Hypothèse
(Note à propos d'une possible genèse de la préférence latérale, A.M.I. - Psychiatrie - N° 71, 311-313, Juin 1988 )
Early prematurity doesn’t generate the usual right bias and there is a statistical correlation between the newborn handedness and the position of birth ( LOA producing right-handedness and conversely ROA producing left-handedness ). In the case of LOA, the isometric contractions of the fetus are facilitated on the left and the isotonic ones on the right (and conversely for ROA). In this way we can explain individual lateralization by a functional attainment process during the three last months of the pregnancy.
Les travaux concernant une hérédité de la préférence latérale, qu’il s’agisse de la main, du pied, de l’œil ou de l'oreille, n'ont, jusqu’à ce jour, donné que des résultats négatifs, contradictoires ou peu convaincants.
Par exemple, le "situs inversus" (celui dont les organes sont en position atypique : coeur à droite, foie à gauche, etc.) ne semble pas, comme on l'attendrait si l'information « latéralisante » était d'origine chromosomique, être plus porté à la gaucherie que les sujets normaux (M. Ruel, 1970).
Des cils qui contrôlent l’asymétrie de nos organes Nonaka et al. |
L’asymétrie droite-gauche de nos organes est initiée et contrôlée dès les premières étapes du développement embryonnaire. Deux articles publiés dans la revue Nature montrent que cette mise en place dépend du flux liquide généré par les battements de cils présents dans une structure de l’embryon appelée le ‘nœud’. Ces cils existent chez la souris, le poisson zèbre, le poulet et le xénope (un crapaud), ce qui suggère que cette asymétrie obéit à un même mécanisme chez tous les vertébrés. Dans un premier article, des chercheurs japonais démontrent le rôle essentiel du flux généré par ces cils. En effet, Nonaka et al. ont montré qu’il était possible d’inverser l’asymétrie des organes en modifiant l’orientation du ‘flux nodal’ sur des embryons de souris. Ils expliquent que les cils présents sur le ‘nœud’ de l’embryon exercent un battement circulaire dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Afin de préciser le rôle définitif de ce flux, les chercheurs japonais ont observé les conséquences d’une perturbation artificielle de son orientation. Pour cela, des embryons de souris ont été placés dans des conditions où l’orientation du flux nodal était inversée grâce à un flux artificiel d'orientation opposée. Ceci a conduit à une inversion de la latéralisation de l’embryon. Une autre lignée de souris a également été employée. Leur principale caractéristique est que les cils en question ne sont pas fonctionnels. Le résultat est une latéralisation aléatoire : la moitié des souris présente une asymétrie normale tandis que l’autre présente un ‘situs inversus’. En plaçant ces embryons dans un flux adéquat, les chercheurs japonais sont parvenus à rétablir un profil de latéralisation normal. L’importance de ces cils avait été jusqu’à présent bien démontrée chez la souris mais c’est la première fois que l’on montre que le flux qu’ils génèrent est directement responsable de la mise en place de l’asymétrie gauche-droite. Une publication signée Essner et al. indique que ces cils spécifiques sont aussi retrouvés chez le poulet, le xénope ou encore le poisson zèbre.
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L'existence d'une préférence congénitale apparaît très clairement à la lumière du sentiment empirique et d'un certain nombre de travaux.
Mélékian (1981) a mis en évidence l'existence d'une latéralisation de la toute première manifestation pédestre: la marche automatique, selon cette étude, démarre par le pied droit de manière très majoritaire (de l’ordre de 70 % des cas).
Une « préférence » latérale, qu’on oublie de connecter aux autres, est celle de la position fœtale en fin de grossesse avec le type de présentation qu'elle favorise, et peut-être du côté de l'ovulation ou du point d'implantation de l’œuf.
La question du côté de l'ovulation est actuellement controversée malgré un travail britannique (cf. encadré) affirmant l'existence d'une importante asymétrie entre les deux ovaires, dont le droit serait responsable de l’ovulation dans 75% des cas, l'opinion prévaut actuellement que, "sur une durée suffisamment longue, l'ovaire droit ovule autant de fois, que l'ovaire gauche".
Cette étude anglaise prétend, non seulement « montrer que l'ovulation survient dans 75 % des cas dans l'ovaire droit », mais aussi fournir quelque explication physiologique de cette statistique: "Le côté de l'ovulation dépendrait de l'activité résiduelle du corps jaune du cycle précédent. Une phase folliculaire inférieure ou égale à 14 jours serait associée à une ovulation du côté opposé du cycle suivant. A l'inverse, une phase folliculaire supérieure à 14 jours serait associée à une ovulation du même côté. Pour qu'une telle loi induise une asymétrie favorisant de manière notable l’ovulation droite, il faudrait que l'ovaire gauche ait une tendance systématique à produire une phase folliculaire plus brève. Ce qui déplace la question vers les facteurs influençant la durée de celle phase: physiologiques (influences mécaniques coIo - sigmoïdiennes gauches favorisant la rupture plus précoce du follicule, sécrétions endocrines de l'axe hypothalamo -pituito -ovarien, circulation ovarienne et action locale ou réflexe du système neuro -végétatif ) et psycho -somatiques (modification des sécrétions endocrines, du péristaltisme intestinal et colo-sigmoïdien, etc.).. On devrait alors conclure à l’influence de tels facteurs sur le côté de la ponte ovulaire. |
Lettre du Médecin, n° 413 du 7 mars 1987; p. 3
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La disposition du fœtus dans la matrice, aux différents moments de la grossesse, obéit à des interactions complexes entre la mère et son bébé. Déjà le lieu d’implantation placentaire, les mouvements vaginaux et utérins au cours des rapports sexuels, le péristaltisme de l'intestin maternel, les déplacements du corps et de la paroi abdominale liés à la respiration et aux différentes positions correspondant à tous les mouvements de la mère, contribuent à mobiliser le contenu matriciel.
Dans les derniers mois de la grossesse, l'enfant, par ses réactions musculaires, coopère à la mise en place d'un dialogue tactile et kinesthésique très riche entre les deux partenaires, dialogue dans lequel peuvent même s’inscrire des intervenants extérieurs (le père, le médecin…). Le résultat le plus commun de cette dialectique corporelle est la présentation du naissant en 0IGA (2/3 des cas).
Un travail peu commenté de Grapin et Perpère (1968), avait suggéré qu'il existe un lien entre la préférence manuelle et la position de naissance. Les naissances en OIGA favoriseraient la droiterie et celles en OIDP la gaucherie.
Ces auteurs avaient proposé un mécanisme quelque peu surréaliste pour expliquer cette intéressante corrélation: ils supposaient que la position OIGA, qui met en proximité la partie gauche du crâne et le plan postérieur de la mère, conduisait à favoriser, par un différentiel d'afflux sanguin, l'hémisphère gauche du Fœtus, car, pensaient-ils, la gestante dort en décubitus dorsal.
Cette théorie semble pouvoir être contestée au nom de deux arguments.
Il est donc possible de proposer l'hypothèse selon laquelle la préférence latérale se construit comme un conditionnement et un imprinting, simultanément. En effet, lors du dernier trimestre de la gestation le futur OIGA ( et mutatis mutandis OIDP ) est situé de manière à ce que son plan sagittal soit, en gros, dans le plan médio-frontal du bassin maternel. C’est-à-dire que le gauche du fœtus est apposé au plan postérieur de sa mère. Ainsi, les mouvements qu’il tentera de ce côté-là seront gênés dans leur amplitude; les contractions isométriques seront favorisées. Par contre, son côté droit, en regard de la paroi abdominale maternelle plus souple, surtout lorsqu’elle se détend, pourra se déplacer avec quelque liberté; les contractions isotoniques seront plus faciles. Nous admettrons que la plus ou moins grande facilité de mouvement peut agir comme un renforcement systématique de mouvements, plus amples à droite. Ce conditionnement se réalisant à une époque de maturation cérébrale et neuronique, en général très active, pourrait marquer d’une empreinte définitive, non seulement le fonctionnement, mais peut-être les structures histophysiologiques elles-mêmes.
On voit qu'un tel mécanisme doit produire toutes sortes de variations individuelles quant à l'importance et à la distribution de la préférence latérale motrice.
La préférence latérale sensorielle concerne aussi l’oreille et pourrait faire intervenir un différentiel auditif, tel que les bruits internes du corps gestant soient plutôt captés par l’oreille gauche alors que les bruits externes parviendraient mieux à l'oreille droite (moindre masse interposée entre l’oreille et l'environnement).
A ce stade de réflexions menées depuis plusieurs années (cf. B. Auriol, 1985), est paru, un travail qui paraît fortement supporter ces suggestions.
O’Callaghan et ses collaborateurs (1987) ont pu montrer que les prématurés nés avec un poids inférieur à 1 kg se différenciaient de manière extrêmement significative (p = 0,001) de ceux qui dépassaient ce poids. Si on effectue un test de latéralité, à l’âge de 4 ans pour ces deux sous -populations, la moitié(54%) des premiers sont « gauchers » alors que 92% des autres sont « droitiers ».
Les premiers étaient nés avant la 29e semaine de grossesse, c’est-à-dire avant que ne puissent être objectivées les asymétries anatomiques de l'encéphale...
Ceci paraît asseoir solidement l'idée que la différence anatomique en question est d'origine fonctionnelle et dépendante d'un différentiel de possibilité motrice et/ou d’un différentiel sensoriel au cours du dernier trimestre de la gestation.
La genèse de la latéralité est probablement étalée jusque très tard dans l’enfance, faisant ensuite intervenir toutes sortes d’influences, convergentes ou non, d’ordre sensori-moteur, émotionnel, intellectuel, familial et social. De là les importantes fluctuations affectant la préférence latérale, notamment manuelle.
Cependant un socle très solide, faisant peut-être, en partie, le lit de la spécialisation hémisphérique et de la localisation des fonctions du langage, pourrait se constituer, comme nous venons de le voir, dès avant la naissance, quoique sans support chromosomique hérité...
B.M. Auriol
Bibliographie