Respiration et Méditation en thérapie

(Chapitre VII de "Yoga et Psychothérapie" du Dr Bernard Auriol)

 

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I. LA RESPIRATION (ou pranayama)

Le premier signe de la vie chez le nouveau-né est sa respiration. On a démontré que le foetus exécute des mouvements respiratoires à partir du troisième mois de grossesse. Ces mouvements, réalisés surtout pendant les périodes de sommeil agité, deviennent de plus en plus fréquents, pour aller jusqu'à occuper 30 % du temps au cours du dernier trimestre de gestation1. Ces mouvements sont très faibles, en raison de l'énorme résistance qu'offre le milieu aquatique liquidien à une respiration. Le volume de liquide déplacé à chaque mouvement ne dépasse pas un millilitre.

C'est le refroidissement et la diminution des sensations de contact au niveau de la région glottique qui (avec l'anoxie) rendent compte du déclenchement des mouvements respiratoires à la naissance.


Dans la mesure où le Yoga est une recherche du Bonheur, il tend à retrouver la sensation de plénitude heureuse qui était peut-être celle du foetus. Ainsi, pour atteindre aux états de sur-conscience ", les yogins, comme les taoïstes, tendent à recréer une respiration de type "embryonnaire " :

En yogathérapie, vues les difficultés de maîtrise respiratoire propres aux personnes angoissées, on propose généralement des exercices très simples comme :

A côté de la respiration narinale alternée, je propose d'étudier l'intérêt de la respiration oro-nasale alternée :

      1. il s'agit d'inspirer par le nez
      2. puis d'expirer par la bouche
      3. puis d'inspirer part la bouche,
      4. puis d'expirer par le nez
      5. puis retour à l'étape 1.

En pratique, le nez étant bien dégagé (par exemple par un lavage à l'eau salée) et bien mouché, on s'établit de préférence en position assise, colonne vertébrale droite sans raideur. Il faut alors entr'ouvrir la bouche ("bouche-bée") et la laisser entr'ouverte tout le long de l'exercice. L'alternance d'entrée et de sortie de l'air par le nez ou par la bouche ne nécessite qu'une intention intérieure et la physiologie met en place les obstructions utiles à l'alternance. Il est alors bien nettement ressenti par où passe l'air qui rafraichit et déssèche quelque peu, tour à tour, la voie orale et la voie nasale.

Ce cycle respiratoire n'a rien de naturel, contrairement à la respiration narinale alternée qui reproduit volontairement et de manière accélérée un cycle respiratoire naturel.

La respiration oro-nasale alternée reproduit un cycle qui correspond à des phénomènes respiratoires liés à la liberté des voies nasales, la profondeur du sommeil, certains états liés à une démarche spirituelle, etc..

Le rebirth exploite plutôt la respiration orale, le pranayama traditionnel la respiration nasale.

En tout état de cause, il doit s'agir d'une respiration lente (3 à 4 cycles par minute), très régulière y compris pendant les postures2. La concentration de l'attention sur les muqueuses respiratoires entraîne un ralentissement cardiaque qui, chez des yogins entraînés peut aller jusqu'à un arrêt cardiaque momentané3.

La rétention de l'air dans les poumons remplis est un exercice traditionnel qui a un effet euphorisant mais peut entraîner une hyperthermie chez le sujet non entraîné (Van Lysebeth). Les effets très importants de la respiration sur la physiologie, la psychologie et la pathologie nous incitent à préconiser pour les sujets anxieux, dépressifs ou simplement non entraînés, une respiration guidée, un pranayama accompagné.

L'effet des états d'âme sur la respiration a été observé depuis les temps les plus reculés. Dans un livre publié en 1840, Percival note les rapports étroits qui unissent la santé mentale à la fonction respiratoire : " l'état de santé de l'esprit dépend beaucoup de la régulation de l'inspiration et de l'expiration ".

Des études contemporaines tendent à confirmer cette opinion : Skarbek a prouvé que l'amélioration des malades psychiatriques est significativement associée à une diminution du rythme respiratoire au repos.

Le ralentissement cardiaque et respiratoire constitue une préparation aux exercices de méditation on sait que dans les états de sur-attention, la respiration s'arrête pendant un temps plus ou moins long. Il s'agit que l'entraînement permette à de telles apnées de durer le plus possible.

La pratique prolongée, fréquente, répétée de la méditation et du pranayama permettent au yogi d'abaisser son métabolisme de base et de diminuer ainsi ses besoins en oxygène ce qui explique bien des prodiges (cercueil de verre, etc).

La pratique diminue la réaction des chémorécepteurs du tronc cérébral à l'hypoxie-hypercapnie (possible lors de la respiration lente).

La sensibilité des chémorécepteurs des centres respiratoires, est durablement amoindrie, les sujets recourrent ainsi moins à l'hyperventilation! (The Lancet, 28-10-2000)

En fait, au cours de la relaxation, il n'y a pas d'hypoxie en raison de la diminution des besoins en oxygène, ni d'hypercapnie en raison de la diminution du métabolisme.

II. LA MEDITATION

La méditation suppose un corps stable. Une des meilleures postures est celle du lotus, si on peut y demeurer sans effort :

Toute posture assise stable sans effort peut être utilisée, notamment la posture paerfaite, celle du disciple (siddhasana). Dans la Méditation Transcendantale, le méditant est simplement assis, les reins bien tenus par un bon dossier, les mains entre-croisées reposant sur les genoux.

Le Professeur Tomatis a montré que l'écoute était d'autant plus fine et sensible, notamment dans les fréquences élevées, qu'on adoptait ce qu'il a appelé la " posture d'écoute " :

L'efficacité de cette posture serait liée à des syncinésies solidarisant ces mouvements avec la tension de la musculature de l'oreille moyenne (muscle de l'étrier et muscle du marteau). La méthode Tomatis n'est pas sans analogie avec certaines techniques de méditation musicale comme celles conseillées par le Guru Maharaj ji et avec l'utilisation systématique de répétitions sonores de mantras comme dans la Méditation Transcendantale.

Depuis une dizaine d'années déjà, nous entendons parler en Occident de " mantra ". La répétition indéfinie de sons sacrés nous est connue aussi dans le champ culturel et cultuel catholique (le "chapelet ", les oraisons 'jaculatoires'), chrétien oriental (la " prière du coeur ", la répétition du nom de Jésus) et islamique (litanie de la grandeur de Dieu " dikhr "), etc.

Tout enfant, plusieurs d'entre nous, n'ont-ils pas répété indéfiniment un nom, un mot, un refrain avec une intention plus ou moins claire de type 'religieux' au sens très large?

Tout ceci pourrait - aurait pu, il y a quelques dizaines d'années - nous inciter à laisser ces techniques à quelques dévotes ou à quelques primitifs. Mais peut-être sommes-nous plus humbles ou forcés par nos propres armes : la recherche scientifique nous offre en effet un vaste catalogue de résultats impressionnants obtenus par la pratique des mantras...

Si nous exposons les résultats acquis par cette technique plutôt que ceux obtenus avec d'autres formes de Yoga, c'est en raison de la simplicité particulièrement remarquable de la méditation transcendantale et parce qu'elle a fait l'objet de très nombreuses vérifications scientifiques. Il en va de même de la méditation de la pleine conscience.

Une méthode également très simple, consiste à s'asseoir, se reposer, puis imaginer un jet d'eau, un geyser : la source est ignorée et souterraine, l'eau s'élève verticalement, elle atteint une certaine hauteur, puis retombe tout autour. Ainsi de notre être, dont la source est inconsciente, le présent affirmé, la fin féconde.

1. RÉSULTATS BIOLOGIQUES

En effet, quelques minutes de méditation suffisent à entraîner des variations respiratoires, cardio-vasculaires et humorales d'une ampleur étonnante4.

Les effets respiratoires sont les plus évidents. Selon une méthodologie uniforme pour l'ensemble des résultats biologiques ici exposés, on a étudié 36 sujets ayant 6 à 24 mois de pratique. La fréquence respiratoire diminue beaucoup avec des minima de 4 respirations par minute. On observe une diminution de la quantité d'air inhalée (un litre par minute en moyenne). Il y a réduction équilibrée de la consommation d'oxygène et du rejet de gaz carbonique quoique le rapport de ces deux gaz reste constant. Il s'agit donc d'une diminution du besoin de l'organisme en oxygène correspondant à une diminution de 20 % du métabolisme de base, et non d'une carence en oxygène avec accumulation de gaz carbonique, telles qu'on les rencontre dans l'insuffisance cardio-respiratoire. De manière concomitante, on peut mettre en évidence une résistance accrue à l'effort ainsi que la diminution d'environ 30 à 50 % de la ration alimentaire utile chez ces sujets; ainsi se traduit un meilleur rendement dans les oxydations vitales, probablement grâce à un moindre gaspillage d'énergie au niveau de tensions musculaires inadéquates une sorte de super-repos de l'organisme.

Les effets cardio-vasculaires sont en accord avec ces premiers résultats. Les mesures confirment l'hypothèse ci-dessus d'un hypo-métabolisme le pouls diminue de trois battements par minute en moyenne, la tension artérielle reste ou redescend à un niveau peu élevé entre les périodes de méditation, pendant ces dernières elle reste stable. Benson et Wallace préconisent la Méditation chez les hypertendus pour lesquels, dans de nombreux cas, les médicaments deviendraient inutiles.

On observe une diminution moyenne de 25 % du volume d'éjection ventriculaire et, malgré cette diminution du travail du coeur, une augmentation du flux sanguin au niveau des membres de 33 %. Certaines zones cutanées voient leur température s'accroître de plus d'un degré.

La mesure de divers paramètres humoraux a révélé, à côté d'une remarquable stabilité des facteurs de l'homéostasie, une diminution de certains déchets métaboliques : notamment l'acide lactique décroît de façon très significative. On sait que les lactates, reflets du métabolisme anaérobie, sont accrus lors de l'effort musculaire et au cours d'un certain nombre d'émotions ou d'états de sensibilité émotive particulière (nombre d'états psychiatriques "). Pitts démontre que son injection intraveineuse peut provoquer une crise anxieuse aiguë, non seulement chez les névrosés, mais aussi chez les sujets reconnus " sains ". Ces résultats pourraient découler d'une meilleure irrigation des sites producteurs d'acide lactique (masses musculaires notamment).

L'ensemble des résultats précédents suggère que la méditation provoque une relaxation maximum par plusieurs biais :

2.ELECTROENCÉPHALOGRAPHIE SPECTROGRAPHIQUE DE LA MEDITATION TRANSCENDANTALE

Après les travaux préliminaires de Wallace en 1971, J.P. Banquet a entrepris une étude E.E.G. classique combinée à la spectrographie des ondes cérébrales d'un groupe de quinze sujets pratiquant la méditation transcendantale et d'un groupe témoin pendant la détente, le sommeil et diverses activités mentales.

L'étude des tracés et des spectres peut se résumer comme suit chez les méditants :

Des recherches effectuées par rapport aux méditateurs Zen à d'autres techniques Yoga ou à la contemplation de religieux chrétiens ont enregistré des résultats analogues; il faut pourtant remarquer que les sujets de la Méditation Transcendantale étaient de simples étudiants pratiquant une demi-heure ou une heure par jour la technique depuis deux ans en moyenne alors que les sujets des autres études étaient des méditateurs chevronnés avec de nombreuses années de pratique derrière eux (Gastaut).

3. LES TESTS PSYCHOMÉTRIQUES

Ils confirment et expriment les conséquences des modifications de l'organisme que nous avons évoquées jusqu'à présent. On observe un renforcement de la stabilité émotionnelle, objectivé par la mesure de la résistance cutanée galvanique à la paume de la main. Alors que la R.C.G. (résistance cutanée galvanique) de base chute dans les états de stress, elle est multipliée par un facteur 3 dans les périodes de méditation.

Le nombre de fluctuations " spontanées " de la R.C.G. est significativement moindre chez les méditateurs (à la fois pendant et en dehors de la méditation transcendantale) que dans le groupe de contrôle. Il existe une corrélation positive (r = 0,74 à p. 0,01) entre le nombre de méditations mensuelles et la diminution du nombre des réactions spontanées.

La réaction de la R.C.G. aux stimuli sonores se stabilise plus rapidement chez les méditateurs que chez les sujets de contrôle. Ce test mesurerait non seulement la stabilité neuro-végétative, mais il serait aussi un index de maturation " corticale " au sens pavlovien et s'accompagne d'une plus grande résistance au conditionnement de type pavlovien. Le système nerveux deviendrait ainsi plus " fort en ce sens qu'il éviterait d'amplifier induement les réactions de l'organisme aux stimuli inadéquats. Il deviendrait en quelque sorte plus " objectif ", plus " réaliste ", moins stressable : ainsi s'expliquerait une résistance accrue à toutes les maladies dites " psychosomatiques ".

Tous les tests verbaux montrent une diminution très significative de l'anxiété chez les méditateurs (par rapport à eux-mêmes avant de commencer à méditer, et par rapport aux témoins).

Cet état de détente organismique n'est pas lié à un abaissement de la vigilance comme lors de l'absorption de tranquillisants ou de neuroleptiques sédatifs de l'anxiété, en effet le temps de réaction "élémentaire " est plus rapide de 30 % en moyenne chez les méditateurs et s'améliore encore de 12 % aussitôt après la méditation.

Les tâches psychomotrices complexes montrent une coordination deux fois supérieure chez les méditateurs. Des fonctions plus élaborées mesurées dans les tests d'attention, de mémoire, de capacité d'apprentissage sont potentialisées avec effet cumulatif de la technique. Le M.M.P.I. et le P.O.I. (self actualisation test) subissent une amélioration qui indiquent que la méditation, à l'instar d'une psychothérapie à long terme améliore les structures même de la personnalité. Des changements de cet ordre suggèrent une utilisation psychiatrique et psychosomatique de cette technique.

4. RESULTATS CLINIQUES

Les névroses selon les travaux de Banquet, Boudreau et selon notre observation en clientèle pendant quatre ans, sont parfois spectaculairement améliorées en l'espace de quelques jours, rendant inutile d'entreprendre une psychothérapie dans environ 30 % des cas; cependant que la psychothérapie des sujets qui la réclament encore est grandement facilitée et comme " potentialisée ".

Plus étonnants encore sont les résultats en cas de " psychose ". Nous avons vu s'amender en quelques jours des états d'excitation 'psychotique'. Dans ces cas, nous nous orientons actuellement vers une prise en charge comportant l'instruction dès que possible à la méditation transcendantale associée à l'instruction simultanée des autres membres du groupe familial qui acceptent le bien-fondé de notre proposition. Quand cela semble possible, nous proposons aussi des réunions de famille afin d'expliciter les contradictions auxquelles est soumis le sujet.

L'impression favorable que nous avons de cette méthodologie vient en confirmation des travaux de Glueck et de Banquet.

Reste une question la méditation transcendantale se pratique actuellement dans un contexte philosophique très précis et comporte quelques éléments cérémoniels de type religieux. Serait-il possible, raisonnable, souhaitable de s'en passer?

Les instructeurs de la technique utilisent un certain nombre de sons qui leur ont été confiés par la tradition. Pourrait-on donner un Mantra pour un autre? sinon les critères de choix qui font attribuer tel Mantra à tel sujet sont-ils " scientifiques " ou accessibles à une investigation scientifique? En allant plus loin, pourrait-on et avec les mêmes résultats proposer des néo-mantras, fabriqués selon des procédures aléatoires dans le seul but de vérifier si les Mantras de la tradition ont une spécificité réelle ou si n'importe quel son ferait l'affaire. Cela permettrait accessoirement de mettre au point éventuellement des Mantras encore plus spécifiques ou efficaces...?

Benson imagine que répéter le son " one " a les mêmes effets qu'utiliser les mantras traditionnels, tel autre thaumaturge préconise des " mantras christiques affirmant que ceux de la tradition sont démoniaques... Seule une expérimentation comparative permettra de trancher cette question.

Personnellement, je pense qu'il existe un effet a-spécifique de la répétition mentale d'un son quelconque, et un effet spécifique lié à la nature de ce son. Cette action spécifique serait liée comme le veut la tradition à la nature des centres énergétiques correspondants. Dans un autre travail (sur les chakras) je serai amené à préciser et étayer ce point de vue.

Dans cet esprit, je préfère adresser, dans la mesure du possible, mes patients à un instructeur accrédité de méditation transcendantale plutôt que de lui enseigner la technique de Benson.

NOTES

1. C. TCHOBROUTSKY, " Le premier cri ", in La recherche, n° 61, nov. 1975, pp. 933 Sq.

2. On a démontré que c'est aux alentours de 3 à 5 cycles par minute que le travail pulmonaire est au minimum. (Le travail nécessaire est cinq fois plus important au rythme de 50 cycles par minute : cas de la respiration accélérée par l'émotion ou l'essoufflement de la fatigue). (Dr E. GUILLERM, " L'essoufflement en plongée ", in Revue cinésiologie, 10e an., 4e trim., n0 42, 1971. pp. 335 Sq.

3. T. BROSSE, op. cit.

4. Tous les résultats ci-après sont cités d'après le rapport de BANQUET au Ministère de la Jeunesse et des sports, 1973.

5. BENSON, Op. Cit

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3 Avril 2006