Gérer ses émotions

discussion entre Emmanuelle Ouahnich et Dr Bernard Auriol

 

Qu'est ce que l' émotion

Elle consiste en un ébranlement provoqué en nous par un événement, interne ou externe, qui nous meut, nous fait changer de ressenti, nous provoque.

 


 

Les émotions d'avant la naissance

 

Les émotions du bébé et de l'enfant

Face à un enfant bouleversé, que faire ?

Le jeune chimpanzé est beaucoup moins sensible - même à un choc électrique - si sa mère est physiquement proche. Cela s'applique aussi au petit d'homme ! On tentera d'en tenir compte dans nos attitudes envers un enfant ému.

 

Dire la vérité ?

On doit beaucoup à Françoise Dolto pour avoir insisté sur le rôle néfaste de bien des "secrets de famille"... Ces non-dits peuvent durablement empoisonner les relations, le comportement, la santé de tel ou tel proche ou de toute la famille.

Ne soyons pas "dupes de l'impérialisme de l'hygiène mentale" (E. Mounier) et des recettes issues de la psychanalyse, de la psychologie ou de la médecine ! On doit beaucoup à Françoise Dolto, parfois trop : à force de penser que toute vérité doit être dite, on peut heurter gravement une sensibilité qui n'est pas prète à entendre, réactiver des conflits éteints. De même qu'une initiation sexuelle trop précoce, d'autres expériences, spectacles, paroles même "vrais" peuvent être inappropriés...

Les anciens sages pensaient que parler est excellent, se taire mieux encore...

Il y a aussi la question de la vérité ... Qu'est ce que la vérité ? La mienne ou la tienne ?

 

Disputes entre parents

si c'est au sujet de l'enfant, lui signifier qu'il s'agit des positions des parents quant à l'idéal qu'ils se font pour lui : il n'en est pas fautif !

ce n'est pas lui qui doit résoudre les problèmes des adultes

 

colères de l'enfant

il éprouve de la colère, il en a le droit

il ne peut l'exprimer n'importe comment

si cette colère répond à un interdit, et si cet interdit est valable, il faudra dépasser cette colère, en utiliser l'énergie autrement (au mieux sublimation, formation réactionnelle, décharge cathartique, sport, etc)

 

La catharsis

Dans son intervention Isabelle Filliozat insiste sur les bienfaits de la décharge émotionnelle, sur son rôle préparatoire à l'action.

François Lelord souligne certaines exagérations de "l'emotional venting" (décharge émotionnelle) ( en cas de difficulté à atteindre ce lien, vous pouvez utiliser le cache) dérivé des thérapies cathartiques : se forcer à exprimer la colère rendrait le sujet plus irritable, se forcer à exprimer le chagrin, le rendrait plus triste. )

Cette position est excessive et devrait être nuancée ! (Cf. "catharsis")

"Catharsis is the process of venting emotions, often by talking about stressful events. Generally, catharsis increases short-term stress but provides long-term benefits in coping. One exception is that sometimes talking about stressful events intensifies the negative emotions associated with them. Talking about stressful situations can be helpful if we can rely on a social support system composed of others who will listen and care about our well-being. Social support can include tangible assistance (e.g., money or food), information (e.g., what actions are appropriate), and emotional support (e.g., reassurance that others care). Effective social support can reduce stress, lower the likelihood of illness, speed recovery from illness, reduce the risk of death from disease, and lead to better health habits. Sometimes, however, social support can be unhelpful. These unhelpful tactics most often include giving advice, encouraging too quick a recovery, minimizing the loss, and tryi ng to identify with the bereaved’s loss ("I know just how you feel"). Helpful tactics include "just being there," being available to discuss feelings, and expressing concern. Participants in a smoking study found it easier to quit when the proportion of positive to negative behaviors in their social support network was high.

Stress management techniques can also help people reduce stress. One cognitive-behavioral technique involves three stages. The first involves education about stress, its relationship to health performance, its symptoms, and some coping strategies. Next, participants receive some training about how they can develop better work habits and social skills. The third stage is practice, in which participants try out their strategies in real-life situations and report back to the group on their experiences".

 

Neuro-physiologie des émotions fondamentales

Les émotions fondamentales sont très manifestes au niveau physiologique et mimique, nous les partageons avec les animaux et les bébés. Au niveau physiologique, les émotions fondamentales donnent lieu à des modifications dans au moins cinq secteurs :

    1. SNC
    2. Système sensori-moteur
    3. Système Nerveux orthosympathique
    4. Système Nerveux parasympathique
    5. Système neuro-endocrinien
    6. Système neuro-immunitaire
  1.  

    1. Au niveau du Système Nerveux Central (SNC)

      On reconnait au système limbique un rôle sélecteur et modulateur des conduites, en référence au passé. Il intervient aussi pour la mise en mémoire (hippocampe) en donnant à ce qui est vécu une couleur émotionnelle, une qualité d'expérience personnelle en rapport avec les valeurs du sujet. (amygdale cérébrale et isolement social sont des activateurs émotionnels, septum et interactions sociales sont des freinateurs émotionnels. L'effet des interactions sociales très précoces est profonde et relativement définitive). On a montré que tout stress et spécialement l'isolement ralentissent la guérison d'une blessure alors que les interactions sociales positives accélèrent cette guérison.
    2. Social facilitation of wound healing

      Courtney E. Detilliona, Tara K. S. Crafta, Erica R. Glaspera, Brian J. Prendergasta and A. Courtney DeVries, , a, b

      ( Ohio State University, USA , 27 November 2003).


      It is well documented that psychological stress impairs wound healing in humans and rodents. However, most research effort into influences on wound healing has focused on factors that compromise, rather than promote, healing. In the present study, we determined if positive social interaction, which influences hypothalamic–pituitary–adrenal (HPA) axis activity in social rodents, promotes wound healing. Siberian hamsters received a cutaneous wound and then were exposed to immobilization stress. Stress increased cortisol concentrations and impaired wound healing in isolated, but not socially housed, hamsters. Removal of endogenous cortisol via adrenalectomy eliminated the effects of stress on wound healing in isolated hamsters. Treatment of isolated hamsters with oxytocin (OT), a hormone released during social contact and associated with social bonding, also blocked stress-induced increases in cortisol concentrations and facilitated wound healing. In contrast, treating socially housed hamsters with an OT antagonist delayed wound healing. Taken together, these data suggest that social interactions buffer against stress and promote wound healing through a mechanism that involves OT-induced suppression of the HPA axis. The data imply that social isolation impairs wound healing, whereas OT treatment may ameliorate some effects of social isolation on health.

    3.  

    4. Le court circuit de l'amygdale cérébrale donne raison à William James !

      info => amygdale => sn végétatif et snc (conscience)

      "Experiments such as those by Libet (1985) suggest that conscious experience takes some time to build up and is much too slow to be responsible for making things happen. For example, in sensory experiments he showed that about half a second of continuous activity in sensory cortex was required for conscious sensation, and in experiments on deliberate spontaneous action he showed that about the same delay occurred between the onset of the readiness potential in motor cortex and the timed decision to act ? a long time in neuronal terms. Though these experiments are controversial (see the commentaries on Libet 1985; and Dennett 1991) they add to the growing impression that actions and decisions are made rapidly and only later does the brain weave a story about a self who is in charge and is conscious. In other words, consciousness comes after the action; it does not cause it". (What Can the Paranormal Teach Us About Consciousness.? SUSAN BLACKMORE, SKEPTICAL INQUIRER, Volume 25, No 2, March/April

     

    On observe une diminution des capacités de concentration et d'attention, voire une obnubilation, une viscosité bradypsychique ou un emballement tachypsychique. Une diminution des processus abstraits, un afflux imaginatif et au plus intense une construction projective (S => I => R).

    L'état émotionnel peut suractiver les mécanismes d'alerte, c'est ainsi que la personne souffrant de Stress Post Traumatique sursaute pour trois fois rien !

    On a parlé d'ataxie psychique : la vie interne titube comme un corps ivre.

    Système sensori-moteur

    exagération dans leur instantanéité et leur amplitude des réflexes ostéo-tendineux, montrant l'hypertonicité de la boucle gamma. De même, exagération des réflexes cutanés (dermographisme) et pupillaires (phénomène de l'aura).

    tendance au tremblement, à l'imprécision et l'exagération des gestes (maladresse), claquement des dents, frissons, bégaiement, jambes qui se dérobent, pseudo-paralysie, hyper-esthésie et dys-esthésies sensitive, sensorielles, distortions perceptives, effet mimique

    Système Nerveux orthosympathique

    "Les sujets soumis à des stresses de toute nature, voient leur taux de Nor-Adrénaline et d'Adrénaline augmenter, mais chacun de ces deux corps peut croître de manière privilégiée selon la nature de la situation anxiogène et en fonction des dispositions préalables du sujet. L'anxiété accompagnée d'un renoncement à l'action ou d'une impossibilité d'agir se traduirait par une forte sécrétion d'Adrénaline, sans modification très notable de la NorAdrénaline. L'anxiété accompagnée d'une attitude active ou agressive se caractériserait biologiquement par une plus forte sécrétion de NorAdrénaline.

    On a décrit ces phénomènes chez le singe Rhésus, les joueurs de Hockey, les pilotes militaires et leurs passagers, des sujets en situation de compétition par rapport à une tâche perturbée à dessein !

    D'un point de vue psycho-pathologique, l'anxiété du premier type, c'est à dire non accompagnée d'action, que nous appellerons anxiété "passive" ou "négative", pourraitêtre corrélée (à titre d'hypothèse) à différents mécanismes tels que : refoulement, déni, somatisation, etc... Son abolition par un quelconque procédé pouvant donner le jour à d'autres formes d'anxiété et en particulier à l'anxiété "active", "positive" dont nous avons parlé. Cette anxiété active se manifesterait au plan psycho-pathologique par des "passages à l'acte", des "perversions", actes délinquanciels, activité pragmatique socialement utile, expression cathartiques des émotions profondes, insomnie, manie et hypomanie, etc.


    Une explication de l'effet des bêta-bloquants sur les névroses cardiaques et sur l'anxiété névrotique en général s'appuie sur les expériences cliniques de Frölich et coll. ; ils ont montré que chez des patients souffrant de névrose cardiaque, une perfusion d'isoprénaline pouvait provoquer une crise d'hystérie ne cédant pas aux placebos, alors qu'elle était rapidement réversible grâce à une perfusion de propranolol. " (extrait de B. Auriol, Le problème des bêta-récepteurs en Psychiatrie, Etude critique de la littérature et observations cliniques, C.E.S. Psychiatrie - Toulouse III - 215 pages - Ronéotypé, 1973)

    Système Nerveux parasympathique

    Déséquilibre des régyulations ortho-para-sympathiques
    Alternances de rougeur et pâleur, poussées sudorales, sialorrhée et sécheresse de la bouche, crises de larmes et oeil trop sec engendrant de la conjontivite, refroidissement des extrémités...
    Hypercontractilité des fibres musculaires lisses (digestives et vasculaires notamment)

    Oesophagisme, reflux-gastro-oesophagien, spasmes gastriques, nausées et vomissements, inhibition disgestive, spasme intestinal avec constipation et jusqu'à des pseudo-occlusions, diarrhée, encoprésie, spasmes vésicaux avec pollakiurie, énurésie.

    Système Neuro-Endocrinien

    Grande labilité du pH sanguin (liée surtout à des phénomènes respiratoires <= hyperpnée, blocage respiratoire) ou hypophysaires et rénaux (polydipsie, polyurie).

    Hyperthyroïdie transitoire ou durable

    Système neuro-immunitaire

     

    L'échelle des émotions

     

    Zone
    L'échelle des émotions
    VII

    Exaltation, Dogmatisme

    VI
    Culpabilité, Scrupule, Doute
    V
    Passion amoureuse
    Envie, Colère
    IV
    Honte et fierté
    Jouissance Sado-masochiste
    III
    Désir et Dégoût
    II
    Peur, Attachement, Sécurité

     

    Le plaisir d'être ému

     

    Zone
    Emotions
    exemples du plaisir d'être ému
    VII

    Exaltation

    se pâmer devant "Patrick" ou le Commandant Massoud, faire la morale, poser des interdits
    VI
    Culpabilité
    se punir
    V
    passion amoureuse
    le coup de foudre et le coeur qui bat, aller pleurer au cinéma
    rire
    voir un spectacle comique ou sortir une vanne
    IV
    Honte et fierté
    Sado-masochisme
    se pavaner, se cacher
    rêver qu'on massacre des gens (et jeux video, films policiers), ou qu'on est un héros-victime
    III
    Désir

    cultiver le désir sans l'assouvir,

    II
    Peur, Excitation
    jouer à se faire peur (le grand huit...)

     

    Émotions fortes et constructionnisme faible
    Luc Faucher

    Deux fonctions pour les émotions


    Le consensus qui se dégage des travaux autour de la fonction générale des émotions dans le paradigme évolutionniste (Johnson-Laird 1988 ; Nesse 1990 ; Plutchick 1984 ; Scherer 1993 ; Tooby 1987 ; Tooby et Cosmides 1990) consiste à les concevoir, non plus comme des agents désorganisateurs du comportement comme ce fut traditionnellement le cas, ni uniquement comme des perceptions du corps comme le faisaient Descartes ou James, mais plutôt comme des modes d'opération spécifiques de l'esprit/cerveau permettant la coordination des changements physiologiques, cognitifs et comportementaux. Les émotions sont conçues dans le cadre de la PE comme des programmes qui modifient le mode sous lequel fonctionnent les nombreux mécanismes qui composent l'esprit, de façon à harmoniser leur fonctionnement afin de résoudre les problèmes adaptatifs posés par les situations rencontrées[ 4 ]. C'est entre autres ce que soutient Nesse (voir également Tooby 1987) qui, filant la métaphore du programme, écrit :

    À plusieurs égards, les émotions procurent pour l'esprit ce que les programmes procurent pour l'ordinateur. [...] Charger un programme change l'apparence de l'écran, les fonctions de certaines clés, l'utilisation de certains processeurs et l'accès à certaines informations. De la même façon, une émotion peut changer l'expression du visage, la réponse à des stimuli particuliers, la tendance à utiliser un mode ou un autre de pensée et la disponibilité de certains souvenirs. (1990, p. 269)

    Les émotions constitueraient à cet égard un antidote à l'embarras de richesses cognitives dont jouit l'humain. En effet, nos capacités cognitives nous permettent de considérer, pour chaque situation, une myriade de possibilités d'action. Mais, dans certains cas, cet avantage se transforme en désavantage, spécialement lorsqu'il faut agir rapidement. Dans ces cas, nous sommes en proie à ce que Fodor (1987) nomme le problème d'Hamlet, c'est-à-dire que nous ne savons pas quand nous devrions cesser de penser et commencer à agir. Comme l'écrit Levenson :

    Il y a clairement des moments où l'action est plus appropriée que la délibération, où répondre est plus approprié que considérer, où faire est plus approprié que planifier. Dans des situations où l'hésitation pourrait avoir les plus terribles conséquences, l'émotion fonctionne en mettant de côté le traitement cognitif qui est trop encombrant, trop obsessif, trop indulgent avec lui-même [self-indulgent] et, ultimement, qui a trop de chance d'être inconclusif. (Levenson, 1994, p. 124)

    Les émotions sont donc conçues comme sélectionnant un nombre limité de modes d'action dont l'efficacité a été testée par le temps. Elles sont des moyens de faire face rapidement à un problème ou à une situation de façon adaptative en coordonnant et imposant un mode de fonctionnement à des sous-systèmes qui fonctionnent habituellement indépendamment les uns des autres, et ce, sans une longue délibération qui est habituellement le propre de la résolution consciente de problèmes.

    Les émotions ont également une autre fonction qui n'est pas moins importante et qui est bien connue des éthologues : elles permettent de communiquer nos sentiments et de contrôler le comportement des autres. Les caractéristiques expressives du visage, de la voix et de la posture sont autant de messages qui renseignent les autres sur la façon dont nous nous sentons ou sur nos réactions vis-à-vis de leurs actions. Elles peuvent donc fournir aux autres un feed-back sur leurs actions qui permet une modification de leur projet d'action d'origine, mais elles les renseignent également sur ce que nous sommes susceptibles de faire prochainement, sur nos dispositions à agir. L'expression des émotions joue donc un rôle important dans la coordination sociale.

    Des études récentes (Wellman et al. 1995) montrent que nous sommes sensibles à ce type d'information très tôt dans notre enfance, bien avant que nous soyons sensibles à la possibilité que les autres aient des états mentaux (comme des croyances et des désirs) différents des nôtres[ 5 ]. Par exemple, les enfants entre 5 et 7 mois qui entendent une voix expressive vont sélectivement regarder vers une figure qui exprime la même émotion lorsque placés devant plusieurs choix, montrant ainsi leur habileté à détecter la signification commune des présentations optiques et acoustiques des expressions émotionnelles. En fait, il semble que la reconnaissance des états émotionnels à partir des expressions jouent un rôle primordial chez les enfants en guidant leur apprentissage. En regardant les expressions sur le visage de leurs parents ou en étant attentifs aux différentes modulations de leur voix (Fernald 1992), les enfants peuvent obtenir des renseignements sur le caractère de certaines situations ou de certains stimuli.

    L'utilisation des expressions émotionnelles pour la communication demande donc non seulement une habileté à émettre ces expressions, mais également une capacité à recevoir ou à décoder ces informations. Si, comme je viens de le mentionner, les expressions émotionnelles jouent un rôle très tôt dans l'apprentissage, on peut penser que le système de décodage responsable de leur interprétation comporte des éléments innés. En d'autres mots, comme ce mécanisme permet l'acquisition des informations culturelles et l'entrée dans la culture, il doit utiliser des données préculturelles. Un tel mécanisme ne peut donc fonctionner que si l'interprétation de certaines expressions est déjà spécifiée pour l'enfant. Mais ce type de système ne peut avoir été sélectionné que s'il existe une certaine régularité des expressions émotionnelles sur laquelle le mécanisme peut tabler. Ici aussi, donc, il est nécessaire de faire référence à des programmes d'affects stables.

     

    Les bases neurologiques des programmes d'affects


    Les recherches sur le substrat neuronal des programmes d'affects indiquent que ceux-ci se situent probablement dans les circuits nerveux du système limbique. Le rôle de ces structures sous-corticales dans les émotions a conduit Maclean (1980) à faire l'hypothèse que celles-ci représentent probablement une façon phylogénétiquement plus primitive que celle du néo-cortex de traiter l'information importante et de diriger nos réponses. Cette hypothèse ne fait pas que postuler l'existence de deux systèmes, mais également leur indépendance possible. Dans ce qui suit, j'aimerais considérer quelques travaux récents en neuropsychologie, qui permettent de comprendre comment cette indépendance est possible et quelles en sont les conséquences.

    Selon Ledoux (1994a), une partie des fonctions du traitement émotionnel dépend d'une petite structure enfouie dans le lobe temporal : l'amygdale. Les animaux qui souffrent de lésions à cette structure peuvent répondre normalement aux caractéristiques perceptuelles immédiates ou remémorées des objets, mais pas à la signification émotionnelle de ces mêmes objets. La propension de la peur à mener à des comportements stéréotypés et à des modifications viscérales et squelettiques s'explique par la connexion qui existe entre les structures amygdaliennes et les systèmes du tronc cérébral qui sont impliqués dans le contrôle des comportements préprogrammés et spécifiques à l'espèce ainsi qu'entre les systèmes endocriniens et le système nerveux autonome. Par exemple, le noyau central de l'amygdale a accès aux noyaux du tronc cérébral qui contrôlent les mouvements faciaux. Cette connexion distingue le système émotionnel des systèmes cognitifs de haut niveau qui sont plutôt connectés avec les aires motrices du cortex responsables du comportement volontaire.

    Les inputs du noyau central proviennent du noyau latéral de l'amygdale (NLA). Ce dernier peut recevoir ses informations de deux sources : soit des aires thalamiques, soit des différentes aires associatives du cortex. Les circuits qui commencent dans le thalamus ne fournissent qu'une perception grossière du monde, mais ils ont l'avantage d'être rapides puisqu'ils ne requièrent qu'un seul relais neuronal. Du point de vue neuroanatomique, les prérequis pour l'activation des réactions émotionnelles apparaissent donc minimaux et surtout indépendants du type de transformations qui caractérise habituellement les opérations cognitives supérieures. Les programmes d'affects peuvent être déclenchés directement par les inputs subcorticaux, c'est-à-dire avant que l'intégration perceptuelle n'ait eu lieu et que le système puisse se représenter complètement le stimulus (voir Ledoux, 1994b, p. 57). Il faut croire dans ce cas que le système peut s'activer à partir d'une information incomplète et fragmentaire. Comme l'écrit Ledoux :

    [...] la vision d'une forme mince et sinuante, sur le chemin devant nous, suffit à déclencher des réactions défensives. Nous réagissons ainsi avant de nous être assurés que nous avons rencontré un serpent, et nous ne cherchons pas à savoir que les serpents sont des reptiles ou que leur peau peut servir à la fabrication de sacs et de ceintures : ces informations inutiles retarderaient une réaction efficace et rapide, susceptible de nous sauver la vie.

    Le cerveau a simplement besoin de stocker les indices élémentaires et de les détecter. Dans un deuxième temps seulement, le traitement des informations de base par le cortex permet une vérification [...] ou la neutralisation de la réaction de peur. (1994b, p. 57)

    On le sait, les aires sensorielles du thalamus sont également les portes d'entrée du néo-cortex de l'hippocampe où des représentations distales seront élaborées à partir des signaux sensoriels. Dépendant des aires, ces stimuli seront transformés en représentations d'objets, de concepts ou de contextes qui pourront toutes déclencher, via les structures amygdaliennes, un syndrome émotionnel. On peut donc comprendre que plus les capacités de traitement de ces aires augmentent, plus ce qui déclenchera une émotion pourra être varié et abstrait.

    Cette distinction entre les provenances des inputs déclenchants les programmes émotionnels viendrait appuyer les thèses de Zajonc (1980, 1984), qui maintient, contre Lazarus (1984), que les émotions et la cognition sont des systèmes séparés et partiellement indépendants et, par conséquent, que les réactions affectives peuvent survenir sans un encodage perceptif et cognitif élaboré, qu'elles peuvent être, en d'autres mots, précognitives. Bien entendu, la plupart du temps, l'évaluation émotionnelle et l'évaluation cognitive fonctionnent de concert, mais elles peuvent parfois fonctionner indépendamment l'une de l'autre. Dans le cas où le système émotionnel fonctionne indépendamment du système cognitif, nous avons affaire à une émotion qui apparaît soit sans raison, soit comme contraire à la raison ; dans le cas où l'évaluation est purement cognitive, c'est-à-dire dans le cas où une aire n'enverrait aucun message à la structure amygdalienne, nous ferions face à une émotion « désincarnée », comme le disait James, c'est-à-dire à une émotion qui ne met pas en marche un programme d'affects.

    Finalement, notons qu'il existe d'autres projections qui partent de l'amygdale vers le néo-cortex. Comme le note Ledoux, le champ de projection de celle-ci vers le néo-cortex est plus vaste que le champ des aires du néo-cortex qui projettent vers l'amygdale. Ceci laisse penser que l'amygdale peut influencer plusieurs processus cognitifs. Cette possibilité est amplifiée par le fait que cette structure peut également influencer les processus du tronc cérébral, du cervelet et les systèmes cholinergiques qui jouent un rôle dans l'activation corticale et la vigilance.

    À la lumière de ces travaux, on peut mieux comprendre la relative indépendance du système émotionnel vis-à-vis de la cognition, mais également, on peut spéculer sur la nature des interactions entre les deux systèmes. Par exemple, les expériences sur les animaux décérébrés ont montré que ceux-ci continuent à exhiber des comportements émotifs, ce qui est facilement compréhensible si la structure responsable des émotions est l'amygdale. Mais comme le note Panskeep :

    [...] privés de leur cortex, les animaux deviennent plus émotifs, ce qui conduit à penser que, pour réaliser ses potentialités cognitives, le cerveau supérieur (ou cortical) a dû inhiber les tendances émotionnelles primitives. (1989, p. 61)

    Le cortex semble donc jouer un rôle particulier dans la modulation des tendances émotionnelles primitives et est probablement impliqué dans les comportements issus des règles d'expression postulées par Ekman. Qui plus est, il semble que la destruction du cortex n'abolisse pas la mémoire émotionnelle, ce qui indique que celle-ci est probablement distincte de la mémoire déclarative et consciente. Ceci expliquerait la difficulté que nous avons à nous débarrasser des souvenirs émotionnels.

    L'émotion, à quoi ça sert ?

     

     

    Zone
    Emotions
    Utilité
    VII

    joie de la vérité,
    joie de la beauté,
    joie du bien

    nous aide à sublimer nos tendances, nous rend plus valables pour le groupe
    VI
    Culpabilité
    nous aide à nous conformer aux règles sociales en les intériorisant
    V
    Colère

    écarte les obstacles à notre désir, fait fuir nos ennemis

    Tristesse
    déclenche la compassion ou la manifeste
    IV
    Honte et fierté
    contribue à l'adaptation au groupe
    III
    Désir

    provoque la rencontre, détermine le choix, pousse à l'amour et à la procréation.

    II
    Peur
    nous sauve par la fuite

     

    Caractère et émotions

    On peut être, par tempérament ou du fait de notre histoire, plus ou moins émotif. Il y a des Emotifs, des non Emotifs et même des Cryptémotifs !

    non Emotifs
    Cryptémotifs
    Emotifs
    description

    doués en mathématiques
    hommes d'affaires, réalistes pragmatiques, réalisations techniques

    émotivité forte mais inhibée : bloquent leurs réactions à proportion de leur intensité, surcompensent leur vulnérabilité par une apparente froideur, raideur ==> un tel aspect indifférent, hautain ou compassé cache une sensibilité délicate et irritable

    sociables, expansifs
    doués au point de vue artistique, intuition,
    doués pour l'étude des langues

    manifestations extérieures
    impassibilité, calme, maîtrise de soi, flegme, humour, froideur, résistance à la suggestion
    apathie affective et motrice avec des symptômes contraires :
    impatiences des pieds, battements des paupières, jeu nerveux des doigts, frémissement de la voix, pâleur soudaine, regard perdu, sursaut
    libéralité de l'esprit et du coeur, élan, chaleur de sympathie
    origine
    génétique et biographique
    mauvais traitements ou excès de répression pendant l'enfance (surmoi excessif)
    génétique et biographique
    coaching
    favoriser l'ouverture aux autres, la tolérance, la flexibilité;
      facilitation des activités épicritiques : observation, création artistique qui 'objective' l'émotion dans une oeuvre, écoute de musique, canalisation dans une activité visible, analyse de l'émotion qui aide à un recul, favoriser des moments de rêverie, utiliser la relaxation et la méditation,

     

    Mais être émotif se décline très différemment si on est en même temps Actif ou Non-Actif, Primaire ou Secondaire, etc...

    nA
    A
    P
    S
    nE
    nEnA
    nEA
    nEP
    nES
    E
    EnA
    EA
    EP
    ES
    Combinatoire de l'émotivité et des autres facteurs fondamentaux

     

    nA
    A
    P
    S
    nE
    nEnA : prudence, wait and see, manque d'initiative, indifférence, réalisme, pacifique, peu expansif, se méfie des grands élans.
    nEA : méfiance à l'égard des émotions, objectivité de l'intelligence, grand sens pratique, organisation dans une entreprise ou institution, force tranquille, courage.
    nEP : peu sensible au danger, accommodant, adaptable, mais porté à la critique, ruse.
    nES : impassibilité, égalité d'humeur, respect des principes, économie, pensée abstraite, esprit froid et objectif, impartialité refusant de "faire du sentiment", peu sensible au regard d'autrui.
    E
    EnA : émotivité "tombante", velléitaire, éprouve l'ennui, peur d'agir, sentiment d'écrasement par les choses, facilement découragé, religiosité, ferveur esthétique, majore ses échecs, difficulté de rebondir, résignation, rêve, indécision, pessimisme, poésie.
    EA : réactif, activité fiévreuse, extraversion, aime agir sur le groupe, bonne humeur, combattivité, éloquence.
    EP : besoin d'émotions, explosivité, imagination, impulsivité, contradictions, désordre, inconstance, discontinuité, vie sentimentale tumultueuse, révolte, cyclothymie, dépendance du regard d'autrui
    ES : reste longtemps sous les impressions, attaché au passé, vie affective organisée, exigence, inhibition de l'émotivité apparente (cryptémotivité), ruminations, anxiété,
    Combinatoire de l'émotivité et des autres facteurs fondamentaux

     

    Processus dys-émotifs
    Processus Eu-(é)motifs
    Anxiété
    Angoisse
    Cauchemars
    Rire
    Baillement
    Rêve
    Alerte, qui-vive basée sur un sentiment d'être potentiellement incapable d'affronter la situation: mimique anxieuse (opposée à ka mimique du sourire)
    Constriction physique avec sensation d'étau au niveau de la tête, sensation d'étouffement au niveau respiratoire (boule à la gorge), constriction vasculaire (angine de poitrine), contraction sur le plan digestif (boule épigastrique, constipation).

    Relâchement confiant, basé sur le sentiment de dominer parfaitement la situation. Dilatation physique, avec sensation de libération, de respiration, d'ouverture respiratoire (à gorge déployée), de relâchement des muscles lisses (pisser à la culote)

    Détente des muscles respiratoires à tous les étages

     

    corps biologique, corps érogène

    => atrophié : maladie (serait-ce notre "corps émotionnel" => non => le corps biologique est émotionnel et les émotions de la rencontre donnent le corps érogène)

     

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      Web auriol.free.fr   


    Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

    © Copyright Bernard AURIOL (email : )

    26 Juin 2004

    notes pour l'émission Sud Radio du Dimanche 22 04 2001, 18 h 30

    [basée sur un dossier colligé par Colette Gouvion paru dans Psychologies N°196 (Avril 2001)]

     

    Bibliographie

    1. B. Auriol, Le problème des bêta-récepteurs en Psychiatrie, Etude critique de la littérature et observations cliniques, C.E.S. Psychiatrie - Toulouse III - 215 pages - Ronéotypé, 1973
    2. G. Berger, traité pratique d'analyse du caractère, PUF, 1963
    3. E. Dupré, Pathologie de l'Emotion et de l'Imagination, pp. 245-256, Payot, 1925
    4. C. Gouvion et coll., "Que d'Emotions !" Psychologies N°196 pp. 76-109, Avril 2001.
    5. F. Lelord et C. André, La force des émotions, Odile Jacob, Mars 2001.
    6. W.A. Mason et G. Berkson, Conditions affecting vocal responsiveness of infant chimpanzees, Science, 137, pp. 127-128, 1962
    7. E. Mounier, Traité du Caractère, Seuil, 1947.