OREILLE GAUCHE, OREILLE DROITE

RECHERCHE SUR LA LATERALITE AUDITIVE

Université Paul Sabatier, Toulouse III

U.E.R. Techniques de Réadaptation

 

Mémoire pour l'obtention

du certificat de capacité d'orthophoniste

 

Martine VALIÈRE‑MONTAUD

Gisèle ROTH,

Jean RIBO

 

 

 

Sous la direction de Pierre F. Montaud, orthophoniste

1978


 

 

 

 

5 )DYSLATERALITE   ET TROUBLES  DU LANGAGE

 

-Qu ’ appelle- t - on troubles de la latéralité ?

 

On a souvent considéré que la gaucherie était un trouble de la latéralité en soi alors que ce qui créait ce trouble était en fait l’idée que l'on se faisait de cette particularité et toutes les manifestations de rejet qu'elle suscitait, Elle n'était donc qu'indirectement un facteur de trouble. D'autre part la gaucherie était souvent diagnostiquée de façon abusive,

 

Nous savons maintenant que la gaucherie pure dans notre pays (comme la droiterie pure &ailleurs) est un fait assez rare et qu'il existe un certain nombre de fausses gaucheries, gaucheries acquises et en quelques sortes "plaquées'' qui ne correspondent pas à la latéralité profonde du sujet.

 



 

                       Selon LHERMITTE il existerait 10% de gauchers vrais pour une grande population et 90% de droitiers (6, P.9). En Amérique le Pourcentage de gauchers "non contrariés serait de l'ordre de 33% et représenterait donc environ 1/3 de la population (GRAPIN & PERPERE "La latéralisation du nourrisson" 6, P. 87 - 88).

 

Cette importante proportion serait le signe d'une "réhabilitation" de la gaucherie débarrassée de toutes les significations péjoratives qu'elle véhicule depuis si longtemps,

 

Mais cette proportion pourrait être due aussi à une volonté excessive de revaloriser ce type de latéralité en induisant par le biais de l'éducation l'utilisation préférentielle de la main gauche chez beaucoup de jeunes enfants, et ne serait peut-être pas représentative de la réalité.

 


1                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         ‑ 24

 

Il semble depuis l’ensemble des enquêtes réalisées sur le pourcentage de gauchers que celui‑ci varie entre I% et 30%. (Vilma FRITSCH ‑ 12, P 148)

 

Vilma FRITSCH estime que ce pourcentage est le même partout.

 

Si la gaucherie ne peut-être considérée directement comme un trouble fonctionnel ‑ en effet "ce pourcentage de gauchers n’est pas assez petit pour qu'on puisse parler d'une anomalie " écrit Vilma FRITSCH (12, p.148).

 

Doit‑on considérer qu'une latéralité globale non homogène est en elle même pathologique ?

 

                         Nous savons que beaucoup d'enfants ayant une latéralité homogène ne sont pas pour autant affectés de troubles du langage,

 

AJURIAGUERRA (13 P. 364) écrit : "Si avec N, GALIFRET GRANJON nous avons à la suite de divers auteurs confirmé la fréquence d'une mauvaise latéralisation chez les dyslexiques, nous avons montré qu'il existe cependant des dyslexiques avec une latéralisation homogène".

 

Ce n’est donc pas semble ‑t‑ il l'hétérogénéité de la latéralité qui Peut être systématiquement impliquée dans les troubles du langage mais plutôt une mauvaise détermination de cette latéralité liée à une immaturité globale (immaturité cérébrale, motrice et linguistique).

 

Vilma FRITSCH écrit (12 p.139) "Il faut donc s'attendre chez les individus privés de leur latéralité naturelle pour des raisons pathologiques, c'est‑à-dire des "faux'' gauchers ou droitiers (mais aussi chez les gauchers rendus droitiers par l’éducation) à une certaine dysharmonie des fonctions neurologiques, et en particulier à une augmentation des troubles du langage".

 

 

 


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‑ Troubles du langage oral ‑

 

Nous connaissons mal les influences des troubles de la latéralité sur le langage oral.

 

J. de AJURIAGUERRA et ses collaborateurs (DIATKINE, de GOBINEAU$ NARLIAN, STAMBACQ à l'issue d'une étude comparative sur un groupe d'en2ants bègues (90), un groupe de dyslexiques et de dysorthographies 197) et un groupe témoin (108) concluent que le nombre de gauchers et de sujets mal latéralisés est encore plus élevé chez les bègues que chez les dyslexiques".Q p.90)

 

Ces auteurs constatent par ailleurs que le nombre de latéralités croisées (œil‑main) est le même pour les trois groupes et que la mauvaise latéralisation des enfants bègues se manifeste par une grande dispersion des résultats aux différentes épreuves.

 

Nous voyons que cette étude vient confirmer la mise en cause dans les troubles du langage de la mauvaise latéralisation plus que de l'aspect non homogène de la latéralité au de la gaucherie pure. "Ce qui domine dans ce dernier groupe (celui des bègues) ce n’est pas la gaucherie pure, mais bien la mauvaise latéralisation avec résultats discordants aux différentes épreuves." (H. HECAEN a J. de AJURIAGUERRA ‑ 4, p. 86)

 

TRAVISI, ORTON et VAN RIPPER ainsi que JOHNSON et DUKE estiment que la gaucherie "contrariée" joue un le dans la genèse du bégaiement et que ce trouble peut disparaître après un retour au côté dominant.

 

Il ne semble pas possible de considérer le bégaiement comme un symptôme directement lié à une gaucherie pure ou contrariée ou à une mauvaise latéralisation. Le bégaiement étant avant tout un trouble de la relation. "Il faut tenir compte dans la notion de gaucherie contrariée non seulement du problème posé par le passage de l'activité d'une main dominante à une main non dominante mais aussi du terme de "contrarié" c'est‑à‑dire jusqu'à un certain point d'une contrainte, ce qui entraîne chez l'enfant à un certain âge une modification affective émotionnelle ". (HECAEN & AJURIAGUERRA ‑ 4, p. 86) Et c'est cette contrainte imposte par les éducateurs à l'enfant qui peut être le signe d'un conflit relationnel qui se situ à un autre niveau que le symptôme lui même et qui peut-être à l'origine même des troubles de la latéralité.

 


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Clément LAUNAY dans l'introduction de l'ouvrage de Mme S. BOREL MAISONNY et PICHGU "Le bégaiement'' rappelle "qu’il existe un pourcentage élevé de gauchers chez les retardés simples du langage". (14, p.4) ‑

 

Dans une étude portant sur 60 cas de retard de langage, cet auteur dénombre 25 gauchers alors qu'il n'en trouve que 7 sur 60 cas d'enfants du groupe de contrôle (4‑P‑76) ‑

 

Ces résultats ne sont pas considérés comme significatifs par H. PECAEN & J. de AJURIAGUERRA "un travail effectué par l'équipe du service médicaux pédagogique de GENEVE nous a permis par contre de relever dans une population de dysphasiques 67,5% de droitiers, 7,5% de gauchers ou de tendance gauchère et 25% de sujets avec une hétérogénéité absolue". (4,P.76) ‑

 

LAUNAY écrit : "Dans un rapport de 1949 deux d’entre nous remarquaient, sans pouvoir apporter de chiffres significatifs, la fréquence avec laquelle un trouve une dominance gauche parmi les membres de la famille d'enfants handicapés dans leur langage". S. BOREL-MAISONNY & C.LAUNAY (15 P. 103).

 

 

Ces auteur ajoutent : "une étude plus poussée dans la recherche des tests de dominance latérale conclut aujourd'hui à admettre qu'il y a surtout parmi les dysphasiques un pourcentage important d'enfants mal latéralisés ou qui acquièrent tard leur dominance latérale". (BOREL‑MAISONNY ‑ P P.104).

 


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Troubles du langage écrit

 

La relation des troubles de la latéralité avec les troubles du langage écrit est plus apparente dois la mesure où celui ci fait intervenir clairement la notion d'espace.

 

En effet, l’acquisition du langage écrit nécessite une bonne latéralisation puisque ce dernier est la projection dans l'espace et le temps du langage parlé et que cette spatiaux temporalité ne s’organise bien chez un sujet que S'il possède une latéralisation correcte.

 

KLEPART en 1960 écrit : "il n’existe pas de direction en soi dans l’espace ; les directions que nous attribuons à l’espace (droite, gauche, haut, bas..) sont données à un espace extérieur (celui que nous vivons) sur des bases d'activités vécues dans l'organisme (Conférence de AKNIN MASUREL ‑ notes prises par les membres de la commission "Déficience visuelle", 5 p14).

 

J, PELLE dans son mémoire d'orthophonie présenté en 1966 à TOULOUSE expose la thèse selon laquelle une latéralité hétérogène serait un des facteurs d’échec scolaire et particulièrement serait en relation avec des troubles tels que la dyslexie, la dysorthographie et les troubles d’articulation.

 

La conclusion de son enquête est la suivante : Sur une population d'enfants âgés de 7 à 10 ans 28% d’enfants ne présentant aucun trouble du langage sont mal latéralisés. Le pourcentage chez les enfants dyslexiques s’élève à 42 %.

 

Les troubles de 1’orientation spatiale qui se manifestent dans la dyslexie ont été décrits par ORTON et d'autres auteurs : "on retient comme particulièrement caractéristique l'inversion de la lecture des lettres à l’intérieur d’un mot, la confusion de lettres de graphisme voisin mais d'orientation différente, l'écriture ou la lecture un miroir".(4 p87).

 

ORTON et TRAVIS ont tenté d’expliquer ces désordres en invoquant l'existence d'une rivalité hémisphérique (4 P, 87).

 

 

 


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Lorsque la dominance est bien établie les impressions reçues par l’hémisphère non dominant "sont éliminées".

 

"Lorsque cette dominance n'est pas bien établie, l'individu a tendance à renverser l'ordre des éléments La strephosymbolie consiste pour ORTON dans l'impossibilité pour un sujet de négliger les impressions sensorielles de l’hémisphère mineur au profit de celles de l'hémisphère majeur, les impressions sensorielles sont enregistrées à la fois par les hémisphères droit et gauche, mais symétriquement avec des orientations opposées". (HECAEN & AJURIACUERRA ‑ 4,p.8I).

 

L'hypothèse de ORTON n’a pas été retenue pas HECAEN & AJURIAGUERRA. Ces auteurs estiment que cette théorie est trop générale et ne peut correspondre à tous les cas de dyslexie.

 

Pour OMBREDANE cette théorie néglige le caractère moteur de l’effet de la gaucherie.

 

"L'hypothèse d'après laquelle les désordres d’apprentissage de la lecture sont en rapport dans tous les cas avec les désordres de la latéralité ne nous parait démontrée par aucun travail statistique, mais nous pensons par contre qu'ils peuvent jouer un rôle dans un certain nombre de cas ”. I (HECAEN & AJURIAGUERRA ‑ 4 ‑).

 

On trouve en effet des inversions de lettres chez des enfants bien latéralisés, d'autre part les confusions peuvent porter sur des lettres dont la ressemblance ne peut s'expliquer par une orientation différente, les confusions de mots peuvent être dues à des confusions phonétiques ou à une mauvaise perception auditive.

 

Nous pouvons retenir de ces différentes études que la mauvaise latéralisation est fréquemment associée avec des difficultés d’apprentissage de la lecture.

 

“ L’étude d'un indice de latéralité réalisée par HECAEN & AJURIAGUERRA chez des enfants dyslexiques montre que "ces enfants sont plus fréquemment gauchers que les ''normaux'' mais plus fréquemment mal latéralisés".

 


29

 

Les troubles de la latéralité semblent encore plus directement impliqués dans l'écriture en raison de son sens gauche‑droite. Il semble plus naturel d'écrire de gauche à droite c’est‑à‑dire exécuter un mouvement d’ouverture (qui parait être le sens de la communication). Il ne faut pas oublier le caractère conventionnel de cette orientation qui constitue pour l'enfant une loi de plus à introjecter.

 

Pour le gaucher cette orientation gauche droite est une source de difficultés car il doit exécuter un mouvement de fermeture.

 

Qui n'a jamais observé la position presque acrobatique que doit prendre un gaucher pour écrire et voir ce qu'il écrit ! (position dite "du col de cygne")

 

En ce sens les conventions graphiques que nous appliquons semblent dans leur déroulement et leur enroulement "faites" pour les droitiers.

 

"Lorsque l'enfant gaucher écrit, le plus souvent il ne respecte pas la ligne, l'écriture peut être tremblée, les lettres mal formées avec des boucles rarement réussies, les barres mal faites, des taches nombreuses car l'enfant glisse sa main sur l'écriture encore fraîche, certaines lettres sont tracées en miroir et on peut même trouver une tendance spontanée à écrire de gauche à droite". (HECAEN & AJUMAGUERRA 4, p 92)

 

Pour GESELL l'inversion de lettre est normale de 6 à 8 ans (4, P.94)

 

Nous pouvons remarquer que 1’écriture en miroir est fréquente chez les gauchers et qu'ils exécutent celle-ci avec autant d'habileté qu'un droitier exécute avec sa main droite son écriture habituelle.

 

Ce type d’écriture peut exister mais de façon moins constante chez des sujets présentant des désordres de l'organisation spatiale. (certaines lettres seulement sont inversées).

 

Ces défauts sont selon HECAEN & AJURIAGUERRA difficilement corrigibles dans ces cas.

 


‑ 30 ‑

 

 

Certaines dysgraphies sont dues à une latéralité mal établie "il faut comprendre par là" dit Vilma FRESCH, "qu'il est malaisé de dire s’ils sont gauchers ou droitiers, car vous les voyez essayer d'écrire une lettre de la main droite, se rendre compte qu'elle est manquée, essayer de l'autre main mais sans réussir mieux". (12, p.IS5) ‑

 

La dysgraphie peut-être en relation avec la dyslexie dans certains cas mais elle peut aussi exister comme trouble isolé "ce qui montre que les engrammes visuels organisés suffisamment pour la reconnaissance peuvent ne pas être associés suffisamment avec l'élément kinesthésique pour assurer la reproduction graphique". (HECON & AJURIAGUERRA ‑ 4, P. 95‑96)/

 

Il s'agit donc dans ce cas de véritables troubles de l'écriture.

 

"On ne peut nier dans les désordres fonctionnels que nous venons de décrire : (bégaiement, retard de langage, dyslexie, dysorthographie et dysgraphie) qu'une mauvaise latéralisation puisse Jouer ‑,,in r8le important, mais il s'agît de savoir si le facteur véritable est la gaucherie proprement dite, la latéralisation mal affirmée ou la gaucherie contrariée". Nous attribuons une grosse importance en particuliers à ces deux derniers facteurs (MAIN & AJURIAGUERRA 4 p.I56) ‑

 

 

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28 Mai 2003

©Martine VALIÈRE-MONTAUD, Gisèle ROTH, Jean RIBO