La séance de Yoga peut ressembler à cela : une heure qu'on se donne dans l'inaction vigilante, loin du tumulte. de la rue, loin des batailles qui m'habitent, loin de tout ce qui remue, s'agite, s'époumone, loin du mépris et de l'admiration, de l'amour et de la haine, fixé en corps et en respiration au coeur de ma vie biologique, psychologique, " nousologique "... Et les phrases sont trop-pas-assez pour communiquer une expérience que vous connaissez mais que vous risquez de dénommer autrement ou de refuser : elle ne donne pas prise au vent logique et défie la poésie elle-même.
L'exploitation thérapeutique de l'angoisse existentielle comme dépassement de l'angoisse névrotique est très présente - me semble-t-il - dans la technique de Morita (25). Il s'agit d'une succession d'étapes préétablies dans leur qualité et leur durée : isolement quasi absolu, puis contacts avec le thérapeute et le groupe. Travaux durs puis plus légers, etc.
Morita a pu montrer que sa technique était extrêmement efficace, en particulier chez les obsessionnels, les phobiques, les asthéniques. Il ne la propose pas aux hystériques ni aux psychotiques dissociés.
Cette technique s'enracine profondément dans la culture japonaise, comme la pratique du Zazen, pratique elle aussi profitable à nombre de névrosés. Je crois que le Zazen " guérit " le névrosé de la même façon que la technique de Morita. De quoi s'agit-il pratiquement?
Voici la présentation qu'en fait Taisen Deshimaru :
" Zazen est l'art de s'asseoir pour obtenir le calme absolu de l'esprit. Ce n'est ni un raisonnement, ni une théorie, ni une idée. Ce n'est pas un jeu dialectique, ni un concept philosophique. C'est essentiellement une pratique. L'efficacité de Zazen repose essentiellement sur la correction de la posture. Une mauvaise posture peut être dangereuse, tant sur le plan physique que sur le plan psychique. Si la posture est surveillée et corrigée par le Maître, Zazen devient alors réalisation quotidienne du silence intérieur, vraie liberté de l'esprit et le chemin de la sagesse suprême . "
" Vraie liberté ", " sagesse suprême " : mirage vertigineux ? je préfère y voir mon désir fondamental peut-être le vôtre? - d'unification, de bonheur, de plénitude. La reconnaissance de ce désir n'est pas un mirage, c'est déjà liberté, sagesse, ouverture, vérité, sommet... à l'instant où cela est vécu! Instant dont je ne peux me rendre maître sans voir la fumée et les cendres me rester dans les doigts alors que j'avais cru saisir la flamme...
Tout cela par le simple fait de s'asseoir de manière orientale ?
Tout cela par le simple fait de s'arrêter, de fixer son corps de manière stable, sans effort et sans confort, sans raideur ni laisser-aller, sans somnolence ni excitation, sans agitation d'aucune sorte, intérieure ou extérieure. Oui.
Lasalle, qui a longtemps pratiqué Zazen sous la direction de Maîtres Japonais, déclare (26) : " Facilité d'obtenir un recueillement profond, une concentration d'esprit intense sur l'activité réalisée à l'instant présent, paix intérieure et domination de soi, malgré tous les tracas et responsabilités, disparition de l'anxiété, des modalités dépressives de l'humeur, de la crainte et des sentiments troublants, contentement ininterrompu qui habitue à jouir de tout son être de tout ce qui est beau et bon, disparition des troubles corporels mineurs. Ces effets existent toujours : au début de manière intermittente et peu solide, par la suite sans aucune altération".
La pratique du Zazen ou du Yoga n'a pas seulement un effet instantané (comme la prise à intervalles fixes de comprimés de tranquillisants ou d'antidépresseurs), il s'agit plutôt d'une évolution avec des apparences de " paliers " qui ne sont pas forcément stagnation. Ces paliers sont nécessaires à de soudaines " mutations ", modifications apparemment brutales et inopinées, comme sont les expériences décrites sous le nom de " satori ", illumination, " samadhi ", etc. Elle n'est pas immédiate cette découverte de l'unité, de la coïncidence avec soi-même, etc.
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La pratique par des 'malades' des exercices du Yoga a-t-elle d'autres conséquences? Plus précisément, peut-on constater une évolution de la personnalité dans le sens d'un meilleur 'équilibre'
- ressenti par le sujet,
- observé par l'entourage?
J'ai déjà donné quelques résultats très globaux qui vont dans ce sens; il convient de voir si les résultats sont plus ou moins intéressants en fonction des 'maladies' diagnostiquées par le psychiatre (27).
J'ai montré dans ma Thèse (1970) que, à en juger d'après les observations du personnel soignant, le Yoga paraît nettement plus souvent utile aux 'non-psychotiques' qu'aux 'psychotiques' (41 % contre 25 %).
Si on se fie à l'avis des patients eux-mêmes, on remarque que ceux qui l'estiment le plus bénéfique sont, dans l'ordre les 'névrosés', les 'épileptiques' et les 'caractériels', puis les 'prépsychotiques', enfin les 'psychotiques et les 'déséquilibrés psychopathes'. Les 'psychotiques' débloqués par le Yoga doivent nécessairement bénéficier d'un "milieu" psychothérapique. C'est-à-dire qu'on soit capable de les écouter, les comprendre, les accompagner.
Comme la famille est, souvent, moins disposée à comprendre ce qui se passe que des personnes sans attache directe, on doit proposer des " réunions de famille " simultanément à la cure de Yoga. Ces réunions auront un but de thérapie (traiter les conflits familiaux inconscients, les lois contradictoires auxquelles est soumis le patient, etc.), qui succédera ou accompagnera un rôle informatif.
Depuis la découverte des médicaments psychotropes, les psychiatres ont été plus ou moins amenés à moins parler de maladie et davantage de "symptômes". En effet il existe des médicaments " antidépresseurs " efficaces contre toutes les dépressions, quelle que soit la "maladie " du sujet : dépression réactionnelle, névrotique, chez un schizophrène ou dans la mélancolie, etc. dès lors, il est peut être utile d'étudier si le Yoga n'a pas - lui aussi des " symptômes cibles."
Lorsque je subis une frustration donnée, mes réactions ne sont pas forcément de la même nature, ni de la même intensité, que celles de mon voisin. On parle d'une " tolérance à la frustration " plus ou moins grande. Il semble que le Yoga soit un moyen efficace pour augmenter cette possibilité " d'encaisser. " Par rapport à moi-même, j'ai pu constater que si une frustration quelconque m'a mis de mauvaise humeur ou m'empêche de dormir, quelques minutes de Yoga - parfois seulement quelques respirations contrôlées - pourront suffire, en remettant les choses à leur place, en me permettant de prendre du recul, à me donner une sérénité renouvelée et une autre vision des choses; vision telle que je pourrais l'avoir, à la limite, si j'étais un observateur neutre et bienveillant de la même situation dans laquelle se trouverait un autre individu.
Ces lignes que j'écrivais il y a huit ans restent vraies, mais il faut ici réfléchir à toutes les données résultantes : prenant une attitude plus " froide ", plus " objective " à l'égard de ce qui se passe, je pourrai sans doute agir plus efficacement sur mon milieu de vie, sur les gens que je rencontre, etc. : Si cette action moins " caractérielle " me donne plus d'efficacité par rapport aux choses et par rapport aux gens, je vivrai mieux.
Si la réalité ne suit pas, je veux dire sije suis caractériel et que devenu " calme ", l'entourage m'oublie, m'ignore, etc., je serai alors tellement " frustré ", et tellement " globalement ", que je ne ferai plus de Yoga, cause, en fin de compte, d'un mal pire que celui qu'il me promettait de guérir.
De même si je joue de ma sérénité, si je n'utilise le Yoga que pour contrôler l'expression de mes émotions : le jour où je les exprimerai enfin, quelle expression!
J'insiste ici encore sur l'impérieuse nécessité que le Yoga ne soit pas une thérapeutique isolée, il y a une absolue nécessité d'aider le Sujet à se taire puis à par1er, à fixer son corps puis à le mettre en mouvement, etc. la faculté de se maîtriser ne doit pas devenir une obligation de le faire, la possibilité de se taire ne doit pas devenir une interdiction de parler, etc.
C'est d'ailleurs dans cet esprit que je propose d'associer systématiquement au Yoga thérapeutique quelques exercices d'expression corporelle très libre remplacés de temps à autre par des échanges verbaux au sein du groupe de Yoga. Ceci sans parler du nécessaire dialogue avec les 'malades' en dehors des séances...
On constate chez les sujets pratiquant le Yoga depuis plus de deux mois que les tendances agressives sont moins manifestes; le passage à l'acte (insultes, coups, bris d'objets, etc.) diminue fortement L'énergie constituant cette agressivité n'est pas perdue, mais se retrouve au niveau d'une augmentation de l'activité " utile " personnellement et socialement.
De même la dépression, qui est - pour ainsi dire - une auto-agressivité est souvent diminuée, toujours au profit d'une activité orientée vers une transformation de la situation, la création de nouveaux liens affectifs, la considération moins grande pour le " perdu ", plus grande pour le " à gagner ". On observe que les sujets se montrent plus souvent capables d'indépendance, d'initiative, de responsabilités, etc.
Dans un tiers des cas, l'anxiété manifeste est très amoindrie, les événements passés ou présents sont considérés avec sérénité, la peur irréaliste cède à un comportement moins timoré, moins égocentrique, etc.
Certains de ceux qui semblaient avoir perdu tout élan vital semblent renaître.
On constate également la diminution de l'introversion - pathologique et de l'autisme.
L'action sur la connaissance-utilisation du corps est spectaculaire dans 14 % de nos cas, remarquable dans 22 % ; elle existe aussi dans le reste de notre population à un moindre degré : les gestes deviennent plus harmonieux, les sentiments de dépersonnalisation disparaissent, les troubles fonctionnels du tube digestif sont amendés.
D'un point de vue caractérologique, il semble que les sujets réputés non-Actifs tendent à devenir Actifs, les sujets Primaires à devenir Secondaires, les sujets Emotifs à devenir non-Emotifs. On peut donc dire qu'en première approximation le Yoga tend à transformer l'EnAP (nerveux) en nEAS (flegmatique). Cela ne veut sans doute pas dire autant qu'on serait tenté de le croire, en effet les institutions qui ont vu naître l'usage thérapeutique du Yoga s'efforcent à fabriquer en série - comme toutes les institutions psychiatriques jusqu'à une époque relativement récente - des sujets 'parfaitement adaptés' socialement: on sait que c'est le cas des flegmatiques... Le Yoga, je pense, permet aux sujets qui l'utilisent de se comporter avec plus de maîtrise de soi; pour la majorité des sujets, l'idéal institutionnel est intégré, soit à titre " diplomatique " , pour obtenir la sortie ou des avantages précis, soit à titre d'idéal personnel, pour combler le désir du collectif soignant. Quand l'attitude nouvelle liée au Yoga n'allait en ce sens " obligatoire", d'aucune manière,
soit l'institution priait le sujet de ne plus aller au Yoga: "cela vous fait du mal ",
soit le sujet se retrouvait dans les statistiques à la rubrique résultat médiocre, mauvais ou nul!
La M.T. a un effet assez net sur la toxicomanie et ce, d'autant plus qu'il s'agit d'une drogue dure. Il arrive qu'un méditant continue à fumer des cigarettes ou même du haschich après deux ans de pratique, mais s'il utilisait des opiacés ou des amphétamines, il est exceptionnel qu'il continue(28).
On a peu étudié l'action du Yoga sur le sommeil. Plusieurs études contrôlées sont en cours (Banquet). L'observation clinique, en attendant ces résultats permet quelques constatations préliminaires, bien résumées par Chabaud : " Amélioration dans la grande majorité des cas de la qualité du sommeil, augmentation de sa quantité chez les insomniaques. Par contre, diminution de la quantité de sommeil nécessaire chez les sujets dormant beaucoup. Endormissement et réveil sont facilités ". Chez certains insomniaques " la nuit qui suit la séance est marquée par une agitation plus forte. L'insomnie cédera de manière stable après quelques semaines de pratique régulière ".
"Dans quelques cas cependant où le sommeil était acceptable, des troubles assez importants sont apparus le soir même des séances, avec une sensation d'excitation " .
Dans un tel cas, il faut insister sur les postures sédatives comme la chandelle ou la charrue.
Ceci - comme lorsqu'il s'agit de troubles névrotiques transitoirement aggravés - suppose une forte motivation préalable du client afin qu'il n'abandonne pas l'expérience dans ces phases de " creux ".
Elles seront surtout liées à une motivation insuffisante (peu de désir " d'en sortir "), soit aux fragilités osseuses graves (ostéoporose très importante, cyphoses ou scolioses à angle trop aigu qui nécessitent corrections chirurgicales ou kinésithérapiques préalables), soit l'insuffisance cardiaque notable, les hernies non opérables ou non opérées, le catarrhe nasal (rhume de cerveau).
En fait ces contre-indications et toutes celles qu'on pourrait y ajouter. ne le sont pas du Yoga, mais de telle ou telle pratique Yoga.
Quant aux sujets 'psychotiques' ou 'borderlines'
souvent cités comme contre-indication, nous les considérons comme tout à fait
aptes - et plus que d'autres - à profiter du Yoga, les conditions de "milieu
" où ils évoluent étant le plus proche possible de l'acceptation.
NOTES
1. M. LACHENEY, " Yoga en France, quête et enquête ", Thèse de psychologie sociale, Sorbonne, 1970.
M.A. DESCAMPS prépare également l'édition d'une étude sociologique sur le Yoga, 1976.
2. Ce résultat est remarquable mais ne doit pas être systématiquement escompté : la pratique quotidienne me semble une nécessité impérieuse. Un seul cours par semaine peut suffire dans le cas où le sujet est suffisamment motivé et organisé pour exécuter des séances solitaires tous les jours. Dans le cas contraire on lui proposera de se rendre quotidiennement à un cours collectif.
3. La déminéralisation osseuse diffuse étant (cf. Médicorama, n°16, sept 1974, pp. 23-27) presque constante au 3ème âge, une
prudence pointilleuse devra présider aux exercices de Yoga qui devront toujours être modérés et adaptés aux capacités de chacun (Cf. ARNAL, 3ème Age, p.31, édité par Sandoz, 1975).
4. Il prétend également pouvoir inspirer et expirer en utilisant uniquement les canaux lacrymaux : Si le fait était vérifié, on pourrait dire " respire par les yeux? ! "...
5. Comme plusieurs auteurs l'ont remarqué, la vieillesse devrait être l'âge d'un travail intérieur d'affrontement serein à la mort et au dépouillement ; précisément le Yoga a été édifié pour répondre à l'impermanence, à la relativité à l'aliénation et à la mort (Cf. Actua, vol. II, 26, 6, 70, pp. 42 Sq. Texte de Pr. L. CIOMPI).
6. " Rentabilité " choquera sans doute certains lecteurs. Il est tellement devenu évident que guérison est un terme tout à fait relatif, variable selon l'idée qu'on se fait de la " santé mentale " . Il est employé ici dans le sens d' " adaptation reconnue par la société : il peut s'agir d'une autre forme d'aliénation, je n'en disconviens pas. Je crois seulement que si les modifications constatées sont réellement dues à la pratique du yoga le choix de s'adapter à la société est un choix du sujet et non du moniteur.
7. CURETON et coll., Intervention au Forum International de Zurich; compte rendu in M.P. 462(2), mars 1972. pp. 141 sq.
Cf. aussi PLAS, " Peut-on faire du sport à 50 ans ", in J. de Méd., CXLVII, art. 40721.
Cf. encore KOROBKOV et coll., " La culture physique des gens âgés ", Moscou, 1962, Ed. Culture Physique et Sport, pp. 258 sq.; compte rendu in C.M 89(5) 2, 1967, pp. 885 et sq.
8. F. BOURLIERE, in Symposium de Gériatrie, Paris, 1968.
BERTHAUX, ibid.
BAUMGARTNER, " Maintien fonctionnel et entraînement du système locomoteur ", G.M.F., 71 (1763-1776", 1964.
HANUS, " Anxiété chez les gens âgés ", Médicorama, 4, 1973.
9. Mme REUILLARD, Rééducatrice de la psychomotricité, 135 rue de France, 06 Nice. Ces indications sont tirées d'observations qu'elle a bien voulu me communiquer. Voir aussi: F. REUILLARD et Dr I. GUILLEMANT, " Maîtrise de soi et rééducation psychomotrice ", communication à la Journée annuelle de la psychomotricité (30-l1-1970), Paris; compte rendu abrégé in Information Psychiatrique, 1971, vol. 47, n° 3, p. 282.
10.Cf. Dr LL HELLER, Les âges de l'homme, Alsatia, Paris, 1949, pp. 47 à 80 et pp. 257.259. Tout cet ouvrage sera précieux à qui voudrait pousser la recherche dans le sens d'une adaptation nuancée de la technique en fonction de l'âge.
11.Dans notre thèse, nous n'avons pas recherché quel était le niveau d'études de nos clients.
M. LACHENY a établi, en 1968, les pourcentages suivants :
Tableau 3
% | Professeurs de Yoga | Elèves de Yoga |
Primaire | 16 | 20 |
Secondaire | 37 | 41 |
Supérieur | 31 | 30 |
Technique | 16 | 7 |
Pas de réponse | 0 | 3 |
12. M. FORGET, Yoga, route de la joie, Epi, Paris, 1975. Cf. aussi C. WATELLE Yoga et handicapés mentaux, Epi, 1976.
13. Dans son enquête, LACHENY (op. Cit.) trouve que si le nombre de Professeurs de Yoga hommes et femmes s'équilibrent "50 % -50 %), la proportion des élèves femmes est de 72 % contre 28 % d'hommes.
14. " Appeler les femmes 'le sexe faible' est une diffamation, disait GANDHI. C'est l'injustice de l'homme envers la femme. Si la non violence est la loi de l'humanité, l'avenir appartient aux femmes ". (Cité d'après Tonus, n. 449 du 11.1.1971).
15.On trouvera des développements intéressants à ce sujet dans Le couple nu, de Desmond Morris, Grasset, l972.
16.Cc point de vue est énoncé avec un pessimisme délibéré, en attendant que soit prouvée l'action curative de cures suffisamment prolongées chez un nombre de sujets suffisant. (Remarque due au Dr J.P. Banquet).
17.B.K.S. IYENGAR, Light on Yoga, George Allen & Unwin Ltd., London, 19666-1968.
la même remarque, quoique à un degré moindre, pourrait être faite par rapport à d'autres ouvrages, également sérieux au point de vue " technique Yoga ", comme ceux de Van LYSEBETH, YESUDIAN, DRENIKOFF ANDHI, etc.
18.a. Deshmukh cité par R. VEYLON, in " Le Yoga, mystique, mystification ou technique médicale ", Press. Méd. 77, 50, 1969.
b. H. BENSON, The Relaxation Response, Avon Books, N.Y.,1975. C. B. AURIOL, Prolégomènes a une yogathérapie de groupe, Sitec, 1970.
d. WELDON et coll. "T. M. and Normalization of Weight " in Scientific Research on T.M.., vol. 1, éd. Orme-Johnson, U.S.A., 1975.
19.Cf. MERTZ et STELZER, Klin Wschr., nov. 1969, t. 47, n° 22, 1l85-1200; compte rendu in C.M., v, 1970, 92, 21, p. 4819.
20.J. THIELE N, "Utilisation des techniques yogiques dans le traitement de l'asthme" , Mémoire de Kinésithérapie, Liège, 1972.
2.A.B. PREREZ, "Yoga and physiothérapie " in Méd. Tropic., Madrid,38, (272-282), 1962.
b.S. VINEKAR, "Yoga and the rehabilitation of the physically disabled " in Yoga Mimamsa, 7, n° 3, (171-192), 1957.
c. P. BAUMGARTNER, "Maintien fonctionnel et entraînement du système locomoteur ", G.M.F., 71, (1763-l776), 1964.
22.J. SARGENT, d'après J.G. HENROTTE et ETEVENON, " Documentation préliminaire " pour le Groupe d'Etude du Ministère de la Jeunesse et des Sports, 1972. polycopié.
23.Au sens de PASCAL et KIERKEGAARD.
24.G. BATAILLE Le coupable, N.R.F., p. 127.
" Tous ces jours-ci, je changeais d'angoisse,... l'une suivant l'autre. Je dis l'angoisse pour l'appréhension du malheur, l'angoisse nue, évidemment n'a pas d'objet, sinon que l'être est dans le temps, qui le détruit. La confusion est nécessaire. J'introduis une distinction : l'angoisse est l'effet d'un désir engendrant lui-même, du dedans, la perte de l'être; la crainte, l'appréhension, le souci, autant d'effets grossiers causés du dehors et portant sur des besoins (conversation, nutrition, etc.) mais sans doute, à chaque appréhension nouvelle, ce qu'un être dissimule d'angoisse abyssale (de désir) peut s'éveiller ".
25.TAIEI MIURA et KELGO OKONOGHI, "Les psychothérapies en Orient ", E.M.C. Psy., 6, 37820, B. 80 (2-4, 1970.
26.H. LASALLE, Le Zen, Desclée de Brouwer, Bruges, 1965.
27.En l'état actuel de la psychiatrie, il semble exclu que ces " maladies correspondent réellement à des maladies, dans le sens plein de ce terme. C'est-à-dire que le 'désordre' reconnu dépasse l'individu où on le reconnaît, rend évident le trouble de son milieu antérieur et présent. Ce milieu n'est pas seulement constitué par sa famille, son entreprise, son immeuble: il est aussi l'ensemble des tensions de pouvoir ou d'argent inhérentes à la société globale qui le nient (psychose) et qu'il symbolise ou qu'il essaie de résoudre en lui par ses symptômes : (névrose), revendication non explicite, inefficace et indispensable à la permanence de ce qui vient en contestation par son intermédiaire.
28. BENSON et WALLACE, "Decreased Drug Abuse with T.M. ", in Drug Abuse Proceedings of the International Conference, Philadelphie.
BENSON, " Yoga for Drug Abuse ", in The New England Journal of Medicine 2 vol., 1133, 1969.
Lucien Engelmeyer encourage, entre autres choses, la pratique du Yoga chez les toxicomanes qu'il reçoit.
Cet homme charismatique a été qualifié de "guru" dans le sens péjoratif du terme. Il est vrai que la dévotion qu'il a suscitée était parfois extrême, qu'il a eu, vis à vis de l'argent, une attitude critiquable et que son action auprès des jeunes toxicomanes s'assortissait généralement d'une forte dépendance. On me permettra de préférer cette dépendance à un homme chaleureux à celle que suscitent les drogues dont il a très souvent permis le sevrage. Un certain nombre, y compris parmi ceux qui veulent le poursuivre devant les tribunaux lui doivent probablement d'être encore vivants.
J'ai pu constater, au cours d'un voyage d'étude aux U.S.A.. en 1976, que les institutions recevant des toxicomanes ou des alcooliques employaient largement les techniques issues du Yoga ou le Hatha-yoga lui-même: (Dr Patrick au Washington Medical Center, Dr Kolodner dans Sa clinique, etc.).
Voir aussi M. SHAFFI et coll., " Méditation and Marijuana ", American Journal of Psychiatry, vol. 131, n° 1, 1974.