![]() |
L'Ecoute et la Voix du berceau à la tombeBeaux coups de génie(Chapitre 2 de "La Clef des Sons")Dr Bernard Auriol |
![]() |
Avec beaucoup de sagacité et beaucoup d'efforts, les savants cherchent bien souvent à souligner ce qui différencie l'espèce humaine de toutes les autres catégories d'animaux. Spécialement au niveau de l'intelligence et du langage qu'on tente de soustraire à toute contamination venant du bas... Simultanément, on s'émerveille des prouesses communicatoires des abeilles, fourmis, termites et autres lions de mer pour déclarer tout à trac que " ça n'a quand même rien à voir " et qu'ils sont à jamais bannis de l'Eden Symbolique. Ainsi Buytendijk (1958) : " La parole n'a pas d'origine, elle est origine (ursprung = saut originel). Elle naît en un saut à la manière d'un changement, d'un éveil, d'une mutation. "
|
De la grande masse de recherches dont les comptes rendus sont aujourd'hui disponibles, nous pouvons, au minimum, dégager les constatations suivantes :
L'audition est un sens qui s'est développé surtout comme outil d'alerte : il signale l'approche du danger. C'est secondairement qu'il a été utilisé pour la communication entre individus. " Il apparaît comme plus émotif, affectif, subjectif que représentatif et objectif. En cela, il se distingue considérablement de la vue " (Viaud, 1967).
Des scientifiques ont enregistré pour la première fois le son émis par octopus vulgaris (le poulpe commun).
rapporté par techno-science.net François Pincemin suggère que en raison de la cavitation et de la lumière émise, il pourrait s'agir de la sonolumimescence critique |
Des poissons bavards
|
Il serait hardi d'en inférer, chez l'homme, une opposition aussi simple. L'évolution a plus d'un tour dans son sac et n'hésite pas au saut périlleux, à la culbute de pantin qui lui permet d'utiliser les moindres organes à des fins supérieures ! D'instrument d'alerte, l'ouïe se hissera jusqu'au symbolique en outrepassant l'imaginaire ; gardant toutefois sa connexion première au tout ou rien, à la menace soudaine et cachée, aux événements de derrière (cf. chap. 10).
La communication acoustique apparaît lorsque le dur s'intègre à la vie : dur de la carapace chez les arthropodes et surtout de l'os chez les vertébrés (elle n'existe pas chez les protozoaires, les coelentérés, les spongiaires, les échinodermes, les vers, les mollusques..).
Chez les arthropodes et les vertébrés inférieurs, les émissions sonores ont pour rôle principal d'assurer la rencontre des partenaires sexuels et, parfois, le maintien du couple pendant la saison de reproduction. Ceci a pour résultat notoire d'interdire les rapports sexuels avec des individus d'une autre espèce. Elles peuvent aussi servir à marquer le territoire. Le signal acoustique est un mécanisme au service d'une fonction.
Comment engraisser son lapin en musique Dans
les cages à lapin du Territoire de Belfort, c 'est la fiesta. De sorte
à adoucir les moeurs sauvages dans les clapiers, Alain Coureau, un éleveur
de Saint Dizier l'Evêque envoie des décibels dans les oreilles de ses
lapines stressées. Jusque là, au moindre bruit inopiné, les pauvres
bêtes faisaient des fausses couches, abandonnaient leurs petits, se
blessaient contre les grilles et étaient terrassées par des crises cardiaques.
Depuis, de 6 heures à 22 heures, « la musique améliore considérablement
le bien être physique et psychologique des lapines », constate
Alain Coureau. Ensuite, c 'est le silence absolu. Les femelles mettent
bas ou elles s 'envoient en l 'air. Une méthode d 'élevage qui risque
de faire beaucoup de bruit à l 'aube du prochain millénaire. (Extrait de Marianne du 25 Décembre 2000, p.23 ) |
Chez les mammifères, les relations se nuancent, le signal devient un échange ajusté plutôt qu'un déclencheur automatique. Le son sert la vie sociale qui se laisse décrire en termes de partage, coparticipation, échange d'influences, adaptation incessante. Ainsi la communication se libère-t-elle, en partie, de la fonction ; l'expression n'est pas une simple conséquence d'un déterminisme externe. Lorsque les circonstances changent radicalement, la même activité phonique peut resservir, se mouler sur le contexte et permettre, entre autres, les relations avec d'autres espèces - spécialement avec l'homme (domestication).
|
Ce manque de correspondance stricte entre un type de performance sonore et une situation donnée de comportement explique la difficulté, pour les éthologistes, de catégoriser le " langage " des mammifères d'après les circonstances de sa production, comme on le fait pour les vertébrés inférieurs ou les arthropodes (appel sexuel, d'alarme, de combat, etc.) ; ils préfèrent alors se rabattre sur les particularités acoustiques elles-mêmes et parlent de grognements, grondements, jappements, pleurnicheries, gémissements, cri perçant, miaulement, meuglement, feulement, chevrotement, bêlement, etc.
Plusieurs de ces appellations invitent à imaginer que certaines sonorités auraient une signification semblable - au moins grossièrement - chez tous les vivants. Quelques arguments plus sérieux vont bien dans ce sens d'un " fonds commun " : on trouve des types de cri similaires chez des espèces proches de par leur habitat. Bien sûr, cette communauté de structure des cris ne subsiste que lorsqu'elle ne nuit pas à la nécessité vitale de se faire reconnaître comme distinct. Les cris d'alarme pour avertir les congénères d'un danger n'ont pas besoin d'une telle précision et ceux de certains oiseaux ressemblent à s'y méprendre à ceux que produisent dans les mêmes circonstances divers cercopithèques (singes).
Depuis plusieurs années, l’APIEU développe dans la réserve naturelle du Lez, en partenariat avec le Parc de Lunaret, des animations sur le thème des oiseaux. Ces ateliers s’efforcent d’initier les enfants à l’identification et à la biologie des oiseaux. Rougegorges, mésanges, pinsons, merles et autres pics y sont régulièrement observés. Mais le plus souvent, c’est par leurs cris que les nombreuses espèces séjournant sur le site trahissent leur présence. Ainsi, lorsque je suis avec une classe et que l’ambiance est propice à l’écoute des sons, je pose aux enfants la question : « Est-ce que vous savez pourquoi les oiseaux chantent ? » Et bien neuf fois sur dix, ils me répondent avec naïveté et poésie : « Parce qu’ils sont contents !!! »… Et ça me rend gai comme un pinson. Seb |
On a pu démontrer, par ailleurs (hybridation), qu'il existe une transmission héréditaire de la façon de vocaliser ; mais non des circonstances dans lesquelles il sera opportun de le faire de telle ou telle façon : il y faudra quelque éducation.
Il existe deux formes de l'expression vocale chez les mammifères.
1. D'une part, des sons " discrets ", autrement dit bien individualisés, séparables (ces sons existent aussi chez les autres vertébrés et chez les arthropodes). Ils sont assez strictement reproductibles quoique avec un début de variabilité, notamment chez les singes : ils s'imprègnent d'une intonation qui caractérise tout à la fois l'individu et son vécu du moment. Ce type de vocalisations est utilisé lorsqu'il faut communiquer sans se voir (distance).
2. D'autre part, des sons " gradués ", de structure variable et mal définie. Cette gradation du répertoire augmente en fonction du degré de socialisation des espèces. De tels sons se prêtent très bien à toutes sortes d'interactions entre l'émetteur et le récepteur. Ils peuvent recevoir de constants ajustements. Ils reflètent un jeu de communication et d'échange, dépendant de la personnalité de chaque protagoniste, de l'histoire de leurs relations antérieures et des aléas de la situation socio-écologique du moment. Ce type de communication ne peut se produire que s'il existe une certaine proximité entre eux : en effet la modulation en fonction de l'autre exige que ce dernier soit visible. Ces échanges favorisent l'harmonie de la mère et de ses petits ou des congénères d'une même troupe. Ils interviennent aussi dans les relations de hiérarchie, de cour nuptiale, de jeu gratuit, etc.
Les souris mâles chantent en présence de femellesUniversité Washington à SAINT LOUIS, Missouri (AP) - Les scientifiques savent depuis longtemps que les souris mâles de laboratoire peuvent produire des sons à haute fréquence, inaudibles pour l'oreille humaine, lorsqu'elles détectent l'odeur d'une femelle. Un chant qui aurait pour but de séduire la belle, même si les scientifiques n'en n'ont pas la certitude."Il est rapidement apparu que ces vocalises n'étaient pas des gazouillis incohérents mais des chansons", a souligné Timothy Holy, principal auteur de l'étude. "Elles ont une structure et ressemblent beaucoup à des chants d'oiseaux." Pour pouvoir entendre les sons émis par le rongeur, les chercheurs les ont enregistrés sur une bande et reconstitués quatre octaves plus bas. M. Holy précise que le chant des souris répond à deux critères: des syllabes distinctes et des thèmes récurrents. Si l'analyse des chercheurs est confirmée, les souris pourraient rejoindre la liste des animaux capables de chanter en présence du sexe opposé, qui comprend les oiseaux, les baleines, les marsouins, les insectes et peut-être les chauves-souris. D'après "Public Library of Science Biology" Octobre 2005 |
On assiste non seulement à des dialogues, mais aussi à des clameurs collectives qui ont invinciblement conduit les observateurs à parler de " choeurs " ; contagion imitative (chez les loups par exemple), défense sonore du territoire commun (surtout chez les animaux nomades), mais certainement aussi temps fort de socialité...
Cette richesse vocale est liée d'une part à une audition plus performante que celle des insectes ; d'autre part à une phonation plus complexe, utilisant un larynx mieux développé pour faire résonner les cavités du nez, de la bouche (surtout chez l'homme qui peut alors " articuler ") et du pharynx pour produire des ensembles sonores caractéristiques et modulables, les " formants " (Leipp, 1971a).
C'est le répertoire des singes anthropomorphes qui contient la plus grande diversification de sons gradués en intensité, durée et fréquence. Ils peuvent aussi établir des catégories, c'est-à-dire poser une frontière au sein d'une gradation physiquement continue, tout comme les Français apprennent à distinguer le phonème " b " du " p "... Certains primatologues ont insisté sur les analogies qui lieraient les " gradations " vocales des chimpanzés et certains phonèmes fréquents dans les langues humaines (Marler, 1976 ; Green, 1977). D'autres considèrent que le cercopithèque d'Ethiopie est capable d'un accès au symbole [1] puisque, par exemple, l'un d'eux informe ses congénères de la présence d'un serpent et du fait qu'il est ou n'est pas venimeux (Seyfarth cité par Gautier, 1983). Point de vue contesté, cela va sans dire.
Ce besoin de durcir la frontière entre l'homme et l'animal est surprenant ! Ne serait-ce pas qu'il y va d'une certaine philosophie (occidentale pour sûr), anthropocentrique et bien embarrassée lorsque pointe la possibilité (génie génétique avec sa compétence à créer un éventuel " chimpanzome ") d'une série indéfinie de " chaînons intermédiaires " entre le singe et l'homme. On tient à savoir à quel moment ça se dénature (Vercors) même s'il est évident qu'au bout du compte, spécialement chez les plus doués d'entre nous, " la communication orale, en devenant langage, se libère de l'immédiateté du réel ; l'homme posant une distance entre le réel et lui ", une coupure entre la vie et la civilisation, fût-ce au prix de pas mal de renoncements et d'un certain malaise.
Personnellement je suis peu enclin à enfoncer ce clou, à élargir les césures qui n'existent - justement - que pour le langage et pour l'action. Les sons, les attitudes, les gestes et l'intime sont liés. Ces liens peuvent être décodés par celui qui écoute ou regarde. Il peut ensuite les utiliser intentionnellement, pour évoquer le passé, suggérer l'avenir : ils deviennent la meilleure des choses. Et la pire ! Outils de communication, mensonges pour une vérité. Un degré de plus, et les voilà habités de sens, triomphalement intronisés dans la sphère symbolique, aptes à produire du discours philosophique, endocrines de l'inconscient.
Les dauphins possèdent-ils un nom, un prénom et une nationalité ?Découvert par Randy Wells du Mote Marine Laboratory, le sifflement signature (“signature whistle”) s’apparente à nos noms et prénoms humains… Cette signature comprend trois parties. La première moitié du signal sonore reprend le nom de la mère, un quart correspond au groupe d’appartenance, et le dernier quart est spécifique à l’individu. Chaque dauphin peut ainsi décliner son identité en présentant, en quelque sorte, son nom de famille (qui reprend la racine du sifflement de la mère), sa “nationalité” (commune au pod) et son prénom. Les sociétés dauphines sont matrilinéaires, c’est
pourquoi le “nom de famille” vient de la mère. Il
a de plus été remarqué que les femelles recevaient
des patronymes plus originaux que les enfants mâles, ce qui s’explique
sans doute par le fait que ce sont les femelles qui fondent les lignées
et les nomment. Les mères inculquent dès le plus jeune âge aux delphineaux à prononcer leur signature sifflée. Durant toute une partie de leur enfance, ceux-ci le répètent constamment, afin de l’apprendre et le maîtriser. Pour découvrir la suite, cliquer ici. ou là ! 17 sept 2009 |
Ces étapes (et d'autres sans doute) se franchissent quand tout est prêt. Mais aussi quand l'étape précédente est suffisamment investie, déployée, exercée. Quand tout est prêt fonctionnellement et anatomiquement : on sait par exemple que chez les primates non humains - comme chez le jeune enfant - le comportement vocal est essentiellement dépendant des aires sous-corticales ; ils ne peuvent sans doute pas exercer sur lui de contrôle intentionnel. Cependant le petit Mowgli est capable de mieux, de contrôle cortical notamment. Voyons donc comment s'installent les prérogatives de parlêtre [2] .
Il survient, parfois sans intention, rarement à l'improviste. Pas tant lié aux migrations des cigognes ou à la floraison des rosiers qu'aux mystères étymologiques de la petite chambre. Il se niche tout autant dans le berceau des projets que dans la tente utérine ! Françoise Dolto, tout au long de son action, de ses discours et de ses écrits, l'annonce et le martèle, jusqu'à l'extrême étonnement de ces phrases une fois dites, qui sculptent le destin. La mère dit : " Que cela soit " et cela fut. Voilà ! (Gen. 1). Sauf exception... c'était bon.
L'enfant est d'abord une image dans l'espoir idéal que porte la famille, parfois fantôme d'un disparu, idole d'un grand-père. Après que sa chair s'est moulée réellement aux données génétiques pater/maternelles et aux flux psycho-somatiques du placenta (de sorte que le bébé est comme le sceau de ceux qui lui donnent le jour), il se calque à leurs attentes, réalise leurs fantasmes, écrit ce qu'ils ne doivent dire ou ce qu'ils osent à peine suggérer. Tout cela se marque dans les dits et les non-dits, dans les prénoms qu'on hésite à lui donner, les cadeaux qui l'environnent, les grimaces qu'on lui fait. Avant tout : le sang qui le construit, le lait qu'il suce, les cris et les chuchotements, les mots...
*
Les aptitudes à l'écoute ainsi que les dons pour s'exprimer vocalement se développent généralement (chez le petit d'homme) selon le schéma que je vais esquisser maintenant.
H. D. Wing (1968) a pu montrer que ce type d'aptitudes, qui a une plus ou moins grande valeur pour un individu donné, à un moment précis de son évolution, permet de définir un " quotient musical " (Q. M.) que l'on calcule comme le quotient intellectuel (Q. I.) en faisant le rapport de l'" âge musical " à l'âge légal. Ce quotient musical est constant chez un individu donné (à moins d'entraînement particulier ou d'accident, maladie, etc.) et relativement indépendant du quotient intellectuel.
Outre un facteur général, on peut repérer dans cette compétence musicale un facteur " mélodique " et un facteur " harmonique ". D'autres études évoquent également une composante " rythmique "... Cette remarque tend à confirmer l'impression commune, selon laquelle certaines personnes sont " douées " (Mozart...), alors que d'autres seraient notoirement et définitivement incompétents. Nous verrons la part de préjugé que cela comporte.
Les problèmes de l'acquisition du langage, chez certains enfants (autistes par exemple), font l'objet de débats pour savoir quelle est la part de l'hérédité et celle de l'environnement dans ce genre de troubles.
Le chapitre que je consacre au test d'écoute pourra nuancer le point de vue monolithique faisant du quotient musical une donnée invariable. La pratique de l'audio-psycho-phonologie et des thérapies soniques en général montre à l'évidence que l'écoute est éducable, susceptible d'améliorations parfois spectaculaires. On ne devrait plus entendre le professeur assener : " Toi, ne chante pas, tu vas faire pleuvoir ! "
A partir du sixième mois de la grossesse et, comme toutes les mères du monde, dès la plus haute antiquité, l'avaient prétendu, le foetus perçoit certains sons.
Cette gravure est extraite du Traité Pratique d'Em. Jozan des Maladies
des Voies Urinaires et des Organes Générateurs de l'homme et
de la femme, 7° éd.Masson,Paris, 1858.
Un gène-clé dans l'évolution du cerveau humain ? Des recherches publiées en Août 2006 dans Nature montrent que le gène HAR1F pourrait expliquer l'évolution du cerveau humain. . "Il semble qu'il tienne une part très immportante dans le développement du cerveau", a déclaré Sofie Salama, coauteur de l'étude, chercheur en biologie à Santa Cruz. On sait que ce gène se met en marche dans le foetus humain vers la fin du deuxième mois après la conception, et qu'il s'éteint vers la fin du cinquième mois, c'est à dire, lorsque le foetus se met à l'écoute du monde sonore. http://www.nature.com/nature |
De nombreux chercheurs, à la suite de Forbes (1927) ou Rousteau (1988), ont pu le montrer. Si on enregistre les mouvements du foetus ou les battements de son coeur, on observe qu'il réagit à certains sons extérieurs (dès la 26e semaine de gestation pour Tanaka, 1969). Il est également en mesure de s'habituer à un son, y réagissant de moins en moins, pour répondre à nouveau très vivement si on utilise une fréquence différente, plus aiguë ou plus grave ; son système nerveux est donc également capable de distinguer les fréquences.
Age |
critères |
0-1 |
Réagit aux sons. |
1-2 |
Spontanément créatif avec les sons : "fait de la musique". |
2-3 |
Commence à reproduire des bribes de chansons. |
3-4 |
Saisit le plan général d'une mélodie. |
4-5 |
Peut discriminer grossièrement les hauteurs |
5-6 |
Peut comparer les variations d'intensité, les rythmes et les réalisations tonales dans des cas faciles. |
6-7 |
La justesse du chant s'accroît. |
7-8 |
Recherche la consonance et évite la dissonance. |
8-9 |
Amélioration des réalisations rythmiques. |
9-10 |
Perception de la polyphonie, sens de la cadence. |
Les jalons du développement musical selon Shuter-Dyson (1981) |
" Pour qu'un enfant gitan devienne musicien, on décidait que, pendant les six dernières semaines avant sa naissance et les six premières semaines de la vie de cet enfant, tous les jours, le meilleur musicien d'un instrument irait jouer pour lui auprès de la mère enceinte, puis accouchée et allaitante. " Et, paraît-il, l'enfant désirait plus tard jouer de cet instrument et y excellait (Dolto, 1985). A la clinique de Pithiviers, les parents sont invités à dialoguer avec leur petit au travers de la paroi utérine ; les médecins ont constaté que, après la naissance, ces enfants jouissaient d'un meilleur équilibre corporel, s'asseyaient beaucoup plus vite que les autres, se montraient moins angoissés, etc.
Dans des conditions naturelles, le foetus est exposé à toutes sortes de bruits (Tomatis, 1963), à commencer par ceux des battements cardiaques, respiratoires, intestinaux et vocaux de sa mère. On doit y ajouter toute la cohorte des sons externes provoqués par les actions maternelles (claquement des talons sur le sol, moteur de la voiture et roulement du métro, bruits de l'activité ménagère, professionnelle ou de loisir) ou qui sont produits autour d'elle (voix du père, des autres membres de la famille, des collègues de travail et de diverses relations, bruits de la maison, de la rue, etc.).
Certains de ces bruits sont extrêmement répétitifs et constituent une sorte de " paysage sonore " auquel le petit être s'habitue nécessairement, finissant par ne plus y réagir. Le degré de cette redondance est très variable et s'échelonne sans doute, à peu près selon l'ordre dans lequel je viens de les énumérer... (coeur > respiration > intestin > bruits de pas ou de moteur > bruits externes monotones > voix maternelle > voix familières > autres voix ou bruits inaccoutumés). Dire qu'il n'y réagit plus c'est remarquer qu'il ne les intègre plus comme des informations ; ils deviennent plutôt le " fond " familier nécessaire, facteur de sécurité, outil de repérage, par rapport auquel vont se différencier des " formes " qui seront recevables en tant qu'information.
La voix de la mère occupe une place privilégiée, centrale, située qu'elle est à mi-chemin de l'habitude et de la variété ; elle représente par là le prototype de toute musique qui ne saurait se réduire ni à la répétition ni à l'imprévisible.
Les sons qui furent présents dès la conception, même s'ils sont violents et agressifs (bruits d'avion auprès d'un grand aéroport par exemple), seront mieux intégrés et causeront moins de perturbation psychologique à l'enfant une fois né que si ces mêmes bruits avaient débuté plus tard au cours de la grossesse. Ils ont alors des conséquences redoutables : angoisse, insomnie, etc. Dans tous les cas, de telles agressions touchant la mère et/ou l'enfant induisent une moins bonne santé physique du nouveau-né qui présente statistiquement un plus faible poids de naissance (Ando, 1970). Or on sait que l'hypotrophie du foetus peut avoir des conséquences néfastes jusque très tard dans la vie (tendance dépressive chez l'homme en particulier).
Une longue polémique a opposé Tomatis (1981) et Feijoo (in Herbinet, 1981) au cours de différents congrès et publications ; il s'agissait de savoir si, parmi tous les sons que le foetus reçoit, figure la voix de sa mère ; dans cette éventualité, qu'est-ce qui, de cette voix, parviendrait dans l'utérus ? Enfin, que retiendrait, de cette fourniture, le foetus ou le prématuré ?
Le groupe de Réflexion sur les Sons que nous animions avec le Pr Pierre Josserand (LAMI - Toulouse) avait proposé de réaliser une expérience cruciale pour en avoir le coeur net ! En fait, c'est grâce aux travaux de M.-C. Busnel (in Herbinet, 1981) et de Querleu (1981) prenant en compte nos débats avec Feijoo, que la question s'est beaucoup éclairée. Ils ont montré, en plaçant un hydrophone miniaturisé dans le vagin, puis dans l'utérus gestant, que l'enfant était dans une ambiance assourdie. Tous les sons lui parviennent filtrés en passe-bas, de sorte que, physiquement, il peut capter tous les bruits que nous avons énumérés, y compris la voix maternelle (et cette dernière est tout particulièrement repérable dans les enregistrements) ; mais c'est surtout la partie grave de ces sons qui est acheminée, la zone aiguë, au-delà de 3 000 Hz, étant atténuée. On trouvera un texte intéressant à ce sujet sur le site de LA FORGE.
On peut cependant remarquer qu'atténuer n'est pas supprimer et qu'il en subsiste assez pour " tirer l'écoute " vers les aigus. Ces derniers sont d'autant plus intéressants qu'ils ne parviennent que mal et rarement jusqu'à l'oreille du petit être. Même des sons extrêmement aigus (situés bien au-delà des capacités auditives de l'humain), tels ceux de l'échographie ultra-sonore, semblent avoir des conséquences (par un biais thermique ou chimique ?) sur le foetus qui s'agite souvent pendant l'examen. Ils auraient même un retentissement sur son avenir : la dyslexie serait plus fréquente lorsque les échographies ont été nombreuses (avec cette objection que ces multiples examens étaient probablement liés à une inquiétude particulière dans l'esprit des soignants et des parents) (Messadié, 1987).
Ce débat n'est pas sans conséquence. En effet, les cures Tomatis comportent une phase d'écoute en voix maternelle filtrée (en passe-haut, à 8 kHz). Ce filtrage permet-il au patient d'écouter les sons qu'il entendit jadis dans le ventre de sa mère ? N'est-ce pas plutôt cette part de la voix maternelle qu'il découvrit à la naissance ? Le défiltrage de cette voix, appelé " accouchement sonique ", en est peut-être un (Dolto, 1985) et a des effets cliniques parfois très démonstratifs. Cependant les sons filtrés de Tomatis ne correspondent plus, dans cette hypothèse, à une évocation de la vie intra-utérine, mais plutôt à une répétition sonore caricaturée des tout premiers temps après la naissance. Il n'est pas étonnant, dès lors, de constater le rôle dynamogène d'une telle écoute et le fait qu'elle puisse parfois évoquer certaines données biographiques associées à la vie post-natale (Auriol in Herbinet, 1981).
Tomatis (1981, p. 50 et suiv.),
desservi par certaines contraintes expérimentales qu'il explique très clairement,
à partir de son intuition remarquable, avait été conduit à ce résultat, à
une erreur de signe près pour ainsi dire, puisqu'il avait pris pour un filtre
passe-haut ce qui fonctionnait en passe-bas... " Je fondais
toute mon expérimentation sur ce fait, dit-il, bien m'en a pris. Seulement
tout était faux ". Utilisant alors quelques arguments embryologiques
(qui semblent montrer que la zone cochléaire de la base, réceptrice des aigus,
pourrait se développer avant la région des graves) et surtout le succès considérable
de sa méthode de traitement par sons filtrés en passe-haut, il conclut hardiment
que le filtrage utérin passe-bas est sur-corrigé par un filtrage cochléaire
de sens inverse selon le schéma suivant :
Source |
Filtrage utérin |
Filtrage cochléaire |
Réception |
Large bande (!!) |
Passe-bas (!) |
Aigus amplifiés (?) |
Passe-haut (??) |
Encore beaucoup de travail reste à faire, pour déterminer l'évolution anatomo-histologique qui fait passer le foetus d'une audition par les CCE à une audition adulte par les CCI. Ces dernires profitent alors de la structure amplificatrice des CCE pour affiner notre écoute adulte.
Question : Didier Dulon comment fonctionne l'élément sensoriel de l'audition ?
L’organe auditif (organe de Corti) est composé de deux types de cellules sensorielles: les cellules ciliées internes (CCIs) et les cellules ciliées externes (CCEs). Chacun de ces deux types de cellules ciliées a un rôle bien particulier. Les CCEs jouent le rôle d’ « ampli-tuner » des vibrations acousto-mécaniques incidentes et n’envoient pas de message nerveux vers les centres auditifs. Les CCIs codent le potentiel récepteur ou potentiel microphonique en impulsions nerveuses au niveau des fibres afférentes du nerf auditif. Au contraire des neurones, les CCIs ne génèrent pas de potentiel d’action mais un potentiel récepteur (dépolarisation phasique) proportionnel à l’intensité de la stimulation acoustique qui déclenche une libération tonique et phasique très précise du neurotransmetteur (glutamate) au niveau de la fibre afférente du nerf auditif.
Question : Que trouve t'on de particulier dans ce "cablage" cellules ciliés - neurones ?
Nous montrons que cette exocytose calcium-dépendante des CCEs immatures est perdue chez la souris dont le gène de l’otoferline est inactivé. Le gène OTOF [Le gène OTOF code pour la proteine otoferline], isolé dans le laboratoire de Christine Petit à l’Institut Pasteur, est responsable quand il est muté de la surdité récessive DFNB9 chez l’homme. Cette protéine, dont le rôle précis dans la synapse à ruban des cellules ciliées restent encore à définir, est constituée de plusieurs domaines C2 et présente une organisation structurelle ressemblant aux synaptotagmines : les senseurs calciques des synapses neuronales. Nos résultats démontrent que, comme pour la CCI mature (Roux et al. 2006), l’otoferline est essentielle à l’activité synaptique des CCEs au cours du développement. Cette activité synaptique spontanée des CCEs immatures doit certainement jouer, comme montré dans le système visuel au cours du développement, un rôle essentiel dans l’établissement de la cartographie nerveuse des centres auditifs.
citation de http://www.inb.u-bordeaux2.fr/siteneuro2/pages/archiindex/Dulon/otoferlin.php |
Et que dire du rôle du bouchon gélatineux qui obstrue l'oreille du foetus (Moch, 1985) : n'est-il pas responsable d'un nivellement entre écoute aérienne et écoute osseuse ? et par là d'une indistinction entre les sons venant de l'intérieur du foetus et ceux dont la source est ailleurs (c'est-à-dire le corps maternel et les bruits du monde extérieur) ?
D'autant que le simple fait de baigner dans un liquide pourrait restreindre le mécanisme auditif à la seule conduction osseuse (Hollien, 1969) ou à une conduction purement liquidienne cheminant par les parties molles qui restent au niveau de ce qui donnera plus tard le crâne; Ce type de conduction est plus apte à transmettre la voix maternelle, notamment dans ses composantes moyennement aigües !
Sans pouvoir conclure de manière tout à fait sûre ces débats théoriques, je me contenterai d'exprimer ici une opinion. Le foetus apprend tout d'abord à s'orienter dans un monde à quatre dimensions, grâce au système vestibulaire qui lui donne à percevoir l'espace statique et ses repères : la verticale, l'horizontale. Les canaux semi-circulaires lui apprennent une dynamique dans cet espace : à savoir qu'il est modifié plus ou moins brutalement (en fonction des déplacements de la mère) selon trois axes d'accélération.
Certains des mouvements perçus le sont en fonction d'un axe temporel qui est marqué par l'accumulation de rythmes assez réguliers : mouvements et bruits (coeur marquant à peu près la seconde, rythme des pas, respiration marquant à peu près les cinq secondes, cycles péristaltiques intestinaux toutes les 90 minutes environ, alternances d'activité et de repos marquant les 24 heures, etc.).
Sur la base de cet espace-temps, le foetus se prépare à communiquer, il associera mouvements inattendus et sons nouveaux, chant du langage maternel et balancements respiratoires, ambiances rythmo-mélodiques et variations de l'état de conscience (angoisse ou bonheur par le biais du chimisme sanguin), etc.
|
Ler Dr Sylvie Bijaoui pose la question de l'usage d'un instrument à percussion par la femme enceinte. - "une de mes patientes enceintes joue de la timba (sorte de djembé métallique d'origine brésilienne) y-a-t-il des effets indésirables à la pratique de cet instrument" :
|
La sécurité de base va avec le rythmique, la qualité de nouveauté (l'information) va avec le mélodique et tout spécialement la voix maternelle dans la zone fréquentielle des médiums. Quelques excursions dans l'aigu marquent certains faits exceptionnels.
A la naissance, le paysage sonique se bouleverse. Les rythmes sont acquis au niveau interne mais le nouveau-né s'en trouve " castré " au niveau externe, lorsqu'il ne bénéficie pas d'un contact étroit avec sa mère (allaitement, port sur le dos, câlin, etc.). La voix de sa mère se laisse repérer à ses composantes rythmiques portées par les graves et il s'accroche à elle chaque fois qu'il le peut. Il découvre toute une nouvelle richesse en l'espèce des harmoniques de cette voix qui soudain se dévoilent, ce qui est tout à la fois excitant et apaisant. Il marque lui même ses propres rythmes, par exemple au niveau d'un mouvement de succion deux fois par seconde environ lors de la tétée.
Cette métamorphose dans la sécurité lui permet d'intégrer sans mal l'énorme afflux de sons nouveaux qui l'escortent : tous les aigus de ce monde aveuglant. De là aussi l'association, commune à tout être vivant, entre sons aigus et luminosité, sons graves et obscurité. De là aussi (puisque la lumière vient d'en haut) l'association des aigus et du haut, des graves et du bas, etc. Tout ce symbolisme d'allure " archétypal ", c'est-à-dire commun à tous les mammifères, l'est, non pas en fonction de quelque mystérieuse inscription génétique ou pour des raisons " spirituelles " ; il dépend tout bonnement de ce phénomène simple qu'est le changement de milieu (liquide/aérien) à la naissance.
26° ? |
La "découverte" de la lumière à la naissance va de pair avec la découverte des sons aigus. Dans la grande majorité des naissances naturelles (en OIGA) cela va de pair avec une entrée dans le monde par le haut du corps (la tête). L'expérience la plus commune de la vie courante, dans la plupart des circonstances naturelles, nous fait tenir la tête en surplomb du corps et nous fait ainsi recevoir la lumière d'en haut. Cela nous a paru suffisant pour engendrer le symbolisme universel qui place la lumière et les aigus dans la partie haute de notre espace environnant. Reste que la mesure du phénomène a quelque chose d'intrigant :
Cet angle est-il lié à la position habituelle dans les derniers mois de la grossesse ? |
C'est le même principe que nous retrouverons dans l'acquisition de la valeur " symbolique " de la droite et de la gauche (cf. chap. 6). Ces significations de l'espace, du son, des phonèmes aussi comme nous le verrons ailleurs, et toute l'anthropologie psycho-physiologique du yoga tantrique sont universelles et pourtant profondément enracinées dans la chair. Elles ne doivent rien à l'arbitraire du langage qui plutôt se fonde en elles. Elles insistent sur les plis de passage qui relient le Symbolique, le Réel et l'Imaginaire.
Ces remarques expliquent sans doute, pour une part, l'observation empirique suivante : l'audiogramme semble comporter, chez la plupart des gens, trois grands blocs de fréquences.
· Un bloc grave (30 à 800 Hz environ) qui correspond à l'ensemble des bruits organiques dont nous avons parlé. Ce bloc est le véhicule essentiel de la part rythmique audible dans un morceau musical. On a utilisé depuis longtemps le bruit des battements cardiaques pour calmer les jeunes enfants (cf. Murooka, 1976). Certains sons graves et forts (250 Hz, 85 db) peuvent arrêter les pleurs du nouveau-né aussi bien qu'une sucette sucrée (Birns, 1966). J'ai moi-même pu constater, avec l'aide des élèves de Gerda Boysen (Y. Brault et J. Besson) et une directrice de crèche [3] , que les bruits intestinaux ont un impact particulier sur les jeunes enfants. Il se pourrait que cet impact soit fonction des caractéristiques individuelles de chaque bébé comme de l'état plus ou moins stressé ou harmonieux du fonctionnement intestinal considéré (le clapotement intestinal en glouglou de rivière semble apaisant, les grondements, rugissements et grincements se révèlent angoissants). La démarche maternelle permet au foetus d'être bercé, selon des modalités extrêmement caractéristiques du psychisme maternel (Digelman, 1971 et Auriol, 1987a) ; en même temps, il perçoit, et très vivement, le bruit des pieds sur le sol, le rythme respiratoire et cardiaque, à savoir tout un orchestre où dominent les percussions... Ainsi est-il, pour la première fois, initié à la danse...
· Un bloc médium (800 à 3 000 Hz environ) correspondant à ce que le foetus peut percevoir de la voix maternelle et qui fondera plus tard la zone fréquentielle du langage parlé. Ce bloc sera plus tard le véhicule privilégié de la part mélodique reconnue par l'écoute musicale.
· Un bloc aigu (3 000 Hz et au-dessus) découvert à l'occasion de la naissance, qui conservera un rôle d'appel en cas de détresse, de socialité, de sublimation, etc. Ce bloc portera l'essentiel de ce que l'écoute musicale appelle harmonie et permettra de distinguer différents " timbres ".
Mme Moch (1985) insiste avec juste raison sur les conséquences désastreuses que pourrait entraîner un mésusage des sons en regard du foetus : trop de bruit qui le stresse jusqu'à la surdité, avec le risque d'avortements et de malformations ; trop de silence qui le prive d'un entraînement indispensable comme on l'a démontré chez l'animal : difficultés dans l'audition et l'intégration des sons, dans la capacité de reconnaître des structures sonores complexes (Granier-Deferre in Herbinet, 1981). Les agressions sonores seraient spécialement nocives au cours du sixième et septième mois de la grossesse.
Mosser (1990) a obtenu une diminution de la fréquence cardiaque, une respiration plus régulière, un arrêt des pleurs (9 fois sur 10) et une sédation de l'agitation avec une tendance à l'endormissement chez les prématurés exposés à des mélodies grégoriennes (interprétées par Reznikoff), des chants traditionnels puisés dans toutes les cultures et également, quoique à un moindre degré, avec des bruits de vagues et le chant de berceuses. La musique de Mozart a été écartée de l'étude en raison de l'ampleur de sa dynamique qui produisait sporadiquement des stimulations excessives. Les bruits de coeur enregistrés ont un effet calmant déjà bien connu ; cependant une utilisation itérative voit leur efficacité s'épuiser à l'inverse des stimulations musicales. Il semble qu'un phénomène analogue affecte l'exposition à un enregistrement de bruits intestinaux (recherche personnelle en crêches, à Toulouse). |
|
La voix maternelle est-elle sédative
?
|
Par ailleurs on doit à Françoise Dolto d'abondants témoignages (1982, p. 120 par ex.) sur le fait que la parole maternelle, prononcée pendant la grossesse ou très peu de temps après la naissance, pourrait entraîner des perturbations, parfois très graves, chez le fruit de ses entrailles, jusque très tard dans la vie... Parfois, ce serait l'absence d'un éclaircissement, l'excès de secret qui seraient responsables de troubles. Ses interventions, qui lui ont valu tant de succès, parfois miraculeux - ce qui m'a incité à parler d'un " effet Dolto-magique " -, paraissent assez surréalistes : comment peut-on donner une " interprétation " psychanalytique à un nouveau-né vagissant, quel impact ont les mots dits à un foetus à l'abri de toute compréhension verbale ?
L'hypothèse la plus simple serait d'imaginer que telle ou telle phrase, dite dans un contexte particulier (changement de ton ou de vitesse dans la voix, bouleversement chimique, hormonal, changement des rythmes ou de posture, etc.), soit " engrammée ", mise de coté telle quelle, dans la mémoire. Elle serait reprise, suite à l'apprentissage du langage, par l'inconscient et acquerrait alors son pouvoir pathogène. Cette explication me semble plutôt à rejeter puisque les effets de parole ou de silence que nous repérons peuvent se manifester bien avant cette acquisition de la compréhension des mots.
Sous le terme de " communication d'inconscient à inconscient " on décrit certaines transmissions d'informations surprenantes qui se font au cours d'une psychanalyse sans l'emploi des mots. Tous ne croient pas qu'il s'agisse de " télépathie ", au sens parapsychologique, mais il devient de plus en plus délicat de refuser sans examen ce dernier point de vue (Combourieu, 1985 ; Auriol, 1987d). Peut-être un phénomène de ce type est-il à l'oeuvre entre le foetus et sa mère dont les dits et non-dits pourraient refléter ce qu'elle accepte de s'avouer à elle-même ou non et ce qu'elle accepte ou non de lui transmettre par voie " extra-sensorielle ", messages ultérieurement symbolisés ou au contraire soigneusement tenus à l'écart de toute parole et de toute maîtrise. Question ouverte...
Il s'agit, plus vraisemblablement, d'une action qui touche la mère et l'environnement du bébé en général. L'attitude à l'égard de ce dernier peut évoluer, subtilement mais puissamment, si certaines données relationnelles sont rendues explicites plutôt que masquées. Les thérapies familiales nous ont rendu moins étrange une telle supposition...
La culture de différentes civilisattions font référence à cette vie utérine, qu'il s'agisse de son vécu mémorisé peut-être ou de son symbolisme que se sont approprié les religions (bains rituels : mikve, baptèmes) et les poëtes...
Le nouveau-né (dès le premier jour) est capable de tourner les yeux (ou même la tête) vers certains sons (par exemple une clochette). Selon ce qu'on lui donne à entendre, le rythme de son c±ur se modifie, il tète plus vite ou plus lentement ; s'il dort, un bruit assez intense peut le réveiller. L'existence de ces réactions a permis d'étendre considérablement les compétences auditives du nouveau-né (Eisenberg, 1976). Ces aptitudes ne doivent pas faire illusion sur l'usage qu'il pourrait en faire. Il les réceptionne au niveau sous-cortical pour l'essentiel, y répond de manière réflexe (mécaniquement), mais ne les maîtrise pas, n'en a pas conscience, ne peut s'en servir que de façon très primitive.
Dans ces limites il est quand même stupéfiant de constater que non seulement il peut entendre, mais aussi discriminer certaines modalités du son (telles que fréquence et volume). Il perçoit l'intonation, la mélodie et le rythme de la voix humaine (Bertoncini, 1982). On a pu montrer qu'il préfère la voix de sa mère à toute autre ; viennent ensuite les autres voix féminines puis la voix paternelle et enfin les autres voix masculines (Decasper, 1980). Il sait distinguer une langue étrangère de la langue maternelle, même si tout est dit par la même personne (Zacklad, 1986). Il préfère même une comptine, déjà dite par sa mère pendant la grossesse, à tout autre texte qu'elle dirait pour la première fois après sa venue au monde (Busnel, 1963).
Babies Can "See" Language (05.24.07)
Infants can tell the difference between two languages without hearing the spoken words, simply by watching the face of the adult who is talking, a Canadian study says. "It is important, because it tells us how babies are prepared to learn multiple languages," said Whitney Weikum, a doctoral candidate in neural sciences at the University of British Columbia who led the experiment. Working under the supervision of Janet Werker, a professor of psychology at the university, Weikum had three groups of infants, ages 4, 6 and 8 months, from bilingual Canadian homes watch silent video clips of an adult speaking either French or English. "The baby watches the screen and sees the faces of the people talking," Weikum said. "When the baby's looking time declines, the computer switches and starts a clip of an adult talking the other language. The baby notices the switch and starts watching the screen again." That ability to tell the difference can diminish over time, depending on what languages are spoken in the home, the study found. Eight-month-old babies from bilingual French-English homes would return their attention to the screen when the language was changed. But the ability to tell the difference was lost at about 8 months of age by babies from homes where only one language was spoken. One point made by the study, published in the May 25 issue of the journal Science, is that "language is multimodal," Weikum said. "Studies have shown that aural cues are important. This now shows the importance of visual cues." Laura-Ann Petitto, a cognitive neuroscientist who is director of the Cognitive Neuroscience Laboratory for Language, Bilingualism and Child Development at Dartmouth College, said: "This is a landmark study about the ways that babies use multiple cues to enable them to distinguish between languages. The study suggests that, at an abstract and deep level, the learning brain might not be tied to speech itself." It has been known that young deaf babies use visual cues to help them learn language, Petitto said, "but we never dreamed that a hearing baby can also be learning language using visual cues." Petitto said the study has "important implications," because "it supports the belief that the brain can use multiple cues in language processing and suggests that multiple cues in teaching languages can be beneficial." The findings also have practical applications for remedial speech teaching, Petitto said. "Various remedial tools use multi-stimuli," she said. "This is wonderful confirmation that the multiple cues that we give babies are actually useful." Peter Gordon, associate professor of speech and language pathology at Teachers College of Columbia University, said an interesting follow-up study would be to add another language to the mix. "If we gave them say, Russian or Chinese, a language that they are not adapted to, we would predict that they would be like the monolingual group," he said. Visit the U.S. National Institute on Deafness and Other Communication Disorders. |
Le bébé se montre tout à fait capable de faire la différence entre " ba " et " pa ", " ba " et " ma ", " pa " et " ta ", etc. Pour peu qu'on l'y entraîne, il parvient même à différencier des phonèmes appartenant à une langue quelconque, même très éloignée de celle de ses parents. Progressivement, il se met à restreindre cette faculté et à sélectionner les distinctions phonétiques présentes dans sa langue " maternelle ".
Dès la naissance (et peut-être avant ?), selon une étude de Condon et Sander (1974), les mouvements du bébé peuvent se rythmer sur la voix maternelle, en quelque langue qu'elle se fasse entendre. Il se pourrait que ce fait soit fondamental et perdure, a minima, toute la vie, comme le souligne l'expression : " Je me suis laissé bercer par sa voix. " L'acquisition de ce " verbo-mimisme " (Jousse, 1969) pourrait précéder la naissance, dans la mesure où les mouvements du corps de la mère portante se font de manière synchrone à sa propre voix. L'enfant perçoit cette voix, notamment dans ses composantes les plus graves, et se trouve " bercé " par les mouvements de sa mère que son labyrinthe enregistre... Dès le huitième jour, la voix humaine suscite le sourire plus facilement que d'autres sons (Wolff, 1963).
Les vagissements, les cris, dépendent de la situation et informent l'entourage (spécialement la mère) d'un état d'inconfort ou de besoin du bébé (faim, douleur, hyperstimulation, isolement, etc.). Il existe au moins trois types de cris :
1. Normophonation : cri dont la fréquence centrale se situe entre 200 et 600 Hz, d'intensité régulière, accompagné de fréquences plus graves et plus aiguës, d'intensité moindre. Il dure une demi-seconde environ ; il est suivi d'une brusque inspiration sifflante. (Appel banal ; par exemple, lorsque l'enfant a faim ou est mouillé. Manifestation de joie.)
2. Dysphonation : cri rauque d'aspect rude. Le bébé le produit en donnant plus de force à l'air qu'il envoie à travers les cordes vocales ; cela produit des turbulences qui se traduisent par des distorsions des bandes de fréquences habituelles. (Appel urgent, par exemple, en cas de douleur ; l'auditeur y entend de la rage ou de la colère.)
3. Hyperphonation : cri dont le timbre se modifie brusquement. Il devient très aigu, sifflant et correspond à un état de détresse majeure, douleur importante, frustration. On peut le rapprocher des cris de détresse du chimpanzé qui comporte jusqu'à huit harmoniques et dont l'énergie se concentre sur les fréquences élevées (6 à 8 kHz) (Goustard, 1982).
Cette typologie laisse la place à de nombreux cas intermédiaires, à de nombreuses variations chez un même individu ou entre différents nouveau-nés. Ainsi les bébés de faible poids de naissance, prématurés ou non (souffrance intra-utérine ?), ceux qui présentent un état physiologique de fragilité (enfants " à risque ") et, plus généralement, tous les enfants considérés comme " plus difficiles " par leur mère (Zeskind et Lester, 1978), s'expriment sur un mode plus " appelant ", plus " grinçant " et acoustiquement plus aigu. Leurs cris durent plus longtemps, sont plus fréquents et s'approchent de l'hyperphonation, d'autant que la situation est plus grave.
Les mères sont très souvent capables de reconnaître leur bébé à sa façon de crier et peuvent même ne s'éveiller que pour lui, continuant à dormir pour les vagissements d'un autre (Formby, 1967).
Des ultrasons dans la voix du bébé ? |
Il ne faut pas plus de deux ou trois jours pour que la plupart des mères parviennent à reconnaître les pleurs et cris de leur bébé (Cismaresco, 1986). A trois semaines, elles savent ce que veut dire le " pleur truc " : simple désir d'attirer l'attention. Il s'agit de gémissements prolongés auxquels la mère ne répond pas toujours, attendant qu'ils se calment ou se transforment en véritables pleurs.
Bell et Ainsworth (1972) ont montré que ces caractéristiques individuelles des pleurs pouvaient beaucoup se modifier durant la première année de la vie selon l'attitude maternelle : plus elle répond vite, moins elle " laisse pleurer ", et plus diminuent la fréquence et la durée des cris et des larmes. Par ailleurs, plus le bébé continue à crier et pleurer, moins il se montre capable de communiquer par les gestes et d'autres formes vocales de communication. Inversement, plus la mère a pris soin de lui, moins il crie, plus il diversifie sa communication et moins il a besoin qu'on " s'occupe de lui " vers la fin de la première année. Lebovici (1983) insiste avec raison sur l'idée que la réponse rapide de la mère au bébé n'est pas utilisable en tant que " recette " : ses conséquences favorables étant très certainement dues à l'ambiance globale des relations mère-enfant, plus qu'à la réaction purement matérielle aux cris du bébé.
Les anomalies du cri, trop perçant, trop fort, etc., pourraient être à l'origine d'une dysharmonie entre la mère et l'enfant : elle risque de désinvestir le bébé, de répondre de façon mal adaptée à ses besoins. Ce qui, en retour, peut accroître les cris, amorçant ainsi un cercle vicieux. Une thérapie mère-enfant ou de l'un et l'autre séparément sera envisagée lorsque les choses n'évoluent pas dans le bon sens. Dans de tels cas, en effet, les sentiments positifs et négatifs pourraient aller à des extrêmes dans les deux sens.
On a voulu se servir de musiques variées, de la voix maternelle ou paternelle, de battements cardiaques (de borborygmes intestinaux), etc., pour calmer les pleurs du nouveau-né ou du nourrisson. Tous ces essais ont conduit au succès ; il semble d'ailleurs que n'importe quel son, pas trop intense, puisse avoir un effet d'apaisement sur les cris du bébé : ces derniers constituent un appel et le bruit modéré a une fonction rassurante, lié peut-être à la présence qu'il atteste (Bench, 1969). Les sons graves (qui rappellent l'époque utérine ?) ont un effet plus apaisant que les hautes fréquences.
Le bébé cesse de pleurer quand on lui parle. Il s'essaie à de petits sons gutturaux : " lé-lé " ou " la-la " ou " a-a " (lallations). Comme nous l'avons déjà remarqué chez le nouveau-né, il distingue certains phonèmes pourtant très voisins tels que " p " et " b ". Pour le découvrir, Eimas (1971) fait correspondre aux mouvements de succion d'un bébé de trente jours le son " ba-ba-ba " : il montre son intérêt en suçant vigoureusement ; puis il s'y habitue et diminue son action. Dans un deuxième temps, on remplace " ba " par le son " pa " et le nourrisson manifeste qu'il a repéré ce changement en redoublant de mouvements sur la tétine (Eimas, 1971).
Il s'immobilise ou tourne la tête quand on lui parle. Il émet des vocalises différenciées (voyelles orales surtout antérieures : " ah ", " eh ", " oh ") isolées et occasionnelles, souvent gutturales, de petits cris brefs et clairs et des couinements de plaisir. Parmi les consonnes (parfois difficiles à transcrire phonétiquement) : " p ", " b ", " t/d ", " rr " (Campos, 1988). Même dans leur aspect le plus primitif, ces chants (lallations) ne sont pas dépourvus de structure ni formés au hasard ; bien au contraire, ces efforts de débutant assureront la base des performances ultérieures, fussent-elles très sophistiquées [4] .
C'est le stade [5] du " gazouillis " de Pichon [6] . La vue du visage humain provoque son sourire (Spitz, 1968). Il ne se contente plus de crier, il fait appel à vous pour dire son besoin (Bühler, 1934 ; Lacan, 1975a). Il se met à jouer - même quand il est seul : vocalisations prolongées (avec les mêmes sons qu'à deux mois qu'il maîtrise de mieux en mieux [7] ). Et d'essayer " are-are ", " ague-ague " ou " agre-agre ". Il parle " en langues ", concoctant même des consonnes étrangères. Ces premiers " marqueurs phonologiques " (Bruner, 1976) inaugurent les futures oppositions sémantiques. Cette empreinte mélodique [8] inscrite dans les processus articulatoires supportera l'apprentissage linguistique ultérieur. Début certes ! Marquant l'ineffable continuité du réel que s'efforce de gommer notre effort de clarté conceptuelle !
Entre trois et six mois, le bébé commence à répondre activement à la musique au lieu de la recevoir passivement : il se tourne vers le violon ou le tam-tam ! Son plaisir est évident ! Il s'étonne ! Il invente la danse, exécutant des mouvements d'accompagnement assez bien rythmés. Il se montre même capable de distinguer deux mélodies (chromatiquement différentes). En revanche, si la mélodie est transposée à l'octave, il ne fera pas la différence !
A la même époque (quatre mois, dit-on), il tourne la tête pour regarder quand on l'appelle. Il reprend, à la suite de sa mère et dans son ton, rit aux éclats, répond par des modulations variées aux paroles qu'on lui adresse.
De fait, c'est à cette période que la mère commence à nommer son enfant, à s'adresser à lui sous un prénom au lieu de se cantonner à quelques vagues mots doux (" ma bibiche ", etc.) (Robin, 1985). Elle vocalise puis marque une pause, recommence, et encore, et encore. Comme un discours fait de phrases. Ces " phrases " sont composées de phonèmes appartenant à sa langue mais pas forcément de mots. Elle allonge les voyelles, majore les aigus, ralentit le passage d'un timbre de voix à l'autre (d'où un caractère chantonnant).
On s'aperçoit qu'elle répète plusieurs fois le même ensemble de sons et avec la même durée. Ceci contribue puissamment à l'apprentissage des phonèmes et de la mélodie de la parole (intonations), que la société reconnaît exprimer la joie, la surprise, la menace, etc. Il y a dialogue chantant, antienne et répons, unissons, plaisir partagé (Stern, 1975, 1981). Elle lui demande déjà : " Qu'est-ce que tu racontes ? ", prévoyant qu'il vient à l'univers du conte et de la fable, au monde imaginal...
Lacan nous a donné le stade du miroir : après avoir, selon toutes sortes de modalités, y compris visuelles, identifié sa mère, le bébé s'identifie à elle comme unité personnante et à l'icône (Peirce, 1885) qu'elle a de lui (projets, regrets, enthousiasmes, déconvenues, traits fantomatiques et idolâtres, etc.). Lézine (1977) a insisté sur l'importance du " parler bébé " pour introduire le nourrisson au langage, ancrer, pour ainsi dire, les phonèmes dans son corps (Ebtinger, 1984). Incarnation préparatoire à l'opération de l'esprit qui engendrera l'avènement symbolique.
Il pousse des cris de joie (aigus), rit et vocalise en manipulant ses jouets. Cette vocalisation semble de type prémusical plutôt que prélangagier : sons de hauteurs variées modulant une voyelle ou très peu de syllabes (" ba ", " gue ", " ké "). Avant d'apprendre, il s'ingénie : ses chants ne doivent rien aux transistors et compacts... de l'environnement, construits en dehors de tout système diatonique, rythmiquement amorphes (les pauses surviennent selon les besoins de la respiration).
Cet exercice ludique du chant spontané va se poursuivre, se perfectionner et se socialiser tout au long de la première année. A la même époque le bébé reconnaît les changements qu'on fait subir au contour mélodique, à la zone fréquentielle ou à la structure rythmique. Dowling (1982) a montré que l'adulte ne procède pas autrement s'il se trouve confronté à des productions atonales ou des mélodies éloignées de sa propre culture.
En réponse ou en prévision des compétences accrues et toujours croissantes du bébé, la maman utilise des stratégies aptes à favoriser ces acquisitions : elle monte la hauteur de sa voix, surtout en fin de " phrase ", parle de manière chantante, se fait parfois confidentielle, chuchotant les premiers mystères, ou solennelle, exprimant avec faste et lenteur quelque vérité première ! Elle y emploie des mots choisis (pour leur simplicité), des expressions brèves, avec peu de variantes, moultes fois reprises (Rondal, 1983 ; Lhuillier, 1988).
Jusque-là, depuis la conception, les échanges de matières et d'informations ne méritaient le terme de dialogue que par abus. A ce proto-dialogue se substitue peu à peu un échange authentique dans lequel l'enfant se met à jouer sa partie avec initiative ! L'alternance des rôles s'institue, le découpage du monde, tel que le foyer le transmet, à travers tous les gestes - et déjà les mots - de la mère et de ses adjoints, devient un bien partagé qui permet au bébé de manifester certaines relations entre les événements, les choses et les personnes.
On a parlé d'un " déchaînement psycho-moteur ", à cet âge : il s'assoit, se retourne, rampe, saisit les objets... Il crée certaines sonorités avec des instruments de musique improvisés : par exemple, il tape sur la table ou la frotte avec une cuiller. Il se " gargarise " avec sa voix (préverbiage), faisant des roulades (modulations variées avec changement de ton : sons comme " rrr " ou " gurgur " reproduits en série). Il exerce les labiales " ppp ", " bbb ", avec projection de salive. Il peut imiter la hauteur, la faire varier, détecter les changements du contour mélodique.
A ces premières libertés s'opposent les premières interdictions : " laisse cet objet ", " ne touche pas ça ", et les premières références à une responsabilité volontaire : " Qu'est-ce que tu veux ? " A cette étape s'épanouit la " fonction instrumentale " que Halliday (1975) symbolise, précisément, par " je veux... " (pour décrire l'interaction avec les adultes).
Il vocalise plusieurs syllabes bien définies (combinaisons de labiales et de voyelles, apparition de dentales avec voyelles, syllabes nettes : " ba ", " da ", " ta ", " pa ") [10] . Apparaissent aussi " l ", " y ", " s ", " v ", des diphtongues (sia, lia, boi)... En fait, toutes sortes de consonnes, inconnues dans la langue maternelle, font partie du jeu (Rondal, 1979). C'est par la suite, comme il advient pour les neurones et les synapses, que les sélections définitives s'opéreront ; si bien que nous aurons, plus grands, toutes sortes d'avanies à subir pour accéder aux langues étrangères.
Nous assistons aux premières tentatives pour se séparer de la mère (en rampant) sans perdre son contact (par le regard ou les bruits). Il jette un objet puis le réclame (" jeu de la bobine " décrit par Freud), tâchant, sur le plan émotionnel, de maîtriser le degré de proximité de l'" objet maternel ".
Il participe à " coucou me voilà ", se cache, se montre en appelant avec une excitation joyeuse. En revanche, il manifeste de l'angoisse à la vue d'un visage étranger (Spitz, 1968). La crainte ou le vécu d'un abandon plus ou moins réel (maladie ou voyage d'un proche) peut entraîner des cris fréquents, une tristesse dont l'entourage ne comprend pas toujours le sens : il est à rechercher dans ce que Le Senne (1934) appellera les " dialectiques de séparation ", consistant à considérer comme absolus les obstacles qui nous séparent d'autrui (aussi bien que de Dieu et du monde).
Il accède au vécu de la Présence et de l'Absence (Lacan, 1953-1975, p. 53) et, par là, montre qu'il a constitué une image stable, dès lors nommable comme personne (Lavelle, 1951). De fait, Jean Piaget a montré que, vers cette époque, le jeune enfant apprend à admettre la " permanence des objets ", même lorsqu'ils échappent à sa perception. L'édification d'images stables, la conjugaison de la présence et de l'absence, permettent de construire des lieux et des temps : à partir de quoi peuvent commencer les questions ! Et la nuance interrogative de pénétrer l'intonation (Lhuillier, 1988). On assiste ainsi à la maturation de la fonction régulatrice (" Fais ce que je te dis... "), de l'intention significative (Halliday, 1975). La maman en rajoute qui lui demande, à la sortie de la crèche : " Raconte à maman ce que tu as fait aujourd'hui. "
Il commence à " fabriquer " des sons, frappant deux objets l'un contre l'autre de plusieurs façons pour jouïr du résultat entendu et en tirer de la fierté : c'est le début de la musique instrumentale ! Il élimine progressivement certaines possibilités de vocalisation, par abandon des gestes vocaux sans valeur pour l'entourage. Les formants deviennent plus graves et s'organisent (Pfauwadel, 1981).
Son babillage s'appelle maintenant " jasis [13] " : il comporte des creaks qui évoquent " de la friture sur la ligne ". Le squealing (que sauront retrouver les adultes du Roy Hart) est un énoncé dans l'extrême aigu (1 200 Hz, ce qui est très élevé pour un fondamental), émis sans crier et même faiblement. Il chante aussi ! Et des mélodies assez variées : descendantes, plates, en pin-pon, ondulantes, complexes, etc.
Le proto-langage est utilisé plus rarement et se laisse repérer à quelques oppositions par rapport au précédent : tessiture réduite, plus grande stabilité acoustique, simplification mélodique. Ça ressemble de plus en plus à une parole ! On dirait qu'il raconte quelque chose ! Il montre sa capacité d'imiter des modèles sonores nouveaux et de dépasser son " répertoire " personnel par imitation des phonèmes qu'il entend (écholalie).
Il s'amuse à faire des onomatopées, imite la mélodie du langage adulte, peut dire un mot de deux syllabes (" papa ", " maman " ou autre) avec un sens, et réagit à certaines expressions familières. En bref, il se met à comprendre " en gros " ce qu'on lui dit.
Vers cette époque (cela peut aller de 6 à 18 mois), il arrive que s'installe une curieuse affection : le " spasme du sanglot ". Dans la " forme bleue ", il crie et sanglote à la suite d'une réprimande ou d'une frustration, puis il se met à respirer très fort jusqu'à se bloquer, poumons pleins : il devient bleu et perd connaissance. Dans la " forme pâle ", à la suite d'une émotion intense, il crie puis pâlit et tombe. On observe parfois des contractures (opisthotonos), des secousses musculaires, un plafonnement du regard. Tout ceci présente, en soi, peu de gravité et tend à disparaître vers 3 ans.
L'enfant comprend une défense, peut arrêter un acte si on lui en donne l'ordre, peut donner son assentiment, devient capable de " détour ", de " distance " (dans certaines limites !).
Il se met à grouper des choses, à les aligner : genèse plus ou moins " nominaliste " de son apprentissage vers l'abstraction. Il dégage une sorte de logique concrète qui établit des relations matérielles : traîner et pousser des objets (âge " déménageur " de Gesell), arracher, casser, démonter, voir " ce qu'il y a dedans ".
Il montre beaucoup de goût pour l'imitation, les " singeries ", les analogies élémentaires.
Hubert Montagner et son équipe ont montré (chez l'enfant de 1 à 5 ans) certains enchaînements typiques de la communication usant volontiers de mimiques et de sons n'appartenant pas à la langue : amitié (tête penchée sur le côté, sourire, vocalisation, balancements du haut du corps), menace (vocalisation aiguë, bouche grande ouverte), agression (ruades, coups, etc.). C'est dire qu'il fait son entrée dans le collectif, le social élémentaire, qu'il accède à la " fonction interactionnelle " de Halliday (1975).
L'enfant se met à " faire de la musique ", créer des chants rudimentaires cependant qu'on assiste à un véritable " bourgeonnement verbal ". Il manifeste un vif intérêt pour les mots, il leur fait véritablement la chasse ; c'est là que démarrent les jeux syllabiques, les répétitions litaniques. Ces jeux avec les mots conduiront aux jeux de mots, conscients et inconscients de l'adulte : calembours, assonances, rimes, allitérations, double sens, lapsus, etc. Mais chaque terme revêt beaucoup plus de significations qu'il ne devrait, chacun est un " mot-valise " ; par exemple " bébé " pourra signifier tour à tour enfant, glace ou images.
C'est aussi (entre 12 et 18 mois) un mot-phrase (" caca ! " pour dire " je viens de faire mes selles "). Il s'agit en tout cas d'un langage social d'affirmation de soi, d'abord simple imitation de celui de l'adulte mais de plus en plus personnalisé, le vocabulaire s'enrichissant très vite. C'est à cela que correspond la " fonction personnelle " de Halliday (1975) ; pour lui, l'enfant veut exprimer sa présence : " Me voici ! Je fais... j'exprime. "
Les contrastes de l'intonation (suite de montées et de chutes) sont parfaitement intégrés ; de même les oppositions dans les durées (syllabes longues et brèves) tellement importantes dans certaines langues (Virgile !). C'est ainsi que s'exprime déjà une grande variété de sentiments : joie, tristesse, déception, mécontentement, etc.
La nasalisation des voyelles (qui pourrait avoir un lien avec une expression de la culpabilité) est maîtrisée. L'intention expressive intègre une fonction imaginative : " faisons semblant que... " (Halliday, 1975 ; Campos, 1988).
Certaines vues d'ensemble deviennent possibles : au niveau de l'action, par exemple, l'enfant, après avoir accumulé les essais et les erreurs, arrête tout à coup son tâtonnement pour résoudre, instantanément, le problème. Sur le plan langagier le même phénomène de globalisation permet le début de la pré-phrase ou pseudo-phrase : deux puis trois mots sont utilisés ensemble sans souci de grammaire (" bébé dodo bobo " pour " je me suis cogné au lit et ça fait mal ") : parler " petit nègre ". Au plan fonctionnel, il manifeste l'intention de donner des informations (Halliday, 1975 : " J'ai quelque chose à te dire ").
La maman ou les éducateurs continuent à s'exprimer en " dialogue " avec l'enfant. Nicolay (1986) a montré que les productions verbales qui suscitent le mieux des réponses comportent environ cinq mots et durent à peu près une seconde. Des temps de silence, de repos doivent entrecouper ces stimulations, sous peine de lasser le petit.
Dans le domaine relationnel, c'est durant cette période, avec un maximum à 20 mois, que l'on observe le plus souvent le comportement d'offrande pour apaiser un agresseur ou nouer une relation (Montagner, 1978).
La musique est, elle aussi, globalisée : l'enfant multiplie les mouvements qui se coordonnent au rythme de la musique et peut même tenter de " danser " avec quelqu'un. Jusqu'à 19 mois ses chants développent des glissandi plutôt que des successions de notes. Ensuite il peut séparer les notes, utilisant les intervalles les plus communs chez les adultes, toutes cultures confondues : seconde majeure, tierce mineure, octave.
Le développement des intentions significatives (Halliday, 1975) |
|||
Age |
Fonction |
Intention Significative |
|
6 mois |
Fonction instrumentale |
" Je veux... " |
Ça |
8 mois |
Fonction régulatrice |
" Fais ce que je te dis... " |
Toi |
10 mois |
Fonction d'interaction |
" Oui !... " |
toi et moi Nous |
12 mois |
Fonction personnelle |
" Me voici... je fais... " |
Moi |
14 mois |
Fonction heuristique |
" Dis-moi ... " |
Quoi ? |
16 mois |
Fonction imaginative |
" Faisons semblant que... " |
Si |
18 mois |
Fonction informative |
" J'ai quelque chose à te dire... " |
Voici |
Le jugement apparaît : " Ceci est cela. " Il sait employer les pronoms (tu, il) mais se désigne comme s'il était un autre (non avec " je " mais avec " il ") ! Il veut maintenant mettre, sur tout, une étiquette. Pour connaître le nom des objets, il les désigne d'un air interrogateur, disant : " qu'est-c'est-ça ? " Et lorsqu'on lui a répondu, il répète en écho. Puis, sans se lasser, repose la même question à un autre... pour vérifier le mot nouveau, l'entendre une fois de plus, socialiser, universaliser, symboliser... La poussée inconsciente qui le porte ainsi est liée, fondamentalement, à la découverte de la différence des sexes (Freud) et au besoin de s'orienter dans le monde, s'y repérer, s'y reconnaître (Campos, 1988). Les mots se réfèrent encore à des actions possibles plus qu'à des objets (Piaget) : ce sont des modèles plus que des concepts. Il fait aussi nombre d'acquisitions syntaxiques (phrases de plusieurs mots, verbes), intègre des analogies complexes.
Il devient capable de reproduire des portions de chansons entendues et les incorpore dans ses jeux, se laissant intoxiquer par telle ou telle phrase qu'il chante et rechante indéfiniment : il produit des hauteurs bien séparées, garde un contour mélodique et une structure rythmique constants. Ces répétitions l'entraînent à une maîtrise croissante de la voix. Elle se complexifie à force de répétitions. Ces processus sont parallèles et analogues à ceux qui règnent dans les acquisitions syntaxiques et les progrès biologiques en général (accumulation, masse critique, saut qualitatif) (j'opère cette généralisation en m'inspirant de Desprels-Fraysse, 1987).
Elle est bien connue des parents cette " période d'opposition " au cours de laquelle l'enfant manifeste sa différence, son individualité ; il emploie les pronoms " je ", " me ", " moi " : d'abord lorsqu'il est fortement ému, puis en toutes circonstances.
Au niveau du chant on observe l'utilisation
des intervalles de seconde mineure, de tierce majeure puis de quarte et de
quinte, et, d'une manière générale, l'acquisition des intervalles les plus
spécifiques de la culture environnante. Aux alentours de 28 mois l'organisation
rythmique est totalement acquise, les mots sont chantés avec le rythme exact.
Signes
de surdité chez le jeune enfant (Dussert, 1987) |
|
De 0 à 3 mois |
Absence de réaction aux bruits inattendus, sommeil trop calme avec pourtant des réactions bien marquées au toucher. |
De 3 à 12 mois |
Les sons émis ne sont pas mélodiques. Pas de sons articulés. Communique par gestes (montrer les objets). |
Après 12 mois |
Pas de parole articulée Emissions vocales incontrôlées Ne remarque rien de ce qui s'entend et ne se voit pas. |
Voici le lancinant " pourquoi ? ", " qui a fait (telle action ou tel objet) ? " Le questionnement s'adresse, dans sa racine, à la procréation... Pour Halliday (1975), les prémisses de cette " fonction heuristique " pourraient s'esquisser beaucoup plus tôt (14 mois), même en l'absence des mots les plus adéquats pour l'exprimer.
A coté de l'interrogatif, c'est l'exclamatif qui s'épanouit : l'enfant démontre de la crédulité et de la " naïveté " (l'absence d'esprit critique, de capacité d'analyse et de synthèse), une tendance au " subjectivisme égocentrique ". On note alors son goût pour les récits mythologiques, les contes de fées, le Père Noël, les enfants qui naissent dans les choux, etc. (ce besoin accompagne la formation de l'" idéal du moi "). Les prémisses de cette " fonction imaginative " (que Halliday caractérise par " faisons semblant, imaginons que ") pourraient être beaucoup plus précoces (vers 8 mois !).
L'impératif prend de l'importance, est recherché et s'intériorise : " il faut ", " on doit ", etc. (constitution du " surmoi ").
L'enfant utilise une modélisation concrète en guise de pensée, les sensations, images et action ont le pas sur la pensée-langage, le globalisme ou syncrétisme prévaut : l'enfant est " travaillé par le démon des analogies " (Mallarmé). Il insiste sur les oppositions exclusives (" ou bien, ou bien "). S'il dessine un bonhomme, c'est le " tadpole man ", le bonhomme têtard dans lequel l'ensemble de l'organisme est représenté par un cercle sur lequel se greffent les yeux, les bras et les jambes.
Au niveau musical, la chanson est, elle aussi, schématisée, réduite à sa structure essentielle (" outline songs " des chercheurs de Boston). Pourtant il accède à une véritable " conversation " et s'adonne volontiers à des jeux de signifiants, répétant à plaisir des mots qui lui paraissent étranges, difficiles ou comiques.
La prononciation des voyelles et semi-voyelles est progressivement maîtrisée jusque dans le détail (4 ans). Il conçoit le plan général d'une mélodie et fait ses délices de comptines auxquelles il ne comprend mie (Osterrieth, 1971)... S'il apprend à jouer d'un instrument, on voit parfois apparaître le phénomène de l'" oreille absolue [14] " dont on a montré que sa présence chez l'adulte exigeait un apprentissage très précoce du solfège !
Pour Sébastien Bohler (Cerveau & Psycho) l’oreille absolue est un mythe surfait. Il explique "Certes, il est toujours impressionnant d’entendre un musicien donner en un tournemain le nom de la note de musique que vient de lui jouer un comparse, mais démystifions cette faculté : elle n’a rien d’un talent extralucide, et peut-être même l’oreille absolue ne serait-elle qu’une question d’apprentissage". En effet, il s'agit surtout de s'y prendre de bonne heure ...
Les recherches de Carolyn Drake ( Cf HS La Recherche, 5, 85-87, 2001) ont montré que le tempo spontané des enfants se ralentit avec l'âge : à 4 ans l'IOI est de 400 ms, à 8 ans de 500 ms et à 10 ans de 600 ms. La dispersion des résultats selon les individus et pour chaque individu, selon la tâche qui lui est demandée s'accroissent également, ce qui montre l'effet de la culture sur ces paramètres et l'intérêt de la musique pour enrichir le fonctionnement du cerveau et du cervelet.
Au niveau dessin, l'enfant représente ce qu'il sait plutôt que ce qu'il voit (réalisme intellectuel de Luquet). Au niveau sonore, la musique tonale est mieux perçue que la musique atonale. Il peut évaluer les variations d'intensité (sons forts/faibles), sait comparer des morceaux simples au point de vue rythmique et tonal. Il améliore la justesse de son chant. Il possède un vaste répertoire de comptines locales qu'il reconnaît et apprend plus facilement que celles venues d'ailleurs. Pas question d'apprendre tout à la fois : d'abord les paroles, puis le rythme, ensuite le contour et finalement les intervalles. L'enfant affine et " remplit " les mailles du chant " ébauche " (" outline song ") constitué les années précédentes (cf. tableau ci-après). Il se montre d'autant plus " sûr " de lui qu'il s'agit de standards culturels tandis que ses propres créations sont plus hésitantes et moins stables.
Le " fondamental " de la voix s'abaisse un peu chez les deux sexes. De 7 ans à la puberté il va continuer à décroître, passant de 300 Hz à 250 chez la fille et de 270 à 180 chez le garçon. La maîtrise élocutoire des consonnes occlusives (5 ans) et fricatives (6 ans) ne pose plus de problème. Le codage verbal reste très instable et imparfait : les significations sont encore bien souvent approximatives, floues, incertaines.
1. Topologie |
Longueur, nombre et ordre
des " phrases musicales " respectés, largement établis
sur la structure du texte. |
2. Rythme de surface |
L'enfant peut capter le
rythme de surface et le jouer note pour note sur un tambour en le synchronisant
sur la pulsation sous-jacente. |
3. Contour mélodique | Il essaie d'harmoniser le contour
des hauteurs pour chaque vers, mais la stabilité tonale d'une partie à l'autre est encore absente ; les intervalles varient encore selon les prestations. |
4. Stabilité tonale |
Les trois étapes précédentes
sont bien établies. |
Etapes
de l'acquisition du chant vers 5 ans (d'après Davidson et al., 1981) |
" L'âge de raison " de l'Eglise catholique (Dolto, 1985) consacre l'accès à la " logique concrète " (Piaget) qui organise le réel mais pas encore le possible. La pensée fait retour sur elle-même, l'introspection apparaît, car l'enfant perd son ingénuité, se met à juger sa propre pensée, abandonne pas mal d'illusions (" père Noël "...) et devient capable de dessins réalistes (réalisme visuel de Luquet).
Il accède au monde du roman d'aventure de type chevaleresque et devient capable de mentir avec succès ; l'analyse et la synthèse deviennent accessibles, la logique se constitue ; " mais " et " pourtant " relativisent le discours.
La mort se découvre dans sa réalité définitive et se différencie d'une simple absence. A côté de la honte prend place la culpabilité. Au point de vue musical, la consonance est plus appréciée que la dissonance, et A. Zenatti situe dès cette époque l'accès à la polyphonie et le sens de l'harmonie... Les capacités de production rythmique croissent (8-9 ans).
La mémoire mélodique se fortifie, le sens de la cadence est acquis : contrairement à ce que suggèrent des expressions comme " marcher en cadence ", " accélérer la cadence ", etc., ce terme, dérivé de cadenza (italien) et de cadere (" tomber " en latin), exprime la résolution musicale d'une tension. Après avoir obtenu un effet de suspense, de tension, d'incertitude ou d'inquiétude par quelque accord " dissonant ", le compositeur vous fait grâce et vous convie à la détente, une sorte d'accomplissement, par un accord plus consonant, voire parfait. Ce sentiment, qui comporte des éléments liés à la culture, dénote une maturation de l'écoute. En altérant d'une façon spécifique la " résolution " attendue par l'auditeur, on peut suggérer différentes formes de ponctuation (prosodèmes). La cadence introduit donc toute une expressivité prosodique dans le discours musical classique (cf. tableau ci-après). L'accès à la polyphonie, le sens de l'harmonie s'établissent au décours de la même période (10-11 ans) (mais plus tôt, vers 6-7 ans, pour Zenatti)...
Cadence Musicale |
Signe de ponctuation |
Signification |
N° Chakra |
Cadence parfaite |
point final |
terminé |
VII |
Semi-cadence |
point d'interrogation |
question |
VI |
cadence plagale |
point d'exclamation |
cri du coeur |
V |
Cadence rompue |
deux points |
énumération |
IV |
Cadence évitée |
flèche |
mouvement vers |
III |
Cadence phrygienne |
points de suspension |
indéfini, vague |
II |
Cadences et prosodèmes |
Le voilà capable de raisonner sans se soucier de la valeur des prémisses. Le raisonnement " expérimental " devient également accessible [15] . A cette même époque Claparède situe la survenue d'un très grand intérêt pour la musique... La mue survient à la puberté sous l'influence des modifications hormonales ; le fondamental s'abaisse de trois à quatre tons chez la fille et d'une octave entière chez le garçon (fréquence moitié de sa voix d'enfant).
En quelques mois, au moment où les caractères sexuels secondaires s'atténuent, la voix devient chevrotante (caricature du vibrato) et change de hauteur : elle devient plus aiguë chez l'homme, plus grave chez la femme. Les harmoniques mal répartis se raréfient et l'étendue vocale se rétrécit (Giovanni, 1987). La durée des mots, et des silences entre ces derniers, s'allonge. L'intensité peut s'accroître (en parallèle à la diminution des performances de l'écoute : presbyacousie, appauvrissement du traitement cognitif). La presbyacousie est favorisée par un régime alimentaire pauvre en vitamine C. Il est donc important pour les séniors de consommer une bonne quantité des fruits, salades, ou autres végétaux crus.
http://ajcn.nutrition.org/content/early/2014/03/19/ajcn.113.072793.short
Des astrophysiciens se sont plu à donner une représentation sonore de l'évolution de l'Univers depuis le Big-Bang.... (cliquez pour l'entendre)
MAJ : 8 Juillet 2012 / 24 Mars 2014
[1] Au sens où le mot renvoie à la chose d'une façon qui dépend de conventions acceptées par tout le groupe.
[2] L'être parlant et parlé, l'humain, selon la très belle expression de Jacques Lacan.
[3] Une étude plus large est en cours avec la collaboration de la mairie de Toulouse, une équipe de crèche et quelques membres du Groupe de réflexion sur les sons (Besson, Brault et Auriol).
[4] Ceci n'est d'ailleurs qu'un cas particulier de tout cet ensemble de phénomènes qui mènent de l'unicellulaire à l'être humain accompli, aussi bien dans la lignée de la phylogenèse (l'évolution des espèces) que dans celle de l'ontogenèse (le développement depuis l'±uf jusqu'à l'adulte), dans l'ordre des formes anatomiques comme dans celui des fonctionnalités, y compris psycho-sociologiques et spirituelles.
[5] Cette notion de stade est commode mais ne doit pas faire illusion : il n'y a pas nécessairement une date, une mutation brutale, un schéma standard. Il s'agit de modifications progressives, parfois insensibles, touchant les individus à des moments assez variables (Clark, 1977). Nous présentons les données en utilisant le terme de stade pour dessiner un trajet, marquer des repères " moyens ". Le " stade " est, à l'origine, une mesure de distance (192 m environ). Plus anciennement encore, ce mot se rattache au fait de se tenir, de stationner, de se figer, de s'ériger, de s'établir (sanskrit : stambh- et sthâ et sthitvâ : au bout de quelque temps). En grec, on peut le rapprocher d'une plante odoriférante : le nard (dont on pourrait percevoir la présence à 200 m).
[6] Le " Regardeur " de Claparède (de 3 à 6 mois) : prémisses du dialogue et de la danse.
[7] Moog distingue le babillage préverbal, premier apparu, du babillage prémusical.
[8] Cette remarque donne son assise à la rééducation connue sous le nom de " mélodiethérapie " du langage.
[9] Stade sadique-oral. Maîtrise motrice du tronc et des bras pour Gesell (6 à 9 mois). Acquisition de la préhension : " attrapeur " de Claparède (de 6 à 12 mois).
[10] Les premières dents se mettent justement à pousser (incisives médianes, inférieures puis supérieures).
[11] Deuxième stade sensori-moteur de J. Piaget (8 à 12 mois).
[12] De 9 à 12 mois : maîtrise des gestes fins et de la station debout pour Gesell.
[13] Le jasis réunit des sons dont la fréquence de base se stabilise de manière de plus en plus serrée autour de 340 Hz avec des vocoïdes, modulations légèrement plus aiguës (> 450 Hz) qui s'associent à d'autres formes d'excursion, telles que " creaks " et " squealing ".
[14] L'oreille absolue dont jouissent certains individus leur permet non seulement de reconnaître le rapport de sons successifs entre eux, mais aussi de situer exactement une note isolée. Ils n'ont pas besoin qu'on leur donne le la.
[15] On lui reconnaît trois propriétés : il est hypothético-déductif, combinatoire et inférentiel.