MISA, entre le sauvetage planétaire et la théorie de la conspiration

Dr Valeriu FRUNTES

 

Bivolaru médite pour faire tomber Ceausescu

Gregorian Bivolaru a construit et entretenu une fausse image de dissident politique, persécuté par la Securitate de Ceausescu. En réalité, il n’a jamais été un dissident politique.

Avant 1990, il a fait l’objet de plusieurs enquêtes (trois) et fut condamné pour diffusion de matériaux pornographiques. Quatre mois avant la révolution de 1989, il a été arrêté et interné (par décision juridique et suite a une expertise psychiatrique) dans l’hôpital psychiatrique Poiana Mare. De là, a démarré un programme de méditations et de prières pour la chute du régime communiste et de Nicolae Ceausescu, étant soutenu par ceux qui deviendront ultérieurement les leaders de MISA (ce mouvement se présente comme diffusant un yoga tantrique de la main gauche dont l'initiateur moderne serait Gregorian Bivolaru).

Ce qui paraissait impossible est advenu « seulement » après quatre mois. Gregorian Bivolaru a probablement considéré la chute du régime communiste comme une validation de ses « pouvoirs paranormaux ». Dans son entourage, la révolution a balayé les dernières réticences et doutes.

Bivolaru a probablement cru qu’il s’est sauvé des griffes du complot securisto-communiste et qu’il a sauvé la Roumanie également. Et, quand on a le sentiment d’avoir fait chuter tout seul le communisme ça devient un jeu d’enfant de lutter contre des astéroïdes ou les tremblements de terre. C’est le point de départ de la croyance intra-MISA en Grig Bivolaru comme « sauveur des roumains » et, par la suite, comme sauveur planétaire.

La mission de sauvetage planétaire servait à la construction d’un sentiment d’appartenance à une élite, a la caste des sauveurs. Associé à la peur d’un danger « extérieur » à MISA, avec une mentalité d’assiégés (« nous contre eux »).

La théorie intra-MISA de la conspiration, du complot contre Grig Bivolaru était nécessaire pour créer un bouc émissaire extérieur, responsable des problèmes personnels et collectifs.  L’autre était coupable, pour les problèmes de chacun et pour les problèmes collectifs du MISA : le service secret (la Securitate), les francs-maçons, les reptiliens...

Grig Bivolaru a proposé des méditation et prières pour empêcher une apocalypse planétaire imminente. L’objet des méditations n’était pas choisi au hasard, il était lié à l’actualité roumaine. Bivolaru utilisait, avec talent dirai-je, les scénarios apocalyptiques véhiculés par les media roumains et qu’il « sentait » se greffer sur un sentiment d’insécurité plus large.

Au fur et à mesure j’ai remarqué une escalade des méditations apocalyptiques et le passage d’un danger vague et lointain à un danger de plus en plus proche concernant sa personne. Parallèlement, la théorie de la conspiration a évolué passant d’un complot vague et planétaire à un complot visant la Roumanie et finalement Grig Bivolaru. L’accumulation des problèmes juridiques, visant personnellement Grig Bivolaru et collectivement MISA, n’est probablement pas étrangère à la personnification et à l’escalade du complot, du fait que le danger externe devenait de plus en plus précis. L’escalade n’est probablement pas étrangère à son sentiment personnel d’insécurité, à son vécu subjectif d’encerclement, d’absence d’issue.

Mais, retournons au début des années 90.

 

En lutte avec les astéroïdes

Dans cette liberté postrévolutionnaire, Grig Bivolaru a eu immédiatement une grande liberté personnelle. Le complot a cessé brusquement d’être axé sur sa personne devenant de plus en plus vague et éloigné. Les dangers contre lesquels il voulait lutter n’étaient  plus des complots dus aux services secrets (Securitate) mais des catastrophes naturelles (astéroïdes, tremblements de terre).

Dans la béatitude post-révolutionnaire quand tout paraissait possible, être en contact avec Grig Bivolaru, précédé de cette légende, apparaissait comme une chance inouïe. Le fait que les astéroïdes ou les tremblements des terres ne survenaient pas renforçait la croyance en ses « pouvoirs paranormaux » et démontrait « l’efficacité » des méditations et des prières coordonnées par Bivolaru dans un certain but. Parce que, grâce aux méditations on évitait l’impact avec l’astéroïde et on « morcelait » le tremblement de terre...

En 1993-1994, la comète Shoemaker-Levy fut très médiatisée. Quelques fragments allèrent s’écraser sur Jupiter. Les médias roumains avançaient toute sortes de scénarios apocalyptiques. Comme la déviation de Jupiter de son orbite avec une réaction en chaîne et un bouleversement du système solaire, la déviation de la Terre de son orbite avec un changement des pôles magnétiques, tremblements de terre, inondations, etc.....

En juillet 1994, quelques fragments de cette comète se sont écrasés sur la surface de Jupiter. Les cratères ont pu être étudiés depuis la Terre. La presse débattait intensément la probabilité et les conséquences d’un scénario similaire visant notre planète. Quelles conséquences pour la Terre d’un impact avec un astéroïde ?

En spéculant et en présentant des informations incomplètes, Grig Bivolaru a proposé une méditation/prière pour dévier un soi disant fragment qui approcherait la Terre à « seulement quelques millions kilomètres ». On devait visualiser une lumière blanche, sortant de la main droite qui allait frapper l’astéroïde en le déviant de sa trajectoire.

Grig Bivolaru a présenté, dès le départ, le scénario apocalyptique avec un mega-astéroïde qui aurait provoqué une tragédie planétaire. Il a omis de préciser que, pour une catastrophe de cette envergure, l’astéroïde devrait avoir un diamètre d’au minimum 1,5 km. Et que la probabilité d’un tel impact est de un en quelques centaines de milliers d’années.

(http://www.boulder.swri.edu/clark/papers.html)

Les scénarios apocalyptiques, d’un tel impact, étaient largement présentés dans la presse roumaine. Grig Bivolaru les a utilisés pour se poser comme sauveur planétaire. Et, avec lui nous tous. Tous ceux qui ont participé a cette méditation avec la lumière blanche. Mais, le contexte était assez détendu.

Il a proposé un horaire fixe, genre 15 minutes à midi. Chacun était libre de faire cette méditation ou pas. Je me souviens d’une conférence avec un astrophysicien avec débat. L’invité nous a dit que l’impact des astéroïdes avec Jupiter était similaire à l’impact d’un grain de sable avec un ballon de basket. Donc il n’y aurait pas de réaction en chaîne, pas de déviation de la Terre de son orbite, pas d’apocalypse. Grig Bivolaru l’a écouté mais il a mis en avant son désir d’éviter une « catastrophe planétaire ». Finalement, il a proposé qu’on continue les méditations avec la lumière blanche, librement et plutôt dans un esprit de prévention, « parce qu’on ne sait jamais ».

Après une relative accalmie, l’arrivée de la comète Hale-Boop, entre 1996-1997, a marqué le passage d’un danger vague galactique à un danger planétaire immédiat. Pour Grig Bivolaru, l’astéroïde se dirigeait vers nous et non vers Jupiter, comme en 1994. Le péril était beaucoup plus grand, ce qui a provoqué la multiplication des plages horaires pour la méditation avec la lumière blanche.

 

Les méditations anti-OTAN

Parallèlement avec le danger astronomique, était véhiculée l’idée d’un complot à l’échelle planétaire. Les intérêts politico-économiques de la franc-maçonnerie, désignée comme « secte maléfique planétaire », étaient à l’origine d’une guerre occulte pour le contrôle de la planète et pour nous enrégimenter tous dans une sorte de camp de travail orwellien.

Au fur et à mesure que s’estompait cette fièvre de la déviation de l’astéroïde, le danger global et planétaire devint régional visant particulièrement la Roumanie. A cette époque, il y avait des nombreuses prophéties sur un tremblement de terre « catastrophique » qui allait se produire en Roumanie. L’épopée du tremblement de terre a duré du 1998 jusqu’aux attentats du 11 septembre 2001.

Le complot pour le contrôle de la  planète est devenu également régional, visant la Roumanie. L’adhésion de la Roumanie à l’OTAN a provoqué une psychose nationaliste intra-MISA. Avec, comme point d’orgue en 1998, des méditations « contre l’adhésion à l’OTAN », publiés à l’époque dans Libertatea. Toujours en 1998, Grig Bivolaru a organisé une méditation à Sarmisegetuza « pour le réveil des roumains ». Il a lu les « prophéties » de Sundar Singh sur la transformation spirituelle de la Roumanie et l’apparition de la Nouvelle Jérusalem à la place de Bucarest. Tout ça pendant une pluie soutenue, où il était le seul avec un parapluie !…

 

Le tremblement de terre « dévié » dans le World Trade Center

Vers la fin des années 90, Istrate, un des prophètes roumains de l’époque, avançait le mois de septembre 2001 pour « un grand tremblement de terre ».

En 1999, le tremblement de terre de Turquie, intensément médiatisé en Roumanie, a été perçu intra-MISA comme une validation des prophéties mentionnées plus haut et a provoqué une sorte de radicalisation. Bien que Istrate ait annoncé un tremblement de terre pour septembre 2001, il y avait des voix pour soutenir une autre thèse : le tremblement se produirait plus tôt ou il y en aurait un autre avant celui qui avait été prédit.

Cette radicalisation intra-MISA s’est manifesté par l’apparition de listes nominales mentionnant ceux qui méditaient/priaient pour le « morcellement » du tremblement de terre. Ceux qui étaient inscrits sur ces listes étaient obligé de jurer sur le Bible et sur « leur évolution spirituelle » qu’ils allaient faire les méditations/prières. En cas de refus ils courraient le risque d’une exclusion du MISA, équivalant à l’époque à un ratage de sa propre existence. Il n’y avait plus 15 minutes, deux ou trois fois dans la journée. Maintenant, on avait une programmation sur 24 heures, où chacun était « responsable » d’un intervalle de 15-30 minutes.

Début septembre 2001, la psychose du tremblement de terre était si grande que certains étudiants MISA, à Bucarest, Timisoara et autres villes, ont dormi dans les parcs publics. Tout cela a culminé avec les attentats du 11 septembre 2001. L’écrasement des tours du World Trade Center a été interprété intra-MISA comme une validation implicite des prophéties, comme un succès des méditations et des prières pour le « morcellement » du tremblement de terre et aussi comme une punition de la maçonnerie. Parce que l’énergie du tremblement de terre aurait été « dévié » contre le complot maçonnique, dont le symbole étaient les tours du World Trade Center de New York.

 

La conspiration reptilienne

Le début des années 2000 marque une accélération des procédures juridiques concernant MISA et Gregorian Bivolaru. Il se sentait harcelé, a été arrêté, il a fallu qu’il se cache et finalement il a pris la fuite pour la Suède.

Il est intéressant de voir l’évolution du complot dans ce contexte de cavale. Bivolaru se sentait toujours visé par une coalition de francs-maçons et des services secrets roumain à côté de créatures sombres et extraterrestres appelées reptiliens. On pouvait les admirer dans un film de David Icke, montré pendant les conférences MISA. Et, les méditations pour sauver la planète sont devenus des méditations pour sauver Bivolaru de la justice reptiliano-sado-maçonnique.

La théorie reptilienne pour le contrôle de la planète a été médiatisé par David Icke qui a écrit « Children of the Matrix » et a réalisé un film (« Revelations of Mother Goddess »). La théorie reptilienne de Icke soutient que les reptiles ont développé une capacité de mimer l’apparence humaine et qu’ils essayent depuis des milliers d’années de prendre le contrôle de la planète. 

Icke affirme que des membres du gouvernement des Etats Unis ont des relations sexuelles avec des enfants mentalement retardés qui sont torturés et puis tués. D’après sa logique, les hommes ne sont pas attirés par les enfants mentalement retardés. Ceux qui ont cette attraction ne peuvent pas être des hommes. Donc, se sont des reptiliens. Ou, le fait que les décisions gouvernementales affectent la qualité de vie de tout un chacun (pollution, réchauffement climatique global... etc.) malgré le développement technologique. Il s’agit de la vie de tous, pauvre ou riche, travailleur ou ministre, sans distinction. S’ils n’ont cure de leur propre vie ils ne peuvent pas être humains. Donc...

Pourquoi Grig Bivolaru a adopté la théorie de la conspiration planétaire reptilienne ? L’enfant Bivolaru a grandi à la campagne, dans une culture imprégnée par la peur du serpent, de sa morsure, de son venin mortel.

Par la suite, il désignait ses persécuteurs comme « serpents venimeux ». Puis, il les a inclus dans la théorie de la conspiration reptilienne. Dans la mesure où il était accusé de propagande antisémite, les reptiliens étaient le bouc émissaire parfait car ils étaient incapables de porter plainte pour propagande antireptilienne. S’ils l’avaient fait ils se seraient démasqués, validant ainsi la théorie de la conspiration reptilienne.

Pour l’avenir proche, Gregorian Bivolaru nous propose la troisième guerre mondiale en 2008 et la « grande translation » pour 2012 (probablement l’année où il compte obtenir la citoyenneté suédoise).

Valeriu FRUNTES

 

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19 Avril 2008