En Voix – (In Voice)

(Invoice – Envoi)

Evolution de l’écoute et de la voix

Dr Bernard Auriol

Invoice ( L’Oreille et la Facture )

C’est l’oreille qui fait le bon luthier, le bon facteur d’instrument. L'instrument du chanteur, son organe, son orgue, c'est sa voix ! C’est à l’oreille du sujet qu’il doit la facture de sa Voix ! Il n’est qu’entendre le sourd : sa voix le désigne à l’index d’anomalie. Aussi se sent-il mieux à son aise dans les signes de son propre langage. Signes qu’il contrôle, au lieu que, des sons il se départit, sans savoir si leur cible est touchée.

Les lois suivantes ont été proposées par Tomatis :

  1. la voix ne contient que ce que l’oreille entend.

    Une illustration biologique très surprenante de cette loi chez certaines grenouilles : Sebastiaan W. F. Meenderink, Mirja Kits, and Peter M. Narins, Frequency matching of vocalizations to inner-ear sensitivity along an altitudinal gradient in the coqui frog, Biol. Lett. April 23, 2010 6:278-281;

  2. si l’on modifie l’audition, la voix est immédiatement et inconsciemment modifiée.
  3. il est possible de transformer la phonation par une stimulation auditive entretenue pendant un certain temps.

Ces « lois » ne manquent pas de vérité, même s’il y a débat quant au degré de cette vérité !


En  route (en voie)

Départ : Mozart serait-il devenu Boulez si sa mère avait eu à prendre le métro ?

Comme l’audition débute très tôt, et déjà au cours de la vie utérine, la construction de la voix commence bien avant la naissance ! Elle sera favorisée dans sa qualité par les exercices vocaux de la mère (Cf. ML Aucher) et par le bain sonore général en lequel elle baigne.

On a pu montrer que les expériences sonores intra-utérines pouvaient avoir des effets sur le comportement ultérieur des enfants. Le foetus peut répondre aux sons au moins dès le deuxième trimestre de la grossesse .Les très jeunes bébés reconnaissent la voix de leur mère. Ils enregistrent les traits caractéristiques de cette voix jusque dans le détail des structures de hauteur et d'accent tonique.

De Casper et coll. ont montré (1986) que les passages d'un texte lu de manière itérative pendant le dernier trimestre de la grossesse par la future maman, était, après la naissance, préférés par le bébé, en comparaison d'autres passages qui n'avaient pas été utilisés...

Les enfants qui ont entendu une histoire de manière répétée dans le ventre de leur mère tètaient davantage à l'audition de cette histoire alors que ceux qui n'avaient pas été conditionnés à cette histoire ne faisaient pas de différence avec l'autre histoire.

Spence et coll. (1987) ont aussi montré que les bébés qui avaient été habitués à une histoire avant la naissance aimaient cette histoire filtrée en "passe-bas" autant que le même texte non filtré, alors que les bébés qui n'avaient pas entendu l'histoire n'appréciaient pas ce filtrage passe-bas.

Ségrégation Perceptive

Les enfants, tout comme les adultes, lorsqu'ils entendent une suite de notes alternant rapidement entre deux domaines de hauteur, les répartissent en deux courants perceptifs.

 

A-t-il crié tout de suite ?

C'est la question rituelle du pédiatre pour savoir si ce bébé était conscient à la naissance. Cet introït doit se faire entendre, même si crier n'est pas chanter !

Tout de suite, s'il existe, ce cri prend du sens ! Les vagissements, les cris, dépendent de la situation et informent l'entourage (spécialement la mère) d'un état d'inconfort ou de besoin du bébé (faim, douleur, hyperstimulation, isolement, etc.). On distingue trois types de cris :

1. Normophonation : cri dont la fréquence centrale se situe entre 200 et 600 Hz, d'intensité régulière, accompagné de fréquences plus graves et plus aiguës, d'intensité moindre. Il dure une demi-seconde environ ; il est suivi d'une brusque inspiration sifflante. (C'est un appel banal ; par exemple, lorsque l'enfant a faim ou est mouillé, ou bien une manifestation de joie.)

2. Dysphonation : cri rauque d'aspect rude. Le bébé le produit en donnant plus de force à l'air qu'il envoie à travers les cordes vocales ; cela produit des turbulences qui se traduisent par des distorsions des bandes de fréquences habituelles. (C'est un appel urgent, par exemple, en cas de douleur ; l'auditeur y entend de la rage ou de la colère.)

3. Hyperphonation : cri dont le timbre se modifie brusquement. Il devient très aigu, sifflant et correspond à un état de détresse majeure, douleur importante, frustration. On peut le rapprocher des cris de détresse du chimpanzé qui comporte jusqu'à huit harmoniques et dont l'énergie se concentre sur les fréquences élevées (6 à 8 kHz) (Goustard, 1982).

Les bébés de faible poids de naissance, prématurés ou non (souffrance intra-utérine ?), ceux qui présentent un état physiologique de fragilité (enfants " à risque ") et, plus généralement, tous les enfants considérés comme " plus difficiles " par leur mère (Zeskind et Lester, 1978), s'expriment sur un mode plus " appelant ", plus " grinçant " et acoustiquement plus aigu. Leurs cris durent plus longtemps, sont plus fréquents et s'approchent de l'hyperphonation, d'autant que la situation est plus grave.

Les mères sont très souvent capables de reconnaître leur bébé à sa façon de crier et peuvent même ne s'éveiller que pour lui, continuant à dormir pour les vagissements d'un autre (Formby, 1967). Il ne faut pas plus de deux ou trois jours pour que la plupart des mères parviennent à reconnaître les pleurs et cris de leur bébé (Cismaresco, 1986). A trois semaines, elles savent ce que veut dire le " pleur truc " : simple désir d'attirer l'attention. Il s'agit de gémissements prolongés auxquels la mère ne répond pas toujours, attendant qu'ils se calment ou se transforment en véritables pleurs.

Bell et Ainsworth (1972) ont montré que ces caractéristiques individuelles des pleurs pouvaient beaucoup se modifier durant la première année de la vie selon l'attitude maternelle : plus elle répond vite, moins elle " laisse pleurer ", et plus diminuent la fréquence et la durée des cris et des larmes. Par ailleurs, plus le bébé continue à crier et pleurer, moins il se montre capable de communiquer par d'autres formes vocales de communication.

On a voulu se servir de musiques variées, de la voix maternelle ou paternelle, de battements cardiaques (de borborygmes intestinaux), etc., pour calmer les pleurs du nouveau-né ou du nourrisson. Tous ces essais ont conduit au succès ; il semble d'ailleurs que n'importe quel son, pas trop intense, puisse avoir un effet d'apaisement sur les cris du bébé : ces derniers constituent un appel et le bruit modéré a une fonction rassurante, lié peut-être à la présence qu'il atteste (Bench, 1969). Les sons graves (qui rappellent l'époque utérine ?) ont un effet plus apaisant que les hautes fréquences.

Vers 1 mois

Le bébé cesse de pleurer quand on lui parle. Il s'essaie à de petits sons gutturaux : " lé-lé " ou " la-la " ou " a-a " (lallations). Comme nous l'avons déjà remarqué chez le nouveau-né, il distingue certains phonèmes pourtant très voisins tels que " p " et " b ".

A partir de 2 mois : le babil

Hauteur

Dès l'âge de deux mois, les enfants sont capables de comparer - concrètement - la hauteur des chants que leur chante la mère.

On montre chez les adultes l'équivalence d'octave, qui consiste à distinguer très facilement deux paires de sons dont l'une des paires est constituée de deux notes à l'octave l'une de l'autre, tandis que la deuxième paire est constituée de deux notes séparées par moins d'une octave. Les enfants en sont également capables !

Le nourrisson s'immobilise ou tourne la tête quand on lui parle. Il émet des vocalises différenciées (voyelles orales surtout antérieures : " ah ", " eh ", " oh ") isolées et occasionnelles, souvent gutturales, de petits cris brefs et clairs et des couinements de plaisir. Parmi les consonnes (parfois difficiles à transcrire phonétiquement) : " p ", " b ", " t/d ", " rr " (Campos, 1988). Même dans leur aspect le plus primitif, ces chants (lallations) ne sont pas dépourvus de structure ni formés au hasard ; bien au contraire, ces efforts de débutant assureront la base des performances ultérieures, fussent-elles très sophistiquées [1] .

3 mois : souris et gazouillis

C'est le stade[2] du " gazouillis " de Pichon[3] . La vue du visage humain provoque son sourire (Spitz, 1968). Il ne se contente plus de crier, il fait appel à vous pour dire son besoin (Bühler, 1934 ; Lacan, 1975a). Il se met à jouer - même quand il est seul : vocalisations prolongées (avec les mêmes sons qu'à deux mois qu'il maîtrise de mieux en mieux[4] ). Et d'essayer " are-are ", " ague-ague " ou " agre-agre ".

Entre trois et cinq mois

Le bébé commence à répondre activement à la musique au lieu de la recevoir passivement : il se tourne vers le violon ou le tam-tam ! Son plaisir est évident ! Il s'étonne ! Il invente la danse, exécutant des mouvements d'accompagnement assez bien rythmés. Il se montre même capable de distinguer deux mélodies (chromatiquement différentes). En revanche, si la mélodie est transposée à l'octave, il ne fera pas la différence !

A la même époque (quatre mois, dit-on), il tourne la tête pour regarder quand on l'appelle. Il reprend, à la suite de sa mère et dans son ton, rit aux éclats, répond par des modulations variées aux paroles qu'on lui adresse.

De fait, c'est à cette période que la mère commence à nommer son enfant, à s'adresser à lui sous un prénom au lieu de se cantonner à quelques vagues mots doux (" ma bibiche ", etc.) (Robin, 1985). Elle vocalise puis marque une pause, recommence, et encore, et encore. Comme un discours fait de phrases. Ces " phrases " sont composées de phonèmes appartenant à sa langue mais pas forcément de mots. Elle allonge les voyelles, majore les aigus, ralentit le passage d'un timbre de voix à l'autre (d'où un caractère chantonnant).

On s'aperçoit qu'elle répète plusieurs fois le même ensemble de sons et avec la même durée. Ceci contribue puissamment à l'apprentissage des phonèmes et de la mélodie de la parole (intonations), que la société reconnaît exprimer la joie, la surprise, la menace, etc. Il y a dialogue chantant, antienne et répons, unissons, plaisir partagé (Stern, 1975, 1981). Elle lui demande déjà : " Qu'est-ce que tu racontes ? ", prévoyant qu'il vient à l'univers du conte et de la fable, au monde imaginal...

5 mois : première chanson

Il pousse des cris de joie (aigus), rit et vocalise en manipulant ses jouets. Cette vocalisation semble de type prémusical plutôt que prélangagier : sons de hauteurs variées modulant une voyelle ou très peu de syllabes (" ba ", " gue ", " ké "). Avant d'apprendre, il s'ingénie : ses chants ne doivent rien aux transistors et compacts... de l'environnement, construits en dehors de tout système diatonique, rythmiquement amorphes (les pauses surviennent selon les besoins de la respiration).

Cet exercice ludique du chant spontané va se poursuivre, se perfectionner et se socialiser tout au long de la première année. A la même époque le bébé reconnaît les changements qu'on fait subir au contour mélodique, à la zone fréquentielle ou à la structure rythmique. Dowling (1982) a montré que l'adulte ne procède pas autrement s'il se trouve confronté à des productions atonales ou des mélodies éloignées de sa propre culture.

6 mois : bébé se déchaîne[5]

En réponse ou en prévision des compétences accrues et toujours croissantes du bébé, la maman utilise des stratégies aptes à favoriser ces acquisitions : elle monte la hauteur de sa voix, surtout en fin de " phrase ", parle de manière chantante, se fait parfois confidentielle, chuchotant les premiers mystères, ou solennelle, exprimant avec faste et lenteur quelque vérité première ! Elle y emploie des mots choisis (pour leur simplicité), des expressions brèves, avec peu de variantes, moultes fois reprises (Rondal, 1983 ; Lhuillier, 1988).

Jusque-là, depuis la conception, les échanges de matières et d'informations ne méritaient le terme de dialogue que par abus. A ce proto-dialogue se substitue peu à peu un échange authentique dans lequel l'enfant se met à jouer sa partie avec initiative ! L'alternance des rôles s'institue, c'est le premier duo auquel nous avons tous participés et qui donne tant de prix à ceux que l'opéra nous fera entendre !

Il crée certaines sonorités avec des instruments de musique improvisés : par exemple, il tape sur la table ou la frotte avec une cuiller. Il se " gargarise " avec sa voix (préverbiage), faisant des roulades (modulations variées avec changement de ton : sons comme " rrr " ou " gurgur " reproduits en série). Il exerce les labiales " ppp ", " bbb ", avec projection de salive. Il peut imiter la hauteur, la faire varier, détecter les changements du contour mélodique.

7-8 mois : coucou [6]  !

 

Eliminer la fréquence fondamentale d'un son complexe ne change pas sa hauteur aussi longtemps que plusieurs harmoniques sont conservés. C'est aussi vrai pour des enfants âgés de sept ou huit mois ! Cette conservation de la hauteur devient plus floue quand les harmoniques résiduels sont tous très éloignés en fréquence de la fondamentale absente.Nous assistons aux premières tentatives pour se séparer de la mère (en rampant) sans perdre son contact (par le regard ou les bruits). Il jette un objet puis le réclame (" jeu de la bobine " décrit par Freud), tâchant, sur le plan émotionnel, de maîtriser le degré de proximité de l'" objet maternel ".

Le bébé de huit mois participe à " coucou me voilà ", se cache, se montre en appelant avec une excitation joyeuse. En revanche, il manifeste de l'angoisse à la vue d'un visage étranger (Spitz, 1968). La crainte ou le vécu d'un abandon plus ou moins réel (maladie ou voyage d'un proche) peut entraîner des cris fréquents, une tristesse dont l'entourage ne comprend pas toujours le sens.

Il élimine progressivement certaines possibilités de vocalisation, par abandon des gestes vocaux sans valeur pour l'entourage. Les formants deviennent plus graves et s'organisent (Pfauwadel, 1981).

9 mois : et le voilà qui jase[7]  !

Son babillage s'appelle maintenant " jasis[8]  " : il comporte des creaks qui évoquent " de la friture sur la ligne ". Le squealing (que sauront retrouver les adultes du Roy Hart) est un énoncé dans l'extrême aigu (1 200 Hz, ce qui est très élevé pour un fondamental), émis sans crier et même faiblement. Il chante aussi ! Et des mélodies assez variées : descendantes, plates, en pin-pon, ondulantes, complexes, etc.

Le proto-langage est utilisé plus rarement et se laisse repérer à quelques oppositions par rapport au précédent : tessiture réduite, plus grande stabilité acoustique, simplification mélodique. Ça ressemble de plus en plus à une parole ! On dirait qu'il raconte quelque chose ! Il montre sa capacité d'imiter des modèles sonores nouveaux et de dépasser son " répertoire " personnel par imitation des phonèmes qu'il entend (écholalie).

Il s'amuse à faire des onomatopées, imite la mélodie du langage adulte, peut dire un mot de deux syllabes (" papa ", " maman " ou autre) avec un sens, et réagit à certaines expressions familières. En bref, il se met à comprendre " en gros " ce qu'on lui dit.

A partir de 10 mois : au trot, la parlote !

L'enfant comprend une défense, peut arrêter un acte si on lui en donne l'ordre, peut donner son assentiment, devient capable de " détour ", de " distance " (dans certaines limites !). Il montre beaucoup de goût pour l'imitation, les " singeries ", les analogies élémentaires.

L'enfant se met à " faire de la musique ", créer des chants rudimentaires cependant qu'on assiste à un véritable " bourgeonnement verbal ". Il manifeste un vif intérêt pour les mots, il leur fait véritablement la chasse ; c'est là que démarrent les jeux syllabiques, les répétitions litaniques. Ces jeux avec les mots conduiront aux jeux de mots, conscients et inconscients de l'adulte : calembours, assonances, rimes, allitérations, double sens, lapsus, etc.

Vers 16 mois : virgilant

Les contrastes de l'intonation (suite de montées et de chutes) sont parfaitement intégrés ; de même les oppositions dans les durées (syllabes longues et brèves) tellement importantes dans certaines langues (Virgile !). C'est ainsi que s'exprime déjà une grande variété de sentiments : joie, tristesse, déception, mécontentement, etc.

La nasalisation des voyelles (qui pourrait avoir un lien avec une expression de la culpabilité) est maîtrisée.

A partir de 18 mois

La musique est globalisée : l'enfant multiplie les mouvements qui se coordonnent au rythme de la musique et peut même tenter de " danser " avec quelqu'un. Jusqu'à 19 mois ses chants développent des glissandi plutôt que des successions de notes. Ensuite il peut séparer les notes, utilisant les intervalles les plus communs chez les adultes, toutes cultures confondues : seconde majeure, tierce mineure, octave.

Il devient capable de reproduire des portions de chansons entendues et les incorpore dans ses jeux, se laissant intoxiquer par telle ou telle phrase qu'il chante et rechante indéfiniment : il produit des hauteurs bien séparées, garde un contour mélodique et une structure rythmique constants.

Ces répétitions l'entraînent à une maîtrise croissante de la voix. Elle se complexifie à force de répétitions. Ces processus sont parallèles et analogues à ceux qui règnent dans les acquisitions syntaxiques et les progrès biologiques en général (accumulation, masse critique, saut qualitatif).

A partir de 26 mois

On observe l'utilisation des intervalles de seconde mineure, de tierce majeure puis de quarte et de quinte, et, d'une manière générale, l'acquisition des intervalles les plus spécifiques de la culture environnante. Aux alentours de 28 mois l'organisation rythmique est totalement acquise, les mots sont chantés avec le rythme exact.

A partir de 3 ans

Au niveau musical, la chanson est schématisée, réduite à sa structure essentielle (" outline songs " des chercheurs de Boston). Il conçoit le plan général d'une mélodie et fait ses délices de comptines auxquelles il ne comprend mie (Osterrieth, 1971)... S'il apprend à jouer d'un instrument, on voit parfois apparaître le phénomène de l'" oreille absolue[9]  " dont on a montré que sa présence chez l'adulte exigeait un apprentissage très précoce du solfège ! Il devient également capable de reproduire des rythmes simples et d'écouter attentivement certains morceaux de musique.

Les recherches de Carolyn Drake ( Cf HS La Recherche, 5, 85-87, 2001) ont montré que le tempo spontané des enfants se ralentit avec l'âge : à 4 ans l'IOI est de 400 ms, à 8 ans de 500 ms et à 10 ans de 600 ms. La dispersion des résultats selon les individus et pour chaque individu, selon la tâche qui lui est demandée s'accroissent également, ce qui montre l'effet de la culture sur ces paramètres et l'intérêt de la musique pour enrichir le fonctionnement du cerveau et du cervelet.

Entre 5 et 7 ans : l'école des fans

1. Topologie

Longueur, nombre et ordre des " phrases musicales " respectés,
largement établis sur la structure du texte.
La pulsation sous-jacente est présente dans le chant.
La mesure est établie

2. Rythme de surface

L'enfant peut capter le rythme de surface et le jouer note pour note sur un tambour
en le synchronisant sur la pulsation sous-jacente.
Il chante approximativement, selon le contour mélodique, les vers les plus caractéristiques,
mais ne peut maintenir la stabilité tonale d'un vers sur l'autre.
Il chante des intervalles différents d'une fois à l'autre.

3. Contour mélodique

Il essaie d'harmoniser le contour des hauteurs pour chaque vers,
mais la stabilité tonale d'une partie à l'autre est encore absente ;
les intervalles varient encore selon les prestations.

4. Stabilité tonale

Les trois étapes précédentes sont bien établies.
Claire projection d'un centre tonal à travers toutes les parties de la chanson
quoique les intervalles puissent rester incorrects.
Il peut extraire la pulsation sous-jacente des rythmes de surface.
Apparition de la capacité d'opérer des transformations expressives
(par ex. ralentir l'allure pour produire une version " triste ").

Etapes de l'acquisition du chant vers 5 ans
(d'après Davidson et al., 1981)

 

Au niveau sonore, la musique tonale est mieux perçue que la musique atonale. Il peut évaluer les variations d'intensité (sons forts/faibles), sait comparer des morceaux simples au point de vue rythmique et tonal. Il améliore la justesse de son chant. Il possède un vaste répertoire de comptines locales qu'il reconnaît et apprend plus facilement que celles venues d'ailleurs. Pas question d'apprendre tout à la fois : d'abord les paroles, puis le rythme, ensuite le contour et finalement les intervalles. L'enfant affine et " remplit " les mailles du chant " ébauche " (" outline song ") constitué les années précédentes. Il se montre d'autant plus " sûr " de lui qu'il s'agit de standards culturels tandis que ses propres créations sont plus hésitantes et moins stables.

Le " fondamental " de la voix s'abaisse un peu chez les deux sexes. De 7 ans à la puberté il va continuer à décroître, passant de 300 Hz à 250 chez la fille et de 270 à 180 chez le garçon.

de 7 à 11 ans

Les capacités de production rythmique croissent (8-9 ans). La consonance est plus appréciée que la dissonance et  Zenatti situe à cette époque l'accès à la polyphonie et le sens de l'harmonie...

 

Vers 9-10 ans : les Petits Chanteurs à la Croix de Bois

La mémoire mélodique se fortifie, le sens de la cadence est acquis : contrairement à ce que suggèrent des expressions comme " marcher en cadence ", " accélérer la cadence ", etc., ce terme, dérivé de cadenza (italien) et de cadere (" tomber " en latin), exprime la résolution musicale d'une tension. Après avoir obtenu un effet de suspense, de tension, d'incertitude ou d'inquiétude par quelque accord " dissonant ", le compositeur vous fait grâce et vous convie à la détente, une sorte d'accomplissement, par un accord plus consonant, voire parfait. Ce sentiment, qui comporte des éléments liés à la culture, dénote une maturation de l'écoute. En altérant d'une façon spécifique la " résolution " attendue par l'auditeur, on peut suggérer différentes formes de ponctuation (prosodèmes). La cadence introduit donc toute une expressivité prosodique dans le discours musical classique (cf. tableau ci-après). L'accès à la polyphonie, le sens de l'harmonie s'établissent au décours de la même période (10-11 ans) (mais plus tôt, vers 6-7 ans, pour Zenatti)...

 

Cadence Musicale

Signe de ponctuation

Signification

N° Chakra

Cadence parfaite
(dominante / tonique)

point final

terminé

VII

Semi-cadence
(tonique / dominante avec accord parfait)

point d'interrogation

question

VI

cadence plagale
(sous-dominante / tonique)

point d'exclamation

cri du coeur

V

Cadence rompue
(dominante / non tonique avec accord parfait)

deux points

énumération

IV

Cadence évitée
(dominante d'un ton /
dominante d'un autre ton)

flèche

mouvement vers

III

Cadence phrygienne

points de suspension

indéfini, vague

II

Cadences et prosodèmes

 

A partir de 12 ans 

 

Enfin En Voix

La voix mûre est le résultat d’un long travail endocrinien (la mue), social, ou personnel s’il s’agit de chanter.

Vers douze ans, Claparède situe la survenue d'un très grand intérêt pour la musique... La mue survient à la puberté sous l'influence des modifications hormonales; le fondamental s'abaisse de trois à quatre tons chez la fille et d'une octave entière chez le garçon (fréquence moitié de sa voix d'enfant).

Après 70 ans

En quelques mois, au moment où les caractères sexuels secondaires s'atténuent, la voix devient chevrotante (caricature du vibrato) et change de hauteur : elle devient plus aiguë chez l'homme, plus grave chez la femme. Les harmoniques mal répartis se raréfient et l'étendue vocale se rétrécit (Giovanni, 1987). La durée des mots, et des silences entre ces derniers, s'allonge. L'intensité peut s'accroître (en parallèle à la diminution des performances de l'écoute : presbyacousie, appauvrissement du traitement cognitif).

Accidents

La voix telle qu’on peut l’enrayer (enrouée), la couper, l’éteindre (extinction), l’exalter (voix claironante), la violer (voix forcée)…

Le dernier cri (envoi)

La fin du poême est son envoi, le Cyrano d’Edmond Rostand en abusera, jouant de cette synonymie pour donner plus d’éclat à son estocade, lui, la belle voix rocailleuse d’en dessous du balcon !

Honte, Son et Culpabilité

La culpabilité est sous l'oeil sévère du législateur. Elle l'entend pour ne pas l'avoir écouté, pour ne pas lui avoir obéi !Il fait retentir l'envoi de ses foudres(zone pulsionnelle de l'invocation).

Il faudra en éprouver la honte et en payer la facture (invoice). La honte est pour Freud à l'origine de la culpabilité qui est son intériorisation (Zone pulsionnelle du regard).

Notes de la Conférence du 10 Novembre 2001

(Forum sur la VOIX, Université de Bordeaux 1, Sciences et Technologies, Talence)

 

Liens

 

"When the heart sings, and the music inspires"
Shirlee Emmons
"Ce n'est pas tant le chant qui est sacré, c'est le lien qu'il crèe entre les êtres"
Philippe Barraqué

 

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  Web auriol.free.fr   


Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

© Copyright Bernard AURIOL (email : )

9 Mai 2010



[1] Au sens où le mot renvoie à la chose d'une façon qui dépend de conventions acceptées par tout le groupe.

[2] L être parlant et parlé, l'humain, selon la très belle expression de Jacques Lacan.

[3] Une étude plus large est en cours avec la collaboration de la mairie de Toulouse, une équipe de crèche et quelques membres du Groupe de réflexion sur les sons (Besson, Brault et Auriol).

[4] Ceci n'est d'ailleurs qu'un cas particulier de tout cet ensemble de phénomènes qui mènent de l'unicellulaire à l'être humain accompli, aussi bien dans la lignée de la phylogenèse (l'évolution des espèces) que dans celle de l'ontogenèse (le développement depuis l'±uf jusqu'à l'adulte), dans l'ordre des formes anatomiques comme dans celui des fonctionnalités, y compris psycho-sociologiques et spirituelles.

[5]  Cette notion de stade est commode mais ne doit pas faire illusion : il n'y a pas nécessairement une date, une mutation brutale, un schéma standard. Il s'agit de modifications progressives, parfois insensibles, touchant les individus à des moments assez variables (Clark, 1977). Nous présentons les données en utilisant le terme de stade pour dessiner un trajet, marquer des repères " moyens ". Le " stade " est, à l'origine, une mesure de distance (192 m environ). Plus anciennement encore, ce mot se rattache au fait de se tenir, de stationner, de se figer, de s'ériger, de s'établir (sanskrit : stambh- et sthâ et sthitvâ : au bout de quelque temps). En grec, on peut le rapprocher d'une plante odoriférante : le nard (dont on pourrait percevoir la présence à 200 m).

[6] Le " Regardeur " de Claparède (de 3 à 6 mois) : prémisses du dialogue et de la danse.

[7] Moog distingue le babillage préverbal, premier apparu, du babillage prémusical.

[8] Cette remarque donne son assise à la rééducation connue sous le nom de " mélodiethérapie " du langage.

[9] Stade sadique-oral. Maîtrise motrice du tronc et des bras pour Gesell (6 à 9 mois). Acquisition de la préhension : " attrapeur " de Claparède (de 6 à 12 mois).