OREILLE GAUCHE, OREILLE DROITE

RECHERCHE SUR LA LATERALITE AUDITIVE

Université Paul Sabatier, Toulouse III

U.E.R. Techniques de Réadaptation

 

Mémoire pour l'obtention

du certificat de capacité d'orthophoniste

 

Martine VALIÈRE-MONTAUD

Gisèle ROTH,

Jean RIBO

 

Sous la direction de Pierre F. Montaud, orthophoniste (1978)

 


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6)LATERALITE AUDITIVE

“ Ouvrir l’œil et le bon ”
“ Tendre l'oreille ”
“ Avoir le pied marin ”

 

Il s'agit bien d’ouvrir un œil et non pas les deux, comme de tendre une seule oreille...

 

Ces dictons privilégient systématiquement un organe par rapport à l'autre. Si nous admettons qu'ils recouvrent une réalité pour l’œil et le pied pourquoi n'admettrions nous pas qu'il en soit de même pour l'oreille ?

 



 

En fait, la perception binaurale nous permet de localiser lut sons . "S'orienter au son c'est localiser une source sonore dans l'espace" écrit GRIBZNSKY (16). Cet auteur poursuit en expliquant : `` Avec une seule oreille, l'orientation auditive exige de petits mouvements rapides de la tête; généralement médiocre, elle peut s'améliorer.... Au contraire l'orientation est précise en audition binaurale, d'emblée et même si la tête est parfaitement immobile.

 

Quelles informations nous apporte la morphologie cérébrale ?

 

Jean LHERMITTE écrit (1 p1O) : "GARCIA GOYANES conclut de ses recherches que du côté gauche le lobe temporal ne porte qu'une seule circonvolution transverse de Heschl tandis que du côté droit cette circonvolution est dédoublée Il semblerait donc que la sphère auditive commune soit plus développée du côté droit chez la droitier".

Dans le même sens HECAEN (6 P. 44) écrit que B. MILNER a constaté lors d'atteintes de l'hémisphère droit "une baisse du performance de discrimination pour la mémoire des figures tonale et l'appréciation de la mélodie",

 


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c'est‑à‑dire des troubles de la discrimination du non‑verbal.

 

Des études ont été faites concernant la localisation hémisphérique de la sphère auditive chez le musicien. LHERMITTE dans le même ouvrage (6 p, 12) rapporte que "AUERBACH découvrir que la sphère acoustique apparaît spécialement développée sur l’hémisphère gauche chez un droitier". Cette localisation sur l'hémisphère majeur s'expliquerait par le fait que la musique est devenue un véritable langage pour le musicien (qu'il utilise la musique sous sa forme "orale'' et écrite comme nous le faisons pour le langage).

 

A.A. TOMATIS (7) décrit ses premières expériences relatives au contrôle audio phonatoire faites sur un chanteur en 1950.

 

Un montage permet au sujet soumis à l'expérience de se réentendre soit par les deux oreilles, soit par l'une ou l’autre.

 

Lors de l'écoute avec les deux oreilles la voix du chanteur était identique à celle qu'il avait sans appareillage. Lorsqu'on supprimait l'audition par l'oreille gauche (seule l'oreille droite subsistait donc pour contrôler l'émission) peu de modifications de la voix étaient constatées.

 

Par contre, en éliminant l’oreille droite, le contrôle auditif se faisant alors par la gauche, TOMATIS constatait une altération des qualités vocales parmi lesquelles la disparition de la justesse et un ralentissement du rythme.

 

TOMATIS a conclu de ces expériences qu’il existe une oreille préférentielle désignée pour exécuter des fonctions de contrôle plus particulières et plus précises. Il l'a nommée "oreille directrice" par analogie avec l’œil directeur (celui qui vise).

 

                                              Le même type d'expérience a été fait au niveau de la voix parlée. Le même auteur a pu constater que lors de la suppression de l'oreille gauche la voix était plus légère, plus haute ; à l'inverse elle devenait plus "blanche'' et des phénomènes comme des hésitations allant jusqu'au bégaie


-ment apparaissaient quand on supprimait l'oreille droite. TOMATIS a pu conclure qu'une oreille était spécialement destinée à réguler la voix parlée.

 

Au niveau de ces premières constatations concernant l’oreille directrice" TOMATIS pensait qu’elle pouvait siéger à droite chez un individu droitier et à gauche chez un gaucher. Son opinion s'est sensiblement modifiée puisqu'il écrit dans son dernier ouvrage "Vers l'écoute humaine" (17) "Cette audition sélectivement adoptée siège donc à droite et toujours à droite. Elle est nécessairement choisie pour que s'organise une boucle de contrôle dite de régulation (17, P‑78)

 

Il poursuit (p95) : "je demeure persuadé qu'il existe dans chaque individu une oreille directrice, toujours la même, comme il n'y a qu’un œil directeur, l'un et l'autre de ces appareils de visée siégeant du côté droit.

 

D'autres expériences ont été faites, qui vont dans le même sens que les hypothèses émises par TOMATIS, J. de AJURIAGUERRA (13) rapporte celles de LIE en 1950 qui a mis en évidence la notion de "feed‑back" , Cet auteur par la méthode de la parole "répétée‑retardée" enregistre la voix de la personne qui parle sur un magnétophone et lui fait réentendre cet enregistrement par des écouteurs bien adaptés pendant qu'elle parle mais avec Un retard d'environ 1/10 à 1/5 de seconde. B.S. LEE montre que par cette méthode on peut déclencher des modifications du langage portant sur une durée excessive des voyelles, des répétitions de mots un bégaiement de syllabes et d’autres défauts,,, Ce phénomène évoque que la notion de la genèse du langage comporte un cycle fermé de feed‑back par lequel celui qui parle dirige et contrôle de façon permanente sa propre voix ”.

 

D'autres auteurs se sont également intéressés au problème de la latéralité. ACKNIU & MASUREL (5) parlent de latéralité en termes de "principe organisateur" et de développement. Ces auteurs se sont intéressés aux différentes phases du développement de la latéralité en ce qui concerne le domaine manuel, locomoteur, visuel et auditif, Notre but n'est pas de décrire toute leur étude mais de donner une idée générale de leur conception en notant particulièrement ce qui concerne l'audition.

 

Ils appellent le 1° stade Monolatéralisation : "L'enfant aura des comportements comme si un seul côté du corps agissait... Aucune relation ne lie un Côté à l'autre". Pour GESEEL le point culminant de cette étape est le réflexe tonique du cou (extension du bras et de la jambe de l'enfant du côté où la tête est tournée).

 

J. de AJURIAGUERRA (4) écrit : "GESELL et AMES étudiant le développement de la latéralité trouvent que chez 14 nourrissons sur 19, soit dans 74% des cas le réflexe tonique du cou permettait de prédire la latéralisation. A 4 reprises la gaucherie a pu être correctement prévue en raison d'une prédominance du réflexe tonique gauche".

 

Sur le plan de l'audition cette étape est celle de la mono‑auralité (parallèlement à la Ière étape de la vision appelée monocularité) : l’enfant utilise une seule oreille à la fois. Ils citent DELACATO "L'enfant commence à s'entendre et à entendre les bruits le concernant, Il ne peut les situer dans l'espace mais s'initie i un système de réactions réflexes conditionnées aux bruits".

Au cours de la 2° phase Duolatéralisation : Le réflexe tonique du cou devient réflexe symétrotonique ; l'enfant peut tenir sa tête sur l'axe médian, replier ses deux bras, ses deux jambes jusqu’à la ligne médiane mais ne la franchit pas.

L'enfant utilise simultanément ses deux oreilles mais sans fusion du message auditif (duo‑auralité).

 

L'avant dernière phase appelée Bilatéralisation est caractérisée par un fonctionnement coordonné volontaire mais dissymétrique des 2 côtés du corps.

 

L'aboutissement de cette phase est le contrôle moteur identique des deux côtés du corps ce qui entraîne une asymétrie fonctionnelle,

 

Sur le plan auditif "l'enfant commence à situer un bruit dans l'espace" (DELACATO). Il est capable de s’orienter vers le bruit.

 


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La dernière phase de développement décrite par ACKNIN & MASUREL est l’unilatéralisation : un côté dirige une action que l'autre soutient. C'est pour ces auteurs la phase de mise en place d'une oreille directrice (stéréo‑auralité au uni‑auralité). A ce stade l'enfant a fait un choix.

 

Si pour TOMATIS le choix de l'oreille directrice se fait systématiquement à droite, A,CKNIN & MASUREL admettent qu’un individu puisse choisir le côté gauche au niveau de l’œil et de l’oreille comme il le fait au niveau des membres.

 

Pour TOMATIS il s'agit d’une structure préétablie. La latéralité est liée pour cet auteur à l’asymétrie fonctionnelle des nerfs récurrents. Il explicite cette idée dans "La libération d’0edipe"(3, P.91) "Le nerf récurrent n'a d'autre souci au départ que de déterminer l'ouverture et la fermeture du sphincter laryngé lors de la déglutition. C'est de sa mise en fonction linguistique qu'apparaissent le Cté court, le droit, le côté long, le gauche.

 

Cette asymétrie existe certes dans la lignée animale mais n'est pas autrement utilisée que dans sa fonction de déglutition. Aussi n'enclenche‑t‑elle pas l’ébauche de la latéralité ”.

 

Nous nous permettons d'émettre des réserves quant à cette explication ‑ en effet la vitesse chronaxique peut compenser l'asymétrie de longueur des récurrents ‑ et nous préférons comme ACKNIN & MASUREL parler de latéralité en terme de développement.

 

D'autres auteurs admettent aussi l’existence, d’une oreille directrice : "Nous pensons" dit Mme. ISI BELLER (18) "qu'il est possible sinon probable qu'une oreille joue un rôle directionnel dans la boucle audition‑phonation au même titre qu’un membre dans un geste des deux mains et que ce rôle soit dévolu à l'oreille droite

 

 

 


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Mme ISI BELLER expose sa méthode de rééducation sémiophonique dans laquelle on favorise une oreille parrapport à l'autre et "spécialement l'oreille droite" mais elle émet des réserves quant à ce choix et ajoute quelle n'a "jamais pu jusqu'à présent apporter la preuve irréfutable de l’intérêt de cette démarche".

 

Il nous parait difficile pour notre travail de tenir compte de l'hypothèse émise par certains auteurs en ce qui concerne le choix systématique de l'oreille droite.

 

En effet, puisqu'au niveau des autres segments du corps on ne peut nier l'existence de gauchers il serait dangereux d'adopter comme point de départ de notre étude une hypothèse les excluant.

 

Nous insisterons davantage sur l'importance d’une homogénéité de la latéralité aux deux niveaux, moteur et sensoriel, plutôt que sur le choix du côté droit.

 


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De ce que nous venons d’exposer il ressort qu’aucune explication réelle n'est en fait donnée de l’origine de la fréquence d'une manualité droite.

 

Toutes les hypothèses s'élaborent donc à partir d'une inconnue et s’appuient sur l'unique constatation d'un fait : la fréquence de la droiterie manuelle dans l'espèce humaine.

 

Nous pourrions penser que théoriquement, les chances d0tre droitiers ou gauchers sont égales puisque nous sommes constamment en présence d’une alternative : utiliser préférentiellement une main ou l'autre, un œil ou l’autre, un pied ou l'autre.

 

En fait il en est tout autrement et il semblerait que la latéralité subisse de nombreuses fluctuations au cours de son développement,

 

Ces fluctuations sont en relation avec un certain nombre de facteurs qui interviennent à différents niveaux et à des périodes différentes de ce développement, et influencent ainsi le choir de la latéralité.

 

Chronologiquement, nous retiendrons parmi ces facteurs la détermination génétique, la position fœtale et la position d'engagement adoptée par l'enfant lors de l'accouchement, l'action éducative, reflet de toute une conception socioculturelle de la notion de droite et de gauche et enfin les réactions d'opposition ou de démission que cette action éducative peut susciter chez un enfant lorsqu'elle s’impose à lui de façon autoritaire et intransigeante.

 

Ces différentes interventions déterminent progressivement une latéralité très fréquemment droite, du moins en ce qui concerne la main.

 

 

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28 Mai 2003

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