Étant donné que nous nous intéressons ici principalement aux facteurs psychologiques en tant que prédicteurs des gains que la cure doreille électronique induit sur le test découte, et que le principal test disponible, le MMPI est réservé aux plus de 16 ans, nous allons donc terminer ce travail en nous restreignant à la population des sujets ayant passé ce test, et donc essentiellement des adultes.
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Comme nous lavons vu, les séances doreille électronique semblent avoir un effet favorables sur laudiométrie. Une première analyse des gains au test découte a montré que le meilleur modèle de cet effet semble être la modélisation en croissance qui est de la forme
Gain = e(aX + b)
Où Gain = seuil initial seuil final (car les seuils positifs mesurent des déficits)
a et b sont deux constantes à déterminer
e est la fonction exponentielle
X est le nombre de séances reçues par le sujet.
Afin de pouvoir appliquer les statistiques de modélisation, qui impliquent le passage en logarithme[5], la valeur du seuil est en fait majorée de 100 points, ce qui correspond simplement à un changement dorigine de la courbe. Ceci évite les valeurs négatives qui auraient empêché la modélisation en croissance.
La modélisation semble indiquer un effet très significatif de la cure doreille électronique sur les gains dans le test découte, pour toutes les fréquences et dans toutes les conditions. A titre dexemple, nous rapportons un extrait des résultats de la modélisation des gains apportés par la méthode en audition aérienne droite, pour toutes les fréquences. Les tableaux (développés in extenso dans les annexes) sont très similaires pour laudition osseuse gauche et droite.
Independent: SEAN
Dependent Mth Rsq d.f. F Sigf b0 b1
DSAD1 LIN ,009 1061 9,59 ,002 4,6253 7,9E-05
DSAD2 LIN ,015 1061 16,46 ,000 4,6376 6,7E-05
DSAD3 LIN ,008 1061 8,80 ,003 4,6347 4,7E-05
DSAD4 LIN ,010 1061 11,16 ,001 4,6265 7,7E-05
DSAD5 LIN ,017 1061 17,92 ,000 4,6354 6,1E-05
DSAD6 LIN ,008 1061 8,95 ,003 4,6326 7,1E-05
DSAD7 LIN ,022 1061 23,89 ,000 4,6319 8,8E-05
DSAD8 LIN ,032 1061 35,04 ,000 4,6379 8,5E-05
DSAD9 LIN ,024 1061 26,52 ,000 4,6285 8,6E-05
DSADA LIN ,014 1061 15,33 ,000 4,6112 9,2E-05
DSADB LIN ,038 1061 42,13 ,000 4,6264 ,0002
Tableau 4 : Modélisation en croissance des gains apportés à laudition aérienne droite
Les valeurs b1 et b0 de SPSS correspondent respectivement aux coefficients a et b de léquation exposée plus haut.
Ces résultats font apparaître plusieurs éléments :
1. La valeur de la constante est relativement stable dune fréquence à lautre.
2. leffet des séances est particulièrement marqué à partir de 2000 Hz
3. la faible valeur du coefficient a sexplique par le fait quil sagit dune modélisation exponentielle. Néanmoins leffet global de la méthode, mesuré par le test découte, est de lordre de quelques décibels. Or, les décibels constituent une échelle logarithmique de base 10, de sorte quune réduction du déficit de 3db correspond à la capacité à détecter un son dintensité deux fois plus faible.
4. Du fait de la faible valeur du coefficient, la courbe est très proche dune droite (le modèle linéaire donne dailleurs aussi dexcellents résultats, quoique moins bons). Il est donc difficile de conclure que plus il y a de séances et plus les gains relatifs sont importants car cet effet est mineur.
Bien que de nombreux tests se soient révélés prédictifs à quelque égard, nous avons décider de nous focaliser ici sur les aspects proprement psychologiques, après une brève description des paramètres généraux.
Lévaluation du caractère prédictif des facteurs généraux a été établie sur la base des valeurs calculées par les modèles de régression déterminés précédemment.
Le sexe ne semble pas avoir deffet statistiquement significatif sur ces gains.
En revanche lâge au premier examen semble être un facteur important : le coefficient est négatif, ce qui indique que plus lâge initial est élevé, et plus les gains sont réduits. Autrement dit, la cure produit dautant plus deffet quelle est commencée tôt dans la vie. Lâge prédit les gains de façon significative (p< .05) pour toutes les fréquences en audition aérienne (bien que à 6000 Hz à droite, la prédiction nest que tendancielle avec p = 0,061).
En audition osseuse, la prédiction est encore meilleure puisque significative pour toutes les fréquences, à gauche (p< .01 partout) comme à droite (p< .02).
Dans toutes les configurations, leffet de lâge est le plus fort dans les basses fréquences.
Puisquil existe un effet du nombre de séances sur le test découte, et que cet effet peut probablement sexpliquer par des phénomènes centraux, on peut se demander si les tests psychologiques constituent des prédicteurs de leffet des séances.
Les résultats exposés pour ce test ont été établis par régression entre le test de Lüscher et les valeurs prédites par le modèle de croissance des gains vu plus haut. Lorsque les pentes de régressions sont calculées directement sur les gains bruts, les résultats sont similaires mais moins significatifs.
Le rang choix du bleu, qui selon Lüscher est en relation avec limage maternelle, est en forte corrélation positive avec les gains audiométriques. Autrement dit, plus le bleu est choisi tardivement et plus les gains sont forts. Cet effet est significatif à p< .0001 pour toutes les fréquences en aérien comme en osseux, ce qui montre à quel point il est marqué. Leffet persiste, quoique très légèrement atténué au second choix.
En ce qui concerne le rouge, les mêmes remarques sappliquent à ceci près que la relation est globalement un petit peu moins forte (p < .01 pour toutes les fréquences).
Cette couleur est exactement dans la relation inverse du bleu, mais avec la même force : leffet est significatif à p< .0001 pour toutes les fréquences en aérien comme en osseux. Le coefficient étant négatif, cest cette fois le choix précoce du vert qui est de bon pronostic, tandis que son choix tardif est de mauvais pronostic. Cet effet persiste, avec la même force, au second choix.
En ce qui concerne le jaune, les remarques sont similaires mais leffet est beaucoup moins marqué : il nest souvent que tendanciel et nexiste pratiquement pas en osseux (sauf à gauche dans les hautes fréquences). Néanmoins, leffet associé au choix de la couleur jaune persiste au second choix avec à peu près la même force.
Seul le second choix du gris est prédictif. La relation est négative, ce qui indique quun choix tardif est de bon pronostic. Cet effet ne se manifeste toutefois quen audition aérienne et présente lexception notable de la fréquence de 1500 Hz où leffet semble nexister ni à gauche ni à droite. À 8000 Hz, leffet nest que tendanciel à droite et non significatif à gauche
Il est cependant aussi tendanciel en osseux droit et gauche, sur de nombreuses fréquences.
Non significatif au premier choix, le rang du noir est corrélé positivement avec les gains en audition aérienne droite. Plus les sujets retardent ce choix et meilleur est le pronostic pour laudition aérienne droite.
Comme nous allons le voir, les tendances de personnalité telles que les mesure le test du MMPI semblent de bons prédicteurs de lefficacité de la cure doreille électronique mesurée par le test découte.
Afin détablir les relations, nous avons isolé les lignes du fichier telles que le sujet avait dune part passé le test du MMPI et dautre part avait passé au moins deux tests audiométriques. Le calcul des gains réalisés par les sujets entre les deux tests audiométriques a été réalisé selon la même méthode que précédemment. Nous présentons les résultats relatifs aux échelles de validité, puis ceux relatifs à la triade névrotique (Hystérie, hypocondrie, dépression) et enfin ceux relatifs à la triade psychotique (schizophrénie, paranoïa, psychasthénie).
Il existe une corrélation positive de V1 avec la plupart des fréquences en aérien gauche : les sujets font dautant plus de progrès quils ont répondu je ne sais pas initialement. Ce phénomène pourrait suggère que les mécanismes de prise de décision sont en jeu dans les seuils auditifs constatés et corrobore lhypothèse selon laquelle loreille électronique jouerait un rôle facilitateur sur la prise décision.
Cette corrélation est significative en aérien droit et en osseux gauche (p < .05 sur toutes les fréquences). En osseux droit, la relation est significative pour toutes les fréquences (p<.05) sauf à 2000 Hz où elle nest que tendancielle (p = .087). En aérien gauche leffet est moins marqué puisque pour les fréquences basses jusquà 500 Hz ainsi quà 6000 Hz, la relation nest que tendancielle.
Échelle L (Mensonge).
Il existe une corrélation négative entre le score sur léchelle L et les gains réalisés pendant la cure. Autrement dit, plus les sujets ont un score L initial faible (sujets ne cherchant pas à donner une bonne image deux-mêmes) et meilleur est le pronostic.
Cette relation est significative à p < .01 pour toutes les fréquences en aérien droit, ainsi quen osseux, et à p < .02 pour toutes les fréquences en aérien gauche.
Échelle K (désir de normalité).
Il existe une corrélation négative entre les gains obtenus et le score initial à léchelle K. Autrement dit, les sujets les plus sincères et accessibles à lautocritique ont le meilleur pronostic.
En aérien et en osseux droit la relation est surtout significative dans les hautes fréquences et nest que tendancielle à 125 et 250 Hz. En aérien gauche, beaucoup de fréquences ne sont que tendancielles. Les fréquences extrêmes sont les plus significatives 125 et 250 Hz ainsi que 6000 Hz et 8000 Hz. En osseux gauche la relation semble meilleure puisque significative partout sauf à 250 où nest que tendancielle.
Les trois échelles de la triade névrotiques sont négativement corrélées avec les gains offerts par la cure électronique. Cela ne signifie bien sûr pas que les sujets névrosés ne peuvent pas bénéficier de la cure, mais que les tendances névrotiques constituent un frein à son efficacité.
Échelle Hs (hypocondrie).
On note une relation négative significative en aérien pour toutes les fréquences (p < .02 à droite, p < .03 à gauche). En osseux, surtout droit, la relation est un peu moins marquée mais reste significative ou au moins tendancielle pour toutes les fréquences.
Assez logiquement, compte tenu du résultat global de léchelle dhypocondrie, léchelle dhypocondrie subtile est en corrélation négative avec les gains procurés par la méthode, que ce soit en audition aérienne (p < .03 pour toutes les fréquences), ou en audition osseuse (encore que quelques fréquences ne sont que tendancielles).
En résumé, les sujets ayant initialement une tendance à lhypocondrie bénéficient moins de la cure que les autres.
Échelle D (dépression).
Cette échelle manifeste une corrélation négative très forte avec les gains produits par la cure doreille électronique. Cette relation est significative sur toutes les fréquences à p < .001 en aérien droit, à p < .003 en aérien gauche, à p < .005 en osseux droit et à p < .006 en osseux gauche.
Autrement dit les sujets ayant initialement une tendance à la dépression bénéficient moins de la cure que les sujets non dépressifs.
Échelle Hy (Hystérie).
La relation négative est significative à p < .05 sur toutes les fréquences en aérien droit, surtout à 6000 Hz et 8000 Hz. En aérien gauche la relation est globalement meilleure (p< .02) et reste maximum à 6000 Hz.
En osseux, la relation est toujours marquée (p< .05 pour toutes les fréquences à droite comme à gauche), mais nest que tendancielle à 250 Hz.
En résumé, les sujets ayant initialement une tendance hystérique bénéficient moins de la cure que les autres.
Le second grand groupe de tendances classiquement repéré, la triade psychotique, donne de nouveau des relations négatives, cest à dire que les sujets psychotiques ont un plus mauvais pronostic que les sujets normaux.
Échelle de schizophrénie
Les relations négatives entre le score de tendance schizophrénique et les gains procurés par la cure sont très fortes et ne dépassent jamais p < .002 sur lensemble des fréquences et des conditions. Elles sont maximales en osseux gauche dans les fréquences élevées (notamment à 4000 Hz, p< .0001).
En résumé, les sujets ayant initialement une tendance schizophrénique bénéficient moins de la cure que les autres.
Échelle de paranoïa.
Globalement, cette échelle est corrélée négativement avec les gains procurés par la cure. P < .05 en aérien et en osseux pour toutes les fréquences. À droite, en aérien la relation est la plus forte à 250 Hz et 6000 Hz (p = .008). A gauche est la plus forte à 6000 Hz (p = .009). En osseux la fréquence de 4000 Hz donne la meilleure corrélation (p = .004 à droite, p = .003 à gauche).
Il est extrêmement remarquable que si léchelle globale de paranoïa est négativement corrélée avec les gains, cette corrélation sinverse si lon considère séparément les échelles de paranoïa subtile et obvie. En effet, on constate une corrélation positive entre le score de paranoïa obvie et les gains que procure la méthode. Cette corrélation est significative à p < .03 pour toutes les fréquences et pour toutes les conditions. En revanche, pour ce qui concerne léchelle de paranoïa subtile, la corrélation est toujours significative mais négative et, là encore pour toutes les fréquences et toutes les conditions. Le coefficient moyen que lon constate est de 0,00834 pour léchelle obvie contre 0,00737 pour léchelle subtile.
En résumé, un score élevé à léchelle de paranoïa est de mauvais pronostic, mais ce pronostic est amélioré lorsque léchelle obvie contribue beaucoup au score global et il est aggravé si léchelle subtile est élevée.
Échelle Pt (Psychasthénie).
Cest léchelle qui donne les plus fortes relations négatives : pour toutes les fréquences et dans toutes les conditions, p < .0001 : là encore, les sujets ayant initialement une tendance à la psychasthénie bénéficient moins de la cure que les autres.
Échelle AMT (anxiété).
Le score obtenu initialement à léchelle danxiété est corrélé négativement avec les gains offerts par la cure.
Cette corrélation est significative à p < .05 pour toutes les fréquences en audition aérienne, mais nest que tendancielle pour les fréquences élevées à gauche (6000 Hz et 8000 Hz). En audition osseuse, cet effet est présent mais de façon moins marqué (sur de nombreuses fréquences, les gains ne sont que tendanciellement corrélés négativement avec le score d AMT.
Échelle Rw.
Cette échelle est le fruit dune analyse factorielle quont menée des chercheurs en vue de résumer lensemble des questions du MMPI. Rw correspond au second des deux facteurs qui résument lensemble de ces données.
Ce facteur manifeste une relation positive, encore quassez faible, avec les gains que procure loreille électronique. Néanmoins cette relation étant positive, un score Rw élevé constitue un bon pronostic.
Cependant cette relation nest que tendancielle en aérien droit, et encore, seulement pour les fréquence jusquà 2000 Hz ainsi que 4000 Hz. En aérien gauche la relation est un peu meilleure puisquelle est significative (p < .05) pour la plupart des fréquences, surtout basses, et tendancielle pour les autres (sauf à 8000 Hz).
Enfin en audition osseuse la relation est encore assez faible puisque de nombreuses fréquences ne semblent pas atteindre un seuil de signification même de niveau tendanciel.
En résumé, les tests psychologiques, préférences émotionnelles ou tendances psychopathologiques, se révèlent capables de prédire de façon satisfaisante leffet du nombre de séances doreille électronique, ce qui corrobore le caractère psychologique des phénomènes mis en jeu par loreille électronique. On ne peut toutefois bien sûr pas exclure à partir des seules données présentées lhypothèse dun co-facteur qui expliquerait à la fois les phénomènes psychologiques et les mesures obtenues par le test découte.
Il est important de remarquer que la plupart des tendances névrotiques ou psychotiques constituent des indicateurs de mauvais pronostic, même si certaines comme la psychasthénie, semblent avoir un effet plus marqué. On remarquera aussi la différence de pronostic induite par la distinction entre les échelles obvies et subtiles de paranoïa : si les tendances paranoïaques sont de mauvais pronostic, ce pronostic est allégé lorsque la tendance porte sur léchelle obvie et il est aggravé lorsque la source est principalement léchelle subtile.