Eric Raufaste

MODÉLISATION DES EFFETS DE L’OREILLE ÉLECTRONIQUE

SUR LE TEST D’ÉCOUTE (CHEZ L’ADULTE).

Étant donné que nous nous intéressons ici principalement aux facteurs psychologiques en tant que prédicteurs des gains que la cure d’oreille électronique induit sur le test d’écoute, et que le principal test disponible, le MMPI est réservé aux plus de 16 ans, nous allons donc terminer ce travail en nous restreignant à la population des sujets ayant passé ce test, et donc essentiellement des adultes.

 



1.                Modélisation de l’effet brut des séances.

Comme nous l’avons vu, les séances d’oreille électronique semblent avoir un effet favorables sur l’audiométrie. Une première analyse des gains au test d’écoute a montré que le meilleur modèle de cet effet semble être la modélisation en croissance qui est de la forme

Gain = e(aX + b)

Où Gain = seuil initial – seuil final (car les seuils positifs mesurent des déficits)

a et b sont deux constantes à déterminer

e est la fonction exponentielle

X est le nombre de séances reçues par le sujet.

Afin de pouvoir appliquer les statistiques de modélisation, qui impliquent le passage en logarithme[5], la valeur du seuil est en fait majorée de 100 points, ce qui correspond simplement à un changement d’origine de la courbe. Ceci évite les valeurs négatives qui auraient empêché la modélisation en croissance.

La modélisation semble indiquer un effet très significatif de la cure d’oreille électronique sur les gains dans le test d’écoute, pour toutes les fréquences et dans toutes les conditions. A titre d’exemple, nous rapportons un extrait des résultats de la modélisation des gains apportés par la méthode en audition aérienne droite, pour toutes les fréquences. Les tableaux (développés in extenso dans les annexes) sont très similaires pour l’audition osseuse gauche et droite.

Independent:  SEAN

Dependent   Mth   Rsq  d.f.     F    Sigf     b0      b1

   DSAD1    LIN  ,009  1061    9,59  ,002  4,6253 7,9E-05

   DSAD2    LIN  ,015  1061   16,46  ,000  4,6376 6,7E-05

   DSAD3    LIN  ,008  1061    8,80  ,003  4,6347 4,7E-05

   DSAD4    LIN  ,010  1061   11,16  ,001  4,6265 7,7E-05

   DSAD5    LIN  ,017  1061   17,92  ,000  4,6354 6,1E-05

   DSAD6    LIN  ,008  1061    8,95  ,003  4,6326 7,1E-05

   DSAD7    LIN  ,022  1061   23,89  ,000  4,6319 8,8E-05

   DSAD8    LIN  ,032  1061   35,04  ,000  4,6379 8,5E-05

   DSAD9    LIN  ,024  1061   26,52  ,000  4,6285 8,6E-05

   DSADA    LIN  ,014  1061   15,33  ,000  4,6112 9,2E-05

   DSADB    LIN  ,038  1061   42,13  ,000  4,6264   ,0002

Tableau 4 : Modélisation en croissance des gains apportés à l’audition aérienne droite

Les valeurs b1 et b0 de SPSS correspondent respectivement aux coefficients  a et b de l’équation exposée plus haut.

Ces résultats font apparaître plusieurs éléments :

1.        La valeur de la constante est relativement stable d’une fréquence à l’autre.

2.        l’effet des séances est particulièrement marqué à partir de 2000 Hz

3.        la faible valeur du coefficient a s’explique par le fait qu’il s’agit d’une modélisation exponentielle. Néanmoins l’effet global de la méthode, mesuré par le test d’écoute, est de l’ordre de quelques décibels. Or, les décibels constituent une échelle logarithmique de base 10, de sorte qu’une réduction du déficit de 3db correspond à la capacité à détecter un son d’intensité deux fois plus faible.

4.        Du fait de la faible valeur du coefficient, la courbe est très proche d’une droite (le modèle linéaire donne d’ailleurs aussi d’excellents résultats, quoique moins bons). Il est donc difficile de conclure que plus il y a de séances et plus les gains relatifs sont importants car cet effet est mineur.

2.                Évaluation de la capacité prédictive des tests initiaux.

Bien que de nombreux tests se soient révélés prédictifs à quelque égard, nous avons décider de nous focaliser ici sur les aspects proprement psychologiques, après une brève description des paramètres généraux.

L’évaluation du caractère prédictif des facteurs généraux a été établie sur la base des valeurs calculées par les modèles de régression déterminés précédemment.

A.   Capacité prédictive des facteurs généraux.

Le sexe ne semble pas avoir d’effet statistiquement significatif sur ces gains.

En revanche l’âge au premier examen semble être un facteur important : le coefficient est négatif, ce qui indique que plus l’âge initial est élevé, et plus les gains sont réduits. Autrement dit, la cure produit d’autant plus d’effet qu’elle est commencée tôt dans la vie. L’âge prédit les gains de façon significative (p< .05) pour toutes les fréquences en audition aérienne (bien que à 6000 Hz à droite, la prédiction n’est que tendancielle avec p = 0,061).

En audition osseuse, la prédiction est encore meilleure puisque significative pour toutes les fréquences, à gauche (p< .01 partout) comme à droite (p< .02).

Dans toutes les configurations, l’effet de l’âge est le plus fort dans les basses fréquences.

B.   Capacité prédictive des tests psychologiques.

Puisqu’il existe un effet du nombre de séances sur le test d’écoute, et que cet effet peut probablement s’expliquer par des phénomènes centraux, on peut se demander si les tests psychologiques constituent des prédicteurs de l’effet des séances.

Capacité prédictive du test des couleurs (Test de Lüscher)

Les résultats exposés pour ce test ont été établis par régression entre le test de Lüscher et les valeurs prédites par le modèle de croissance des gains vu plus haut. Lorsque les pentes de régressions sont calculées directement sur les gains bruts, les résultats sont  similaires mais moins significatifs.

Premier choix des couleurs bleu et rouge

Le rang choix du bleu, qui selon Lüscher est en relation avec l’image maternelle, est en forte corrélation positive avec les gains audiométriques. Autrement dit, plus le bleu est choisi tardivement et plus les gains sont forts. Cet effet est significatif à p< .0001 pour toutes les fréquences en aérien comme en osseux, ce qui montre à quel point il est marqué. L’effet persiste, quoique très légèrement atténué au second choix.

En ce qui concerne le rouge, les mêmes remarques s’appliquent à ceci près que la relation est globalement un petit peu moins forte (p < .01 pour toutes les fréquences).

Premier choix des couleurs vert et jaune

Cette couleur est exactement dans la relation inverse du bleu, mais avec la même force : l’effet est significatif à p< .0001 pour toutes les fréquences en aérien comme en osseux. Le coefficient étant négatif, c’est cette fois le choix précoce du vert qui est de bon pronostic, tandis que son choix tardif est de mauvais pronostic. Cet effet persiste, avec la même force, au second choix.

En ce qui concerne le jaune, les remarques sont similaires mais l’effet est beaucoup moins marqué : il n’est souvent que tendanciel et n’existe pratiquement pas en osseux (sauf à gauche dans les hautes fréquences). Néanmoins, l’effet associé au choix de la couleur jaune persiste au second choix avec à peu près la même force.

Second choix du gris

Seul le second choix du gris est prédictif. La relation est négative, ce qui indique qu’un choix tardif est de bon pronostic. Cet effet ne se manifeste toutefois qu’en audition aérienne et présente l’exception notable de la fréquence de 1500 Hz où l’effet semble n’exister ni à gauche ni à droite. À 8000 Hz, l’effet n’est que tendanciel à droite et non significatif à gauche

Il est cependant aussi tendanciel en osseux droit et gauche, sur de nombreuses fréquences.

Second choix du noir

Non significatif au premier choix, le rang du noir est corrélé positivement avec les gains en audition aérienne droite. Plus les sujets retardent ce choix et meilleur est le pronostic pour l’audition aérienne droite.

Capacité prédictive des échelles du MMPI.

Comme nous allons le voir, les tendances de personnalité telles que les mesure le test du MMPI semblent de bons prédicteurs de l’efficacité de la cure d’oreille électronique mesurée par le test d’écoute.

Afin d’établir les relations, nous avons isolé les lignes du fichier telles que le sujet avait d’une part passé le test du MMPI et d’autre part avait passé au moins deux tests audiométriques. Le calcul des gains réalisés par les sujets entre les deux tests audiométriques a été réalisé selon la même méthode que précédemment. Nous présentons les résultats relatifs aux échelles de validité, puis ceux relatifs à la “ triade névrotique ” (Hystérie, hypocondrie, dépression) et enfin ceux relatifs à la “ triade psychotique ” (schizophrénie, paranoïa, psychasthénie).

Échelles de validité.

Il existe une corrélation positive de V1 avec la plupart des fréquences en aérien gauche : les sujets font d’autant plus de progrès qu’ils ont répondu “ je ne sais pas ” initialement. Ce phénomène pourrait suggère que les mécanismes de prise de décision sont en jeu dans les seuils auditifs constatés et corrobore l’hypothèse selon laquelle l’oreille électronique jouerait un rôle facilitateur sur la prise décision.

Cette corrélation est significative en aérien droit et en osseux gauche (p < .05 sur toutes les fréquences). En osseux droit, la relation est significative pour toutes les fréquences (p<.05) sauf à 2000 Hz où elle n’est que tendancielle (p = .087). En aérien gauche l’effet est moins marqué puisque pour les fréquences basses jusqu’à 500 Hz ainsi qu’à 6000 Hz, la relation n’est que tendancielle.

Échelle L (Mensonge).

Il existe une corrélation négative entre le score sur l’échelle L et les gains réalisés pendant la cure. Autrement dit, plus les sujets ont un score L initial faible (sujets ne cherchant pas à donner une bonne image d’eux-mêmes) et meilleur est le pronostic.

Cette relation est significative à p < .01 pour toutes les fréquences en aérien droit, ainsi qu’en osseux, et à p < .02 pour toutes les fréquences en aérien gauche.

Échelle K (désir de normalité).

Il existe une corrélation négative entre les gains obtenus et le score initial à l’échelle K. Autrement dit, les sujets les plus sincères et accessibles à l’autocritique ont le meilleur pronostic.

En aérien et en osseux droit la relation est surtout significative dans les hautes fréquences et n’est que tendancielle à 125 et 250 Hz. En aérien gauche, beaucoup de fréquences ne sont que tendancielles. Les fréquences extrêmes sont les plus significatives 125 et 250 Hz ainsi que 6000 Hz et 8000 Hz. En osseux gauche la relation semble meilleure puisque significative partout sauf à 250 où n’est que tendancielle.

Triade névrotique.

Les trois échelles de la triade névrotiques sont négativement corrélées avec les gains offerts par la cure électronique. Cela ne signifie bien sûr pas que les sujets névrosés ne peuvent pas bénéficier de la cure, mais que les tendances névrotiques constituent un frein à son efficacité.

Échelle Hs (hypocondrie).

On note une relation négative significative en aérien pour toutes les fréquences (p < .02 à droite, p < .03 à gauche). En osseux, surtout droit, la relation est un peu moins marquée mais reste significative ou au moins tendancielle pour toutes les fréquences.

Assez logiquement, compte tenu du résultat global de l’échelle d’hypocondrie, l’échelle d’hypocondrie subtile est en corrélation négative avec les gains procurés par la méthode, que ce soit en audition aérienne (p < .03” pour toutes les fréquences), ou en audition osseuse (encore que quelques fréquences ne sont que tendancielles).

En résumé, les sujets ayant initialement une tendance à l’hypocondrie bénéficient moins de la cure que les autres.

Échelle D (dépression).

Cette échelle manifeste une corrélation négative très forte avec les gains produits par la cure d’oreille électronique. Cette relation est significative sur toutes les fréquences à p < .001 en aérien droit, à p < .003 en aérien gauche, à p < .005 en osseux droit et à p < .006 en osseux gauche.

Autrement dit les sujets ayant initialement une tendance à la dépression bénéficient moins de la cure que les sujets non dépressifs.

Échelle Hy (Hystérie).

La relation négative est significative à p < .05 sur toutes les fréquences en aérien droit, surtout à 6000 Hz et 8000 Hz. En aérien gauche la relation est globalement meilleure (p< .02) et reste maximum à 6000 Hz.

En osseux, la relation est toujours marquée (p< .05 pour toutes les fréquences à droite comme à gauche), mais n’est que tendancielle à 250 Hz.

En résumé, les sujets ayant initialement une tendance hystérique bénéficient moins de la cure que les autres.

Triade psychotique (Sc, Pa, Pt).

Le second grand groupe de tendances classiquement repéré, la triade psychotique, donne de nouveau des relations négatives, c’est à dire que les sujets psychotiques ont un plus mauvais pronostic que les sujets normaux.

Échelle de schizophrénie

Les relations négatives entre le score de tendance schizophrénique et les gains procurés par la cure sont très fortes et ne dépassent jamais p < .002 sur l’ensemble des fréquences et des conditions. Elles sont maximales en osseux gauche dans les fréquences élevées (notamment à 4000 Hz, p< .0001).

En résumé, les sujets ayant initialement une tendance schizophrénique bénéficient moins de la cure que les autres.

Échelle de paranoïa.

Globalement, cette échelle est corrélée négativement avec les gains procurés par la cure. P < .05 en aérien et en osseux pour toutes les fréquences. À droite, en aérien la relation est la plus forte à 250 Hz et 6000 Hz (p = .008). A gauche est la plus forte à 6000 Hz (p = .009). En osseux la fréquence de 4000 Hz donne la meilleure corrélation (p = .004 à droite, p = .003 à gauche).

Il est extrêmement remarquable que si l’échelle globale de paranoïa est négativement corrélée avec les gains, cette corrélation s’inverse si l’on considère séparément les échelles de paranoïa subtile et obvie. En effet, on constate une corrélation positive entre le score de paranoïa obvie et les gains que procure la méthode. Cette corrélation est significative à p < .03 pour toutes les fréquences et pour toutes les conditions. En revanche, pour ce qui concerne l’échelle de paranoïa subtile, la corrélation est toujours significative mais négative et, là encore pour toutes les fréquences et toutes les conditions. Le coefficient moyen que l’on constate est de 0,00834 pour l’échelle obvie contre –0,00737 pour l’échelle subtile.

En résumé, un score élevé à l’échelle de paranoïa est de mauvais pronostic, mais ce pronostic est amélioré lorsque l’échelle obvie contribue beaucoup au score global et il est aggravé si l’échelle subtile est élevée.

Échelle Pt (Psychasthénie).

C’est l’échelle qui donne les plus fortes relations négatives : pour toutes les fréquences et dans toutes les conditions, p < .0001 : là encore, les sujets ayant initialement une tendance à la psychasthénie bénéficient moins de la cure que les autres.

Autres échelles.

Échelle AMT (anxiété).

Le score obtenu initialement à l’échelle d’anxiété est corrélé négativement avec les gains offerts par la cure.

Cette corrélation est significative à p < .05 pour toutes les fréquences en audition aérienne, mais n’est que tendancielle pour les fréquences élevées à gauche (6000 Hz et 8000 Hz). En audition osseuse, cet effet est présent mais de façon moins marqué (sur de nombreuses fréquences, les gains ne sont que tendanciellement corrélés négativement avec le score d’ AMT.

Échelle Rw.

Cette échelle est le fruit d’une analyse factorielle qu’ont menée des chercheurs en vue de  résumer l’ensemble des questions du MMPI. Rw correspond au second des deux facteurs qui résument l’ensemble de ces données.

Ce facteur manifeste une relation positive, encore qu’assez faible, avec les gains que procure l’oreille électronique. Néanmoins cette relation étant positive, un score Rw élevé constitue un bon pronostic.

Cependant cette relation n’est que tendancielle en aérien droit, et encore, seulement pour les fréquence jusqu’à 2000 Hz ainsi que 4000 Hz. En aérien gauche la relation est un peu meilleure puisqu’elle est significative (p < .05) pour la plupart des fréquences, surtout basses, et tendancielle pour les autres (sauf à 8000 Hz).

Enfin en audition osseuse la relation est encore assez faible puisque de nombreuses fréquences ne semblent pas atteindre un seuil de signification même de niveau tendanciel.

En résumé, les tests psychologiques, préférences émotionnelles ou tendances psychopathologiques, se révèlent capables de prédire de façon satisfaisante l’effet du nombre de séances d’oreille électronique, ce qui corrobore le caractère psychologique des phénomènes mis en jeu par l’oreille électronique. On ne peut toutefois bien sûr pas exclure à partir des seules données présentées l’hypothèse d’un co-facteur qui expliquerait à la fois les phénomènes psychologiques et les mesures obtenues par le test d’écoute.

Il est important de remarquer que la plupart des tendances névrotiques ou psychotiques constituent des indicateurs de mauvais pronostic, même si certaines comme la psychasthénie, semblent avoir un effet plus marqué. On remarquera aussi la différence de pronostic induite par la distinction entre les échelles obvies et subtiles de paranoïa : si les tendances paranoïaques sont de mauvais pronostic, ce pronostic est allégé lorsque la tendance porte sur l’échelle obvie et il est aggravé lorsque la source est principalement l’échelle subtile.

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(Updated on Thursday, 17 May, 2001)