Les lieux d'écoute, l'écoute des lieux

P. Josserand, Professeur émérite de l'Université Paul Sabatier (dcd)

Inscrire "les lieux d'écoute" dans les thèmes d'une journée de réflexion scientifique est chose banale tant les lieux d'écoute ont fait l'objet d'études, de descriptions, de mesures, de méthodes plus ou moins complexes de caractérisation.

L"'écoute des lieux" est un thème sans doute moins exploité, en apparence du moins, car à y bien réfléchir, c'est l'écoute qui est en cause lorsqu'on parle de caractérisation, même lorsqu'à cette attitude essentiellement humaine on substitue la mesure qui parait plus rassurante du fait de sa prétendue objectivité.

Quel est donc le propos qui nous préoccupe dans cette approche d'apparence ambiguë ou redondante selon la façon dont les termes en sont compris.

Pour mieux comprendre, remettons les acteurs en place; s'il existe des lieux d'écoute, c'est qu'il existe à coup sûr des lieux qu'il conviendra de décrire géométriquement, indépendamment du sonore ; c'est ensuite qu'en ces lieux vient se placer un individu avec ses facultés perceptives, sonores cette fois‑ci ; sa mission y est d'écouter, pour cela il devra d'abord entendre.

Enfin dans les cas qui nous intéressent, il y a aussi un producteur de son, chanteur, musicien, orateur, bruiteur qui donnera à entendre et qui sera aussi son propre auditeur.

Comment s'organise cet ensemble ?

Quelles interactions, quel commerce entre le producteur de son et les lieux où il le produit, entre l'auditeur et les lieux qui constituent le "canal" au sens de la théorie de l'information, entre le producteur et l'auditeur à travers leurs attentes et leur intentions. Un tel système enfin est‑il observable objectivement ?

Tels sont en fait les éléments du débat qui peut s'ouvrir autour du thème initialement énoncé.

Peut être faut‑il pour l'alimenter faire état de quelques remarques, propriétés ou définitions qui pourraient contribuer à plus de clarté ?

Commençons par quelques propriétés souvent oubliées parce que trop évidentes de l'audition.

Un schéma bien classique qui à partir de l'objet sonore conduit au perceptif en passant par le sensoriel, montre bien quelques unes des répercussions comportementales induites par l'objet sonore à travers le filtre sensoriel et perceptif mais il ne s'agit là que d'audition ; qu'est ce alors que l'écoute sinon un filtre différent, plus étroit peut être qui permet de ne percevoir que quelques aspects de l'objet sonore et quelle est la nature de ce filtre ; est il fréquentiel ? sémantique ? culturel ? figé ou labile ? n'est il pas susceptible d'ajouter au signal des attributs venant du déjà écouté ?

Comprendrons‑nous mieux à travers ces concepts un peu flous, des attitudes et comportements aussi variés et d'un abord souvent difficile qui sont de l'ordre de la légende (Démosthène face à la mer articulant son discours avec de petits cailloux dans la bouche), aussi bien que du quotidien (chanter un air d'opéra dans sa salle de bain plus volontiers que dans la rue) ?

Il est clair que les caractéristiques acoustiques d'un lieu influent fortement sur la production sonore vocale ou instrumentale qui s'y développe : le chant grégorien pouvait il s'élaborer sous la forme que nous lui connaissons hors des abbayes à durée de réverbération élevée ?

De leur côté, les lieux d'écoute sont‑ils, autant qu'on veut bien le croire, uniquement caractérisables par des propriétés géométriques objectives ayant sur le son, tant pour sa production que pour son écoute, les effets que l'on a su identifier; ne sont ils pas également porteurs d'une charge culturelle résultant de leur destinations sociale et du son que l'on y écoute ? L'église et le grand orgue, le cabaret et son trio de jazz, le kiosque et son "harmonie"... on pourrait multiplier les exemples.

Comment l'artiste, le créateur va‑t‑il à son gré renforcer, ou au contraire détruire pour étonner, ces liens sonores, tout autant que culturels, tissés entre objets sonores, lieux d'écoute, attente des auditeurs, projections des créateurs ?

Comment enfin en une époque ou "l'effigie" l'emporte sur le réel, écouter en tous lieux des objets sonores venus d'ailleurs et y porter encore une attention telle que le "pouvoir des sons" reste intact ?

C'est dans ces quelques éléments de réflexion que nous pourrions trouver matière à alimenter les discussions qui suivront les

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12 Mai 2008

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