Dr Bernard Auriol
(Colloque Effervesciences « H2O mon Amour » , 20 Septembre 2003 )
Et, paraît-il, l’enfant désirait plus tard jouer de cet instrument et y excellait (Dolto, 1985).
Dans des conditions naturelles, le fœtus est exposé à toutes sortes de bruits (Tomatis, 1963), à commencer par ceux des battements cardiaques, respiratoires, intestinaux et vocaux de sa mère.
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On doit y ajouter toute la cohorte des sons externes
1. provoqués par les actions maternelles (claquement des talons sur le sol, moteur de la voiture et roulement du métro, bruits de l’activité ménagère, professionnelle ou de loisir)
2. ou qui sont produits autour d’elle (voix du père, des autres membres de la famille, des collègues de travail et de diverses relations, bruits de la maison, de la rue, etc.).
Certains de ces bruits sont extrêmement répétitifs et constituent une sorte de « paysage sonore « auquel le petit être s’habitue nécessairement, finissant par ne plus y réagir. Le degré de cette redondance est très variable et s’échelonne sans doute, à peu près selon l’ordre dans lequel je viens de les énumérer...
{cœur > respiration > intestin > bruits de pas ou de moteur > bruits externes monotones > voix maternelle > voix familières > autres voix ou bruits inaccoutumés}.
Dire qu’il n’y réagit plus c’est remarquer qu’il ne les intègre plus comme des informations ; ils deviennent plutôt le « fond « familier nécessaire, facteur de sécurité, outil de repérage, par rapport auquel vont se différencier des « formes « qui seront recevables en tant qu’information.
Les bruits qui environnent le fœtus vont de 30 à 96 dB (un chuchotement est de l ‘ordre de 30 dB, une conversation normale est à 60 dB environ, le trafic routier de l’ordre de 70 dB. Les paroles « criées » et les motos atteignent environ 100 dB. La musique rock atteint facilement 115 dB Le seuil de la douleur auditive est d’environ 125 dB. Une recherche de 1996 a montré, à l’aide d’hydrophones que la matrice est un lieu relativement tranquille (Deliege and Sloboda, 1996).
Un hydrophone permet d’y discerner le battement cardiaque de la mère, sa respiration et les gargouillements intestinaux dont l’ensemble pourrait constituer la source de notre attraction pour le ressac de la mer, les bruits de source ou les rythmes musicaux.
Le bébé est plongé dans le liquide amniotique et nulle bulle d'air n'occupe les cavités de la mastoïde ou des sinus, pas plus que la bouche, les bronches ou les poumons. Il est comme un poisson dans l'eau et son audition n'échappe pas à cette remarque : il n'existe pas encore de conduction aérienne. On a pu en conclure que, dès lors, l'écoute prenait la voie osseuse. C'est aller vite en besogne puisque les cellules réceptrices baignant elles aussi dans un liquide (dont la composition est proche de celle du liquide céphalo-rachidien), elles sont mieux aptes à percevoir les vibrations de leur bain que celles des os. D'autant que ces derniers sont en construction, cartilagineux pour une grande part. Etant par ailleurs d'une densité et d'une structure différente des liquides environnants, passer par eux pour rejoindre les cellules réceptrices supposerait deux ruptures d'impédance : de l'eau amniotique à l'os, puis de l'os au liquide cochléaire.
Pour achever de nous convaincre que la conduction liquidienne est bien la seule à l'oeuvre chez le foetus, il n'est que de prendre en considération les expériences sur l'adulte, animal ou humain, qui reste tout à fait apte à une perception de ce type. On a pu même suggérer que la conduction osseuse serait dans tous les cas de nature liquidienne; ou au moins qu'elle agirait en déterminant des déplacements liquidiens dans la cochlée :
Haim Sohmer and Sharon Freeman, Further evidence
for a fluid pathway during bone conduction auditory stimulation, Hearing Research, Volume 193, Issues 1-2, July 2004, Pages 105-110 (excerpted from) |
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This study was designed to evaluate the suggestion that during bone vibrator stimulation on skull bone (bone conduction auditory stimulation), a major connection between the site of the bone vibrator and the inner ear is a fluid pathway. A series of experiments were conducted on pairs of animals (rats or guinea pigs). The cranial cavities of each pair of animals were coupled by means of a saline filled plastic tube sealed into a craniotomy in the skull of each animal.
In response to bone conduction click stimulation to the skull bone of animal I, auditory nerve-brainstem evoked responses could be recorded in animal II. Various procedures showed that these responses were initiated in animal II in response to audio-frequency sound pressures generated within the cranial cavity of animal I by the bone conduction stimulation and transferred to the cranial cavity of animal II through the fluid in the plastic tube: they were not responses to air conducted sounds generated by the bone vibrator, were not induced in animal II by vibrations conveyed to it by the plastic tube and were not electrically conducted activity from animal I. Exposing the fluid in the tube to air was not accompanied by any change in threshold.
These experiments confirm that during bone conduction stimulation on the skull, audio-frequency sound pressures (alternating condensations and rarefactions) can be conveyed by a fluid pathway to the cochlea and stimulate it. |
Dans cette étude, nous avons cherché à évaluer l'idée selon laquelle, quand on applique un vibrateur sur le crâne (pour mesurer la "conduction osseuse"), une connexion majeure entre le site du vibreur et l'oreille interne est une voie liquidienne (fluide). On a mené une série d'expériences sur des paires d'animaux (rats ou cobayes). Les cavités craniennes des membres de chaque paire étaient couplées par le biais d'un tube plastique rempli d'eau salée, inséré par cranioyomie sur le crâne de chacun des deux animaux. En réponse au click adressé par vibrateur à l'animal 1, on enregistrait une réponse au niveau de la région auditive du tronc cérébral de l'animal 2. Des procédés variés ont permis de s'assurer que ces réponses dans le système nerveux de l'animal 2 constituaient un reflet fidèle des pressions sonores engendrées dans les cavités craniennes de l'animal 1 par l'effet de la stimulation donnée par le vibreur; cettte stimulation cheminant ensuite par le liquide de remplissage du tube plastique : les réponses induites chez l'animal 2 ne correspondait pas à
des sons prenant la voie aérienne à partir du vibreur Si le liquide est mis au contact de l'air on n'observe aucun changement
de seuil. |
Selon Rubel (1984), le fœtus répond tout d’abord aux basses fréquences puis aux fréquences plus élevées.
Vers 5 à 6 semaines d’âge gestationnel le système cochléaire et le vestibule se différencient. A sept ou huit semaines les osselets commencent à croître et à 4 ou 5 mois l’oreille a une structure achevée.
Comme le montre l’échographie, le fœtus se met à réagir à des sons vers la 16° semaine, alors même que la construction anatomique de son oreille n’est pas terminée (Shahidullah & Hepper, 1992). Les structures cochléaires commencent à fonctionner de manière fragmentée vers la 20° semaine. Des synapses pleinement constituées ont été mises en évidence entre la 24° et la 28° semaine (Pujol et al. 1991).
Dès le premier trimestre, on a observé par échographie de nombreuses formes de mouvement qui montrent l’action conjuguée des muscles et des récepteurs vestibulaires (Van Dongen & Goudie, 1980).
DeMause (1982) résume de la façon suivante les réactions du second trimestre : « Le fœtus flotte en paix, il donne des coups de pied, se tourne, soupire, saisit le cordon ombilical, s’excite lors d’un bruit soudain, se calme quand sa mère parle tranquillement et s’endort bercé par ses pas lorsqu’elle se promène » .
L’étude de Barbara Kisilevsky (2000) de l’Université Queen’s, au Canada donne un début moins précoce. Cette étude a porté sur 143 fœtus âgés de 23 à 34 semaines, dont 43 cas de grossesse à risque. Un ordinateur produisait un bruit blanc, tandis qu’on enregistrait par échographie le rythme cardiaque et les mouvements de l’enfant. Dans ce protocole, les fœtus n’ont montré aucun signe de réaction avant la trentième semaine de gestation. Après, ils entendent. Il faut vraiment un bruit blanc très fort pour que le fœtus y réagisse. Les résultats des expériences concordent avec les études de physiologie, qui révèlent que, le huitième mois, le système auditif est développé.
Le Dr. Henry Truby, Professeur émérite de Pediatrie et de Linguistique à l’Université de Miami, remarque que, à partir du troisième trimestre, le fœtus se meut en rythme avec le discours maternel. Il rejoint William Liley (1972), qui a découvert qu’à partir de la 25° semaine, le fœtus pouvait avoir des mouvements rythmés par la timbale de l’orchestre au cours d’un concert symphonique.
Le système auditif est fonctionnel dès le troisième trimestre de gestation. La question qui se pose alors est « qu’entend le fœtus ? ». Abrams & Gerhardt contribuent à montrer que si la voix de la mère et les bruits produits par ses organes occupent une place importante dans le décor sonore fœtal, les sons provenant de l’environnement externe ne doivent pas être négligés. Utilisant le mouton comme modèle animal, ils montrent que les sons graves d’une contrebasse traversent la paroi abdominale sans déformation très notable comme le prouve la comparaison des tracés enregistrés par un hydrophone placé près de la tempe du fœtus et ceux enregistrés par un microphone placé à proximité de l’instrument.
Une étude de Gelman et al. (1982) a déterminé qu’un son à la fréquence de 2000 Hz déclenchait un accroissement significatif des mouvements fœtaux. Cette étude allait en confirmation de celle de Johnsson et al. (1964) qui avait montré que le fœtus, en réponse à certains stimuli vibroacoustiques, à partir de la 26° semaine, réagit par des accélérations cardiaques et autres réactions d’alarme, telles que : mouvements des bras, extension des membres inférieurs, détournement de la tête. Après la fin du stimulus sonore déclencheur, peuvent survenir des bâillements (Cf. Birnholz and Benacerraf, 1983).
Shetler (1989) a trouvé que le fœtus avait des réactions contrastées, en rapport avec les modifications de tempo, lorsqu’on passait d’une musique rapide à une musique plus lente.
Une recherche de Luz et al. (1980 et 1985) a permis de mettre en lumière que le fœtus normal répond aux bruits extérieurs pendant l’accouchement. Il manifeste notamment des réactions d’alarme lors de la survenue de stimuli brefs.
Les sons qui furent présents dès la conception, même s’ils sont violents et agressifs (bruits d’avion auprès d’un grand aéroport par exemple : Osaka), seront mieux intégrés et causeront moins de perturbation psychologique à l’enfant une fois né que si ces mêmes bruits avaient débuté plus tard au cours de la grossesse. Ils ont alors des conséquences redoutables : angoisse, insomnie, etc. Dans tous les cas, de telles agressions touchant la mère et/ou l’enfant induisent une moins bonne santé physique du nouveau-né qui présente statistiquement un plus faible poids de naissance (Ando, 1970). Or on sait que l’hypotrophie du foetus peut avoir des conséquences néfastes jusque très tard dans la vie (tendance dépressive chez l’homme en particulier).
Bien des mères rapportent le fait que leur bébé a eu des réactions motrices importantes en rapport avec des bruits puissants dans l’environnement (programmes TV, films, concerts, etc.).
Hykin J. et coll. ont utilisé l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle [1] (FMRI) pour étudier l’activité du cerveau fœtal en réponse à des stimuli auditifs. Dans cette technique on utilise le fait qu’une activation locale du cerveau entraîne une augmentation de métabolisme qui a pour résultat une concentration locale augmentée d’oxyhémoglobine paramagnétique par rapport à l’hémoglobine dia-magnétique dans le sang, ce qui accroît l’intensité du signal magnétique (effet dépendant du taux d’oxygène sanguin).
On a pris en considération trois femmes enceintes dont la tête du fœtus était engagée dans le pelvis (pour être assuré qu’elle ne bouge pas). Avant le scanning, la mère avait enregistré une comptine qui était rejouée au fœtus au cours du scanning, via un baffle disposé en face de l’abdomen maternel (100 dB SPL en surface, soit 80 dB SPL au niveau de la cochlée fœtale). On alternait des stimuli de 15 secondes avec des silences de la même durée. Ce cycle était répété 18 fois (environ 10 minutes en tout). On a pu mettre ainsi en évidence une activation significative du lobe temporal pour deux des trois sujets.
Salk (1960) a observé que les bébés hospitalisés à qui on faisait entendre des bruits du cœur, avaient une respiration plus profonde et plus régulière et qu’ils prenaient plus vite du poids.
Montagu (1962) a suggéré que l’attrait universel pour la musique et l’effet apaisant des sons rythmés pouvaient se rattacher au sentiment de bien être qu’on suppose présent chez le fœtus entendant le cœur maternel.
De même Murooka (1976), et De Casper (1983) ont démontré que les nouveaux-nés pouvaient se souvenir des battements cardiaques de leur mère entendus in utero.
Des bruits chroniques ont été liés à des problèmes à la naissance comme l’indique Szmeja et al. (1979). Un auteur raconte qu’une mère, au 7° mois de grossesse visita un zoo. Devant la cage aux lions qu’on commençait à nourrir, elle vit et surtout entendit le conflit entre deux de ces animaux pour un morceau de viande. Le rugissement fut si intense qu’elle dut quitter l’endroit en, raison de l’agitation qu’elle percevait dans son ventre. Bien des années plus tard, alors que l’enfant avait atteint l’âge de sept ans, on découvrit qu’il avait un scotome audiométrique sur les basses et moyennes fréquences. Cet enfant était, par ailleurs, très réactif quand il voyait un programme de TV avec des lions rugissant ou d’autres animaux de ce genre.
Les nouveaux nés montrent une préférence pour une mélodie que la mère a chanté lors de leur séjour utérin plutôt que pour une nouvelle mélodie (Satt, 1987).
Peter Hepper (1991) a découvert que si on exposait les bébés à la musique d’un feuilleton télévisé avant leur naissance, ils se montraient attentifs et intéressés pour cette musique après leur naissance. A l’audition de cette musique, les mouvements et le pouls de ces nouveaux nés décroissaient de manière significative, comme lors d’un état d’ alerte.
Sallenbach a pu constater que le fœtus pouvait répondre à une musique comportant des dissonances par des mouvements qui lui ont semblé rythmiques et ondulants. De même Sister Lorna Zemke a observé que le fœtus répond rythmiquement à des tapotements rythmés effectués sur le ventre maternel
Une étude néerlandaise (van Heteren et coll.) qui a porté sur 25 fœtus de 37 à 40 semaines, démontre que le fœtus peut réagir, répondre à un son particulier, le reconnaître et « s’y habituer ». Lorsqu’il entend un son pour la première fois, le bébé bouge. Il ne réagit plus, par la suite, lorsqu’on lui fait entendre le même son - il s’en souvient et y est habitué.
Tous les 25 ont réagi aux sons appliqués directement sur l’utérus, à la hauteur des jambes du bébé. Un bruit B formé de quatre sons consécutifs a été « appliqué » par trois fois (d’abord B1, dix minutes plus tard : B2, 24 heures plus tard : B3).
A la première application (B1), tous les bébés ont bougé. Dix-neuf des 25 bébés n’ont plus réagi à la deuxième « application » (B2). Pour la troisième application (B3) après 24 heures ils n’ont pas davantage bougé. Tout cela démontre que les fœtus ont tout autant une mémoire à court terme qu’une mémoire à long terme.
La conclusion de C F van Heteren and colleagues (Sept 30, p. 1169) selon laquelle le taux fœtal d’habituation serait lié à des processus d’apprentissage et de mémorisation est mis en doute par Mulder EJH et coll. (1999). Ils basent leur critique sur le fait que la réactivité aux stimuli externes peut dépendre de l’état comportemental du fœtus au moment où on opère cette stimulation. Le fœtus vers le terme est alternativement surtout sous deux état :
1. Sommeil tranquille (1F) par périodes de 25 minutes environ
2. Etats de sommeil actif (2F) [« sismique », paradoxal ?)] par pédiode de 60 minutes environ.
L’habituation est globalement la même dans les deux états du point de vue de son intensité mais elle est plus rapide en état 1F qu’en état 2F. Van Heteren explique cela par le fait que la stimulation auditive réveille le fœtus ce qui peut être plus rapide en 1F qu’en 2F, mais le niveau d’habituation reste le même.
Jusqu’à il y a peu, la plupart des recherches sur les premiers apprentissages avaient porté sur l’habituation (Querleu et al., 1981) ou le conditionnement (Van de Carr, 1988).
Résumant un certain nombre de travaux, principalement effectués au sein de leur laboratoire, Lecanuet et Granier-Deferre montrent que le fœtus humain est capable d’apprentissage (comme le manifeste l’habituation de la décélération ou de l’accélération du rythme cardiaque). Cet apprentissage concerne divers paramètres sonores comme la hauteur, le timbre ou l’intensité. En outre, il se peut que certaines caractéristiques des sons soient mémorisées: des nouveau-nés de 2 à 4 jours préfèrent entendre les sons auxquels ils ont été exposés au stade fœtal.
Verny et d’autres ont note que les bébés préfèrent nettement les histories comptines ou poèmes qu’on leur avait fait entendre avant leur naissance.
Le célèbre violoniste Yehudi Menuhin croit que son talent musical « était dû, au moins en partie au fait que ses parents, dès avant sa naissance, chantaient et jouaient de la musique en permanence.
La recherche de Polverini-Rey (1992) semble indiquer que le fœtus peut être calmé, in utero, par des berceuses.
Est-ce à dire qu’il y comprend quelque chose ? (cf. Effet « dolto-magique »).
Une longue polémique a opposé Tomatis (1981) et Feijoo (in Herbinet, 1981) au cours de différents congrès et publications ; il s’agissait de savoir si, parmi tous les sons que le fœtus reçoit, figure la voix de sa mère ; dans cette éventualité, qu’est-ce qui, de cette voix, parviendrait dans l’utérus ? Enfin, que retiendrait, de cette fourniture, le fœtus ou le prématuré ?
1.
Tomatis, s’émerveillant du
fait que les oeufs d’oiseaux chanteurs couvés par des oiseaux non chanteurs
donnent naissance à des oiseaux qui ne chantent pas, estime que les petits
de l’homme doivent aussi bénéficier de la voix de leur mère. Si les oeufs
de canard auxquels Konrad Lorenz adressait des discours ont donné naissance
à des canetons qui le prenaient pour leur mère, comment imaginer que les enfants
du Bon Dieu puissent se montrer plus sauvages et ignorer la voix de celle
qui les a portés ?
Tomatis considère que cette voix doit être physiquement modifiée par le liquide
dans lequel baigne le fœtus, lequel doit sûrement se débrouiller pour écouter
sa maman parler, plutôt que les bruits de son ventre pourtant très forts.
S’appuyant alors sur quelques manipulations acoustiques et sur sa longue expérience
thérapeutique d’utilisation de la voix maternelle filtrée à 8 000 Hz
en passe-haut (on ne conserve que les aigus au-delà de 8 000 hertz),
il affirme que le fœtus a un commerce permanent avec la voix de sa mère qu’il
tend à écouter plus que tous les bruits graves liés au fonctionnement organique
(tam-tam du cœur, soufflet des poumons, gargouillis intestinaux, etc.).
2.
Feijoo prétendait que ce
sont uniquement les graves qui peuvent atteindre l’oreille du fœtus. De ce
fait, il entendra son père. Mais pas sa maman !
Lorsque la mère se détend, le fœtus (peut-être moins « serré » par
les tensions musculaires du ventre maternel) se met à bouger. Plusieurs fois,
alors qu’elle va se reposer, on fait entendre Pierre et le Loup à son bébé.
Il apprend ainsi que cette musique est une annonce ; l’annonce de la
détente : il va pouvoir bouger. Après plusieurs essais, le bébé n’attend
plus que survienne la détente prévue de ce qui le serre. Il se met aussitôt
à bouger ! Ce conditionnement peut persister après - et même très longtemps
après - la naissance. L’enfant soumis à l’expérience réagit de manière spectaculaire
lorsqu’il entend « pour la première fois » (de sa vie
‘aérienne’) Pierre et le Loup ! Il ouvre les yeux, s’arrête de pleurer,
cesse de s’agiter pour remuer doucement. Feijoo ne parvient pas à produire
un tel apprentissage avec des sons plus aigus que 1 000 à 2 000
Hz, ce qui le conforte dans ses hypothèses.
Le groupe de Réflexion sur les Sons que nous animions avec le Pr Pierre Josserand (LAMI UPS - Toulouse) avait proposé de réaliser une expérience cruciale pour en avoir le cœur net ! En fait, c’est grâce aux travaux de M.-C. Busnel (in Herbinet, 1981) et de Querleu (1981) prenant en compte nos débats avec Feijoo, que la question s’est beaucoup éclairée. Ils ont montré, en plaçant un hydrophone miniaturisé dans le vagin, puis dans l’utérus gestant, que le fœtus vivait dans une ambiance assourdie. Tous les sons lui parviennent filtrés en passe-bas, de sorte que, physiquement, il peut capter tous les bruits que nous avons énumérés, y compris la voix maternelle (et cette dernière est tout particulièrement repérable dans les enregistrements) ; mais c’est surtout la partie grave de ces sons qui est acheminée, la zone aiguë, au-delà de 3 000 Hz, étant atténuée. On trouvera un texte intéressant à ce sujet sur le site de LA FORGE.
On peut cependant remarquer qu’atténuer n’est pas supprimer et qu’il en subsiste assez pour « tirer l’écoute » vers les aigus. Ces derniers sont d’autant plus intéressants qu’ils ne parviennent que mal et rarement jusqu’à l’oreille du petit être. Même des sons extrêmement aigus (situés bien au-delà des capacités auditives de l’humain), tels ceux de l’échographie ultra-sonore, semblent avoir des conséquences (par un biais thermique ou chimique ?) sur le fœtus qui s’agite souvent pendant l’examen [2] . Ils auraient même un retentissement sur son avenir : la dyslexie serait plus fréquente lorsque les échographies ont été nombreuses (avec cette objection que ces multiples examens étaient probablement liés à une inquiétude particulière dans l’esprit des soignants et des parents) (Messadié, 1987).
Ce débat n’est pas sans conséquence. En effet, les cures Tomatis comportent une phase d’écoute en voix maternelle filtrée (en passe-haut, à 8 kHz). Ce filtrage permet-il au patient d’écouter les sons qu’il entendit jadis dans le ventre de sa mère ? En faisant droit à Feijoo et aux recherches de Querleu, n’est-ce pas plutôt cette part de la voix maternelle qu’il découvrit à la naissance ? Le défiltrage de cette voix, appelé « accouchement sonique », en est peut-être un et a des effets cliniques parfois très démonstratifs (Dolto, 1985). Cependant les sons filtrés de Tomatis ne correspondent plus, dans cette hypothèse, à une évocation de la vie intra-utérine, mais plutôt à une répétition sonore caricaturée des tout premiers temps après la naissance. Il n’est pas étonnant, dès lors, de constater le rôle dynamogène d’une telle écoute et le fait qu’elle puisse parfois évoquer certaines données biographiques associées à la vie post-natale (Auriol in Herbinet, 1981).
Tomatis (1981, p. 50 et suiv.), desservi par certaines contraintes expérimentales qu’il explique très clairement, à partir de son intuition remarquable, avait été conduit à ce résultat, à une erreur de signe près pour ainsi dire, puisqu’il avait pris pour un filtre passe-haut ce qui fonctionnait en passe-bas... « Je fondais toute mon expérimentation sur ce fait, dit-il, bien m’en a pris. Seulement tout était faux » . Utilisant alors quelques arguments embryologiques discutables et surtout le succès considérable de sa méthode de traitement par sons filtrés en passe-haut, il conclut hardiment que le filtrage utérin passe-bas est sur-corrigé par un filtrage cochléaire de sens inverse selon le schéma suivant :
Source |
Large bande (!!) |
Filtrage utérin |
Passe-bas (!) |
Filtrage cochléaire |
Aigus amplifiés (?) |
Réception |
Passe-haut (??) |
Encore beaucoup de travail reste à faire, pour déterminer par exemple le rôle du bouchon gélatineux qui obstrue l’oreille du foetus (Moch, 1985) : n’est-il pas responsable d’un nivellement entre écoute aérienne et écoute osseuse ? et par là d’une indistinction entre les sons venant de l’intérieur du fœtus et ceux dont la source est ailleurs (c’est-à-dire le corps maternel et les bruits du monde extérieur) ? D’autant que le simple fait de baigner dans un liquide pourrait restreindre le mécanisme auditif à la seule conduction osseuse (Hollien, 1969) plus apte à transmettre la voix maternelle, notamment dans ses composantes moyennement aiguës !
Sans pouvoir conclure de manière tout à fait sûre ces débats théoriques, je me contenterai d’exprimer ici une opinion. Le fœtus apprend tout d’abord à s’orienter dans un monde à quatre dimensions, grâce au système vestibulaire qui lui donne à percevoir l’espace statique et ses repères : la verticale, l’horizontale. Les canaux semi-circulaires lui apprennent une dynamique dans cet espace : à savoir qu’il est modifié plus ou moins brutalement (en fonction des déplacements de la mère) selon trois axes d’accélération.
Certains des mouvements perçus le sont en fonction d’un axe temporel qui est marqué par l’accumulation de rythmes assez réguliers : mouvements et bruits (cœur marquant à peu près la seconde, rythme des pas, respiration marquant à peu près les cinq secondes, cycles péristaltiques intestinaux toutes les 90 minutes environ, alternances d’activité et de repos marquant les 24 heures, etc.).
Sur la base de cet espace-temps, le fœtus se prépare à communiquer, il associera mouvements inattendus et sons nouveaux, chant du langage maternel et balancements respiratoires, ambiances rythmo-mélodiques et variations de l’état de conscience (angoisse ou bonheur par le biais du chimisme sanguin), etc.
A la naissance, le paysage sonique se bouleverse. Les rythmes sont acquis au niveau interne mais le nouveau-né s’en trouve privé au niveau externe, lorsqu’il ne bénéficie pas d’un contact étroit avec sa mère (allaitement, port sur le dos, câlin, etc.). La voix de sa mère se laisse repérer à ses composantes rythmiques portées par les graves et il s’accroche à elle chaque fois qu’il le peut. Il découvre toute une nouvelle richesse en l’espèce des harmoniques de cette voix qui soudain se dévoilent, ce qui est tout à la fois excitant et apaisant. Il marque lui même ses propres rythmes, par exemple au niveau d’un mouvement de succion deux fois par seconde environ lors de la tétée.
Cette métamorphose dans la sécurité lui permet d’intégrer sans mal l’énorme afflux de sons nouveaux qui l’escortent : tous les aigus de ce monde aveuglant. De là aussi l’association, commune à tout être vivant, entre sons aigus et luminosité, sons graves et obscurité. De là aussi (puisque la lumière vient d’en haut) l’association des aigus et du haut, des graves et du bas, etc. Tout ce symbolisme d’allure « archétypal » , c’est-à-dire commun à tous les mammifères, l’est, non pas en fonction de quelque mystérieuse inscription génétique ou pour des raisons « spirituelles » ; il dépend tout bonnement de ce phénomène simple qu’est le changement de milieu (liquide/aérien) à la naissance.La voix de la mère occupe une place privilégiée, centrale, située qu’elle est à mi-chemin de l’habitude et de la variété ; elle représente par là le prototype de toute musique qui ne saurait se réduire ni à la répétition ni à l’imprévisible.
De Casper et coll. ont montré (1986) que les passages d’un texte lu de manière itérative pendant le dernier trimestre de la grossesse par la future maman, était, après la naissance, préférés par le bébé, en comparaison d’autres passages qui n’avaient pas été utilisés...
Les enfants qui ont entendu une histoire de manière répétée dans le ventre de leur mère tétaient davantage à l’audition de cette histoire alors que ceux qui n’avaient pas été conditionnés à cette histoire ne faisaient pas de différence avec l’autre histoire.
Spence et coll. (1987) ont aussi montré que les bébés qui avaient été habitués à une histoire avant la naissance aimaient cette histoire filtrée en « passe-bas » autant que le même texte non filtré, alors que les bébés qui n’avaient pas entendu l’histoire n’appréciaient pas ce filtrage passe-bas.
Barbara Kisilevsky (Psychological Sciences, Mai 2003), et une équipe d’obstétriciens de Hangzhou (Chine) ont trouvé que le fœtus est capable d’apprendre dans l’utérus, qu’il peut s’en souvenir et reconnaître la voix de sa mère avant même de naître et la différencier de la voix d’une autre femme.Des recherches antérieures avaient montré que les nouveaux nés préfèrent écouter la voix de leur mère plutôt que celle d’une autre femme et savent modifier leur comportement pour provoquer l’émission cette voix, le travail de Barbara Kisilevsky prouve que cette possibilité existe dès avant la naissance. L’expérience utérine des interactions du bébé avec la voix de sa mère a un impact ultérieur, sur le comportement du nouveau-né et l’instauration du phénomène d’attachement mère-enfant.
Ces recherches montrent que les fondements pour la perception
de la parole et l’acquisition du langage sont posés avant l’accouchement.
Ce qui veut dire que les compétences langagières précoces observées chez les
nouveaux nés et les enfants très petits ne doivent pas être attribuées à quelque
module linguistique « précablé » dans le cerveau mais découlent
plutôt de l’interaction entre le fœtus et son environnement.
On a testé 60 fœtus proches du terme (38 à 40 semaines de gestation) :
on a joué près de l’abdomen maternel, à 30 d’entre eux une bande enregistrée
de la voix de leur mère lisant un poème pendant deux minutes alors qu’on a
joué aux 30 autres, avec le même volume, l’enregistrement du poème par une
femme qui n’était pas leur mère. Les fœtus soumis à la voix de leur mère ont
« répondu » par une accélération du rythme cardiaque
[3] à l’inverse des autres fœtus dont le rythme cardiaque a été ralenti
[4] ! Ce phénomène a eu lieu à partir de la vingtième seconde de diffusion
de l’enregistrement et a persisté au moins pendant les deux minutes suivant la fin de la diffusion.
Des chercheurs japonais s’émerveillent de découvrir que, Les bébés sont capables de différencier le langage humain des parasites sonores, prouvant soit que cet apprentissage précoce a lieu dans l’utérus, soit que cette fonction est innée chez l’être humain, selon une étude dont des extraits ont été publiés il y a quelques jours à Tokyo.
Cette étude, conduite par des laboratoires de recherche italiens, japonais (Hitachi) et français (CNRS), porte sur 12 nourrissons italiens. Pour corroborer leurs travaux, les chercheurs ont aussi exploité des extraits de voix de deux mères dont les nouveaux-nés ne participaient pas à l’expérience.
Analysant les effets de la voix humaine sur le cerveau des nourrissons - grâce à un appareil optique à rayons infrarouges détectant les variations de la pression sanguine -, les chercheurs ont confirmé la prépondérance de l’hémisphère gauche dans la reconnaissance du langage.
En revanche, ils n’ont pas noté de différences significatives entre les deux hémisphères lorsque les cerveaux des nouveaux-nés ont été soumis à des sons incohérents ou au silence.
L’étude « démontre qu’un cerveau de nouveau-né réagit spécifiquement à une voix normale quelques heures seulement après avoir été exposé à des signaux sonores en dehors de l’utérus ».
Des chercheurs comme Murooka et. al 1976; Rossner 1979; DeCasper 1983 ont montré que le nouveau né se calme quand on lui fait entendre des sons intrautérins.
L’impact du rythme cardiaque maternel sur la construction neuronale de son fœtus est bien établi. Les bruits du cœur maternel ont un effet pacifiant sur le nouveau-né. On a fait l’hypothèse que le « tempo moteur spontané » du jeune enfant dépendrait du rythme cardiaque de sa mère : si on demande à un enfant de frapper spontanément dans ses mains, l’enfant de quatre ans le fait selon un rythme moyen de 170 par minute, ce qui coïncide parfaitement avec le rythme des mouvements de succion du nouveau-né. On peut remarquer (Carolyn Drake, 2001) que ce rythme est le double du rythme cardiaque maternel (lequel est accéléré par la tachycardie physiologique propre à la grossesse, passant de 70 bpm environ à des valeurs comprises entre 80 et 90 bpm).
Les gynécologues font état de la fréquente constipation liée à la compression du gros intestin et à la moindre tonicité des muscles lisses, sous l’influence de la progestérone. Il n’empêche que ça circule pourtant ! C’est pourquoi, dans l’infinie variété des corrélations possibles, nous devons prendre en compte les bruits intestinaux.
L’école Biodynamique de Gerda Boyesen a insisté sur leur rôle diagnostique quant à l’état psycho-affectif de l’individu. Une typologie s’est dégagée qui fait correspondre
· au son de rivière tranquille que donne un transit relaxé, un état mental agréable et paisible, sans conflit prégnant.
· Dans les états d’angoisse survient un blocage du péristaltisme doublé d’un arrêt respiratoire poumons pleins: c’est alors le silence.
· Lorsque la tension cède, on entend - associés à une expiration de soulagement - des borborygmes semblables à des grondements ou à des « rugissements de lion ».
· Les « grincements de porte » seraient l’indice d’une tension plus importante et de conflits intra-psychiques graves.
D’où notre hypothèse : les bandes spectrales correspondant à ces différents types de bruit intestinaux instituent une bijection, sorte de signification implicite, qui les lie quasi invinciblement et pour toujours, aux états émotionnels correspondants.
L’application entre sons utérins et états vécus, pour ne point disposer de ce qui permettrait en effet de lui expliciter une signification, n’en est pas moins réelle, justement. Elle marque le système nerveux, un peu - quoique de façon beaucoup plus légère - comme la génétique marque le corps : les yeux s’appliqueront à voir, les oreilles à entendre, etc. On est en présence d’une adéquation qui précède le pouvoir d’en parler !
Cet individu biologique est affronté à un parallélisme massif entre l’ensemble perceptif et le vécu subjectif, aussi pauvres que l’un et l’autre puissent être - à tort - imaginés. Il ne peut distinguer très clairement les perceptions externes des évènements psychiques internes.
Pour l’humain accompli, nous observons un organigramme du type:
perception —> appel à la mémoire —> signification —> réaction émotionnelle centrale ET périphérique —> action / vérification
Chez le fœtus, l’action n’entraîne pas forcément de vérification détaillée: ses représentations sont - de ce point de vue - infalsifiables. Se répéteront, avec une grande fidélité, un certain nombre de simultanéités entre son et autres événements psycho-physiologiques. Le système nerveux mûrissant ne pourra qu’intégrer ces simultanéités dans sa structure même, c’est à dire au niveau des sélections de cellules et de leurs connexions. Dès lors, tout évènement sonore corrélé systématiquement à une variation du chimisme sanguin spécifique restera, pour l’avenir, évocateur des « vécus émotionnels » appariés.
Par exemple, si tel rythme cardiaque ou respiratoire se répète en présence des témoins sériques de l’angoisse maternelle, ce rythme deviendra solidement lié à ce type de vécu et sa présentation ultérieure (musicale par exemple) devrait générer une émotion homogène, quelle que soit la Culture d’appartenance. Si d’autres - ou les mêmes - rythmes résultent chez la mère, habituellement, d’une excitation joyeuse, ils pourront appeler plus tard des sentiments analogues chez le rejeton...
Au niveau de sa propre action le fœtus peut faire varier la position de son corps par rapport à la source sonore, se montrer sensible aux attouchements trans-pariétaux comme l’haptonomie le démontre, diminuer les tensions que le chimisme maternel lui impose en s’adonnant à l’activité auto-érotique de sucer son pouce...
La vie du perceptive du fœtus est loin de se limiter au monde sonore, il est également informé au niveau vestibulaire, olfactif, gustatif, et tactile . Dans certaines circonstances très particulières il peut même recevoir des informations visuelles, et se trouve affecté par les examens ultra-soniques (échographie). D’autres communications, qui n’existeront plus de la même façon après la naissance, l’informent émotionnellement par le canal de la circulation placentaire (passage par certains produits sanguins du stress de la barrière entre sang maternel et fœtal). On peut tirer de là l’idée que la vie physio-psychologique du fœtus est très riche et très importante pour le développement ultérieur de l’enfant puis de l’adulte.
[1] On avait déjà utilisé la magnéto-encéphalographie mais on n’avait trouvé de signal que dans quatre cas sur quatorze.
[2] Cela m’a été confirmé récemment avec beaucoup de force par le Dr Georges Dussert, spécialiste d’échographie à Montpellier (France)..
[3] De 5 battements par minute en moyenne (145 => 150)
[4] Là aussi, mais en sens opposé, de 5 battements par minute (145 => 140)